1ère Chambre
ARRÊT N°65/2019
N° RG 18/03109 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O2QH
SA MY MONEY BANK
C/
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA RÉGION BRETAGNE ET DU DÉPARTEMENT D'ILLE ET VILAIN
TRÉSOR PUBLIC
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2019
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,
Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Décembre 2018 devant Madame Brigitte ANDRÉ, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 05 Février 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SA MY MONEY BANK, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Guillaume PLOUX de la SCP DEBUYSER/PLOUX, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉES :
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA RÉGION BRETAGNE ET DU DÉPARTEMENT D'ILLE ET VILAINE, Service France Domaine, es-qualités de curateur de la succession vacante de Monsieur [K] [L] suivant ordonnance de la Présidente du tribunal de grande instance de ST BRIEUC du 28 mai 2014, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Chrystelle MARION de la SCP MARION-LEROUX-SIBILLOTTE-ENGLISH, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
TRÉSOR PUBLIC
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
Régulièrement assigné à personne habilitée, n'a pas constitué
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique au rapport de Me [T], notaire à [Localité 4], en date du 20 septembre 2005, la société GE Money bank a consenti à M. [K] [L] un prêt d'un montant de 55 200 euros à taux variable, remboursable par échéances mensuelles successives exigibles du 20 octobre 2005 au 20 septembre 2021. Une dernière échéance a été réglée par le débiteur le 20 août 2010 avant son décès le 3 septembre 2010. Par ordonnance du 28 mai 2014, publiée le 10 juin 2014, la Direction régionale des Finances publiques de la Région Bretagne et du département d'Ille et Vilaine, service France domaine, a été désignée, à la requête du ministère public, en qualité de curateur à la succession vacante de M. [K] [L].
Le 27 avril 2016, la SCA GE Money bank, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le n° 784 393 340, a fait délivrer au curateur à succession vacante un commandement de payer valant saisie immobilière puis l'a fait assigner, le 26 juillet 2016, à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc. Le Trésor public, créancier inscrit, a été appelé à la procédure.
Le créancier saisissant a sollicité la vente forcée du bien que le Service France domaine a contesté en invoquant la prescription de son action en paiement.
Par jugement en date du 10 avril 2018, le juge de l'exécution a déclaré l'action engagée par la SA My Money bank, nouvelle dénomination de la société GE Money bank, irrecevable comme prescrite et l'a condamnée à payer au Service France domaine la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA My Money Bank a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de l'infirmer et d'ordonner la vente forcée des biens saisis.
La Direction régionale des Finances publiques de la Région Bretagne et du département d'Ille et Vilaine conclut à l'irrecevabilité de l'appel et, subsidiairement, à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de la société My Money Bank Paris à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Trésor public, régulièrement assigné, n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par la société My Money Bank le 30 novembre 2018 et par la Direction régionale des finances publiques de la Région Bretagne et du département d'Ille et Vilaine ès qualités le 30 novembre 2018 également.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
L'intimée fait valoir que les premières conclusions d'appel ont été déposées par son adversaire au nom de la SCA GE Money Bank Paris et non de la SA appelante. Mais les secondes conclusions d'appel déposées le 30 novembre 2018 ne comportent plus cette erreur de dénomination. En tout état de cause, le numéro d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés révèle qu'il s'agit de la même personne morale ayant modifié sa forme et sa dénomination sociale. L'appel ayant été formé par la société My Money Bank, partie en première instance, aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef.
L'intimée reproche en second lieu à la SA My Money Bank d'avoir mal dirigé son appel. Mais l'appel a été relevé contre le Service France domaine, qui s'est présenté comme partie en première instance ainsi que le révèle l'entête du jugement. L'erreur commise dans la déclaration d'appel ne porte que sur la domiciliation du Service France Domaine indiquée comme étant celle de la Direction départementale des Finances publiques des Côtes d'Armor à [Localité 5] alors que ce service est effectivement domicilié à l'adresse de son représentant légal, la Direction régionale des Finances publiques de la Région Bretagne et du Département d'Ille et Vilaine. Cependant cette erreur n'est pas une cause d'irrecevabilité de l'appel mais, tout au plus, affecterait la déclaration d'appel d'une nullité de forme à la condition, non démontrée, qu'elle a entraîné un grief pour l'intimée. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur la fin de non-recevoir de prescription de l'action en paiement
Bien que la réalisation de la formalité prévue conventionnellement de l'envoi d'une lettre recommandée préalable au débiteur ne soit pas justifiée, le curateur à succession vacante admet, comme date de déchéance du terme, celle invoquée par le créancier, à savoir le 12 septembre 2013.
En application de l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Or le consommateur est défini comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. A cet égard, la qualité de consommateur de M. [L] n'est pas discutée de sorte que le délai biennal de prescription de chacune des échéances impayées antérieures à la date de la déchéance du terme courait à compter de sa date d'exigibilité tandis que le délai de prescription du capital restant dû courait à compter de la date de déchéance du terme. En conséquence, le délai de prescription biennale de l'action en paiement du capital restant dû à la date de la déchéance du terme expirait le 12 septembre 2015 tandis que le délai de prescription de l'action en paiement des échéances antérieures impayées était déjà expiré à cette date.
Or aucun acte interruptif de prescription n'est justifié avant la délivrance, le 27 avril 2016, du commandement de payer valant saisie immobilière.
La société My Money Bank invoque les dispositions de l'article 2234 du code civil selon lesquelles la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Elle soutient n'avoir pas connu le décès de M. [L] mais ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle lui a envoyé des relances ou entrepris des actes d'exécution et qu'elle a, à cette occasion, été induite en erreur sur la disparition de son débiteur. Or M. [L] résidant dans un immeuble dont il était propriétaire situé dans une commune rurale d'environ 413 habitants (cf. le procès-verbal de description du bien), il est évident que son décès était connu de son voisinage, de la municipalité et de la poste de sorte qu'une simple démarche d'un huissier à son domicile ou le retour de l'accusé de réception d'une lettre recommandée suffisaient à informer l'expéditeur de la survenance du dit décès. A cet égard, il est révélateur que le créancier saisissant ne produise aucune lettre, aucun retour de courrier, aucun acte d'huissier démontrant qu'il a tenté d'obtenir paiement de sa créance avant la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière. Son argumentation qui n'est soutenue par aucune pièce est dès lors invraisemblable.
Il s'ensuit que la société My Money Bank qui avait la possibilité d'agir contre les héritiers de M. [L] ou, après leur renonciation, de faire désigner un curateur à succession vacante sans attendre la requête déposée à cet effet par le parquet le 27 mai 2014, ne démontre pas en quoi elle a été dans l'impossibilité d'exercer des actes interruptifs de la prescription biennale qui lui est opposée.
Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 10 avril 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SA My Money Bank à payer à la Direction régionale des Finances publiques de la région Bretagne et du département d'Ille et Vilaine, représentant le Service France Domaine, ès qualités de curateur à la succession vacante de M. [L], la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA My Money Bank aux dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT