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27/05/2019 | FRANCE | N°18/074291

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ch, 27 mai 2019, 18/074291


Contestations Honoraires

ORDONNANCE No94

No RG 18/07429 - No Portalis DBVL-V-B7C-PJWU
et
No RG 18/07946 - No Portalis DBVL-V-B7C-PLVQ

Entreprise ETA DE L'ARGOAT
Société CAISSE REGIONALE D ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE,

C/

M. M... V...
Société ENEDIS (ANCIENNEMENT ERDF)

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE
DU 27 MAI 2019

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
d

élégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience pu...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE No94

No RG 18/07429 - No Portalis DBVL-V-B7C-PJWU
et
No RG 18/07946 - No Portalis DBVL-V-B7C-PLVQ

Entreprise ETA DE L'ARGOAT
Société CAISSE REGIONALE D ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE,

C/

M. M... V...
Société ENEDIS (ANCIENNEMENT ERDF)

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE
DU 27 MAI 2019

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Mai 2019

ORDONNANCE :

Contradictoire,
prononcée à l'audience publique du 27 Mai 2019, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

****

ENTRE :

Entreprise ETA DE L'ARGOAT
[...]
[...]

représentée par Me Vincent LAHALLE, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Marc CAZO, avocat au barreau de RENNES

Société CAISSE REGIONALE D ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE,
DITE GROUPAMA LOIRE BRETAGNE
[...]

représentée par Me Vincent LAHALLE, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Marc CAZO, avocat au barreau de RENNES

ET :

Monsieur M... V... , expert
[...]

représenté par Me Loïc RAJALU, avocat au barreau de NANTES

Société ENEDIS (ANCIENNEMENT ERDF)
[...]

représentée par Me Yann NOTHUMB, avocat au barreau de LORIENT

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 3 mai 2016, un incendie a détruit une ensileuse Krone Big700 appartenant à la société ETA de l'Argoat et loué à Monsieur R....

Estimant que l'incendie était dû à un contact entre l'engin et le réseau électrique basse tension traversant la parcelle exploitée par Monsieur R..., la société ETA de l'Argoat et son assureur, la société CRAMA Loire Bretagne ont fait assigner la société ENEDIS devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Vannes qui, par ordonnance du 1er décembre 2016, a désigné en qualité d'expert Monsieur M... V... avec la mission de :
- se faire remettre tous documents contractuels et techniques utiles à la poursuite de sa mission,
- examiner l'ensileuse Krone Big700 acquise par la société ETA de l'Argoat,
- rechercher l'origine et les causes du sinistre survenu le 5 mai 2016,
- donner son avis sur la réalité et l'ampleur des préjudices subis en précisant en tant que de besoin la valeur des biens sinistrés,
- de manière générale, fournir tous éléments techniques et de fait et faire toutes constatations permettant à la juridiction, le cas échéant saisie, d'apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis,
- apurer d'une manière générale tous les dires et les comptes entre les parties.

Une provision de 1 200 euros à valoir sur la rémunération de l'expert a été mise à la charge des requérants et un délai de six mois a été imparti à l'expert à compter de l'acceptation de sa mission pour déposer son rapport.

La provision a été consignée à la régie le 10 janvier 2017 et l'expert a accepté sa mission le 12 janvier 2017.

Par ordonnances des 27 octobre 2017 et 2 février 2018, le juge chargé du contrôle des expertises a prorogé le délai donné à l'expert jusqu'au 15 mars 2018.

L'expert a déposé son rapport le 15 juin 2018 et a sollicité la taxe de sa rémunération à la somme de 11 058,46 euros TTC.

Par ordonnance du 23 août 2018, le juge chargé du contrôle des expertises a fixé la rémunération de l'expert à la somme de 11 058,46 euros TTC, a autorisé l'expert à se faire remettre par la régie la somme de 1 200 euros et ordonné la société Crama Pays de Loire Bretagne à verser à l'expert le solde, soit la somme de 9 858,46 euros TTC.

L'expert a notifié cette ordonnance par lettre recommandée du 16 octobre 2018 au conseil des sociétés ETA de l'Argoat et CRAMA Bretagne Pays de Loire.

Par déclaration du 15 novembre 2018, la société ETA de l'Argoat et la société CRAMA Bretagne Pays de Loire a formé un premier recours contre cette ordonnance (no rôle 18/07429).
Aux termes de leurs écritures soutenues oralement lors de l'audience, elles soulèvent la nullité de la notification de l'ordonnance laquelle ne reproduit pas les articles 714 et 715 du code de procédure civile.
Elles contestent le montant réclamé par expert, observant que la facture porte un numéro de 2016 et soutenant que la somme réclamée est totalement disproportionnée. Elles relèvent que trois réunions d'expertise ont eu lieu, que deux notes d'une page ont été adressées et un pré-rapport de cinq pages, que l'expert a largement dépassé les délais qui lui avaient été octroyés et n'a répondu aux dires que dans son rapport définitif.
Elles estiment excessives le nombre de vacations retenues.

Un second recours identique a été formé par les mêmes parties par lettre recommandée adressée au greffe de la cour le 7 décembre 2018 (no rôle 18/07946).

La société ENEDIS sollicite que le montant des honoraires de l'expert soit ramené à de plus justes proportions. Elle fait valoir que l'expert n'a pas respecté les délais impartis et que le travail fourni est très contestable, l'expert ayant transformé une simple hypothèse en quasi certitude alors que différents éléments permettent de remettre en cause sa théorie.

Monsieur V... ne conteste pas la nullité de la notification de l'ordonnance de taxe mais sollicite que celle-ci soit confirmée, estimant que ses honoraires sont justifiés. Il ajoute avoir appliqué un taux horaire de 100 euros HT, situé dans la fourchette basse et détaille le temps consacré à l'expertise. Il rappelle que sa rémunération comprend celle d'intervenants extérieurs ce qui ramène la sienne à la somme de 5 881 euros HT. Il précise toutefois que depuis un intervenant a été pris en charge par la compagnie Groupama ce qui réduit sa demande à la somme de 9 546,46 euros TTC.
Il estime avoir rempli sa mission et répondu aux dires.
Il réclame une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

Sur la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 18/07429 et 18/07946 :

Il convient dans le cadre d'une bonne administration de la justice de joindre les deux recours contre l'ordonnance du 23 août 2018.

Sur la nullité de la notification de l'ordonnance fixant la rémunération de l'expert :

L'expert a notifié par lettre recommandée du 16 octobre 2018, l'ordonnance de taxe au conseil des sociétés ETA de l'Argoat et Groupama Loire Bretagne.

Cette notification qui, au demeurant n'est pas adressée aux parties mais à leur conseil, ce contrairement aux dispositions de l'article 724 al 2 du code de procédure civile, ne comporte pas la teneur des articles 724, 714 al 2 et 715 du code de procédure civile de telle sorte qu'elle est nulle en application de l'article 725 («la notification doit comporter à peine de nullité la teneur de l'article précédent ainsi que celle des articles 714(al 2) et 715»).

En conséquence de cette nullité le délai pour interjeter appel de l'ordonnance n'a pas couru.

Sur la recevabilité et le bien fondé du recours :

Le recours des sociétés ETA de l'Argoat et Crama Loire Bretagne est recevable puisque la note à l'appui du recours a été adressé à l'expert et à la société ENEDIS qui se joint à celui-ci.

Aux termes de l'article 284 du code de procédure civile, la rémunération de l'expert est fixée en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni.

En l'espèce, l'expert, saisi par lettre du greffe du 10 janvier 2017, a accepté sa mission le 12 janvier suivant. Le rapport aurait donc dû être déposé le 12 juillet 2017, l'expert n'ayant adressé aucune demande de prorogation. Le président du tribunal a, par lettre du 17 octobre 2017, rappelé à Monsieur V... le délai fixé et lui a demandé de déposer son rapport ou de solliciter une prorogation du délai. Monsieur V... a répondu le 25 octobre sollicitant le report du délai et précisant qu'il allait adresser son pré-rapport aux parties le 31 octobre. Le juge a donc prorogé le délai jusqu'au 29 décembre 2017.

Le 22 janvier 2018, l'avocat des requérants a saisi le juge chargé du contrôle en l'absence de «tout retour» de l'expert judiciaire depuis la réunion d'expertise du 22 mai précédent.

Le 25 janvier 2018, la présidente du tribunal a sollicité les explications de l'expert sur le dépassement des délais. Par lettre du 30 janvier, ce dernier a indiqué qu'il allait adresser son pré-rapport aux parties et déposer son rapport définitif le 15 mars 2018. Une ordonnance conforme de prorogation de délais a été rendue le 2 février 2018.

L'expert n'a déposé son rapport que le 15 juin 2018.

Il ressort de ces éléments que l'expert n'a pas respecté les délais impartis et n'a saisi le juge de demandes de prorogations qu'à l'initiative de ce dernier.

S'agissant des diligences, l'expert a organisé trois réunions d'expertise, les 7 mars, 11 avril et 22 mai 2017 (2h30, 1h30 et 8h30, la seconde réunion ayant dû être interrompue en raison de l'instabilité du sol et du refus d'un intervenant de procéder au démontage de l'engin dans des conditions dangereuses pour la sécurité des personnes). Le pré-rapport ne sera transmis que neuf mois plus tard. Les parties ont adressé des dires après la troisième réunion et après le dépôt du pré-rapport. Si l'expert a organisé rapidement les réunions d'expertise après sa nomination, il s'est, au contraire, montré peu diligent pour rédiger son pré rapport.

La qualité technique du rapport est mise en cause par Enedis. Il résulte du rapport que la goulotte de l'ensileuse a heurté à plus de quatre mètres de hauteur des fils électrique BT, qu'après cet incident, la machine a été arrêtée et une inspection a été effectuée, que deux minutes après la remise en route de l'engin un incendie s'est déclaré sous la cabine au niveau du broyeur. L'expert a pu déterminer après démontage que l'incendie aurait pris au niveau de la tôle de protection du boîtier hacheur. Il estime que la cause de cet incendie réside dans l'impact de la goulotte avec la ligne BT. Cependant, il n'explique pas clairement dans son rapport et dans les réponses aux dires comment cet impact a pu provoquer un départ de feu à plusieurs mètres, renvoyant sans autre explication à une annexe sur les arcs électriques (23). Il appartiendra au juge du fond, saisi, d'apprécier la pertinence de ce raisonnement.

Les différents éléments qui précèdent doivent être pris en compte dans la rémunération de Monsieur V... .

La note d'honoraires de ce dernier, en date du 16 janvier 2017, fait état des postes suivants :
- honoraires : 37 vacations (12 pour les trois réunions sur place, cinq pour l'étude du dossier, 2 pour les échanges téléphoniques, huit pour la rédaction du rapport et 10 pour les réponses aux dires) à 100 euros HT / heure, soit 3 700 euros HT,
- honoraires (trajets) : 13,5 vacations (3 x 4h30) à 50 euros HT / heure, soit 675 euros HT.
- frais 666 euros HT (convocations : 100 euros HT, dactylographie du rapport et des dires : 200 euros, photocopies : 400 à 0,40 soit 160 euros HT, photocopies couleur : 40 à 0,70 soit 28 euros HT, reliure rapport 100 euros HT, frais postaux 53 euros, envois électroniques 25 euros HT),
- frais kilométriques : 1200 km à 0,70 euros, soit 840 euros HT,
- factures prestataire Alexandre : 1 247,13 et 827,25 euros HT soit 2074,38 euros HT,
- facture prestataire Arhantec Levage : 1 260 euros HT.

S'agissant des prestataires la facture Arhantec Levage a été prise en charge par l'assureur Groupama. Il n'y a donc lieu d'en tenir compte. En revanche, les factures de la société Alexandre Concession, nécessaires aux opérations, seront retenues, soit 2 074,38 euros HT.

Les frais kilométriques calculés sur la base de 0,70 euros HT / km sont raisonnables et doivent également être retenus (840 euros HT).

Les frais de secrétariat seront arbitrés à la somme de 600 euros HT, les frais de courriels étant injustifiés et le coût unitaire des frais de photocopies noir et blanc excessifs.

Concernant les honoraires, le montant unitaire (100 euros HT, pour la prestation intellectuelle et 50 euros HT pour les déplacements) sera admis bien que situé en limite supérieure au regard de la qualification de l'expert.

La durée des trajets entre Sautron, lieu de résidence de l'expert, et le lieu des opérations d'expertise n'appelle pas de commentaire de telle sorte que la somme de 675 euros HT sera retenue pour la durée des trois déplacements.

Le nombre de vacations sollicité pour la prestation intellectuelle (37) est en revanche excessif. La préparation du dossier n'a pu demander 5 heures de travail au regard de la nature de l'expertise, s'agissant d'expliquer la cause d'un incendie laquelle ne pouvait être recherchée que lors des opérations. Les échanges téléphoniques (2 heures) ne sont pas justifiés (aucune précision n'étant apportée). Par ailleurs, il convient de tenir compte des éléments ci-dessus rappelés (délais non respectés, qualité du travail, diligences). L'ensemble de ces points justifie que la rémunération de l'expert soit arrêtée sur la base de 28 vacations, soit 2 800 euros HT.

Les frais et honoraires de l'expert seront donc taxés à la somme de 6 989,38 euros HT soit 8 387,25 euros TTC.

L'ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de grande instance de Vannes sera donc infirmée.

L'expert sera autorisé à se faire remettre par la régie de ce tribunal la somme consignée de 1 200 euros et l'ETA de l'Argoat et la société CRAMA Loire Bretagne devront verser lui verser le complément soit la somme de 7 187,25 euros TTC, à charge pour lui de régler les factures de la société Alexandre Concession.

Chaque partie conservera à sa charge les frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront par voie de conséquence rejetées.

PAR CES MOTIFS :

Nous, Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement :

Ordonnons la jonction la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 18/07429 et 18/07946.

Annulons la notification effectuée le 16 octobre 2018 de l'ordonnance de taxe rendue le 23 août 2018.

Déclarons recevable le recours contre cette ordonnance.

Infirmons l'ordonnance de taxe du juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de grande instance de Vannes.

Statuant à nouveau :

Fixons la rémunération de Monsieur M... V... à la somme de 8 387,25 euros TTC à charge pour lui de régler les factures de la société Alexandre Concession d'un montant de 2 489,26 euros TTC.

Autorisons Monsieur V... à se faire remettre par la régie du tribunal de grande instance de Vannes la somme de 1 200 euros consignée.

Disons que la société ETA de l'Argoat et la société CRAMA Loire Bretagne devront lui verser le solde de sa rémunération soit la somme de 7 187,25 euros TTC.

Disons que chaque partie supportera la charge des frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.

Rejetons en conséquence les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ch
Numéro d'arrêt : 18/074291
Date de la décision : 27/05/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2019-05-27;18.074291 ?
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