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26/03/2019 | FRANCE | N°17/02726

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 26 mars 2019, 17/02726


1ère Chambre





ARRÊT N°149/2019



N° RG 17/02726 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N3LA













M. [F] [T]



C/



Mme [L] [P]

M. [O] [P]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 MARS 2019





COMPOSITION DE LA COUR LO

RS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 04 Févr...

1ère Chambre

ARRÊT N°149/2019

N° RG 17/02726 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N3LA

M. [F] [T]

C/

Mme [L] [P]

M. [O] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 MARS 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Février 2019 devant Madame Françoise COCCHIELLO, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Mars 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [F] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Julien DERVILLERS de la SELARL PROXIMA, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Madame [L] [P]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Caroline CLAEYS de la SELARL HSA, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Véronique GIRARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [O] [P]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Marie-Caroline CLAEYS de la SELARL HSA, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Véronique GIRARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Par acte notarié en date du 2 juin 1998, M. [F] [T], M. [O] [P] et Mme [L] [P], tous trois avocats, ont constitué une société civile professionnelle (la SCP [P] ' [T]) à Laval. Les statuts de la SCP [P] ' [T] ont été mis à jour par acte du 15 décembre 1998.

Une grave mésentente existait entre les associés, lesquels ont nourri un contentieux dense devant les instances disciplinaires et pénales.

Mme [P] et M. [P] ont exercé leur droit de retrait, Mme [L] [P] le 15 juin 2005, M. [O] [P] le 23 juin 2005 avec effet aux 15 et 24 décembre 2005, M. [F] [T] a exercé son droit de retrait le 28 décembre 2005.

Estimant que les retraits de M. [O] [P] et de Mme [L] [P], sa s'ur, lui ont causé un préjudice, M. [F] [T] a, par acte du 18 juin 2013, fait assigner Mme [L] [P] et M. [O] [P] devant le tribunal de grande instance de Rennes en réparation des divers préjudices qu'ils lui auraient causés en raison de leur retrait abusif de la SCP [P] ' [T].

Par jugement du 14 mars 2017, le tribunal de grande instance de Rennes a rejeté les demandes en indemnisation de M. [F] [T], rejeté les demandes reconventionnelles d'indemnisation de M. [O] [P] et Mme [L] [P], a condamné M. [F] [T] à payer 2000 euros à M. [O] [P] et Mme [L] [P] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Enfin, le tribunal a condamné M. [F] [T] aux dépens.

Le 10 avril 2017, M. [F] [T] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 10 juillet 2017, il demande à la cour de :

-Le recevoir en sa demande, l'y dire bien fondé, réformer la décision prise par le tribunal de grande instance de Rennes le 14 mars 2017 en toutes ses dispositions,

-Dire que les notifications opérées par Mme [L] [P] et son frère M. [O] [P] ont été réalisées de concert et procédaient d'un abus consistant à contraindre M. [T] à céder ses parts sociales ou, à défaut, à obtenir la liquidation de la SCP pour en capter les actifs sans l'indemniser de ses droits sociaux.

-Dire que M. [P] [O] et Mme [P] [L] ont quitté brutalement la société en décembre 2005 et ont obtenu irrégulièrement leur inscription à titre individuel au tableau de l'ordre des avocats de Laval, que le fait pour deux associés d'emporter la quasi-totalité des dossiers de cette SCP pour créer un cabinet individuel a entraîné de facto la dissolution contrainte de cette SCP, causant un préjudice direct et certain au seul associé restant dans cette structure,

-Dire que ces agissements ou manquements relevant de la responsabilité des deux premiers associés ont entraînés, par un lien de causalité direct et certain, un préjudice à l'encontre du troisième associé de cette SCP.

En conséquence:

-Condamner in solidum M. [O] [P] et Madame [L] [P] à payer à M. [T] :

1°) Pour la perte de la valeur de ses parts sociales, la somme de 170000 (valeur 2005 actualisée en 2017 par application des coefficients d'érosion monétaire, ou au jour de l'arrêt à intervenir,

2°) A titre de dommages & intérêts pour le préjudice moral subi, la somme de 100000 €,

Soit, ensemble, la somme de 260000 €,

-Ordonner l'application du taux légal à compter de la demande et la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 Code civil,

-Débouter les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes,

-Condamner Mme [P] [L] et M. [P] [O] au paiement d'une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-Condamner Mme [L] [P] et M. [O] [P] aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 8 septembre 2017, M. [O] [P] et Mme [L] [P] demandent à la cour de :

-Confirmer le jugement, et y ajoutant,

-Débouter M. [F] [T]de l'intégralité de ses demandes,

-Condamner M. [F] [T] aux dépens d'appel, application étant faite des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat postulant soussigné,

-Condamner M. [F] [T] à leur payer une indemnité de 3000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

A l'audience à laquelle l'affaire a été retenue, la cour a sollicité les explications des parties sur la compétence des tribunaux judiciaires pour connaître ce litige, les a interrogés sur l'application de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971, qui donne au bâtonnier le pouvoir de connaître les différends entre les avocats à l'occasion de leur exercice professionnel.

Mme [P] et M. [P] s'en sont remis à la sagesse de la cour.

M. [T] a fait savoir que le bâtonnier avait vidé sa saisine, que l'article 21 de la loi de 1971 ne pouvait recevoir application et que la cour était compétente pour statuer.

CELA ETANT EXPOSE :

Considérant que M. [T] expose avoir constitué avec Mme [P] et M. [P] une société civile professionnelle, la " SCP [P] & [T]", par acte notarié du 2 juin 1998, que le capital social était constitué de 2100 parts attribuées à hauteur de 2098 parts à Mme [P], une part à M. [T] et une part à M. [P] ; que Mme [P] cédait ensuite une partie de ses parts par acte du 15 décembre 1998 de sorte que le capital était réparti à hauteur de 700 parts pour chacun des associés,

Que Mme [P] puis M. [P] exerçaient leur droit de retrait au cours de l'année 2005 de façon concertée, déloyalement, s'agissant pour eux d'évincer le troisième associé en le contraignant à céder ses droits ou en poursuivant la destruction de la structure d'exercice ; que M. [T] contestait la possibilité de se retirer de la SCP à une date discrétionnaire, sans respect des termes de l'article 30 de la loi 66-879 du 29 novembre 1966, que les deux associés ont commis un abus de droit manifeste,

Que Mme [P] et M. [P] se sont réinstallés irrégulièrement, sans autorisation, à titre individuel, qu'en l'empêchant de continuer l'exploitation de la SCP, faute de moyens, ils l'ont contraint de dissoudre la SCP, qu'ils ont procédé à des actes de concurrence déloyale en créant une nouvelle SCP avec les anciens collaborateurs de la SCP et en emportant les dossiers des clients,

Qu'il subit un préjudice économique très important, que les parts ont perdu toute valeur, qu'il n'a plus perçu de revenu, qu'il a subi un préjudice moral important,

Considérant que Mme [P] et M. [P] exposent qu'à la suite de la dégradation des relations des parties, ils ont proposé à M. [T] de racheter ses parts, ce qu'il a refusé demandant en préalable le départ de Mme [P] de la ville de Laval, qu'ils lui ont donc notifié leur retrait pour les 15 et 24 décembre 2005, soit six après la notification de la décision de retrait, qu'ils ont alors quitté les locaux, que M. [T] a décidé de se retirer de la SCP le 31décembre 2005, qu' un liquidateur amiable a été désigné le 6 janvier 2006, que la liquidation de la SCP est actuellement bloquée en raison de l'attitude de M. [T],

Qu'ils avaient le droit, dès lors que le retrait était acquis, que le délai de six mois était passé et qu'aucune proposition sérieuse n'avait été faite pour le rachat des parts, de se réinstaller dans de nouveaux locaux ; qu'ils ont alors conclu une convention de cabinet groupé, pour les besoins de leur nouvelle installation, sans rien emporter, que la clientèle, notamment historique et institutionnelle, a fait le choix de continuer à leur confier des dossiers et le bâtonnier les a autorisés à les reprendre,

Qu'ils expliquent que M. [T] est à l'origine du préjudice qu'il dit subir, que de nombreuses décisions de justice ont établi le caractère injustifié de ses demandes et le comportement dissimulateur et abusif de M. [T] à leur égard,

Mais considérant que selon l'article 21 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 :

« Le bâtonnier représente le barreau dans tous les actes de la vie civile. Il prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau et instruit toute réclamation formulée par les tiers.

Tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier qui, le cas échéant, procède à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats... »,

Considérant qu'en reprochant à M. [P] et Mme [P] des faits d'action concertée destinés à déstabiliser la SCP, la détruire, à l'évincer de cette société en le contraignant à céder ses parts, qu'en reprochant ensuite aux deux intimés des faits de concurrence déloyale lors de leur réinstallation dans la ville de Laval, M. [T] fait état d'un différend ayant eu lieu au cours de l'exercice professionnel des intimés ; que le fondement juridique de la demande de M. [T] reste sans influence sur le pouvoir de l'autorité pouvant connaître ce différend,

Considérant en effet que seul le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Laval avait le pouvoir, à l'exclusion de toute autre autorité, de connaître le différend opposant les parties ; que s'agissant d'une règle d'ordre public, le tribunal de grande instance de Rennes était sans pouvoir pour trancher le litige,

Considérant qu'en application de l'article 125 du code de procédure civile, la demande formée devant le tribunal de grande instance était de ce fait irrecevable, que le jugement sera infirmé,

Par ces motifs,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en date du 14 mars 2017,

Déclare la demande de M. [F] [T] irrecevable,

Dit n' y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles,

Condamne M. [F] [T] aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/02726
Date de la décision : 26/03/2019

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°17/02726 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-26;17.02726 ?
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