Contestations Honoraires
ORDONNANCE No62
No RG 18/07352 - No Portalis DBVL-V-B7C-PJNC
et
No RG 18/07510 - No Portalis DBVL-V-B7C-PKAX
SAS HILIADE EQUIPEMENTS
Société JOSKIN
C/
M. F... G...
SARL THIERRY VALLEE
Société JOSKIN
SAS HILIADE EQUIPEMENTS
Société BPW BENELUX
Société SCIMA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ORDONNANCE DE TAXE
DU 25 MARS 2019
Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,
délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER :
M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Mars 2019
ORDONNANCE :
Contradictoire,
prononcée à l'audience publique du 25 Mars 2019, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
****
ENTRE :
SAS HILIADE EQUIPEMENTS, venant aux droits de la société CBM CLOUARD
[...]
[...]
représentée par Me Isabelle MARTIN-MAHIEU de la SCP VERDIER-MARTIN, avocat au barreau de RENNES
Société JOSKIN
[...]
[...]
[...]
représentée par Me Emilie BUTTIER, avocat au barreau de NANTES
ET :
Monsieur F... G... , expert
[...]
[...]
représenté par Me Loïc RAJALU, avocat au barreau de NANTES
SARL THIERRY VALLEE
[...]
[...]
représentée par Me Jean-pierre DEPASSE, avocat au barreau de RENNES
Société JOSKIN
[...]
[...]
[...]
représentée par Me Emilie BUTTIER, avocat au barreau de NANTES
Société BPW BENELUX
[...]
[...]
[...]
représentée par Me Jean-david CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Sandrine VIVIER, avocat au barreau de RENNES
Société SCIMA
[...]
[...]
[...]
représentée par Me Emilie BUTTIER, avocat au barreau de NANTES
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Saisi par la société Thierry Vallée, acquéreur le 10 janvier 2014 d'une tonne à lisier et de divers équipements moyennant le prix de 189 600 euros TTC, le juge des référés du tribunal de commerce de Rennes a, par ordonnance du 28 avril 2016 rendue au contradictoire des sociétés CMB Clouard, Joskin, Scima et BPW Benelux, ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur François A... avec la mission notamment de :
- procéder à un examen technique de la tonne à lisier neuve Joskin Euroliner no 29755 et du matériel neuf Joskin Penditwist rampe pendular Pendiwist no 29756 tels qu'ils sont désignés dans le bon de commande du 10 janvier 2014 et la facture du 25 février 2014,
- déterminer l'origine des dysfonctionnements constatés par l'acheteur depuis la prise de possession et notamment l'usure anormale des pneus,
- chiffrer le coût de la remise en état du matériel litigieux ainsi que le préjudice subi par la société Thierry Vallée,
- examiner également le pendillard associé à la tonne à lisier et la plaque de celui-ci et dire s'il s'agit d'un matériel de 2014 comme indiqué sur le bon de commande et la facture ou d'une autre année,
- procéder à l'examen de l'essieu d'origine de marque BPW type 2672449386 de l'essieu de remplacement fourni par la société Joskin le 19 mai 2015, de l'essieu de remplacement fourni par la société BPW Benelux et installé par la société CMB Clouard le 31 août 2015,
- faire toutes investigations nécessaires concernant les méthodes et processus mis en œuvre par la société Joskin pour intégrer les essieux aux matériels agricoles litigieux et dire si la société Thierry Vallée a utilisé les matériels acquis dans le respect et les spécifications applicables auxdits matériels,
- décrire les travaux de nature à réparer le dit désordre et procéder à une estimation des préjudices en découlant le cas échéant,
- fournir tous éléments techniques de fait de nature à éclairer la juridiction sur les responsabilités encourues,
- d'une manière générale fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à déterminer la responsabilité de chacune des parties.
L'ordonnance impartissait à l'expert un délai de six mois pour déposer son rapport et ordonnait la consignation par les sociétés CBM Cloaurd et Joskin d'une somme de 2500 euros (1250 euros chacune) à valoir sur la rémunération de l'expert.
Par ordonnance du 28 avril 2016, le juge chargé du suivi des opérations d'expertise a commis en qualité d'expert Monsieur F... G... aux lieu et place de Monsieur A....
Par ordonnance du 8 juin 2017, une consignation complémentaire de 6 000 euros afin de permettre à l'expert de faire procéder à une analyse technique, a été ordonnée et mise à la charge de la société Thierry Vallée.
Par ordonnance du 17 mai 2018, la date impartie à l'expert pour déposer son rapport a été reportée au 30 septembre 2018.
L'expert a déposé son rapport le 8 octobre 2018. Simultanément, il a sollicité que ses frais et honoraires soient taxés à la somme de 15 532,32 euros TTC.
Par ordonnance du 9 octobre 2018, le juge chargé du contrôle des expertises a taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 15 532,32 euros TTC, a autorisé l'expert à se faire remettre par le greffe la somme consignée de 8 500 euros et a ordonné le versement du solde, soit la somme de 7 032,32 euros à raison de 50 % par la société CBM Clouard (3 516,16 euros) et de 50 % par la société Joskin (3 516,16 euros).
Cette ordonnance a été notifiée le 10 octobre 2018 par le greffe.
Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour le 9 novembre 2018 (RG no 18/07352), la société Hiliade Equipements venant aux droits de la société CBM Clouard a formé un recours contre cette ordonnance.
Elle fait valoir que la note de l'expert n'a pas été adressée aux parties de telle sorte que le principe du contradictoire n'a pas été respecté.
Au fond, elle conteste le montant taxé, rappelant qu'elle s'était opposée à l'analyse demandée par l'expert au Cétim qui s'est avérée inutile.
Elle estime qu'il n'y a aucune raison de mettre à la charge des défendeurs le coût de l'expertise.
Par requête déposée au greffe de la cour le 20 novembre 2018 (RG no 18/07510), la société JOSKIN a formé un second recours contre l'ordonnance du 9 octobre 2018. Elle soutient que la procédure de la vérification des frais et honoraires de l'expert qui obéit aux mêmes règles que la procédure de la vérification des dépens (articles 709 et 712 du code de procédure civile) n'a pas été observée et que le principe du contradictoire a été méconnu. Elle soulève, en conséquence, la nullité de l'ordonnance rendue.
Elle conteste devoir supporter la charge du solde des frais d'expertise estimant qu'en statuant sur les dépens le juge a outrepassé ses droits ce qui justifie d'autant plus l'annulation de l'ordonnance.
Elle discute enfin le quantum des frais, l'expert n'ayant pas instauré de véritable débat contradictoire.
Elle estime que les frais auraient dû être mise à la charge de la société Vallée.
La société SCIMA s'est jointe aux conclusions de la société JOSKIN.
La société BPW Benelux s'en rapporte à justice.
La société Thierry Vallée sollicite la confirmation de l'ordonnance rendue. Elle estime que l'expert a normalement accompli sa mission et que ni son travail ni sa facturation ne sont contestables.
Monsieur F... G... rappelle qu'il a adressé son rapport et sa note d'honoraire au greffe et à l'ensemble des parties le 5 octobre 2018. Il ajoute que si les parties peuvent faire valoir leurs observations au magistrat taxateur dans le délai de quinze jours, ce dernier a rendu son ordonnance avant le terme du délai, le 9 octobre.
Il estime justifié le montant qu'il réclame au regard des diligences qu'il a accomplies et qu'il détaille. Il précise avoir retenu un taux horaire raisonnable de 100 euros HT par heure.
Il sollicite subsidiairement que la société Vallée supporte la charge du solde des frais dans l'hypothèse où les requérantes en seraient déchargées.
Il réclame une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les requérantes ont été invitées à justifier de la recevabilité de leurs recours (article 715 al 2 du code de procédure civile).
SUR CE :
Sur la jonction :
Il convient de joindre les instances enrôlées sous les no 18/07352 et 18/07510 qui tendent à contester la même ordonnance, étant observé que la société Joskin a conclu dans le dossier ouvert sur le recours de la société Hiliade Équipements et cette dernière dans le dossier ouvert sur le recours de la société Joskin. Il ne sera donc statué que par une seule et même décision.
Sur la recevabilité des recours :
Aux termes des articles 724 et 715 al 2 du code de procédure civile, rappelés dans la notification effectuée par le greffe du tribunal de commerce, le requérant doit à peine d'irrecevabilité déposer à l'appui de son recours une note qui en expose les motifs et l'adresser simultanément en copie à toutes les parties au litige principal ainsi qu'à l'expert.
Si la société Hiliade Équipements justifie avoir effectué cette formalité, il n'en va pas de même de la société Joskin dont le recours sera déclaré irrecevable.
Sur les exceptions de nullité de l'ordonnance de taxe :
Dans leurs conclusions déposées dans le dossier 18/07352, les sociétés Joskin et Scima soulèvent la nullité de l'ordonnance de taxe aux motifs que cette ordonnance n'a pas été rendue en respectant la procédure applicable en matière de dépens résultant des articles 709 et 712 du code de procédure civile. Cette argumentation n'est pas sérieuse. En effet, la procédure applicable en la matière n'est pas celle relative à la contestation de la vérification des dépens résultant des articles 708 à 713 mais la procédure prévue aux articles 282 al 4, 283, 284, 724 et 725 du code de procédure civile. L'exception de nullité tirée de la violation des articles 709 et 712 ne peut donc qu'être rejetée.
La société Hiliade Equipements fait, en revanche, valoir à bon droit, que l'ordonnance critiquée a été rendue en violation du principe du contradictoire. En effet, l'article 284 al 1er du code de procédure civile dispose que le juge ne peut rendre sa décision qu'à l'expiration du délai de quinze jours prévu par l'article 282 al 4, délai courant à compter de la communication de la demande de rémunération, laissé aux parties pour lui adresser, le cas échéant, leurs observations écrites («passé le délai imparti aux parties par l'article 282 pour présenter leurs observations, le juge fixe la rémunération de l'expert...»). Or, en l'espèce, le juge – qui n'était pas tenu d'organiser un débat contradictoire – a rendu sa décision dans les vingt quatre heures de sa saisine, le 9 octobre, sans s'assurer que les parties aient eu connaissance de la demande de rémunération et ni attendre l'expiration du délai de quinze jours pour qu'elle puisse présenter leurs observations, c'est à dire en l'espèce, a minima le 23 octobre.
La décision critiquée a donc été rendue au mépris de l'article 16 du code de procédure civile qui impose au juge de respecter en toute circonstance le principe de la contradiction.
La nullité de l'ordonnance du 9 octobre 2018 sera donc prononcée.
Sur la rémunération de l'expert :
Du fait de l'effet dévolutif de l'appel, il convient de statuer sur la demande de rémunération de l'expert.
Aux termes de l'article 284 du code de procédure civile, la rémunération de l'expert est fixée en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni.
Il convient de rappeler que l'expert G... a été mandaté en avril 2016 (en remplacement d'un autre technicien) et a déposé son rapport en octobre 2018. Si le délai initialement imparti était de six mois, l'expert a dû faire procéder à une étude technique (étude métallurgique déposée le 25 juillet 2017). Compte de la complexité du dossier, le délai pour déposer le rapport a été reporté par le magistrat chargé du suivi au 30 septembre 2018, délai que l'expert a respecté.
L'expert a organisé deux réunions sur place (7 heures), a rédigé un pré-rapport et a répondu aux dires des parties, au nombre de treize (sept dires des sociétés Joskin et Scima, quatre de la société BPW Bénélux, un de la société CMB Clouard, un de la société Vallée). Les réponses aux dires occupent quarante huit des soixante trois pages du rapport définitif. Il a estimé nécessaire de faire procéder à une analyse métallurgique par un laboratoire spécialisé (notes 2 et 3 de l'expert), point qui a fait l'objet d'une ordonnance du juge du contrôle (8 juin 2017).
L'examen du rapport de l'expert permet de constater que celui-ci a répondu de manière argumentée à l'ensemble des questions que le juge des référés lui a posées (examen technique de la tonne à lisier, détermination de l'origine des dysfonctionnements que l'expert estime liée à une surcharge mécanique sur l'essieu, la qualité de l'acier utilisé n'étant pas en cause, examen du pendillard, examen de trois des essieux remplacés présentant les mêmes dégradations, investigations concernant le fabricant et l'utilisateur, l'expert concluant à l'existence d'une contrainte importante sur l'essieu lors des manœuvres engendrant une surcharge mécanique sur les pivots de l'essieu, réparation du désordre, l'expert observant que le quatrième essieu monté, en cours d'expertise, présente des modifications visuelles apparentes – présence d'une clavette montée sur le corps de l'essieu immobilisant l'axe de pivot – qui solutionnent la difficulté. L'expert estime en conclusion que les trois premiers essieux montés étaient inadaptés et que la société Joskin n'avait pas tenu compte des contraintes mécaniques que doit supporter l'essieu directionnel et qu'elle a fait apporter sur le dernier essieu les modifications nécessaires. Il retient donc une erreur de conception du fabricant qui a procédé aux modifications nécessaires).
L'expert a longuement répondu aux dires des parties et plus particulièrement au 7ème dire de l'avocat des sociétés Joskin et Scima. La réponse à ce dire est précise, argumentée au plan technique (pages 44 à 63 du rapport) et reprend chacun des points évoqués.
Si la société Joskin conteste l'analyse technique du rapport et précise qu'elle sollicitera une contre-expertise, il appartiendra au juge du fond de statuer sur ce point, mais il n'en demeure pas moins que l'expert a fourni un travail sérieux et de qualité.
L'expert sollicite que sa rémunération soit fixée à la somme de 15 532,32 euros TTC comprenant :
- des honoraires à hauteur de 5 600 euros HT,
- des frais d'étude technique (rapport Cetim) : 5 000 euros HT,
- des frais de secrétariat : 2 026,80 euros HT,
- des frais kilométriques : 316,80 euros HT.
S'agissant des honoraires, l'expert propose un taux horaire de 100 euros HT. Ce taux est raisonnable compte de la complexité du matériel à examiner et sera donc retenu. Le nombre de vacations est détaillé : 7 pour les deux réunions d'expertise sur place, 3 pour l'étude du dossier, 1 pour les différents échanges téléphoniques, 25 pour la rédaction des notes, du pré-rapport et des réponses aux premiers dires, 20 pour les réponses aux dires ayant suivi le pré-rapport. Ce nombre n'est pas exagéré au regard du travail fourni. Les honoraires seront donc retenus à hauteur de 5 600 euros HT.
Les frais d'étude technique (rapport CETIM) sont justifiés par la facture. Cette étude a été nécessaire d'une part pour exclure une cause possible de désordre et d'autre part pour déterminer la cause des désordres (surcharge mécanique). Ils seront donc pris en compte pour la somme de 5 000 euros HT.
Les frais de déplacement ne font pas l'objet de contestation et le tarif réclamé de 0,60 euros HT/km n'est pas excessif. Ils seront retenus pour la somme de 316,80 euros HT.
Enfin et s'agissant des frais de secrétariat, les tarifs appliqués n'appellent pas de commentaires étant conformes à ceux usuellement pratiqués. Les quantités sont justifiés. Les frais de secrétariat (temps de trajet de l'expert compris) seront donc retenus pour la somme de 2 026,80 euros HT.
Les frais et honoraires de l'expert G... seront arrêtés à la somme de 12 943,60 euros HT soit 15 532,32 euros TTC.
L'expert sera autorisé à se faire remettre la somme de 8 500 euros qui est consignée au greffe du tribunal.
Le solde, soit la somme de 7 032,32 euros TTC, lui sera versée, pour le compte de qui le juge du fond désignera, par la société Thierry Vallée, demanderesse à l'expertise.
Chacune des parties supportera la charge des frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement :
Ordonnons la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 18/07352 et 18/07510.
Déclarons irrecevable le recours de la société Joskin.
Déclarons recevable le recours de la société HILIADE EQUIPEMENTS.
Vu les articles 282 al 4, 284 et 16 du code de procédure civile :
Annulons l'ordonnance rendue par le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal de commerce de Rennes le 9 octobre 2018 sur la demande de Monsieur F... G... , expert.
Fixons la rémunération de Monsieur F... G... , expert, à la somme de 15 532,32 euros TTC à charge pour lui de régler la note du laboratoire Cetim.
Autorisons Monsieur G... à se faire remettre par le greffe du tribunal de commerce de Rennes le montant des consignations effectuées dans ce dossier, soit la somme de 8 500 euros.
Ordonnons à la société Thierry Vallée de lui verser le solde de sa rémunération, soit la somme de 7 032,32 euros TTC pour le compte de la partie que le juge du fond désignera, s'il est saisi.
Disons que chaque partie supportera la charge des frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.
Rejetons les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,