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19/11/2019 | FRANCE | N°18/01473

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 19 novembre 2019, 18/01473


1ère Chambre





ARRÊT N°458/2019



N° RG 18/01473 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OVCP













M. [R] [P]



C/



Mme [L] [S] [K] veuve [P]

Mme [E] [F] [P] épouse [N]

M. [D] [V] [H] [N]

Mme [I] [P] épouse [Z]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2019





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,



GREFFI...

1ère Chambre

ARRÊT N°458/2019

N° RG 18/01473 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OVCP

M. [R] [P]

C/

Mme [L] [S] [K] veuve [P]

Mme [E] [F] [P] épouse [N]

M. [D] [V] [H] [N]

Mme [I] [P] épouse [Z]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Octobre 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Novembre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [R] [P]

né le [Date naissance 7] 1964 à [Localité 16] ([Localité 16])

[Adresse 12]

[Localité 14]

Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Michel CLEMENT, Plaidant, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉS :

Madame [L] [S] [K] veuve [P]

née le [Date naissance 8] 1943 à [Localité 19]

[Adresse 11]

[Localité 16]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

Madame [E] [F] [P] épouse [N]

née le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 16] ([Localité 16])

[Adresse 13]

[Localité 17]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

Monsieur [D] [V] [H] [N]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 20]

[Adresse 13]

[Localité 17]

Représenté par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

Madame [I] [Z] née [P]

née le [Date naissance 9] 1967 à [Localité 16]

[Adresse 10]

[Localité 16]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [P] est décédé le [Date décès 6] 2015, laissant pour lui succéder :

- son épouse, [L] [K],

- ses trois enfants [R], né le [Date naissance 7] 1964, [E] épouse [N], née le [Date naissance 3] 1966, et [I] épouse [Z], née le [Date naissance 15] 1967.

Par acte authentique du 28 novembre 2005, M. [G] [P] avait vendu à sa fille, [E] et au mari de celle-ci, [D] [N], époux mariés sous le régime de la séparation de biens, un terrain situé à [Localité 17], cadastré section AV n° [Cadastre 4], d'une superficie de 2 705 m², au prix de 6 221,50 euros.

Par acte authentique du 22 décembre 2008, homologué par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 10 mai 2011, les époux Panetta-Le Cossec, mariés sous le régime de la communauté légale de meubles et acquêts, ont adopté le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au conjoint survivant.

Saisi par M. [R] [P], le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest a, le 21 juin 2010, ordonné une expertise aux fins de déterminer la valeur du terrain vendu le 28 novembre 2005 à la date de l'acte ainsi que sa valeur au jour de l'expertise. M. [T] a déposé son rapport le 3 mars 2011, concluant à une valeur de la parcelle au jour de la cession de 11 000 euros et au jour du dépôt du rapport à 190.000 euros.

Le 23 mai 2016, M. [R] [P] a fait assigner ses coïndivisaires devant le tribunal de grande instance de Brest aux fins principalement de voir qualifier la vente du 28 novembre 2005 de donation déguisée et d'ordonner en conséquence la liquidation et le partage de la succession de M. [G] [P] après rapport de la valeur de ce terrain à la succession.

Le 14 février 2018, le tribunal de grande instance de Brest a :

- débouté M. [R] [P] de ses demandes,

- rejeté la demande de dommages-intérêts des défendeurs,

- condamné M. [R] [P] à régler aux défendeurs la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

M. [P] a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de le réformer et de :

- juger que la vente faite le 28 novembre 2005 par M. [G] [P] aux époux [N] constitue une donation déguisée ;

- ordonner l'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession de feu [G] [P], décédé le [Date décès 6] 2015 à [Localité 16] ;

- désigner le président de la chambre des notaires du Finistère ou son dévolutaire pour procéder aux opérations ;

- juger qu'en application des dispositions de l'article 843 du code civil, la valeur du terrain vendu appréciée au jour le plus proche du partage devra être rapportée à la succession par les époux [N], qui seront condamnés à cet effet ;

- afin d'évaluer ledit terrain, désigner un expert avec mission :

de se rendre sur les lieux, Commune de [Localité 17], lieudit [Localité 18], terrain situé section AV n° [Cadastre 4], d'une superficie de 27 ares et 5 centiares, vendu par M. [G] [P] à Mme [E] [P] et à son époux, M. [D] [N], par acte de Me [M] [J], notaire à [Localité 16], le 27 novembre 2005 ;

de déterminer la valeur du dit bien au jour le plus proche du partage ;

- débouter les intimés de leur demande subsidiaire ;

- juger que la donation faite à M. [D] [N] devra être réduite en application des dispositions de l'article 912-2 du code civil et qu'elle ne pourra excéder 1/8ème de la quotité disponible ;

- juger que lors des opérations de liquidation partage, à défaut d'application à Mme [E] [P] épouse [N] des règles relatives au recel successoral, il y aura lieu de procéder au rapport et à la réduction de la donation reçue par elle ;

- juger qu'en application des dispositions de l'article 778 du code civil, Mme [E] [N] s'est rendue coupable d'un recel successoral et qu'en application du 2ème alinéa de cet article elle ne pourra prétendre à aucune part sur la valeur de ce bien ;

- constater que M. [R] [P] est créancier de la succession de la somme de 10.644,02 euros, représentant le montant du prêt consenti à M. [G] [P] le 29 janvier 1995 ;

- juger que le notaire chargé des opérations de liquidation devra faire 'gurer cette somme au passif de la succession de [G] [P] ;

- condamner conjointement et solidairement Mme [E] [N] et M. [D] [N] au paiement de la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse, les consorts [P] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement et de débouter M. [P] de toutes ses demandes ou, très subsidiairement, de juger que le rapport à succession ne pourrait concerner que la moitié du montant représentant la différence entre le prix de la parcelle constructible et le prix de vente ;

- condamner [R] [P] à régler à chacun des défendeurs, [L] [K] veuve [P], [E] [P] épouse [N], [D] [N] et [I] [P] épouse [Z] l'euro symbolique à titre de dommages-intérêts  ;

- condamner [R] [P] à régler globalement aux défendeurs la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par M. [R] [P] le 4 septembre 2019 et par les intimés le 13 septembre 2019.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La parcelle de 2 705 m² cédée au prix de 2,3 euros le m² par M. [G] [P] aux époux [N], le 28 novembre 2005, était issue d'une division de la parcelle de 5 972 m². Le vendeur avait acquis cette parcelle, le 8 août 2002, à titre de licitation partage de droits propres, pour le prix de 32 014,29 euros, soit un prix au m² de 15 francs (2,29 euros) le terrain nu, fixé conformément à l'évaluation qu'en avait faite, le 27 novembre 1997, M [T], expert judiciaire. Le prix de vente du bien était donc conforme au prix auquel M. [G] [P] l'avait acquis trois ans plus tôt, de sorte qu'il ne révèle pas à lui seul une intention libérale et un appauvrissement du vendeur.

Au jour de la vente du 28 novembre 2005, la parcelle cédée était toujours classée en zone non constructible, ainsi que cela est établi par le certificat d'urbanisme préalable à la vente du 27 octobre 2005. La parcelle a ensuite été classée :

- en zone AUh, lors de l'adoption du plan local d'urbanisme de [Localité 16] Métropole le 7 juillet 2006,

- en zone AUcc constructible lors de la modification du PLU le 29 juin 2007.

La modification du zonage de la parcelle AV [Cadastre 4] s'est faite dans les conditions suivantes :

- le 28 novembre 2005, la parcelle était classée en zone Ncf en application du POS approuvé le 20 janvier1995, mis à jour les 28 février1996, 3 avril 1998, 10 septembre 2002 et 26 mars 2004, et modifié les 7 juillet 1997, 11 octobre 1999, 9 octobre 2000, 14 décembre 2001, 30 juin 2003 et 28 janvier 2005 puis, après la vente, le 16 décembre 2005 ;

- le 7 juillet 2006, a été approuvé le PLU (en remplacement du POS de 1995) lequel plaçait la parcelle en zone 2AUh, qui subordonnait l'ouverture de l'urbanisation sur la zone à une modification ou à une révision du PLU ;

- le 29 juin 2007, par modification du PLU rendue opposable le 1er août 2007, la parcelle a été placée en zone 1AUcc, zone constructible.

Le plan local d'urbanisme a ensuite subi des vicissitudes puisqu'il a été annulé à deux reprises par jugements du tribunal administratif de Rennes des 22 octobre 2009 et 28 décembre 2012, le POS de 1995 reprenant alors son effet. Ceci n'a cependant pas eu de conséquence sur les droits des époux [N] qui, ayant obtenu un permis de construire le 28 mars 2008 postérieurement à la modification du PLU le 29 juin 2007 et avant son annulation le 22 octobre 2009, ont édifié leur maison sur la parcelle litigieuse.

M. [R] [P] fait valoir que dans le cadre de la procédure de révision du PLU engagée depuis l 'année 2002, de nombreux documents avaient, à l'époque de la vente, été publiés, débattus, présentés au public et mis à sa disposition, permettant d'avoir connaissance de l'imminence de l'adoption du PLU rendant constructible la parcelle AV n° [Cadastre 4]. Il soulignait notamment que dès le 22 mars 2002, le Conseil communautaire de Brest Métropole Océane avait voté la révision du plan local d'urbanisme, que le 3 février 2005, le conseil municipal de la Commune de [Localité 17] délibérait sur le projet d'aménagement et de développement durable, 'prenant acte de la tenue du débat' sur le dit PADD au sein du conseil municipal et que plusieurs réunions publiques avaient eu lieu dans le cadre de cette procédure dans le courant des mois d'avril et mai 2005.

Effectivement dans le cadre de l'adoption du PLU, des réunions publiques avaient été organisées notamment le 12 mai 2005 à [Localité 17]. Cependant le contenu de l'information donnée au public à cette occasion s'agissant du zonage prévu pour la parcelle litigieuse n'est pas établi par les pièces produites qui font essentiellement état des orientations stratégiques générales du projet d'aménagement et de développement durable sans que sa traduction concrète sur la commune de [Localité 17] ne soit précisée. C'est seulement le 1er décembre 2005, après la vente litigieuse, que le conseil municipal de [Localité 17] a émis un avis favorable au projet de plan local d'urbanisme arrêté par le Conseil de communauté le 28 octobre 2005, soit un mois avant la vente. De la pièce 31 de M. [R] [P], il ressort que ce projet plaçait la parcelle cédée en zone 2AUh, soit dans une zone non immédiatement constructible au motif que les réseaux étaient insuffisants pour permettre une urbanisation immédiate. L'enquête publique n'a été ensuite mise en oeuvre qu'entre le 6 mars 2006 au 13 avril 2006. Saisie du recours de M. [G] [P] et des époux [N] tendant au placement du fonds en zone immédiatement constructible, la commission d'enquête précisait que cette urbanisation pourrait intervenir après mise en place d'un schéma d'aménagement et modification du PLU. Suivant son avis, le Conseil de communauté rejetait leur réclamation. Il se déduit de ces éléments que seule l'enquête publique a révélé l'absence d'opposition au projet de changement de zonage de la parcelle litigieuse de zone NCf en zone 2AUh. Les documents produits établissent dès lors que si le vendeur avait connaissance de l'existence des travaux en cours et qu'un mois environ avant la vente, il avait la possibilité de connaître le projet de PLU ayant reçu un avis favorable de BMO qui plaçait sa parcelle en zone 2AUh, il ne pouvait à la date de la vente nourrir aucune certitude quant à l'adoption de ce projet et a fortiori quant au passage à court délai de sa parcelle en zone 1AUcc.

Ainsi s'il existait au jour de la vente critiquée, des chances très sérieuses d'obtenir à terme le classement de la parcelle litigieuse en zone constructible, ce classement n'avait aucun caractère certain. Le bien ne pouvait donc être vendu, à la date de l'acte, en tant que parcelle constructible, ce qui nécessairement avait une incidence sur sa valeur.

Or M. [T] a tenu compte, dans son rapport, des perspectives de constructibilité à venir de la parcelle au jour de la vente pour en fixer la valeur à 11.000 euros. M. [R] [P] reconnaissait d'ailleurs dans un mail du 21 novembre 2005, alors qu'il tentait, après l'annulation du PLU, d'obtenir la vente à son profit de la parcelle AV [Cadastre 5] également issue de la division de la parcelle AV[Cadastre 2], que ce prix de vente de 2005 était largement supérieur aux prix pratiqués pour des terres agricoles, soit 4,26 fois plus cher que les terres labourables et 12,11 fois plus cher que les prairies naturelles.

En outre, les défendeurs démontrent par les énonciations du premier rapport d'expertise de M. [T] que l'assiette du terrain vendu était encombrée de plate-forme de béton, de matériaux de chantier à l'abandon et de ronces qui pouvaient représenter une moins value dont l'expert reconnaît n'avoir pas tenu compte. Le prix de vente conforme au prix de l'acquisition qu'en avait faite le vendeur trois ans plus tôt, s'il était modique, n'avait donc pas le caractère d'une absence de prix ou d'un vil prix révélant une vente fictive et partant une donation déguisée. En l'absence de démonstration d'une quelconque simulation, la cession litigieuse ne peut dès lors être qualifiée de donation déguisée.

L'appauvrissement de M. [G] [P], qui a cédé son bien au prix auquel il venait de l'acquérir trois ans plus tôt, n'est pas non plus démontré dès lors que cet appauvrissement ne peut résulter du fait qu'il ait choisi de ne pas différer la vente pour réaliser une plus value potentielle, ni du fait qu'il ait préalablement engagé des frais dans l'intérêt de l'ensemble de son fonds et non seulement de l'une des parcelles issues de la division de celui-ci.

La demande tendant au rapport à succession d'une donation déguisée ne peut dès lors être accueillie de sorte que la demande d'ouverture des opérations de liquidation de la succession est sans objet, faute de patrimoine à liquider.

Sur la demande de fixation d'une créance au passif

Dans le dispositif de ses écritures, M. [R] [P] demande à la cour de constater qu'il est créancier de la succession de son père de la somme de 10 644,02 euros, représentant le montant du prêt qu'il lui a consenti le 29 janvier 1995 et de dire que le notaire devra faire figurer cette somme au passif de la succession.

M. [R] [P] démontre, par la lettre écrite par M. [G] [P] au Crédit foncier de France le 29 janvier 1995 et l'accusé de réception de l'établissement destinataire, avoir remis, à titre de prêt, à son père un chèque de 49 820,19 francs (7.595 euros) dont il communique la copie, lequel a été débité de son compte le 6 avril 1995. Ce prêt étant verbal, aucun terme n'en a été fixé. Or il résulte de l'article 1900 du code civil que lorsqu'un prêt d'argent a été consenti sans qu'un terme ait été fixé, il appartient au juge, saisi d'une demande de remboursement, de fixer eu égard aux circonstances et notamment à la commune intention des parties, la date du terme de l'engagement qui doit se situer à une date postérieure à la demande en justice.

En l'occurrence, il y a lieu de fixer la date d'exigibilité de la créance, marquant le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en recouvrement de la créance, à la date de la demande en justice effectuée par assignation du 23 mai 2016. La fin de non-recevoir de prescription invoquée n'est dès lors pas encourue.

En revanche, rien n'établit que le compte de M. [G] [P] avait été alimenté par le chèque de 20 000 francs débité du compte de son fils le 1er février 1995. Cette preuve n'est pas rapportée par le chèque de 9 076,60 francs émis par le de cujus le 27 mars 1995 et débité le 6 avril ou par celui de 5 582,21 francs en date du 8 juin 1995. La télécopie adressée par [G] [P] à son fils le 22 mars 1995 ne mentionne pas davantage le versement de cette somme de 20 000 francs.

La preuve de la créance étant établie à concurrence de la somme de 7 595 euros, il incombe au débiteur ou à ses ayants droit, soit en l'occurrence à Mme [L] [K] veuve [P], de démontrer qu'il a été procédé à son paiement.

Le tribunal a déduit le paiement de cette dette de la motivation suivante contenue dans l'arrêt du 10 mai 2011 ayant pour objet de contester l'allégation de volonté de discrimination avancée par M. [R] [P] à l'encontre de ses parents pour s'opposer à leur projet de changement de régime matrimonial :

'Il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats que M. et Mme [P] ont, au mois d'août et septembre 2002, remis à leurs deux filles et aux époux de celles-ci une somme de 7 622 € et à leur fils [R] une somme de 8 385 €, que Mme [L] [P] a partagé entre ses trois enfants une somme d'argent au mois de juin 2005 et a remis à chacun d'eux un chèque d'un montant de 10 671,43 € et qu'en 2009, M. [P], par avenant à ses contrats d'assurance vie, a désigné, en qualité de bénéficiaire, son épouse et, à défaut, chacun des enfants de son fils [R]' .

Plus loin, la cour faisant référence à cette motivation précisait : 'étant rappelé, ainsi qu'il vient d'être énoncé ci-dessus qu'à l'occasion de donations faites à leurs enfants, M. et Mme [P] ont remis à chacun d'eux des sommes équivalentes.'

Il se déduit de cette motivation que les époux [G] [P] présentaient le versement de la somme de 8 385 euros comme une donation faite à leur fils afin d'éviter tout traitement discriminatoire à son détriment. Ils reconnaissaient ainsi implicitement mais nécessairement que ce versement n'avait pas eu pour objet le paiement d'une dette leur incombant. C'est dès lors à tort que les premiers juges ont estimé que cette remise, dont le montant ne correspondait d'ailleurs pas à la somme prêtée, était intervenue en remboursement du dit prêt.

En application de l'article 1526 du code civil, la communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux présentes et futures. L'obligation à paiement du prêt incombe donc à Mme [L] [K] veuve [P]. Néanmoins aucune demande de condamnation n'est formée à son encontre, M. [R] [P] sollicitant seulement l'inscription de la dette au passif de la succession de son père qui n'est pas ouverte faute de patrimoine à liquider. Le jugement critiqué ne peut donc qu'être confirmé.

L'exercice d'une action en justice, même non fondée, n'est pas en soi fautive, en l'absence d'éléments caractérisant une volonté de nuire ou un abus manifeste du droit d'agir. La demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée.

L'équité ne commande pas une nouvelle application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 14 février 2018 par le tribunal de grande instance de Brest ;

Y ajoutant,

Rejette la demande reconventionnelle de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; 

Condamne M. [R] [P] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/01473
Date de la décision : 19/11/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°18/01473 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-19;18.01473 ?
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