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02/07/2019 | FRANCE | N°17/05011

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 02 juillet 2019, 17/05011


1ère Chambre





ARRÊT N°312/2019



N° RG 17/05011 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OCZY













SCI CHAMA



C/



M. [Q] [T]

Mme [Y] [G] épouse [T]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUILLET 2019



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COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport



GREFFIER :



Madame Virginie SERVOUZE, lors des débats et Madame Marie...

1ère Chambre

ARRÊT N°312/2019

N° RG 17/05011 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OCZY

SCI CHAMA

C/

M. [Q] [T]

Mme [Y] [G] épouse [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUILLET 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Virginie SERVOUZE, lors des débats et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Mai 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juillet 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SCI CHAMA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Patrick ELGHOZI de la SCP ELGHOZI-GEANTY-GAUTIER-PENNEC, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTIMÉS :

Monsieur [Q] [T]

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe COSNARD de la SELARL ABC, avocat au barreau de RENNES

Madame [Y] [G] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe COSNARD de la SELARL ABC, avocat au barreau de RENNES

Les époux [T] sont propriétaires à [Localité 1] d'un immeuble situé [Adresse 2], constitué de deux parcelles cadastrées AK [Cadastre 1] et [Cadastre 2]. Ces parcelles sont contiguës à la parcelle AK n°[Cadastre 3], laquelle a été divisée en parcelle AK [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Les époux [U] ont acquis la parcelle AK [Cadastre 5] selon actes des 6 juin et 7 juillet 2011.

La société civile immobilière Chama a acquis la parcelle [Cadastre 4] selon acte du 7 juillet 2011.

La SCI Chama a fait effectuer sur sa propriété des travaux à compter du début de l'année 2012 et jusqu'à la fin de l'année 2014. A l'issue de ces travaux, les époux [T] ont estimé que certaines dispositions constructives réalisées par la SCI Chama empiétaient sur leur propriété. Ils ont saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 23 janvier 2014, a prescrit une mesure d'expertise afin de déterminer l'existence d'empiétements.

Monsieur [R], expert désigné, s'est fait assister d'un sapiteur en la personne de Monsieur [L] et a déposé son rapport le 7 mai 2015.

Par acte du 13 décembre 2016, les époux [T] ont fait assigner la SCI Chama afin de la voir condamner, principalement, à supprimer dans un délai de deux mois les rives rampantes de zinc et les chemisages de zinc empiétant sur leur propriété.

Par jugement du 16 mai 2017, le tribunal de grande instance de Rennes a :

-dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,

-condamné la SCI Chama à supprimer dans un délai de deux mois les rives rampantes de zinc et les chemisages de zinc empiétant sur la propriété [T] et à reprendre la couverture en partie haute du toit, affectée par ces travaux, sous astreinte de 50€ par jour de retard pendant trois mois passé ce délai,

-condamné la SCI Chama à verser aux époux [T] la somme de 2 000€ à titre de dommages-intérêts et celle de 3 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SCI [T] aux entiers dépens, comprenant ceux de l'instance de référé et les frais d'expertise judiciaire.

Par jugement rectificatif du 19 mai 2017, le tribunal a dit que la mention du dispositif du jugement du 16 mai 2017 condamnant la SCI [T] aux entiers dépens sera remplacée par «'Condamne la SCI Chama aux entiers dépens, comprenant ceux de l'instance de référé et les frais d'expertise judiciaire»

La SCI Chama a interjeté appel de ces jugements par déclaration du 11 juillet 2017.

Vu les conclusions du 19 juillet 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la SCI Chama qui demande à la cour de:

-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Chama à supprimer dans un délai de deux mois les rives rampantes de zinc et de chemisage de zinc empiétant sur la propriété [T].

-dire que le dispositif architectural de la charpente, remontant à la construction de l'immeuble en 1929, conçu avec un débord des abouts de pannes du mur pignon sur la propriété voisine d'une profondeur de l'ordre de 22 cm, est constitutif d'une possession au sens de l'article 2261 du Code civil permettant à la SCI Chama de revendiquer par prescription le droit au maintien de cette architecture.

-dire qu'en faisant procéder à des travaux en juin 2015 pour totalement supprimer les abouts de pannes débordant du mur pignon, la SCI Chama a mis fin à toute aggravation de cette servitude en réduisant au contraire au strict nécessaire l'emprise de celle-ci.

-débouter les époux [T] de toute demande de travaux supplémentaires.

-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Chama au paiement d'une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir adopté une attitude attentiste.

-dire que les époux [T] n'ont subi aucun préjudice du fait de ce débord de toiture, même s'il a, un moment, excédé de quelques centimètres ce qu'il était depuis 1929, et dire que la SCI Chama ne peut se voir reprocher une attitude attentiste puisque dès le mois de juin 2015 elle avait obtenu de l'architecte qu'il reprenne l'ouvrage et le mette en conformité avec le permis de construire, donc sans débord des pièces de charpente.

-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Chama au paiement d'une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

-dire, compte tenu des travaux réalisés en juin 2015, que l'action engagée en décembre 2016 par les époux [T] n'était pas fondée et les condamner au paiement d'une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner les époux [T] aux entiers débours de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions du 4 septembre 2018, les époux [T] demandent à la cour, sur le fondement de l'article 545 du Code civil, de:

-débouter la SCI Chama de son appel ;

-condamner la SCI Chama à supprimer, dans le délai de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et, passé ce délai, sous astreinte définitive de 200 € par jour de retard :

*les rives rampantes en zinc empiétant sur la propriété des époux [T];

*les chemisages en zinc empiétant sur la propriété des époux [T],

*et la reprise de la couverture de la partie haute du toit, affectée par ces travaux,

*le moignon du câble électrique,

*le ravalement du pignon dégradé,

-condamner la SCI Chama à payer à chacun des époux [T] la somme de 2500 € à titre de dommages et intérêts ;

-condamner la SI Chama à payer aux époux [T] la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé ayant donné lieu à l'ordonnance du 23 janvier 2014, et des frais d'expertise consécutif ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mai 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Il résulte des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. La SCI Chama ne présente dans le dispositif de ses conclusions, aucune demande d'irrecevabilité des demandes de Monsieur et Madame [T] comme étant nouvelles en cause d'appel. Par voie de conséquence, la cour n'est pas saisie d'une telle demande. Surabondamment, les époux [T] avaient demandé au premier juge de condamner la SCI Chama à supprimer les rives rampantes en zinc et les chemises en zinc empiétant sur leur propriété et à reprendre la couverture du toit. Leurs demandes tendant à la suppression du moignon de câble électrique et au ravalement du pignon dégradé ne font que compléter les demandes qu'ils ont présentées devant le premier juge et ne sont pas irrecevables au titre de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur la prescription acquisitive:

La SCI Chama soutient que la disposition en surplomb du fonds voisin existe depuis la construction de l'immeuble en 1929 et qu'elle a ainsi acquis une servitude de surplomb de toiture. En ce qui concerne l'augmentation de l'empiétement constaté par l'expert, elle soutient qu'en 2015, après le dépôt du rapport d'expertise, le seul débord a été ramené à 7,5cm par la SARL Droniou, ce qui est inférieur à l'empiétement d'origine.

Les époux [T] répliquent qu'un empiétement ne peut être qualifié de servitude et permettre le jeu de la prescription acquisitive; que de plus, la SCI Chama a supprimé l'empiétement antérieur pour en créer un nouveau. Ils contestent le caractère probant des pièces produites pour justifier que le débord a été ramené à 7,5cm par la SARL Droniou.

Ceci étant exposé:

Il résulte des dispositions de l'article 637 du code civil qu'une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. La servitude ne peut cependant pas porter atteinte au droit de jouissance absolu reconnu, par l'article 544 du code civil, à la propriété.

Il ressort du rapport d'expertise que le bâtiment de la SCI Chama, datant de 1929, comportait, en surplomb du garage de Monsieur et Madame [T], un débordement de toiture. L'expert ajoute que de tels débordements étaient de pratique courante et que l'on peut en voir de nombreux exemples sur les maisons des alentours. Ce débord ancien de plus de trente années lorsque la SCI Chama a entrepris ses travaux en 2012 était de nature à conférer à la SCI Chama une possession utile pour l'acquisition d'une servitude de surplomb sur le fonds voisin. Les travaux de réfection entrepris par la SCI Chama, à supposer qu'ils aient momentanément mis fin à ces surplombs, n'emportent pas de renonciation du propriétaire à l'exercice de cette possession et ne constituent pas un intervalle assez prolongé et rendre la possession discontinue.

Il ressort du rapport d'expertise de Monsieur [L], sapiteur ayant assisté Monsieur [R], joint au rapport de l'expert désigné, que le débord d'origine était de 22 centimètres (p.6 du rapport du sapiteur).

Ainsi, la SCI Chama disposait, lorsqu'elle a effectué ses travaux, d'une servitude de surplomb de 22 cm au dessus du garage construit sur le fonds de Monsieur et Madame [T] et de la toiture de ce garage.

Sur l'aggravation de la servitude:

Il ressort du rapport d'expertise qu'à l'issue des travaux l'emprise du débordement a augmenté de 7,5dm² (0,075m²) sur la toiture du garage.

Au soutien de ses prétentions, la SCI Chama produit aux débats:

*un devis du 2 juin 2015 de la société Droniou aux fins de reprendre le débord du toit et le diminuer, et la facture correspondante du 9 juillet 2015.

*un constat d'huissier du 27 janvier 2017 dont il ressort que pour procéder au mesurage du débordement, Me [M] s'est fait assister d'un paysagiste qui, à sa demande et en sa présence, s'est hissé sur le toit et a mesuré la profondeur du bardage en zinc surplombant la propriété voisine et a déclaré que ce surplomb est de 7,5cm

*un rapport de Monsieur [C], architecte, qui relate que le débord était à l'origine de 30cm et qui confirme qu'il n'est plus aujourd'hui que de 7cm. Dans une lettre du 5 juillet 2018, Monsieur [C] explique qu'il a procédé à ses vérifications sur la base des documents émis pour obtenir le permis de construire modificatif du 4 juin 2015, et complétées par un examen sur place des ouvrages le 15 septembre 2017.

Pour contester la valeur probante du rapport de Monsieur [C], les époux [T] produisent une expertise Polyexpert du 26 octobre 2017, dont il ressort que les travaux effectués par la SCI Chama ne correspondent pas au permis de construire déposé par l'architecte mais qui n'apporte aucun élément de nature à contester utilement que le débord subsistant est supérieur à 7,5cm.

Dès lors que les opérations d'expertise avaient mis en lumière qu'il n'existait qu'une seule aggravation de l'empiétement, au dessus de la toiture du garage du fonds [T], la SCI Chama n'avait pas d'intérêt à faire procéder à une réduction de débord à un autre endroit que celui identifié par l'expert. Les époux [T] ne contestent pas utilement la réalité de l'intervention qui résulte de la facture de l'entreprise, du rapport d'huissier et des vérifications faites après travaux par Monsieur [C].

Ainsi, la SCI Chama démontre que lors de l'acte introductif d'instance du 13 décembre 2016, elle avait acquis une servitude de surplomb et qu'il n'existait plus d'aggravation de cette servitude. Par suite, le jugement entrepris et rectifié sera infirmé en ce qu'il a condamné la SCI Chama à procéder à une suppression et une reprise et au paiement de frais irrépétibles. Monsieur et Madame [T] seront déboutés de leurs demandes aux fins réduction de l'empiétement.

En ce qui concerne la suppression du moignon de câble électrique

et le ravalement du pignon dégradé, le rapport Polyexpert du 26 octobre 2017 qui, de façon non contradictoire fait état de ces dénonciations par les époux [T], n'est pas à lui seul suffisant pour justifier de la réalité des désordres. Les époux [T] seront déboutés de ces demandes.

Sur le préjudice subi par les époux [T] du fait d'une aggravation momentanée de la servitude de surplomb:

Entre les mois de mai et de juillet 2015, les époux [T] ont subi un empiétement de 7,5dm² (75cm) au dessus de la toiture de leur garage. Le premier juge a sanctionné l'attitude attentiste de la SCI Chama par une indemnité de 2 000 €.

Si la SCI Chama a agi rapidement après le dépôt du rapport, Monsieur et Madame [T] ont été contraints de recourir à une expertise judiciaire alors qu'un rapport contradictoire de la société Polyexpert réalisé en 2013 avait déjà révélé l'existence de l'empiétement.

Monsieur et Madame [T] ont ainsi subi les tracasseries et la longueur d'une procédure judiciaire qui aurait pu être évitée. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il leur a alloué à ce titre une indemnité de 2 000 €.

Sur les dépens de l'instance de référé et les frais de l'expertise judiciaire:

Dès lors que l'expertise avait permis d'établir un empiétement excédant celui qui résulte de la servitude, le jugement rectifié sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la SCI Chama les dépens de l'instance de référé et les frais de l'expertise judiciaire.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement du 16 mai 2017 rectifié par le jugement du 19 mai 2017 en ce qu'il a:

-condamné la SCI Chama à supprimer dans un délai de deux mois les rives rampantes de zinc et les chemisages de zinc empiétant sur la propriété [T] et à reprendre la couverture en partie haute du toit, affectée par ces travaux, sous astreinte de 50€ par jour de retard pendant trois mois passé ce délai.

Statuant à nouveau :

Dit qu'au moment de la réalisation de ses travaux, la SCI Chama disposait d'une servitude de surplomb de 22 centimètres au dessus du garage édifié sur le fonds de Monsieur et Madame [T] et sur la toiture de ce garage ;

Dit qu'après les travaux de reprise du mois de juin 2015, il ne subsiste plus d'aggravation de cette servitude ;

Déboute Monsieur et Madame [T] de leurs demandes tendant à des suppressions et reprises ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne Monsieur [Q] [T] et Madame [Y] [G] épouse [T] aux dépens en cause d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/05011
Date de la décision : 02/07/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°17/05011 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-02;17.05011 ?
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