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01/10/2019 | FRANCE | N°17/07434

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 01 octobre 2019, 17/07434


1ère Chambre





ARRÊT N°362/2019



N° RG 17/07434 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OKTZ













Mme [R] [C] [L] [S] veuve [L]

Mme [K] [W] [S] épouse [G]

Mme [N] [Y] [O] [V] [S] veuve [Z]



C/



COMMUNE DE SARZEAU





















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2019





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport



GR...

1ère Chambre

ARRÊT N°362/2019

N° RG 17/07434 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OKTZ

Mme [R] [C] [L] [S] veuve [L]

Mme [K] [W] [S] épouse [G]

Mme [N] [Y] [O] [V] [S] veuve [Z]

C/

COMMUNE DE SARZEAU

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Juin 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Octobre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

Madame [R] [C] [L] [L] née [S]

née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES

Madame [K] [W] [G] née [S]

née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES

Madame [N] [Y] [O] [V] [Z] née [S]

née le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

La Commune de SARZEAU, prise en la personne de son Maire domicilié en exercice

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-François ROUHAUD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau de RENNES

Par acte authentique du 11 février 1992, [S] [B] veuve [S], [R] [S] épouse [L], [N] [S] épouse [Z] et [K] [S] épouse [G] (les consorts [S]) ont échangé avec la commune de Sarzeau deux parcelles dont elles étaient propriétaires sur la commune de Sarzeau contre trois parcelles appartenant à la commune, dont l'une située au lieudit '[Adresse 5]' et cadastrée au numéro [Cadastre 1] de la section BK pour une contenance de 2.115 m2.

[S] [B] veuve [S] est décédée le [Date décès 1] 2008.

Le 6 octobre 2010, les consorts [S], ont déposé une demande de certificat d'urbanisme à la mairie de [Localité 1] pour un projet de construction de 400 m2 de SHON sur la parcelle située lieudit '[Adresse 5]'. La commune a délivré le 8 novembre 2010 un certificat négatif, précisant que ce terrain ne peut pas être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée.

Le 14 janvier 2011, les consorts [S] ont formé un recours gracieux auprès de la mairie, lequel a été implicitement rejeté.

Les consorts [S] ont saisi le tribunal administratif de Rennes pour demander l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2010. Cette procédure a fait l'objet d'une radiation.

Un recours indemnitaire a été introduit devant le tribunal administratif de Rennes. Par jugement du 13 décembre 2013, la juridiction administrative a rejeté la requête des consorts [S] tendant à l'indemnisation de leur préjudice résultant de l'impossibilité de construire comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître en tant qu'elle met en cause la responsabilité de la commune de Sarzeau à raison du contrat d'échange conclu le 11 février 1992.

Les consorts [S] ont réalisé une nouvelle demande de certificat d'urbanisme le 1er juillet 2014.

Suivant certificat d'urbanisme du 6 août 2014, la mairie de [Localité 1] a rendu un avis négatif.

Par acte du 20 janvier 2015, les consorts [S] ont assigné la Commune de Sarzeau devant le tribunal de grande instance de Vannes.

Par jugement du 7 mars 2017, le tribunal de grande instance de Vannes a:

-jugé que les demandes formulées par [R] [S] veuve [L], [K] [S] épouse [G] et [N] [S] épouse [Z] sont prescrites et irrecevables ;

-débouté [R] [S] veuve [L], [K] [S] épouse [G] et [N] [S] épouse [Z] de toutes leurs demandes ;

-condamné [R] [S] veuve [L], [K] [S] épouse [G] et [N] [S] épouse [Z] aux entiers dépens et à verser 2000 € à la commune de Sarzeau en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-rejeté les plus amples et contraires demandes ;

Mmes [S] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 octobre 2017.

Vu les conclusions du 21 juin 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de Mmes [S] qui demandent à la cour de :

-déclarer Mme [R] [L], Mme [K] [G] et Mme [N] [Z] recevables et bien fondées en leur appel,

En conséquence,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Vannes le 7 mars 2017,

-déclarer l'action de Mme [R] [L], Mme [K] [G] et Mme [N] [Z] non prescrite et donc recevable,

Vu l'erreur sur les qualités substantielles des terrains échangés par la Commune de Sarzeau,

Vu, en conséquence, l'éviction grave et définitive de toute possibilité de construire sur ledit terrain ou de le céder avec cette qualité.

En conséquence, les parties ne pouvant être replacées au même et semblable état où elles étaient avant de contracter,

-dire que la Commune de Sarzeau est seule responsable de «'l'absence de cette erreur'» sur les qualités substantielles du contrat d'échange conclu entre elle et les consorts [S] et qu'elle sera tenue d'indemniser les trois appelantes de l'entier préjudice subi par elles, comme il est dit ci-après.

A titre subsidiaire:

-dire et juger que la nature inconstructible du plus grand des terrains échangés par la Commune de Sarzeau, tant par l'effet de la loi littoral que par le classement par elle dudit terrain en zone NS, emporte l'éviction définitive des trois concluantes de la pleine propriété normale de la parcelle BK [Cadastre 1] ou ZH [Cadastre 2], caractérisée par l'impossibilité d'y édifier des constructions ou encore de la céder à un prix équivalant à celui d'un terrain constructible.

-dire que la Commune de Sarzeau est définitivement responsable de cette situation, notamment à la suite du classement de la parcelle BK [Cadastre 1] ou ZH [Cadastre 2] en zone NS opérée le 30 septembre 2013.

En toutes hypothèses et en conséquence :

-condamner la Commune de Sarzeau représentée par son Maire en exercice, à payer à Mme [R] [L], Mme [K] [G] et Mme [N] [Z], la somme de 344 000 € en tout soit 114 666,66 € à chacune d'elles au titre de leur préjudice matériel, moral et fiscal de l'éviction qu'elle subissent à la suite de la non constructibilité du terrain BK [Cadastre 1] ou ZH [Cadastre 2].

-débouter la Commune de Sarzeau de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

-condamner la Commune de Sarzeau à payer à Mme [R] [L], Mme [K] [G] et Mme [N] [Z] une somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 13 avril 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la Commune de Sarzeau qui demande à la cour, sur le fondement de :

-confirmer le jugement dans toutes ses dispositions plus amples et contraires,

A titre principal,

-dire et juger que les demandes formulées par Mme [R] [S], Mme [K] [S] et Mme [N] [S] sont prescrites et irrecevables,

-débouter Mme [R] [S], Mme [K] [S] et Mme [N] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,

A titre subsidiaire,

-dire et juger que les demandes formulées par Mme [R] [S], Mme [K] [S] et Mme [N] [S] sont mal fondées,

-débouter Mme [R] [S], Mme [K] [S] et Mme [N] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,

A titre infiniment subsidiaire,

-débouter Mme [R] [S], Mme [K] [S] et Mme [N] [S] de leurs demandes ou titre du préjudice fiscal et moral,

-dire que le préjudice d'éviction ne pourra être chiffré au-delà de la valeur retenue par l'administration, soit 9.680€ TTC,

-débouter Mme [R] [S], Mme [K] [S] et Mme [N] [S] de toute autre demande.

En tout état de cause,

-condamner in solidum Mme [R] [S], Mme [K] [S] et Mme [N] [S] à payer à la Commune de Sarzeau une indemnité de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la prise en charge des dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :

Le jugement entrepris a déclaré l'action prescrite au motif que l'action engagée est soumise au délai quinquennal de l'article 1304 du code civil, et que le délai est expiré depuis le 19 juin 2013 à l'issue de la loi du 17 juin 2008.

Mesdames [S] soutiennent que:

*leur action est une action réelle immobilière qui se prescrit par trente ans.

*si leur action est considérée comme personnelle et mobilière, le délai de prescription, trentenaire au jour de l'échange, est réduit à 5 ans en application de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, de sorte que le nouveau délai expirait le 19 juin 2013 sauf interruption ; qu'en l'espèce, ce délai a été interrompu par la saisine du tribunal administratif en 2011.

*si le délai a couru à compter 22 novembre 2010 qui est la date de notification du certificat négatif du 8 novembre 2010, il expirait le 22 novembre 2015, de sorte que l'action diligentée le 20 janvier 2015 n'est pas prescrite;

*la nullité de l'acte d'échange trouve son fondement dans l'erreur sur les qualités substantielles et l'erreur n'a été révélée que le 8 novembre 2010.

La commune de Sarzeau répond que :

*Mesdames [S] ont fondé leur action en première instance sur l'article 1131 du code civil et ont demandé au tribunal de juger que l'acte d'échange était dénué de cause ; la sanction du défaut de cause étant la nullité de la convention, l'action était soumise au délai quinquennal de l'article 1304 du code civil et ce délai court à compter de la conclusion de l'acte ;

*depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, et par application des dispositions de l'article 26 de cette loi, le délai expirait en l'espèce le 19 juin 2013, sans être interrompue par l'action diligentée devant le juge administratif qui était saisi d'une action différente dans son objet ;

Ceci étant exposé :

Mesdames [S], quels que soient les moyens invoqués au soutien de leur action, ont dès leur acte introductif d'instance engagé une action en responsabilité contre la commune de Sarzeau aux fins d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice. Dès lors, cette action est une action personnelle.

Il résulte des dispositions de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, Mesdames [S] demandent l'indemnisation du préjudice qu'elles disent subir du fait de la non constructibilité de la parcelle échangée. Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle elles ont eu connaissance du caractère inconstructible de cette parcelle.

Il ressort des lettres des 15 janvier, 8 octobre et 11 octobre 1990 échangées entre d'une part, la mairie de [Localité 1] et d'autre part, Mesdames [S] et [R] [S] que, la Mairie de [Localité 1] ayant ouvert un chantier et commencé de construire sur un terrain appartenant à l'indivision [S], elle a souhaité procéder à un échange de parcelles. Il ressort plus particulièrement des lettres du 15 janvier et 8 octobre 1990 de la mairie de [Localité 1], qu'il était entendu que la commune mettait à la disposition des consorts [S] une parcelle de taille suffisante pour y construire l'implantation de trois maisons et que les parcelles échangées par la commune étaient constructibles. Ce fait n'est pas contesté par la commune qui, en page 11 de ses conclusions, écrit qu'au moment de l'échange, il n'y avait pas de doute pour elle quant au caractère constructible des parcelles qu'elle cédait aux consorts [S].

Ainsi, ce n'est que le 22 novembre 2010, par la notification du certificat d'urbanisme négatif, que Mesdames [S] ont eu connaissance de l'impossibilité pour elles de construire une nouvelle habitation sur la parcelle au lieu-dit Brehuidic cadatrée BK [Cadastre 1].

Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'appliquer les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, que le délai de prescription pour agir a couru à compter du 22 novembre 2010. Ce délai de cinq années expirait le 22 novembre 2015, de sorte que l'action introduite le 20 janvier 2015 est antérieure à l'expiration du délai de prescription.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable.

Sur la responsabilité de la commune de Sarzeau :

Mesdames [S] soutiennent que :

*la clause incluse à l'acte d'échange, aux termes de laquelle les «'co-échangistes font leur affaire personnelle sans recours les uns contre les autres de toutes dispositions d'urbanisme et de toute limitation administrative au droit de propriété susceptible d'intéresser actuellement les biens par eux reçus en échange, ainsi que de toutes modifications qui pourraient y survenir par la suite'» a pour effet de retirer toute cause au contrat dès lors que celui-ci avait pour objet de réparer la faute de la commune qui, par voie de fait, avait entrepris un chantier sur les parcelles des consorts [S] ;

*ce n'est pas le classement de la zone au PLU de 1999 qui a rendu la parcelle inconstructible mais la loi «'littoral'» du 3 janvier 1986 qui était déjà en vigueur ;

*plus récemment encore, le 30 septembre 2013, la commune a modifié le zonage de la parcelle qui se trouve désormais en zone NS de sorte que toute construction nouvelle y est devenue interdite ;

*l'impossibilité de construire sur le terrain est constitutif d'une éviction ;

*le contrat est nul en raison de l'erreur sur ses qualités substantielles.

La commune de Sarzeau répond que:

*les parcelles échangées avaient une valeur équivalente, nécessairement estimée au regard de leur caractère constructible au jour de l'échange ;

*la loi «'littoral'» n'a pas été suivie de décret d'application, de sorte que les conditions d'application de cette loi ont été prétoriennes et la position de la juridiction administrative en 1992 n'était pas la même que celle retenue pour le terrain en cause depuis l'arrêt du Conseil d'Etat «'Commune du Lavandou'», rendu le 27 septembre 2006 ;

*tel est le sens de la clause insérée au contrat d'échange lorsqu'elle indique qu'aucun recours ne pourrait intervenir entre les co-échangistes «'au regard des modifications qui pourraient survenir par la suite'» ;

*le contrat d'échange n'était entaché d'aucune erreur.

Ceci étant exposé :

La loi dite «'littoral'» du 3 janvier 1986 a créé un article L146-4 du code de l'urbanisme en vigueur jusqu'au 10 juillet 1999, et rédigé ainsi : «I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.(...)'»

'Le certificat d'urbanisme négatif du 8 novembre 2010 vise le code de l'urbanisme et notamment ses articles L410-1, R410-1 et suivants, le plan d'occupation des sols approuvé le 30 juin 1999 et modifié le 21 décembre 2009. Il y est considéré par le représentant de la commune que : 'L'article L146-4-I du code de l'urbanisme dispose que l'extension de l'urbanisation dans les communes littorales doit se réaliser, soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ;

[Adresse 5] se décompose en deux parties construites situées à l'Ouest et à l'Est du terrain objet du projet ; la partie située à l'Est du terrain est composée d'un bâti ancien aligné sur des parcelles étroites, elle n'accueille pas d'équipements publics, ne présente pas d'aménagement de type urbain et est composé d'un habitat caractéristique des hameaux de la presqu'île de Rhuys ; la partie située à l'Ouest du terrain est composée d'un bâti lâche de type pavillonnaire plus récent que la partie située à l'Est en faible nombre, elle ne présente pas d'aménagement de type urbain et cet ensemble constitue donc un bâti diffus ; le projet se situe entre un hameau côté Est et un ensemble bâti diffus côté Ouest ; ces ensembles bâtis ne peuvent donc pas être qualifiés d'agglomération ou de village au sens de la loi littorale ; le projet se situe en extension de ces ensembles déjà bâtis ne permettant pas de considérer le projet comme une simple densification d'un espace déjà bâti ; le projet ne peut, par ailleurs, pas, du fait de ses caractéristiques, être apprécié comme constituant hameau nouveau intégré dans l'environnement.

Le certificat expose en son article 2 que : «le terrain est situé dans une commune dotée d'un plan d'occupation des sols susvisé.(...)

zone et coefficient d'occupation des sols :

-zone Uba Cos 0.2

Le terrain est concerné par les dispositions de la loi du 3 janvier 1986 (dite loi littoral) relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, en plus des dispositions du document d'urbanisme applicable de la commune (POS/PLU).'

Le certificat stipule en son article 4 que «lors du dépôt d'une déclaration préalable d'une demande de permis, un sursis à statuer pourra être opposé en raison de : Révision du document d'urbanisme.»

Il ressort du certificat d'urbanisme négatif du 6 août 2014 qu'à l'issue du PLU du 30 septembre 2013, la parcelle est classée en zone NS qui ne permet pas la construction d'habitations nouvelles.

Il ressort de ces éléments qu'en 1992 au moment de l'échange, la parcelle cédée par la commune était constructible pour une habitation, cette construction n'ayant été exclue que par le PLU de 2013. Toutefois, la parcelle n'était constructible qu'aux conditions de la loi dite «'littoral'» déjà en vigueur, et reprise au certificat négatif du 8 novembre 2010.

Ainsi, même si le premier classement de la zone date de 1999, les dispositions de la loi «'littoral'» étaient alors en vigueur dans les mêmes termes, et la commune ne démontre pas le contraire en se bornant à invoquer des évolutions prétoriennes.

Il est constant que la volonté des parties étaient de céder aux consorts [S] une parcelle constructible pour trois maisons d'habitation et la commune connaissait les dispositions de la loi du 3 janvier 1986 qu'elle devait appliquer. En cédant comme constructible pour une maison d'habitation une parcelle indisponible pour le projet de ses co- échangistes, la commune a vidé le contrat de son objet qui était de réparer sa faute résultant de ses constructions sur les parcelles des consorts [S]. Elle a ainsi commis une nouvelle faute dont elle doit réparation aux consorts [S], et dès lors que la constructibilité pour une maison d'habitation était une condition substantielle du contrat, la commune ne peut utilement alléguer pour s'exonérer de sa responsabilité que les parcelles échangées ont été préalablement estimées à des valeurs équivalentes.

Sur le préjudice :

Mesdames [S] estiment que leur préjudice se décompose ainsi pour chacune d'entre elles :

-montant de la valeur vénale du bien déclaré à l'administration fiscale lors de la succession : 270 000 € dont elle soustraient la valeur réelle du terrain : 10 575 €. Solde 259 425 € arrondi à 260 000 € soit 86 666,66 € pour chacune.

-préjudice moral : 25 000 € pour chacune.

-préjudice fiscal résultant de la différence du montant des droits de succession qu'elles ont versé et de celui qu'elles auraient versé si elles avait déclaré le terrain à sa valeur réelle : 3 000 €

La commune de Sarzeau répond que:

*dans le cadre d'opération de remembrement, la parcelle a été évaluée par l'administration à la somme de 9 680 €, le préjudice d'éviction invoqué par les consorts [S] ne peut être supérieur à ce montant ;

*la commune n'est pas responsable de la valeur déclarée par les consorts [S] à l'administration fiscale ;

*le préjudice moral n'est pas justifié.

Ceci étant exposé :

Sur le préjudice financier :

Le préjudice que Mesdames [S] qualifient à tort de préjudice d'éviction est en réalité le préjudice résultant de la cession de parcelles constructibles contre une parcelle qui ne leur permet pas de réaliser leur projet de construction. Le fait dommageable étant réalisé en 1992, le préjudice financier est né à cette date. S'il doit être apprécié à la date de la présente décision, il ne peut être calculé à partir de la somme déclarée à l'administration fiscale après le décès de Madame [B] en 2008, sans tenir compte de la valeur de la parcelle échangée à la date de l'échange.

Le montant de la réparation doit être calculé en tenant compte des paramètres suivants:

Il ressort de l'acte d'échange que les consort [S] ont cédé deux parcelles évaluées ensemble à 280 000 francs contre trois parcelles évaluées ensemble au même prix. Parmi elles, la parcelle litigieuse à [Adresse 5] de 2 115m². Dans sa lettre de pourparlers du 8 octobre 1990 en page 2, la commune indique que le prix au mètre carré d'une parcelle à [Adresse 5] est de 80 francs, y compris le remblaiement du terrain. Ainsi, la part de la parcelle litigieuse dans la totalité de l'évaluation doit être estimée à 169 200 francs.

En tenant compte de l'inflation depuis l'année de l'échange (site Insee), la conversion en euros est de 37 347,50 €.

Dans le cadre d'opérations de remembrement en 2011, la parcelle a été évaluée à la somme de 10 575 €, au moment de son abandon.

Le préjudice financier pour les consorts [S] qui résulte de cette différence est de 26 772,50 €. Le préjudice financier pour chacune des filles de Madame [B] est de 8 924,'16 €.

Sur le préjudice moral :

Les consorts [S] qualifient de préjudice moral «l'impossibilité pour elles de jouir de leur bien en y édifiant une maison». Ce préjudice de jouissance est particulièrement important compte tenu de ce que l'échange avait pour vocation de leur permettre de conserver dans leur patrimoine une parcelle permettant ce projet, nonobstant la faute de la commune qui avait construit sur leurs parcelles. Ce préjudice sera justement réparé à hauteur de 69 000 € soit 23 000 € pour chacune des trois soeurs.

Sur le préjudice fiscal :

En 2008, lors de la succession de Madame [B], les consorts [S] ont déclaré aux services fiscaux que leur bien avait une valeur de 270 000 €. Cette déclaration avait été précédée en 2007 d'un avis d'un agent immobilier qui avait estimé le bien entre 330 000 € et 350 000 €.

En 2007 comme en 2008, le bien était soumis aux prescriptions de la loi «'littoral'», outre celles du POS de la commune, en vigueur depuis 1999. Il était ainsi aisément vérifiable si le terrain pouvait être considéré comme terrain constructible et à quelles conditions. Il n'apparaît pas de l'avis de l'agent immobilier ni d'aucune pièce produite aux débats que les déclarantes ont effectué ces vérifications avant de faire leur déclaration aux services fiscaux.

Il en résulte que l'erreur sur la valeur vénale du terrain, commise par les héritières en 2008, ne présente pas de lien de causalité avec la faute de la commune de Sarzeau, commise seize années auparavant.

Mesdames [S] seront déboutées de ce chef de préjudice.

Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sarzeau sera condamnée à verser à Madame [R] [L], Madame [K] [G] et Madame [N] [Z] la somme totale de 95 772,50 €, soit 31 924,16 € à chacune à d'entre elles.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant par arrêt contradictoire;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau :

Déclare recevables les demandes de Madame [R] [L], Madame [K] [G] et Madame [N] [Z] ;

Condamne la commune de Sarzeau à payer à Madame [R] [L], Madame [K] [G] et Madame [N] [Z] la somme totale de 95 772,50 €, soit 31 924,16 € à chacune d'entre elles ;

Déboute la commune de Sarzeau de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;

Y ajoutant ;

Condamne la commune de Sarzeau à payer à Madame [R] [L], Madame [K] [G] et Madame [N] [Z] la somme totale de 5 000 € au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/07434
Date de la décision : 01/10/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°17/07434 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-01;17.07434 ?
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