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18/06/2019 | FRANCE | N°17/04083

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 18 juin 2019, 17/04083


1ère Chambre





ARRÊT N°282/2019



N° RG 17/04083 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N7SV













Mme [V] [L] [B] [X]

Mme [T] [X] [A] [J] [X] veuve [T]

Mme [H] [P] [V] [X] épouse [H]



C/



Mme [I] [X]

M. [S] [F] [Y] [X]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS>


COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2019





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport



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1ère Chambre

ARRÊT N°282/2019

N° RG 17/04083 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N7SV

Mme [V] [L] [B] [X]

Mme [T] [X] [A] [J] [X] veuve [T]

Mme [H] [P] [V] [X] épouse [H]

C/

Mme [I] [X]

M. [S] [F] [Y] [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mai 2019

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Juin 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

Madame [V] [L] [B] [X]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

Madame [T] [X] [A] [J] [X] veuve [T]

née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

Madame [H] [P] [V] [X] épouse [H]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 2]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

INTIMÉS :

Madame [I] [X]

née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Françoise NAUDY-ORTAIS de la SCP NK CONSEIL, avocat au barreau de BREST

Monsieur [S] [F] [Y] [X]

né le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 2] (29200)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Françoise NAUDY-ORTAIS de la SCP NK CONSEIL, avocat au barreau de BREST

Mme [M] [S], veuve en première noces de M. [N] [X] et en secondes noces de M. [Q] [G], est décédée le [Date décès 1] 2010.

Elle laisse pour lui succéder:

-Nicole [X], née le [Date naissance 1] 1949,

-[T] [T] née [X], le [Date naissance 2] 1951,

-[H] [H] née [X] le [Date naissance 3] 1959,

-[S] et [I] [X], venant par représentation de leur père [N] [X], né le [Date naissance 6] 1954 et décédé le [Date décès 2] 1973.

Les opérations de succession de Mme [S] ont été ouvertes en l'étude de Maître [I], Notaire à [Localité 4].

Les filles de Mme [S] entendent se prévaloir d'un testament de la défunte, daté du 13 septembre 2005, qui les désigne comme légataires universelles.

Plusieurs différends entre d'une part, les filles de Mme [S] et d'autre part, ses petits enfants, sont apparus lors du règlement de succession. Le 16 Juillet 2015, [I] et [S] [X] ont transmis à leurs tantes un protocole d'accord transactionnel.

Le 4 août 2015, M. [S] [X] et Mme [I] [X] ont fait assigner Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] devant le tribunal de grande instance de Brest en sollicitant, principalement, qu'il ordonne les opérations de compte, liquidation et partage de la succession, déclare nul le testament olographe de Mme [M] [S] déclare Mmes [X] coupables de recel successoral à leur préjudice, les condamne à restituer la somme détournée de 218 067 €.

Par jugement du 17 mai 2017, le tribunal a:

-déclaré recevable la demande en partage ;

-ordonné les opérations de compte liquidation et partage de la succession de Mme [M] [S], veuve en premières noces de M. [N] [X] et en seconde noces de M. [Q] [G], née le [Date naissance 7] 1929 à [Localité 3] et décédée le [Date décès 1] 2010 ;

-commis pour y procéder le président de la Chambre des notaires avec faculté de délégation,

-désigné Mme la présidente de la chambre civile près du tribunal de grande instance de Brest en qualité de juge chargée du contrôle des opérations de liquidation et partage avec faculté de délégation ;

-fait application des règles du recel successoral aux donations du 4 mai 2014 et du mois de mars 2008 dont Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] ont bénéficié pour un montant total de 72.689 euros chacune ;

-dit que Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] devront rapporter à la succession les donations perçues pour un montant de 72.689 euros chacune,;

-dit que Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] ne pourront prétendre a aucune part dans le montant des donations ainsi rapportées pour un total de 218.067 euros ;

-prononcé la nullité du testament olographe de Mme [M] [S], veuve en premières noces de M. [N] [X] et en secondes noces de M. [Q] [G] ;

-renvoyé les parties devant le notaire commis afin qu'il établisse l'acte de partage conformément au jugement ;

-condamné Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] à verser une somme de 1.500 euros a M. [S] [X] à titre de dommages et intérêts ;

-condamné Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] à verser une somme de 1.500 euros à Mme [I] [X] titre de dommages et intérêts ;

-condamné Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] à verser une somme de 2000 euros à M. [S] [X] et Mme [I] [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dit n'y avoir lieu a ordonner l'exécution provisoire ;

-condamné Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] aux dépens de l'instance ;

Mmes [V], [T] et [H] [X] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 juin 2017 ;

Vu les conclusions du 6 novembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de Mmes [V], [T] et [H] [X] qui demandent à la cour de:

A titre principal,

-réformer intégralement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Brest le 17 mai 2017 ;

-déclarer irrecevable l'action intentée par M. [S] [X] et Mme [I] [X] ;

-constater la validité du protocole d'accord transactionnel conclu entre les différentes parties et le mettre à exécution ;

A titre subsidiaire,

-condamner M. [S] [X] et Mme [I] [X] au paiement de 15 000€ à Mmes [X] chacune, au titre de la rupture abusive des pourparlers ;

A titre infiniment subsidiaire,

-dire et juger que M. [S] [X] et Mme [I] [X] n'apportent pas la preuve d'un recel successoral qui aurait été commis par Mmes [V] [X], [T] [T] née [X] et [H] [H] née [X] ;

-dire et ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [S] ;

En conséquence,

-fixer les droits respectifs des héritiers dans la succession comme suit :

*[V] [X], [T] [T] née [X] et [H] [H] née [X] : 71 400 € pour chacune d'elles,

*[S] [X] et [I] [X] : 24 715 € pour chacun d'eux ;

-dire et juger que Mme [V] [X] et Mme [T] [T] née [X] devront régler à M. [S] [X] chacune une soulte de 5 388 € ;

-dire et juger que Mme [H] [H] née [X] devra régler à Mme [I] [X] une soulte de 5 388 € ;

-constater que Mmes [V] [X] et [H] [H] née [X] ont d'ores et déjà réglé ces sommes ;

-autoriser M. [S] [X] et Mme [I] [X] à se faire remettre par le CRCAM [Localité 5] la somme de 13 939€ pour M. [X] et 19 327€ pour Mme [X] ;

-dire et juger que Mmes [V] [X], [T] [T] née [X] et [H] [H] née [X] devront chacune la somme de 113.74 € à Maître [L] en règlement des frais de succession ;

en tout état de cause,

-condamner M. [S] [X] et Mme [I] [X] à verser à Mmes [V] [X], [T] [T] née [X] et [H] [H] née [X] la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

-condamner M. [S] [X] et Mme [I] [X] à verser à Mmes [V] [X], [T] [T] née [X] et [H] [H] née [X] la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner les mêmes aux entiers dépens de procédure.

Vu les conclusions du 29 août 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de M. [S] [X] et Mme [I] [X] qui demandent à la cour, de:

-confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles ordonnant les opérations de compte, liquidation et partage de la succession, commettant pour y procéder le président de la chambre des notaires avec faculté de délégation, désignation d'un juge chargé du contrôle des opérations et renvoyant les parties devant un notaire pour l'établissement de l'acte de partage ;

-réparer l'omission de statuer et dire que Mmes [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T] et Mme [H] [X] épouse [H] devront rapporter à la succession les donations perçues pour un montant de 72 689 € chacune avec intérêts au taux légal à compter de l'ouverture de la succession le 23 novembre 2010 jusqu'à parfait paiement et qu'elles seront privées de toute part sur ces sommes.

Réformer ledit jugement comme suit:

-fixer les droits respectifs des héritiers dans la succession comme suit :

*[V], [T] et [H] [X] : 11 886 € pour chacune d'elles,

*[S] et [I] [X] : 118 543 € pour chacun d'eux.

-attribuer à M. [S] [X] et Mme [I] [X] les fonds détenus dans les livres du Crédit Agricole provenant de la succession de Mme [M] [S] ;

-autoriser M. [S] [X] et Mme [I] [X] à se faire remettre par la Caisse Régionale du Crédit Agricole du Finistère et à percevoir chacun la moitié desdits fonds ;

-attribuer à Mmes [V] [X], [T] [X] veuve [T] et [H] [X] épouse [H] le solde créditeur du compte d'administration de Me [L], notaire et les meubles de la défunte ;

-condamner Mmes [V] [X], [T] [X] veuve [T] et [H] [X] épouse [H] in solidum à payer à M. [S] [X] et à Mme [I] [X] à chacun d'eux la somme de 95 582 (101 970 € - 6 388 €) outre les intérêts au taux légal à compter du 1 er juillet 2015 jusqu'à parfait paiement ;

-condamner les mêmes in solidum au paiement à M. [S] [X] et à Mme [I] [X] à chacun d'eux de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;

-condamner in solidum Mme [V] [X] divorcée [R], Mme [T] [X] veuve [T], Mme [H] [X] épouse [H] à verser à M. [S] [X] et Mme [I] [X] la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-débouter Mmes [V], [T] et [H] [X] de leurs demandes contraires ;

-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, en considération de l'ancienneté du litige ;

-condamner Mmes [V] [X], [T] [X] veuve [T] et [H] [X] épouse [H] in solidum aux entiers dépens de 1 ère instance et d'appel et dire qu'ils seront distraits au profit de la SCPA Kerdiles - Kaya - Naudy - Ortais, avocats aux offres de droit par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 avril 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'irrecevabilité des demandes de M. [S] [X] et Mme [I] [X] pour défaut de droit d'agir:

Aux termes de l'article 2044 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 novembre 2016: «La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent un contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit.»

Aux termes de l'article 2052 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 novembre 2016 : «Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. (...)'»

Mmes [X] considèrent qu'il a été transigé, dès lors que le protocole n'était enfermé dans aucun délai, qu'il n'a pas été rétracté avant sa régularisation le 20 août 2015, et qu'il a reçu exécution.

M. [S] et Mme [I] [X] soutiennent qu'il n'y a pas eu de transaction dès lors qu'il était prévu que l'encaissement des fonds devait intervenir en CARPA avant le 25 juillet 2015, et qu'en tout état de cause, ils se sont rétractés le 4 août 2015 en assignant avant toute régularisation par l'autre partie.

Ceci étant exposé:

Par lettre du 16 juillet 2015, le conseil de [S] et [I] [X] a adressé à celui de Mmes [X] un protocole transactionnel qui ne prévoyait aucun moratoire, et pouvait dès lors être rétracté à tout moment tant qu'il n'avait pas été régularisé. Ce protocole était accompagné d'une lettre qui demandait la confirmation d'un encaissement en CARPA de sommes dues par Mmes [X] et ajoutait qu'à défaut de signatures et encaissement des fonds, [S] et [I] [X] considéreront que la partie adverse n'a pas l'intention de régler les sommes dues et ont donné à leur conseil l'instruction d'assigner sans délai.

En assignant le 4 août 2015, avant tout régularisation du protocole et encaissement de sommes, [S] et [I] [X] se sont rétractés de leur proposition, comme ils en avaient la possibilité.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action recevable après avoir constaté qu'il n'y avait pas eu de transaction antérieure.

Sur la demande indemnitaire au titre de la rupture abusive de pourparlers:

[S] et [I] [X] ont agit après un délai de quinze jours suivant leur proposition d'accord, ce qui est un délai raisonnable en matière de transaction et alors qu'ils avait annoncé une assignation «sans délai» à défaut de signature et d'encaissement des fonds. En agissant ainsi, ils n'ont commis aucun abus dans la rupture de pourparlers et Mmes [X] seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts.

Sur le testament :

Aux termes de l'article 970 du code civil : «Le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme.» '

Mmes [X] se prévalent d'un testament olographe de Mme [S] les désignant égataires universelles.

Il est produit aux débats:

*un testament rédigé sur une première feuille pour son contenu et dont la date 'le 13 septembre 2005" se trouve sur la page suivante. Aucun élément ne permet de relier les deux feuilles. Au surplus, il n'est pas signé mais se termine par la formule «Maman qui vous aime très fort». Ainsi, ce testament ne remplit pas les conditions de validité exigées par l'article 970 du code civil.

*le même testament portant le tampon de Me [I] les feuillets étant agrafés. Pour les motifs précédemment expliqués, le tampon du notaire ne confère pas à ce testament sa validité.

*le même testament, imprimé sur un seul feuillet recto verso, la date figurant au verso, annexé à la minute d'un acte établi par Me [L] [C] le 26 septembre 2017. Cet acte relate que le testament a été confié à l'office notarial le 13 septembre 2005, qu'il est rédigé sur une feuille de papier blanc et commençant par les mots «Je soussigné, Mme [G]» et se terminant par les mots «Plabennec le 13 septembre 2005'» et la signature. Force est de constater que la description faite du testament ne correspond pas au testament annexé, en ce que la date ne précède pas la signature mais se trouve isolée au verso et de plus, que l'acte n'est pas signé mais terminé par la formule «Maman qui vous aime très fort». En l'absence de signature, il ne peut y être suppléé par des éléments de nature à identifier l'auteur du testament, la signature étant seule la marque de l'approbation personnelle et définitive du contenu de l'acte et de la volonté de s'en approprier les termes.

Par voie de conséquence, la copie annexée à l'acte du notaire ne permet pas, nonobstant la description qui en est faite par Me [L] [C], de dire que le testament réunit les conditions de validité prévues à l'article 970 du code civil.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a annulé le testament.

Sur le recel successoral:

Aux termes de l'article 778 du code civil : «Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession»

Mmes [V], [T] et [H] [X] ont reçu chacune de leur mère des dons manuels : Le 7 mai 2004, elles ont reçu chacune la somme de 42 689 €. En mars 2008, elles ont reçu chacune la somme de 30 000 €.

Elles soutiennent que Me [I], chargé initialement du règlement de la succession en avait été avisé en 2010, et que l'ignorance dans laquelle leurs neveux en ont été laissés ne résulte que d'une mauvaise information lors de la reprise du dossier de succession par Me [L]. Elles produisent une attestation sur l'honneur de Mme [S] faisant état de ces donations à [V] [X] et portant de la main de cette dernière : «Remis à Me [R] [I] pour être rapporté à la succession (...) le 13 décembre 2010'». Elles contestent avoir menti en disant ignorer ce qu'il était advenu du prix de vente du bien immobilier et produisent une attestation du 22 janvier 2004 dans laquelle le directeur du Crédit Agricole de Plouescat déclare que la banque détenait «dans ses livres différents placements dont l'encours global s'élève à ce jour à la somme de 126 000 euros.'»

[S] et [I] [X] entendent rapporter la preuve d'un recel.

Ceci étant exposé:

Dans une attestation du 31 mars 2018, Me [I] déclare : «Je soussigné, Maître [R] [I], Notaire honoraire, déclare par la présente, alors que j'étais en activité en qualité de notaire à [Localité 4], comme successeur de Maître [Q] et antérieurement de Maître [V] avoir été chargé du règlement de la succession de Mme [M] [S] veuve en deuxième noces de M. [Q] [G], décédée le [Date décès 1] 2010.

Je confirme que Mme [V] [X] a porté à ma connaissance en date du 13 décembre 2010 l'existence de dons manuels faits à elle-même et à ses s'urs par la défunte et rapportables à la succession ainsi que je lui ai expliqué.

Par suite d'un problème de santé début 2011, j'ai dû abandonner ma charge et demander au Président de la Chambre des Notaires [Localité 5] de faire nommer un Notaire suppléant de mon office, lequel a repris l'intégralité de mes dossiers en cours ce qui a pu expliquer certains retards et défauts de communication dans le traitement ultérieur de ce dossier de succession.

J'affirme qu'il n'a pu, à ma connaissance, être dans l'intention des héritières de dissimuler frauduleusement ces libéralités.

En foi de quoi, j'ai délivré la présente attestation afin de servir et valoir ce que de droit.»

Dans une attestation sur l'honneur du 13 décembre 2010, produite par Mmes [X], [V] [X] a déclaré renoncer au bénéfice du testament et accepter que sa part soit calculée sur 5% du patrimoine restant, indiquant «les menaces verbales et accusations outrancières de Mme [T] ([T] [X]) dans le bureau de Me [I], m'obligent à prendre cette décision».

[S] et [I] [X] produisent aux débats:

*une lettre 31 décembre 2010 par laquelle Me [I] les informe, quinze jours après qu'il a reçu [V] [X] de l'actif de la succession et du montant de leurs droits, à hauteur de 5 000 € chacun, sans faire aucunement mention des donations rapportables.

*une lettre du 1er décembre 2011 de Me [I] dans laquelle le notaire répond au conseil de [S] et [I] [X]. Me [I] écrit «Concernant la vente de la maison en 2004, il ressort que la défunte avait perçu la somme dont elle a disposé librement, les droits des héritiers n'étant ouverts qu'à compter du décès. Il semble difficile voir impossible de vérifier l'utilisation qu'elle en a faite; les héritiers n'ont aucun recours sauf à justifier de donation faite en avance sur l'héritage. (..)'Afin de permettre la clôture de cette succession, je vous demanderais d'intervenir auprès de vos clients afin qu'ils ramènent les procurations en leur possession» Il est joint à cette lettre celles de [V] et [T] [X] qui déclarent toutes deux ne pas connaître la destination des fonds issus de la vente du domicile de leur mère.

*la lettre adressée à leur conseil le 25 avril 2013 par le Crédit Agricole du Finistère, qui comprend, «après recherches effectuées» la copie des trois chèques de 42 689 € rédigés par la défunte à l'ordre de chacune de ses trois filles.

*la lettre du 23 janvier 2014 adressée par le Me [L] au conseil de [S] et [I] [X] pour l'informer de ce que [H] et [V] [X] lui avaient fait part d'un don à chacune de 30 000 € et de ce qu'il interrogeait [T] [X] pour savoir si un tel don lui avait aussi était fait.

Il ressort de l'attestation sur l'honneur de [V] [X] que lors de l'ouverture des opérations de succession, les relations entre les filles de la défunte étaient, pour le moins, peu propices à la transparence.

En tout état de cause, à supposer que Me [I] ait été effectivement avisé de l'existence des dons manuels, il les a passés sous silence par deux fois dans ses correspondances aux autres héritiers, et a prétendu clôturer ainsi les opérations successorales, ce qu'il ne pouvait faire sans l'accord de ses mandantes. Il importe peu que les donations de 2004 proviennent ou non du produit de la vente du bien immobilier, dès lors que ce n'est qu'en 2014 qu'il a été fait état de toutes les donations à [S] et [I] [X] après qu'ils ont retrouvé la preuve de celles de 2004 auprès de l'établissement bancaire.

L'intention du recel est démontrée par la succession des faits, qui établissent que ce n'est que par leur pugnacité alors que les opérations de successions étaient ouvertes que [S] et [I] [X] ont eu connaissance de l'existence et du montant de donations rapportables faites à leurs tantes. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Mmes [V], [T] et [H] [X] à rapporter chacune la somme de 72 689 € et appliqué à cette somme les dispositions de l'article 778 du code civil .

Il résulte des dispositions de l'article 866 du code civil que les sommes rapportables produisent intérêts au taux légal, sauf stipulation contraire; que ces intérêts courent depuis l'ouverture de la succession lorsque l'héritier en était débiteur enver le défunt et à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l'indivision.

En l'espèce, les sommes étant exigibles depuis l'ouverture de la succession de Mme [S], le 23 novembre 2010, elle porteront intérêts au taux légal à compter de cette date. Le jugement qui a omis de statuer sur ce chef de demande sera complété en ce sens.

Sur l'application de l'article 1364 du code de procédure civile :

Aux termes de l'article 1364 du code de procédure civile : «Si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations.

Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal»

Dès lors que les intérêts de retard doivent être calculés, la complexité des opérations justifie la désignation d'un notaire. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a procédé à cette désignation.

Dans le cadre de ces opérations, il sera procédé aux différentes attributions et les fonds détenus dans les livres du Crédit Agricole seront libérés conformément aux droits de chacun et aux liquidités disponibles, sans qu'il y ait lieu, dès le présent arrêt, de les attribuer en totalité à [S] et [I] [X]. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts:

[S] et [I] [X], qui ont subi les conséquences difficiles d'un décès prématuré de leur père, ont dû se battre pendant plusieurs années pour faire rétablir leurs droits dans la succession de leur grand mère. Cette résistance de leur tante à les rétablir dans leurs droits leur cause un préjudice moral qui sera justement indemnisé à hauteur de 5 000 € chacun. Le jugement entrepris sera réformé sur le montant de l'indemnité.

Il résulte de tout ce qui précède que Mmes [V], [T] et [H] [X], seront déboutées de leur demande présentée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, le jugement qui a omis de statuer sur cette demande sera complété en ce sens.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire:

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mmes [V], [T] et [H] [X] à verser à M. [S] [X] et Mme [I] [X] la somme de 1 500 € chacun;

Statuant à nouveau :

Condamne in solidum Mmes [V], [T] et [H] [X] à verser à M. [S] [X] et Mme [I] [X] la somme de 5 000 € chacun au titre de leur préjudice moral;

Complétant le jugement entrepris:

Dit que les rapports à succession de 72 689 € dus par Mmes [V], [T] et [H] [X] portent intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2010;

Déboute Mmes [V], [T] et [H] [X] de leur demande présentée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions;

Y ajoutant;

Déboute Mmes [V], [T] et [H] [X] de leur demande de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers;

Condamne in solidum Mmes [V], [T] et [H] [X] à verser à M. [S] [X] et Mme [I] [X] la somme de 3 000 € chacune au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel;

Condamne in solidum Mmes [V], [T] et [H] [X] aux dépens en cause d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/04083
Date de la décision : 18/06/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°17/04083 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-18;17.04083 ?
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