1ère Chambre
ARRÊT N°285/2019
N° RG 17/04330 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OAN6
Mme [X] [H] épouse [F]
M. [K] [H]
Mme [L] [H] épouse [Y]
C/
M. [M] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 JUIN 2019
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre, entendue en son rapport
Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Mai 2019
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Juin 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Madame [X] [H] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Lucie PIERRE, avocat au barreau de LORIENT
Monsieur [K] [H]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Lucie PIERRE, avocat au barreau de LORIENT
Madame [L] [H] épouse [Y]
née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 1]
[Adresse 3]
[Localité 3]
Représentée par Me Lucie PIERRE, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉ :
Monsieur [M] [H]
né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Gaëlle YHUEL-LE GARREC de la SELARL CORNAUD-LAURENT-DARY-DAUSQUE-YHUEL-LE GARREC, avocat au barreau de LORIENT
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [S] [N] et son époux M. [C] [H] ont eu ensemble 4 enfants : [L], [K], [M] et [X].
M. [C] [H] est décédé le [Date décès 1] 1984 ; Mme [S] [N] le [Date décès 2] 2011.
La liquidation de la succession de celle-ci a été confiée à Maître [Q], notaire à [Localité 4], mais celui-ci n`a pu parvenir à un partage en raison d'un désaccord persistant entre les héritiers sur la créance de salaire différé que revendique [M] [H]. Il dépend de la succession une maison située au lieu dit [Adresse 1] que le notaire a évaluée en 2016 entre 60 000 et 65 000 €.
Par acte du date du 28 avril 2016, M. [M] [H] a fait citer devant ce tribunal les trois autres héritiers de sa mère: [L] [H] épouse [V], [K] [H] et [X] [H] épouse [F], sur le fondement des articles 815 et suivants du Code civil et 1360 du code de procédure civile, afin de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage la succession de Mme [S] [N] veuve [H], se voir reconnaître un droit de créance de salaire différé à l'encontre de la succession sur la période comprise entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 1974 et dire que le notaire commis devra calculer cette créance, voir ordonner la licitation judiciaire sur une mise à prix de 32 500€.
Par jugement du 23 mai 2017, le tribunal de grande instance de Lorient a:
-ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [S] [N] veuve [H] décédée le [Date décès 2] 2011 à [Localité 5],
-commis pour y procéder Me [H] [Q], notaire à [Localité 4], qui dressera l'état liquidatif établissant les comptes entre les co-partageants et fera signer un acte de partage dans le délai maximal d'un an à compter du présent jugement, à défaut de quoi, il dressera un procès-verbal de difficultés qu'il adressera au juge commis,
-désigné Mme [Y] [X] pour surveiller les opérations de partage,
-ordonné au notaire commis de retenir dans ses opérations de compte, liquidation et partage, une créance de salaire différé au bénéfice de M. [M] [H], sur la période comprise entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 1974, qu'il calculera conformément aux prescriptions de l'article L32l-13 du code rural et de la pêche maritime en fonction du taux du SMIC en vigueur au jour du partage,
-ordonné la licitation à l'étude de Me [H] [Q], notaire à [Localité 4], de l'immeuble indivis situé lieu-dit [Adresse 1], cadastré section ZH [Cadastre 1] et ZH [Cadastre 1], sur une mise à prix de 32 500 €, et en cas de défaut d'enchères,
-autorisé d'ores et déjà une seconde vente après nouvelle publicité avec une diminution de 1/5 de la mise à prix,
-dit que la vente fera l'objet un mois au moins et deux mois au plus avant la date prévue pour la vente, d'une publicité dans le journal Ouest France, de l'apposition de placard dans les locaux du tribunal de grande instance de Lorient, en l'étude du notaire chargé de la succession et au lieu de situation de l'immeuble et qu'elle fera l'objet de la parution d'un avis simplifié dans les journaux Ouest France et Le Télégramme,
-déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles de Mme [L] [H] épouse [V] et M. [K] [H],
-condamné solidairement Mesdames [L] [H] épouse [V] et [X] [H] épouse [F] et M. [K] [H] à payer à M. [M] [H] une indemnité de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire,
-rejeté les autres demandes,
-ordonné que les dépens soient employés en frais privilégiés de compte liquidation et partage à l'exception des frais de licitation qui seront mis à la charge de l'adjudicataire par une clause spéciale du cahier des charges.
Mmes [X], [L] [H] et M. [K] [H] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 juin 2017.
Par leurs dernières conclusions du 15 avril 2017, les appelants demandent à la cour, de déclarer recevable et bien fondé leur appel et y faisant droit de:
-déclarer irrecevable et non fondée la créance de salaire différée formée par M. [M] [H] à l'égard de la succession de Mme [S] [N], veuve [H].
En conséquence,
-réformer la décision dont appel en ce qu'elle a retenu ce principe de créance de salaire différé formé par M. [H] et le débouter de ses demandes à ce titre.
-confirmer la décision en ce qu'elle a ordonné la licitation devant notaire et ses modalités.
-réformer celle-ci sur le montant de la mise à prix et dire qu'elle ne saurait être inférieure à 50 000 € sur le bien situé au lieu-dit Coët-Auquer à Saint Barthélémy, cadastré ZH [Cadastre 1] et ZH [Cadastre 1]
-réformer la décision dont appel en ce qu'elle a octroyé à M. [H] une indemnité sur le fondement de l'article 700 à hauteur de 1 500€.
Pour le surplus, confirmer la décision dont appel.
-condamner M. [H] à une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-débouter M. [H] en sa demande reconventionnelle en condamnation des concluants à une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 et aux dépens d'appel.
Par ses dernières conclusions du 17 avril 2019, M. [M] [H] demande à la cour de confirmer le jugement et de:
-ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [S] [N] veuve [H], décédée le [Date décès 2] 2011 à [Localité 5] (56).
-commettre Maître [H] [Q], notaire associé à [Localité 4], qui dressera l'état liquidatif établissant les comptes entre les co-partageants et fera signer un acte de partage dans le délai maximal d'un an à compter du présent jugement à défaut de quoi il dressera un procès-verbal de difficultés qu'il adressera au juge commis,
-ordonner au notaire commis de retenir dans ses opérations de compte, liquidation et partage une créance de salaire différé au bénéfice de M. [H], sur la période comprise entre le 1 er janvier 1972 et le 31 décembre 1974, puis calculera conformément aux prescriptions de l'article L 321-13 du Code rural et de la pêche maritime, en fonction du taux du SMIC en vigueur au jour du partage,
-ordonner la licitation à l'étude de Maître [H] [Q], notaire à [Localité 4], de l'immeuble indivis situé [Adresse 1], cadastré sections ZH [Cadastre 1] et ZH [Cadastre 1], sur une mise à prix de 32 500 €, et en cas de défaut d'enchères, autoriser d'ores et déjà une seconde vente après nouvelle publicité avec une diminution de 1/5 ème de la mise à prix,
-dire que la vente fera l'objet un mois au moins et deux mois au plus avant la date prévue pour la vente, d'une publicité dans le journal Ouest France, de l'apposition de placards dans les locaux du tribunal de grande instance de Lorient, en l'étude du notaire chargé de la succession et au lieu de situation de l'immeuble, et qu'elle fera l'objet de la parution d'un avis simplifié dans les journaux Ouest France et le Télégramme,
-condamner solidairement les appelants à verser à M. [M] [H] une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires aux présentes,
Y additant,
-condamner solidairement les appelants à verser à M. [H] la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles en appel,
-condamner solidairement les appelants aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés par la SELARL Cornaud Laurent Dary Dausque Yhuel Le Garrec, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la créance de salaire différé :
Sur la recevabilité de la demande de salaire différé :
Considérant que les appelants soulèvent l'irrecevabilité de la demande en fixation d'une créance de salaire différé au bénéfice de M. [M] [H] ; que leur père, décédé le [Date décès 1] 1984, a été seul exploitant jusqu'au 31 décembre 1981, de sorte que la demande de salaire différé devait être faite contre la succession de celui-ci avant le 18 juin 2013, que la demande est également irrecevable contre la succession de Mme [H] qui n'a jamais été co-exploitante mais conjoint 'participant'aux travaux sur la période du premier janvier 1972 au 31 décembre 1974 ; que le caractère de biens communs des parcelles exploitées ne permet pas de faire valoir une créance sur la succession de l'époux non exploitant ; que le contrat de salaire différé n'a pas reçu exécution au cours de l'une et l'autre période d'exploitation de chacun de leurs parents ; que M. [H] ne rapporte pas la preuve d'avoir travaillé sur l'exploitation familiale lorsque sa mère était chef de l'exploitation,
Considérant que M. [M] [H] soutient avoir directement et effectivement travaillé sur l'exploitation agricole de ses parents de 1972 à 1974 ; qu'il expose que ses parents étaient co-exploitants jusqu'au 31 décembre 1981, date après laquelle Mme [H] a exploité seule, que sa mère a cotisé à la MSA en son nom propre sur toute la période depuis le premier janvier 1948 jusqu'en 1986, sans distinction des périodes et qu'elle a participé activement à l'exploitation jusqu'en 1981 ; qu'ainsi, sa demande n'est pas prescrite au regard de la date du décès de sa mère (15 mai 2011) et de l'acte introductif d'instance du 28 avril 2016 ;
Mais considérant que, pour écarter la prescription de la demande, M. [H] doit rapporter la preuve de la qualité d'exploitante de Mme [H] pendant la période demandée ( 01/01/1972 au 31/12/1974),
Que cette qualité relève de l'appréciation des juges du fond ;
Considérant que les attestations MSA produites précisent que M. [C] [H] a été chef d'exploitation du premier janvier 1948 jusqu'au 31 décembre 1981, que Mme [I] [H] était ' conjointe de l'exploitant' sur cette même période et qu'elle a été chef d'exploitation à compter du premier janvier 1982 ; que les termes utilisés par la MSA sur les déclarations faites à l'époque au regard de la législation et de la reconnaissance du travail du conjoint n'interdisent nullement de faire la preuve que le 'conjoint de l'exploitant ' a exploité effectivement les terres avec son époux et qu'il était ainsi co-exploitant,
Qu'en l'espèce, différents témoins précisent que M. [M] [H] aidait 'ses parents' à la ferme, ont vu Mme [H] 'travailler à la ferme toute sa carrière' jusqu'à sa retraite ; que par ailleurs, Mme [H] a cotisé en son nom propre pendant 188 trimestres sans distinction jusqu' à la fin de l'exploitation en 1986,
Que la preuve est faite que Mme [H] a été co-exploitante avec son époux ;
Que par conséquent, la demande de créance de salaire différé de M. [M] [H] sur la succession de sa mère n'encourt pas la prescription, faite dans les cinq ans du décès de Mme [I] [H],
Sur le bien fondé de la demande
Considérant que les consorts [H] considérent que M. [M] [H] ne rapporte pas la preuve d'un travail continu et effectif et non occasionnel, que celui-ci a été nourri, logé, blanchi, que son père a mis à sa disposition un terrain à cultiver pour qu'il en tire des revenus propres, que [M] [H] a bénéficié d'une donation comme les autres enfants, qu'il a par conséquent perçu une rémunération en espèce et en nature,
Considérant que M. [M] [H] soutient que les appelants ne démontrent pas qu'il a reçu une contrepartie pour le travail qu'il a fourni et reprend à son compte la motivation du tribunal de grande instance de Lorient,
Mais considérant que M. [M] [H] a été déclaré à la Mutualité sociale agricole en qualité d'aide familial sur la période considérée ; que cette déclaration est corroborée par plusieurs témoignages selon lesquels M. [M] [H] a travaillé depuis l'âge de quatorze ans jusqu'à ses vingt-trois ans à la ferme de ses parents, qu'il effectuait ' tous les travaux de la ferme'', qu'il a travaillé la terre pour les semis de blé, qu'il a effectué les récoltes, les moissons, fait les fenaisons, qu'il a cultivé les légumes pour nourrir les vaches et les porcs ; que par conséquent, son travail effectif à la ferme est établi sur cette période,
Considérant également que rien ne permet de constater que M. [M] [H] a perçu quoi que ce soit à titre de rémunération pour ces travaux ; que la donation dont il est fait état a été consentie à chacun des membres de la fratrie auquel a été attribué un lot de même valeur ; que le fait d'être nourri, logé et blanchi ne constitue pas une contrepartie du travail, de même que la mise à disposition d'une terre sur cette période de travail ou sur une autre période de sa vie, tout comme en a bénéficié un de ses frères ; que M. [H] rapporte la preuve qu'il n'a bénéficie d'aucune rémunération et qu'il n'a pas été associé aux résultats de l'exploitation ,
Considérant que M. [M] [H] est fondé à solliciter une créance de salaire différé sur la période du premier janvier 1972 au 31 décembre 1974 , que celle-ci sera calculée par le notaire selon les termes de l'article R 321-13 alinéa 2 du Code rural ;
Sur la licitation :
Considérant que les appelants contestent la mise à prix du bien sis à [Adresse 1], qui selon eux a une valeur marchande de 75000 Euros, et estiment que la mise à prix doit être fixée à 50000 Euros, ce que [M] [H] conteste, faisant état de l'état du bien,
Considérant que Maître [Q], notaire à [Localité 4] a estimé le bien à la valeur de 60000 à 65000 Euros ; que le bien n'est pas en bon état, n'étant pas habité depuis plusieurs années et que la toiture est dégradée ; que la mise à prix telle qu'elle a été fixée par le premier juge à 32500 Euros est par conséquent justifiée,
Considérant que le jugement sera confirmé sur la licitation et la mise à prix,
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement,
Condamne solidairement Mme [L] [H] épouse [V], M. [K] [H] et Mme [X] [H] épouse [F] à payer à M. [M] [H] la somme de 3000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles engagés en cause d'appel,
Condamne solidairement Mme [L] [H] épouse [V], M. [K] [H] et Mme [X] [H] épouse [F] aux dépens et accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au conseil de M. [M] [H].
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT