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25/06/2019 | FRANCE | N°17/06233

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 25 juin 2019, 17/06233


1ère Chambre





ARRÊT N°301/2019



N° RG 17/06233 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OGPO













M. [R] [J] [B] [O]

Mme [W] [F] [A] [U] épouse [O]



C/



M. [T] [D]

Mme [H] [S] épouse [D]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25

JUIN 2019





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prono...

1ère Chambre

ARRÊT N°301/2019

N° RG 17/06233 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OGPO

M. [R] [J] [B] [O]

Mme [W] [F] [A] [U] épouse [O]

C/

M. [T] [D]

Mme [H] [S] épouse [D]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JUIN 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2019 devant Madame Christine GROS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Juin 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [R] [J] [B] [O]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocat au barreau de RENNES

Madame [W] [F] [A] [U] épouse [O]

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [T] [D]

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

Madame [H] [S] épouse [D]

née le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

Par acte authentique des 24 et 27 septembre 2005, les époux [D] ont fait l'acquisition d'une maison d'habitation située à [Localité 6], pour un prix de 115 000 €. L'acte mentionnait que l'immeuble n'était pas raccordé au tout à l'égout et n'était desservi par aucune installation d'assainissement individuel, l'acquéreur déclarant savoir qu'il devrait soit se collecter à un réseau collectif d'assainissement, soit mettre en place un système individuel d'assainissement répondant aux normes actuellement en vigueur.

Les époux [D] ont ensuite confié la transformation de la maison en quatre studios à un cabinet d'architectes.

Par acte authentique du 29 août 2006, les époux [D] ont vendu le bien aux époux [O] au prix de 200 000 €. L'acte mentionnait qu'il était desservi par un réseau d'assainissement communal et qu'il était relié à ce réseau, sans toutefois avoir fait l'objet d'un contrôle de conformité.

Désireux de vendre leur bien, les époux [O] apprenaient fin 2014 que le raccordement au réseau collectif d'assainissement n'avait jamais été réalisé.

Par acte d'huissier du 12 mai 2016, les époux [O] faisaient assigner les époux [D] devant ce tribunal en réparation.

Par jugement rendu le 7 juin 2017, le tribunal de grande instance de Lorient a:

-débouté M. et Mme [O] de leurs demandes;

-condamné solidairement M. et Mme [O] à payer à M. et Mme [D] une indemnité de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. et Mme [O] aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

M. et Mme [O] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 août 2017.

Vu les conclusions du 19 mars 2019, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens de M. et Mme [O], qui demandent à la cour de :

-les déclarer recevables en leur appel;

-réformer le jugement en son entier,

En conséquence:

-juger que les époux [D] ont acquis le bien pour y réaliser des travaux et le revendre immédiatement dans une perspective d'opération financière.

-juger que les époux [D] ne produisent aucun procès-verbal de réception

des travaux d'assainissement ni leur demande d'abonnement auprès de Veolia,

-juger que Mme [D] était agent immobilier et a géré la vente du bien et la location du bien.

-juger que le bien était affecté d'un vice caché l'immeuble n'étant pas raccordé au réseau d'assainissement ;

-déclarer les requérants recevables en leur action estimatoire ;

En conséquence,

-condamner solidairement les époux [D], au paiement, sauf à parfaire et compléter d'une somme de 14.462,90 € avec intérêts au taux légal qui seront capitalisés conformément aux dispositions des articles 1153 et suivants du Code civil de la date de la mise en demeure jusqu'à parfait règlement.

Subsidiairement,

-juger que les vendeurs ont manqué à leur obligation d'information.

-condamner solidairement les époux [D], au paiement, sauf à parfaire et compléter d'une somme de 27 663,69 euros avec intérêts au taux légal qui seront capitalisés conformément aux dispositions des articles 1153 et suivants du Code civil de la date de la mise en demeure jusqu'à parfait règlement.

-débouter les époux [D] de l'intégralité de toutes demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre des époux [O].

-condamner solidairement les époux [D] au paiement d'une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Vu les conclusions du 23 avril 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de M. et Mme [D] qui demandent à la cour de:

-confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient le 7 juin 2017 dans l'ensemble de ses dispositions

-débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

-condamner les époux [O] à payer leur payer la somme de 3.500 € au titre des frais irrépétibles outres les entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Sébastien Collet avocat aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Aux termes de l'article 1641 du code civil : «Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.»

Lorsque l'acte de vente comprend une clause d'exclusion de la garantie, comme c'est le cas en l'espèce, la garantie n'est due que si le vendeur avait connaissance du vice lors de la vente. Le professionnel est présumé avoir connaissance du vice.

Sur l'existence du vice caché:

Le vendeur a déclaré à l'acte authentique que le bien «est desservi par un réseau d'assainissement communal et qu'il est relié à ce réseau'» «'Le réseau d'assainissement utilisé n'a fait l'objet d'aucun contrôle'» «'l'installation est en bon état de fonctionnement'». Il était annexé à l'acte un document intitulé «'Votre dossier d'abonnement'» édité par la société Véolia Eau, mettant en évidence un abonnement souscrit le 28 juin 2006 pour l'accès à la distribution de l'eau mentionnant que l'immeuble est raccordé au réseau collectif.

Dans le courant de l'année 2015, les époux [O] ont découvert que le bien n'avait pas été raccordé et que les travaux permettant le raccordement n'avaient pas été effectués, ce qui est confirmé par un courriel du 17 mars 2015, de Rennes Métropole, service assainissement.

Ce défaut de raccordement, antérieur à la vente dès lors que les travaux n'ont jamais été effectués, est un vice caché qui entraîne la garantie du vendeur s'il rend la chose vendue impropre à son usage, en l'espèce celui de maison d'habitation.

Le PLU de mars 2005 pour la commune de [Localité 6] prévoit qu'en zone UI toutes les eaux et matières usées doivent être évacuées par les canalisations raccordées au réseau public d'assainissement. Un rapport du SIARN ( Syndicat Intercommunal Assainissement Rennes Nord) après un contrôle effectué en 2014 a révélé que le bien n'était pas équipé d'un système d'assainissement non collectif et que l'absence de filière créait un risque de salubrité publique et d'impact sur l'environnement.

Toutefois, ce rapport n'a pas été suivi d'une mise en demeure d'effectuer des travaux, et le courriel du 17 mars 2015 de Rennes Métropole ne comporte pas davantage de mise en demeure. Il précise uniquement aux époux [O] qu'ils peuvent vendre le bien et tenir l'acquéreur informé, les travaux étant à réaliser dans le délai d'un an.

Dès lors que l'immeuble était à usage d'habitation, et qu'il n'a pas été exigé de mise en conformité urgente aux époux [O], le défaut de raccordement au réseau collectif n'a pas rendu le bien vendu impropre à l'usage auquel il est destiné.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté la garantie des vendeurs au titre du vice caché.

Sur le manquement à l'obligation d'information :

Aux termes de l'article 1602 du code civil : «'Le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige (...)» Il résulte de ces dispositions que le vendeur d'un bien immobilier est tenu d'informer l'acquéreur sur la situation du bien vendu au regard de la réglementation locale en matière d'assainissement. Il appartient au débiteur de l'obligation contractuelle d'information de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

M. et Mme [D] soutiennent qu'ils croyaient que leur bien était raccordé. Il avaient acquis le bien en 2005, l'acte authentique précisant que l'immeuble n'était ni raccordé au réseau collectif, ni desservi par une installation d'assainissement individuel.

L'acte authentique de 2006 précise que la vente a été négociée par l'Agence «'Carrel'», qui a perçu une rémunération de 14 500 €. Les époux [O] produisent les extraits du site «'Bilan société'» relatif à la société Carrel Immobilier. Cette société immatriculée le 22 avril 2005 a été radiée du RCS le 26 novembre 2014. Elle avait une activité d'agence immobilière, son dirigeant étant M. [D] qui en a également été le liquidateur. Différentes lettres à l'entête de la société adressées aux époux [O] à l'occasion de la négociation et après la vente, sont signées de Mme [D]. Ainsi, les époux [D] avaient lors de la vente la qualité de professionnels de la vente immobilière, nonobstant la circonstance que la négociation ait été faite par une personne morale distincte de leurs personnes physiques. Ils devaient en conséquence s'assurer de la réalité du raccordement avant de faire toute déclaration à l'acte tendant à laisser croire aux acquéreurs que le bien était raccordé.

Les époux [D] justifient d'un devis de travaux de la société Architecton, maître d'oeuvre pour une somme totale de 48 640,23 € dont des travaux de plomberie à hauteur de 9 670,75 € comprenant le raccordement. Toutefois, ils ne justifient aucunement d'avoir acquitté la totalité de la somme prévue au devis, et en particulier, ne produisent aucune facture relative aux travaux de plomberie et aucun procès verbal de réception des travaux. Le contrat Véolia est un abonnement au service de l'eau potable pour lequel la mention de l'existence d'un raccordement et la collecte des eaux usées facturée ne résulte que d'une déclaration faite au service de distribution d'eau qui a pu n'être effectuée que par commodité.

Ainsi, en déclarant que l'immeuble était raccordé au réseau collectif sans effectuer au préalable aucune vérification de la réalité des travaux de raccordement, les époux [D] ont manqué à leur obligation d'information envers leurs acquéreurs.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté les époux [O] tendant à voir juger que les époux [D] ont manqué à leur obligation d'information.

Sur le préjudice de M. et Mme [O]:

Les époux [O] demandent le paiement d'une indemnité de 27 663,69 € au titre de la perte de valeur du bien. Ils présentent un calcul à l'issue duquel ils estiment que compte tenu du prix d'achat, des frais et du taux de l'inflation, le prix de 244 000 € auquel ils comptaient vendre le bien leur occasionne une moins value qui doit être comparée à la plus-value de leurs vendeurs. Par ailleurs, ils exposent dans leurs conclusions que le coût du raccordement, initialement de 17 663,69 € a été réduit à la somme de 4 462,90 €.

Le prix de vente d'un bien résulte des contingences du marché. Il n'est pas justifié par les époux [O] de ce que l'absence de raccordement, qui peut être résolue par des travaux d'un coût modique soit de nature à faire perdre de la valeur au bien vendu.

Surabondamment, le préjudice qui résulte du manquement des vendeurs à leur obligation d'information s'analyse en une perte de chance pour les acquéreurs, qui n'est pas celle de vendre le bien au prix escompté mais celle d'acquérir le bien à un prix plus avantageux du fait de la prise en compte des travaux de raccordement à effectuer.

Il résulte de tout ceci, que les époux [O] ne rapportent pas la preuve de ce que le défaut d'information de leurs vendeurs est à l'origine du préjudice allégué.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. et Mme [O] de leur demande tendant à voir juger que leurs vendeurs ont manqué à leur obligation d'information;

Statuant à nouveau;

Dit que M. et Mme [D] ont manqué à leur obligation d'information;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions

Déboute M. et Mme [D] de leur demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel;

Condamne M. [R] [O] et Mme [W] [F] [U] épouse [O] aux dépens en cause d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/06233
Date de la décision : 25/06/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°17/06233 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-25;17.06233 ?
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