Contestations Honoraires
ORDONNANCE No135
No RG 19/00647 - No Portalis DBVL-V-B7D-PPZZ
Mme K... T...
C/
Me C... J...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE TAXE
DU 23 SEPTEMBRE 2019
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Septembre 2019
ORDONNANCE :
Contradictoire,
prononcée à l'audience publique du 23 Septembre 2019, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
****
ENTRE :
Madame K... T...
[...]
représentée par Me Quentin BLANCHET MAGON, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Charlotte HUNOT, avocat au barreau de SAINT-MALO
ET :
Maître C... J...
[...]
représenté par Me Maryvonne LOZACHMEUR, avocat au barreau de RENNES
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Madame K... T... a chargé Me C... J..., membre de l'association J..., de Frémond etamp; Bakhos, avocat au barreau de Rennes, de la défense de ses intérêts dans le cadre d'une instance contre son employeur devant le conseil des prud'hommes de Rennes.
Une convention d'honoraires prévoyant un honoraire de base de 1 500 euros HT et un honoraire de résultat égal à 10 % des sommes allouées, a été signée par les parties.
Le conseil des prud'hommes a débouté Madame T... laquelle a chargé son avocat d'interjeter appel. Devant la Cour, Madame T... a fait le choix d'un nouveau conseil. Par arrêt du 13 décembre 2017, la Cour a infirmé le jugement du conseil des prud'hommes et a alloué à Madame T... une somme d'environ 100 000 euros.
Me J... a alors adressé le 22 mai 2018 à son ancienne cliente une facture d'honoraires de résultat de 4 800 euros TTC que Madame T... a refusé de payer, après mise en demeure du 10 juillet 2018.
Par lettre du 27 septembre 2018, Me J... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Rennes d'une demande en fixation de ses honoraires.
Par ordonnance du 10 janvier 2019, le bâtonnier a fixé les honoraires de résultat dus à Me J... à la somme de 4 800 euros TTC.
Par lettre recommandée adressée le 28 janvier 2019, Madame T... a formé un recours contre cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures développées oralement lors de l'audience, elle soulève l'irrecevabilité de la demande comme étant prescrite au regard des dispositions du code de la consommation et, subsidiairement, s'y oppose. Elle réclame une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir à l'appui de ses demandes que la convention signée avec Me J... est caduque dans la mesure où ce dernier a été dessaisi avant le terme de sa mission. Elle ajoute qu'elle a versé à son nouveau conseil une somme de plus de 11 000 euros au titre de l'honoraire de résultat et que la décision du bâtonnier revient à lui faire payer deux fois cet honoraire.
Sur l'honoraire de diligence réclamé subsidiairement, elle soulève la prescription, le délai étant de deux ans et le point de départ fixé au jour du dessaisissement de l'avocat.
Me J... rappelle que sa mission n'était limitée à la première instance et que sa demande ne peut être prescrite puisqu'il ne pouvait adresser une facture d'honoraires de résultat avant l'arrêt de la Cour.
Il sollicite que le dit honoraire soit arrêté au prorata de sa mission, soit 50 %, et, subsidiairement, réclame un honoraire de diligences de 7 200 euros HT sur la base de 40 h à 185 euros HT/heure, soit un solde restant dû de 5700 euros HT après déduction de la somme de 1 500 euros déjà payée.
SUR CE :
Le recours de Madame T... effectué dans les formes et délais de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 est recevable.
Il convient de rappeler que les parties ont signé le 6 mars 2013 une convention d'honoraires portant sur une procédure devant être diligentée devant le conseil de prud'hommes à l'encontre de Direction Régionale du Service Médical (DRSM), employeur.
Cette convention prévoit :
- des frais de dossier suivant un barème,
- un honoraire de base forfaitaire : 500 euros HT devant le bureau de conciliation, 1 000 euros HT devant le bureau de jugement et un honoraire de base à définir en cas d'appel,
- un honoraire de résultat correspondant à 10 % HT des sommes allouées à la cliente et effectivement perçues par elle à la suite d'une procédure judiciaire.
Les parties ont, en outre, expressément convenu que «dans l'hypothèse où la mission du cabinet Pagès Briand de Frémond etamp; Hubert venait à être interrompue pour quelque cause que ce soit, avant qu'un résultat ne soit obtenu, il pourra néanmoins prétendre, une fois que les sommes auront été effectivement perçues par Madame K... T..., à un honoraire de résultat au prorata de la mission accomplie».
Si la convention d'honoraire est inapplicable lorsque la mission de l'avocat n'a pas été conduite à son terme, les parties ont toutefois la possibilité, en pareille circonstance, de convenir par une clause particulière du sort qu'elles entendent réserver aux honoraires de l'avocat. Une telle clause, qui ne contrevient à aucune disposition d'ordre public, est en effet valable et doit recevoir application, ce conformément aux dispositions de l'article 1134 ancien du code civil applicable au présent litige (cf. par exemple Cass. Civ. 2, 4 février 2016, 14-23960, Bull 2016, II, no 38).
Il sera précisé que la jurisprudence dont fait état la requérante (Cass. Civ 2, 17 janvier 2019, no 18-11686) a été rendue dans un contexte différent, les parties n'ayant convenu dans leur convention d'honoraires d'aucune disposition particulière en cas de dessaisissement de l'avocat avant le terme de sa mission lequel ne pouvait dès lors prétendre à un honoraire de résultat.
Il s'ensuit que Me J... peut donc se prévaloir de la clause litigieuse stipulée dans la convention unissant les parties.
Sa demande, pour avoir été présentée (22 mai 2018) dans les deux ans du jour où la cliente a perçu les indemnités allouées par la Cour (en exécution de l'arrêt du 10 janvier 2018), c'est à dire du jour où l'honoraire devient exigible, ce qui constitue le point de départ de la prescription, est recevable.
L'exception d'irrecevabilité tirée de la prescription ne peut donc qu'être rejetée.
La clause litigieuse dispose que l'honoraire de résultat auquel l'avocat peut prétendre est déterminé au prorata de la mission accomplie.
En l'occurrence, il convient de rappeler que Me J... a été dessaisi par sa cliente après qu'il eût interjeté, sur ses instructions, appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes.
Dans les conclusions récapitulatives qu'il a établies, Me J... demandait au conseil des prud'hommes de dire que l'employeur avait manqué à ses obligations en matière de sécurité et de protection de la santé de sa salariée, de le condamner au payement d'une somme de 86 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de carrière, d'une somme de 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, de prononcer la résolution judiciaire du contrat de travail au torts de l'employeur et de lui allouer à titre d'indemnités de licenciement une somme de 91 857 euros. Ces différentes demandes étant longuement argumentées.
L'examen attentif tant de ces écritures (21 janvier 2015, 40 pages) que de l'arrêt rendu le 10 janvier 2018 permet de constater que l'argumentation développée par Me J... en première instance a été en grande partie retenue par la cour.
Ce dernier a ainsi incontestablement contribué au résultat obtenu et peut dès lors prétendre à l'honoraire librement stipulé par les parties.
La quote-part sollicitée (50 %) et l'assiette retenue (80 000 euros) sont raisonnables au regard, d'une part, du travail effectué (élaboration de l'argumentation qui sera in fine couronnée de succès) et, d'autre part, de la somme effectivement perçue par la cliente après la déduction de l'honoraire de résultat qu'elle a versé à son nouveau conseil (environ 11 300 euros à déduire du montant de la condamnation).
L'honoraire de résultat réclamé par Me J... (4 000 euros HT soit 4 800 euros TTC) est donc fondé.
Enfin et si Madame T... fait valoir que cette solution revient à lui faire supporter deux fois un honoraire de résultat, il convient de rappeler que celui sur lequel elle s'est accordée avec Me Peneau-Mellet, son conseil devant la Cour, a été convenu en parfaite connaissance de la clause stipulée dans la convention signée avec le cabinet Pagès, Briand, de Frémond etamp; Hubert. Elle ne peut donc utilement opposer ce moyen pour contester les prétentions de son ancien conseil.
Dès lors, la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Rennes en date du 10 janvier 2019 doit être confirmée.
Échouant en son recours, Madame T... sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement :
Rejetons l'exception d'irrecevabilité (tirée de la prescription).
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats de Rennes en date du 10 janvier 2019.
Condamnons Madame T... aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,