1ère Chambre
ARRÊT N°454/2019
N° RG 18/01372 - N° Portalis DBVL-V-B7C-OUZZ
M. [C] [A]
Mme [U] [O] épouse [A]
C/
M. [R] [U]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2019
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,
Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 30 Septembre 2019 devant Madame Françoise COCCHIELLO, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Novembre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [C] [A]
né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES
Madame [U] [O] épouse [A]
née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [R] [U]
né le [Date naissance 3] 1939 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
Représenté par Me Bertrand FAURE de la SELARL JURIS'ARMOR, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte au rapport de Maître [K], notaire à Saint-Brieuc , en date du 26 février 2008, M. [C] [A] et Mme [U] [O] épouse [A] ( les époux [A]) ont acquis une maison individuelle sise à [Adresse 3], ledit immeuble figurant au cadastre sous la référence section BT n°[Cadastre 1].
M. [R] [U] est propriétaire de la maison voisine située [Adresse 4] et cadastrée section BT n°[Cadastre 2].
Les deux maisons sont contiguës.
Le cellier à l'Est de la propriété [A] possède un chêneau et une gouttière assurant l'évacuation des eaux pluviales vers l'arrière de la propriété.
Faisant valoir que M. [U] avait fait poser un coude de telle sorte que les eaux de pluie recueillies sur le versant de sa toiture s'écoulent dans la gouttière et provoque le débordement du collecteur situé sur leur propriété et des infiltrations sur les murs de leur maison, et après l'échec de négociations amiables, les époux [A] ont sollicité, en référé, la désignation d`un expert judiciaire.
Par ordonnance du 23 octobre 2014. le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a ordonné une mesure d`expertise. L`expert, Monsieur [P], a déposé son rapport le 30 juin 2015.
Par acte du 26 janvier 2016, les époux [A] ont fait assigner M. [R] [U] devant le tribunal d`instance de Saint-Brieuc afin d'obtenir la condamnation sous astreinte de ce dernier à retirer le coude dirigeant les eaux pluviales du versant sur rue de son habitation dans le chêneau situé sur leur fonds.
Par jugement en date du 18 décembre 2017, le tribunal d'instance de Saint Brieuc a :
- Rejeté l'exception d'incompétence du tribunal d'instance soulevée par M. [U] ;
- Déclaré prescrite l'action engagée par les époux [A] ;
- Débouté, en conséquence, les époux [A] de leurs demandes ;
- Débouté les parties de leurs demandes d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné les époux [A] au paiement des entiers dépens de la présente instance ;
- Rejeté la demande en exécution provisoire.
M. [C] [A] et Mme [U] [O] épouse [A] ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe le 26 février 2018.
Par conclusions du 6 septembre 2018, les époux [A] demandent à la cour, sur le fondement de l'article 681 du code civil, de :
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Dire et juger que l'action des époux [A] n'est pas prescrite,
- Dire et juger recevables et bien fondés les époux [A] en leur demande tendant à interdire à M. [R] [U] de faire verser les eaux pluviales sur leur fonds,
En conséquence,
- Condamner M. [R] [U] à retirer le coude dirigeant les eaux pluviales du versant sur rue de son habitation dans leur chêneau dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et passé ce délai, sous astreinte de 100€ par jour de retard,
- Condamner M. [R] [U] à verser aux époux [A] une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice par eux subi,
- Condamner M. [R] [U] à verser aux époux [A] une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Débouter M. [R] [U] de toutes ses demandes,
- Le condamner aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire.
Par conclusions du 3 août 2018, M. [R] [U] demande à la cour, sur le fondement des articles 640 et 641 du code civil, de :
- Dire et juger mal fondé l'appel interjeté par les époux [A] à l'encontre du jugement rendu le 18 décembre 2017 par le Tribunal d'instance de Saint-Brieuc,
- Voir confirmer pour les causes avant-dites en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 décembre 2017 par le Tribunal d'Instance de Saint-Brieuc,
Subsidiairement,
- Voir homologuer la solution de réalisation d'une canalisation d'eaux pluviales en surplomb aérien préconisée par M. [P],
Plus subsidiairement encore,
- Condamner les époux [A] à payer à M. [U] la somme de 584,13 € au titre de la plus-value,
En tout état de cause,
- Dire et juger tant irrecevable que mal fondée la demande en paiement de dommages-intérêts formée par les époux [A],
- Les en débouter
- Condamner les époux [A] à payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2019.
EXPOSE DES MOTIFS
Considérant que les époux [A] critiquent le rapport de l'expert qui n'a pas considéré les travaux réalisés par M. [U] après la construction de son immeuble, notamment par la pose d'un bardage en ardoises fibrociment, qui n'a pas considéré le préjudice qui résulte pour eux du détournement des eaux de pluie du fonds [U] sur leur propre fonds par les débordements qu'ils provoquent,
Qu'ils contestent le fait volontaire de M. [U] qui a décidé de faire écouler les eaux pluviales de son fonds sur leur fonds par la création d'un coude, invoquent les dispositions de l'article 681 du Code civil et refusent l'application erronée du premier juge des articles 640 et 641 du Code civil, qu'ils soutiennent qu'il n'y a ni servitude de surplomb, ni servitude d'écoulement ; que leur action destinée à faire cesser le fait de M. [U] n'est pas prescrite,
Considérant que M. [U] précise que, selon l'expertise, le coude de la gouttière dont les époux [A] demandent la suppression est en place depuis la construction de la maison [U] achevée le 5 juillet 1972 et qu'il ne résulte aucune gène ni désagrément pour les époux [A], qu'il peut légalement se prévaloir d'une servitude de surplomb pour l'écoulement des eaux pluviales sur le fonds des époux [A] depuis trente ans et soutenir que, selon les dispositions de l'article 2227 du code civil, l'action réelle immobilière en suppression du coude est prescrite depuis le 5 juillet 2002,
Mais considérant que l'expert commis a constaté (page 6 de son rapport) que 'Le fonds [A] recueille les eaux de pluie du versant avant de la propriété [U] et que le fonds [U] recueille les eaux pluviales du versant arrière de sa toiture ainsi que les eaux de ruissellement de partie sur cour du bardage amiante ciment' ; qu'il a rapporté que M. [A] a déclaré avoir supprimé une canalisation d'évacuation pluviale en pignon de la propriété [U] qui collectait les eaux pluviales du versant côté route pour les ramener sur la descente arrière ; qu'il a constaté que cette canalisation était alors posée sur le cabanon existant mitoyen du pignon [U] que M. [A] a surélevé de 40 à 50 cm, que cette canalisation était accrochée aux crochets de bardage, pour partie posée sur couverture appentis existant avant travaux de 2009, que 'simultanément, les eaux du versant avant de la propriété [U] sont venues de ce fait se déverser dans le chêneau encastré et donc sont reprises de ce fait par le regard arrière sur le fond [A], en modification de l'état existant depuis 1971", que l'expert a ajouté que 'les eaux pluviales du fonds [U] sont acheminées sur le fonds [A] pour la partie versant avant de la toiture [U] depuis les travaux réalisés par les époux [A] qui ont modifié l'état existant depuis l'origine, antérieurs aux travaux [A]'; que l'expert a précisé que ' les travaux réalisés par M. [A] en 2009 sont à l'origine de la modification de l'écoulement des eaux' et que répondant aux dires des époux [A], il a indiqué que ' M. [U] n'a pas modifié le coude, et sa datation repose sur les déclarations des parties. Nous avons constaté un coude d'existence ancienne, justifiant un écoulement anormal utilisant le chêneau de la propriété [A], en contradiction avec les règles de droit demandant que les propriétaires mitoyens ne renvoient pas leurs eaux de ruissellement sur le fonds voisin.' et a précisé que 'cette anomalie est corrigée par la solution qu'il a proposée',
Considérant que les parties discutent l'époque à laquelle a été installé le coude ; que rien, notamment l'attestation de Mme [G], ne permet de soutenir que le coude a été installé sur la propriété [U] moins de trente années avant la demande de suppression formulée par les époux [A] et que les constatations de l'expert sont erronées; que la présence du coude depuis plus de 30 ans sans qu'il ne soit fait état du moindre incident lors de cette période par les parties, ou encore d'une quelconque interruption de la prescription est établie et le surplomb en résultant est manifeste au regard des constatations de l'expert et de la photographie versée aux débats ; que M. [U] peut ainsi invoquer la prescription acquisitive trentenaire d'une servitude de surplomb ; que toutefois, une telle servitude ne lui permet pas de faire écouler grâce à ce coude les eaux recueillies sur le fonds voisin et qu'il doit lui être interdit de le faire ;
Considérant que les époux [A] demandent la suppression du coude renvoyant les eaux pluviales sur leur fonds ; qu'en raison de l'acquisition de la servitude de surplomb créée par ce coude, il ne peut être fait droit à une telle demande,
Considérant en revanche qu'il y a lieu d'ordonner à M. [U] non pas de réaliser une canalisation d'eaux pluviales en surplomb aérien préconisée par M. [P] que les époux [A] n'acceptent pas, quand bien même ce type de canalisation est communément accepté dans les règles de la construction mais qui ajoute au surplomb actuel ; qu'il incombe à M. [U] de faire réaliser les travaux décrits selon le devis technique joint au dire du 9 avril 2015 et en annexe 2 du rapport de M. [P], d'un montant de 996, 63 Euros tout en précisant que la plus value ne peut être supportée par les époux [A], en raison des motifs ci-dessus exposés ; que toutefois, M. [U] ne sera pas condamné à réaliser ces travaux que les époux [A] ne demandent pas ;
Sur la demande de dommages et intérêts en cause d'appel des époux [A] :
Considérant que les époux [A] font état de l'existence d'un préjudice résultant du ' refus de M. [R] [U] de dériver les eaux pluviales de la façade de sa maison de manière à ce qu'elles en s'écoulent plus sur le fonds de M. et Mme [A]', et expliquent que leur demande de dommages-intérêts est recevable en cause d'appel en application des termes de l'article 566 du Code de procédure civile ;
Considérant que M. [U] expose que cette demande, nouvelle en cause d'appel, est irrecevable, et souligne que l'expert n'a retenu aucun préjudice,
Mais considérant qu'aux termes de l' article 566 du code de procédure civile, 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.' ; qu'en l'espèce, la demande de dommages-intérêts des époux [A] est l'accessoire de leur demande initiale,
Considérant que les époux [A] ne précisent pas quel est leur préjudice et n'ont d'ailleurs fait état d'aucun préjudice devant l'expert lequel n'en a constaté aucun ; qu'ils invoquent le refus de M. [U] de dériver ses eaux pluviales mais la cour constate qu'ils ont eux-même refusé la solution proposée par l'expert et acceptée par M. [U] permettant de modifier l'écoulement des eaux pluviales sur leur fonds,
Considérant qu'ils doivent être déboutés de leur demande ;
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement sur la prescription,
Déclare recevable l'action des époux [A] tendant à interdire à M. [U] de verser les eaux pluviales sur leur fonds,
Déboute les époux [A] de leur demande de suppression du coude dirigeant les eaux pluviales du versant sur rue de son habitation dans leur chêneau,
Y additant,
Déboute les époux [A] de leur demande de dommages-intérêts formée devant la cour,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne les époux [C] et [U] [A] à supporter la totalité des dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT