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07/12/2018 | FRANCE | N°15/07278

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 07 décembre 2018, 15/07278


2ème Chambre








ARRÊT N°659





N° RG 15/07278


N° Portalis DBVL-V-B67- MK6P




















M. Pierre X...


S.A.R.L. STEJ HOLDING





C/





CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT MARITIME MUTUEL DE BRETAGNE NORMANDIE


CIC OUEST

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée





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Copie exécutoire délivrée





le :





à : Me Armelle B...


Me Caroline Y...


Me Marie-Cécile C...





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2018








COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:





Président : Monsie...

2ème Chambre

ARRÊT N°659

N° RG 15/07278

N° Portalis DBVL-V-B67- MK6P

M. Pierre X...

S.A.R.L. STEJ HOLDING

C/

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT MARITIME MUTUEL DE BRETAGNE NORMANDIE

CIC OUEST

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Armelle B...

Me Caroline Y...

Me Marie-Cécile C...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,

Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseillère,

Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère, rédactrice,

GREFFIER :

Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 9 octobre 2018, devant Monsieur Joël CHRISTIEN et Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, magistrats rapporteurs, tenant seuls l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 7 décembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur Pierre X...

né le [...] à DIJON

[...]

La S.A.R.L. STEJ HOLDING

dont le siège social est [...]

Représentés par Me Armelle B..., Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentés par Me Xavier CAZOTTES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

La société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT MARITIME MUTUEL DE BRETAGNE NORMANDIE

dont le siège social est [...] - [...]

Représentée par Me Caroline Y... de la SCP BG ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Pierrre BAUGAS de la SELARL BAUGAS, Plaidant, avocat au barreau de CAEN

La S.A. CIC OUEST

dont le siège social est [...]

[...]

Représentée par Me Marie-Cécile C... de laSELARL Z... , avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Par un protocole d'accord du 9 décembre 2004, M. Bernard A... s'est engagé à céder à M.Pierre X... la totalité des actions de la société A... Marine, Sas, spécialisée dans la réparation des moteurs diesels et des systèmes de propulsion et d'hydraulique de bateaux, moyennant le prix de 469500 euros.

M. X... a créé la société Holding Stej, Sarl, aux fins de procéder à l'acquisition de ces actions.

Le prix d'acquisition a été financé au moyen de deux prêts :

- un prêt d'un montant de 200000 euros consenti le 21 février 2005 (mais daté du 25 février 2005) à la société Holding Stej par le Crédit Industriel de l'Ouest, devenu CIC Ouest (ci-après le CIC), remboursable en sept échéances annuelles, au taux de 4,60% l'an, et garanti par le cautionnement solidaire de M. X... à hauteur de 72000 euros, suivant acte séparé du 24 février 2005,

- un prêt d'un montant de 294 000 euros consenti le 24 février 2005 à la société Holding Stej par le Crédit Maritime Mutuel du Littoral de la Manche (ci-après le Crédit Maritime du LM), remboursable en sept échéances annuelles, au taux de 4,60% l'an, et garanti par le cautionnement solidaire de M. X... à hauteur de 88200 euros, suivant acte séparé daté du même jour.

En juin 2009, ce dernier prêt, consenti par le Crédit Maritime du LM devenu le Crédit Maritime Mutuel de Bretagne Normandie (ci-après le Crédit Maritime de BN), a été renégocié par avenant.

Suivant acte sous seing privé du 26 août 2010, le Crédit Maritime de BN a consenti à la société A... Marine un prêt de 150000 euros remboursable en 84 échéances mensuelles, au taux de 4,90% l'an, et garanti par le cautionnement solidaire de M. X... à hauteur de 75000 euros.

Par jugement du 15 juin 2011, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société A... Marine. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 18 avril 2012.

Faisant valoir que les banques avaient commis divers manquements de nature à engager leur responsabilité, la société Holding Stej et M. X... ont fait assigner le Crédit Maritime de BN, le Crédit Maritime du LM et le CIC devant le tribunal de grande instance de Rennes afin d'obtenir leur condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 26 mai 2015, le tribunal s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande au titre du prêt contre le CIC Ouest (CIC) au profit du tribunal de commerce de Nantes, et s'agissant des autres demandes, a :

- déclaré irrecevable l'action en responsabilité au titre du prêt des demandeurs contre le Crédit Maritime de BN,

- débouté les demandeurs de leurs actions en responsabilité contre le Crédit Maritime du LM,

- débouté M. X... de ses demandes contre le Crédit Maritime du LM, le Crédit Maritime de BN et le CIC en qualité de caution,

- condamné en cette qualité M. X... à payer au Crédit Maritime de BN les sommes de :

88200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2012 jusqu'à parfait paiement,
75000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2012 jusqu'à parfait paiement,

- condamné M. X... à payer au Crédit Maritime de BN la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles,

- débouté le CIC de sa demande de frais irrépétibles et de dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné in solidum M. X... et la société Holding Stej aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société Holding Stej et M. X... ont relevé appel de cette décision le 17 septembre 2015 et demandent à la cour de :

Vu les articles 1147, 1153-1 et 1154 du code civil, L. 650-1 du code de commerce et L. 341-4 du code de la consommation,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 26 mai 2015 dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Sur les prêts et engagements de caution de 2005 :

- dire et juger que les banques n'ont pas mené d'analyses propres ou entrepris de diligences pour s'informer de la situation financière réelle de leurs clients,

- dire et juger que le Crédit Maritime du LM ne s'est pas assuré des capacités de remboursement de la dette de la Holding Stej au titre des prêts n° [...] et n° [...] consentis pour le rachat des actions de la société A... Marine,

- dire et juger que les banques ont gravement manqué à leur devoir de mise en garde en n'informant pas la Holding Stej et Pierre X... des faits dont elles étaient parfaitement informées,

- condamner en conséquence le Crédit Maritime de BN à payer à Pierre X... la somme de 88200 euros à titre de dommages-intérêts, cette somme se compensant avec la somme mise à la charge de Pierre X... en qualité de caution,

Sur le prêt et l'engagement de caution de 2010 :

-dire et juger que le prêt n° [...] consenti le 26 août 2010 à la société A... Marine est

fautif,

- annuler en conséquence la caution de 75000 euros exigée de Pierre X... en contrepartie du prêt fautif,

A titre superfétatoire, sur l'inopposabilité des cautionnements souscrits sur le fondement de la

disproportion,

- dire et juger que les banques ont exigé des garanties disproportionnées au regard des biens et revenus de l'emprunteur mais aussi au regard des autres garanties exigées,

- déchoir en conséquence le Crédit Maritime de BN de son droit à se prévaloir des cautionnements souscrits,

- dire et juger qu'en tout état de cause, Pierre X... n'est pas en mesure aujourd'hui de faire

face aux engagements de caution souscrits,

Sur les autres préjudices subis par Pierre X... :

- dire et juger que Pierre X... a subi un préjudice distinct qui ne sera pas réparé par les condamnations ci-dessus prononcées,

- condamner en conséquence le Crédit Maritime de BN au paiement de la somme de 200000euros à Pierre X... à titre de préjudice financier et 30000 euros à titre de préjudice moral,

En tout état de cause :

- condamner le Crédit Maritime de BN à payer à Pierre X... la somme de 10000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter de la présente assignation, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil ,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Selon ses dernières écritures, le Crédit Maritime de BN conclut aux fins de voir :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rennes le 26 mai 2015 en toutes ses dispositions,

- débouter M. X... de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner M. X... à lui verser la somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Caroline Y..., en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, le CIC demande à la cour de :

- dire irrecevable et en tout cas infondé l'appel interjeté par la société Holding Stej et M. X... à son encontre,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris dans l'ensemble de ses dispositions,

- débouter la société Holding Stej et M. X... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la société Holding Stej et M. X... à lui payer la somme de 10000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Z... en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Holding Stej et M. X... le 17 décembre 2015, pour le Crédit Maritime de BN le 9 février 2016 et pour le CIC le 10 février 2016, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 28 juin 2018.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la compétence :

Attendu que c'est à juste titre que le tribunal, se fondant sur la clause attributive de compétence figurant au contrat de prêt conclu entre la société Holding Stej et le CIC, s'est déclaré incompétent pour statuer sur le litige opposant ces deux parties, au profit du tribunal de commerce de Nantes.

Par ailleurs, le tribunal de grande instance de Rennes étant compétent pour connaître de la demande formée contre le CIC par M. X..., tiers au contrat de prêt et agissant en qualité de caution, l'appel interjeté par ce dernier apparaît recevable contrairement à ce que soutient la banque.

Pour autant, il convient de constater que dans le dispositif de ses dernières conclusions, M.X... ne forme aucune prétention à l'encontre du CIC.

En effet, si M. X... demande à la cour de 'dire et juger que les banques, n'ont pas mené d'analyses propres ou entrepris de diligences pour s'informer de la situation financière réelle de leurs clients', '... ont gravement manqué à leur devoir de mise en garde en n'informant pas la Holding Stej et Pierre X... des faits dont elles étaient parfaitement informées,' et '... ont exigé des garanties disproportionnées au regard des biens et revenus de l'emprunteur mais aussi au regard des autres garanties exigées', il ne présente aucune demande indemnitaire à l'encontre du CIC et sa prétention visant à déchoir le prêteur de son droit à se prévaloir des cautionnements qu'il a souscrits n'est dirigée que contre le Crédit Maritime de BN.

Il doit être relevé, dès lors et conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile selon lesquelles la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, que la cour n'est saisie d'aucune demande concernant le CIC.

Sur la responsabilité des banques :

La société Holding Stej et M. X... soutiennent, d'une part, que le Crédit Maritime du LM et le CIC ont commis des fautes à l'égard de l'emprunteur et de la caution lors de l'octroi des prêts destinés à financer l'acquisition des titres de la société A... Marine en 2005, et, d'autre part, que le concours apporté en 2010 à cette dernière par le Crédit Maritime de BN était constitutif d'un soutien abusif.

Au motif que ces différentes fautes engagent la responsabilité des banques, ils demandent, en premier lieu, la condamnation du Crédit Maritime de BN, venant aux droits du Crédit Maritime du LM, à payer à M. X... une somme de 88200 € à titre de dommages et intérêts, qui sera compensée avec la somme mise à sa charge en sa qualité de caution, et, en second lieu, l'annulation du cautionnement d'un montant de 75000 € souscrit en 2010.

Dans la mesure où, comme indiqué précédemment, aucune prétention n'est dirigée en définitive contre le CIC, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens exposés par les appelants pour caractériser les agissements fautifs qu'ils lui reprochent.

S'agissant des manquements allégués à l'égard du Crédit Maritime du LM, qui a consenti en 2005un prêt de 294 000 euros à la société Holding Stej et obtenu en garantie le cautionnement solidaire de M. X... à hauteur de 88200euros, les appelants font valoir que la banque a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde en s'abstenant de mener une étude approfondie sur la rentabilité de la société A... Marine et la capacité de la société Holding Stej à rembourser le prêt ; que, de plus, M. X... ignorait plusieurs éléments d'information déterminants dont le Crédit Maritime du LM avait connaissance, à savoir la suppression des aides publiques aux professionnels de la pêche à compter du 1er janvier 2005, le non-respect par les professionnels de la législation sur les puissances des moteurs - pratique illégale à laquelle M.X... a refusé de participer - et l'adoption d'un nouveau règlement anti-pollution sur les moteurs diesel en mai 2005.

Le Crédit Maritime de BN objecte justement qu'à défaut par la société Holding Stej de démontrer qu'elle lui avait confié la mission de la conseiller sur la rentabilité de l'opération projetée, il n'était pas tenu d'un devoir de conseil à son égard, étant rappelé que la banque n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client.

Il sera également observé que les annuités du prêt contracté par la société Holding Stej étaient compatibles avec les résultats réalisés et prévisionnels de la société A... Marine dont le résultat net s'élevait à 120548 euros en fin d'exercice 2003/2004 et le résultat prévisionnel pour l'exercice suivant était estimé à 101527 euros, ainsi que cela résulte du compte de résultat prévisionnel produit en pièce 5 par les appelants.

Il s'évince, par ailleurs, de cette absence de risque d'endettement que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur.

Au surplus, le devoir de mise en garde est exclu lorsque l'emprunteur ou la caution sont avertis, ce qui est le cas en l'espèce, étant précisé que le caractère averti d'une personne morale s'apprécie en la personne de son dirigeant.

M. X..., gérant de la société Holding Stej, est en effet diplômé d'un institut de gestion et a exercé des fonctions à responsabilité dans différentes entreprises avant d'occuper le poste de directeur général dans une société employant 56 personnes, ce qui lui confère nécessairement des compétences en matière de gestion et de financement, et lui permettait de mesurer les risques liés au prêt qu'il s'apprêtait à souscrire.

En outre, s'il est exact que même à l'égard d'un emprunteur et d'une caution avertis, la banque est tenue d'un devoir de mise en garde si elle détient des informations que ceux-ci auraient ignorées, cette obligation ne s'étend pas aux renseignements intéressant le secteur d'activité dans lequel intervient la société faisant l'objet de l'opération financée.

Il ne saurait être ainsi reproché au Crédit Maritime du LM de ne pas avoir communiqué à la société Holding Stej et à M. X... des informations portant sur l'évolution de la réglementation applicable aux aides financières dont bénéficient les professionnels de la pêche, clients habituels de la société A... Marine, ou sur la modification des normes antipollution auxquelles sont soumis les navires.

Il convient au demeurant de souligner que le dirigeant de la société A... Marine à la date de la cession, M. Bernard A..., connaissait parfaitement l'environnement économique de son entreprise et avait d'ailleurs accepté d'accompagner M. X... lors du premier mois suivant son arrivée puis ponctuellement ensuite (pièce 22 du Crédit Maritime de BN).

Le Crédit Maritime de BN fait encore justement observer que les informations relatives à la fin des aides européennes et à l'adoption d'un nouveau règlement sur les moteurs diesel étaient publiques et par conséquent accessibles à tout intéressé.

Rien ne permet d'affirmer enfin que le Crédit Maritime du LM était informé du non-respect par les professionnels de la pêche de la législation sur la puissance des moteurs et, à supposer qu'il l'eût été, qu'il avait également connaissance de l'impact de cette pratique sur les résultats économiques de la société A... Marine ainsi que le soutiennent les appelants.

Aucun manquement au devoir de mise en garde n'apparaissant dès lors caractérisé à l'encontre du Crédit Maritime du LM, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Holding Stej et M. X... de leur action en responsabilité au titre du prêt conclu en 2005.

En ce qui concerne le prêt consenti en 2010 à la société A... Marine par le Crédit Maritime de BN pour un montant de 150 000 euros, assorti du cautionnement solidaire de M. X... à hauteur de 75000 euros, les appelants font valoir que ce concours étant fautif, il y a lieu d'annuler le cautionnement par application des dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce.

Aux termes de ce texte, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

L'article L. 650-1 ajoute que dans le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

Les premiers juges ont déclaré la demande de la société Holding Stej et de M. X... irrecevable au motif que seul le liquidateur de la société A... Marine avait qualité pour engager une action en responsabilité contre la banque.

S'il n'est pas contestable que seul le liquidateur a qualité pour agir en responsabilité contre la banque dont la faute a causé un préjudice à l'ensemble des créanciers et, à cet égard, la demande de la société Holding Stej, qui n'allègue aucun préjudice distinct du préjudice collectif, est en effet irrecevable, en revanche, la caution est recevable à rechercher la responsabilité de la banque et à solliciter l'annulation de son engagement dès lors qu'elle invoque un préjudice personnel subi du fait du concours consenti.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a déclaré M. X... irrecevable en sa demande fondée sur l'article L. 650-1 précité.

Sur le fond, il est de principe que lorsque le débiteur principal fait l'objet d'une procédure collective, la responsabilité de la banque pour les préjudices nés des concours consentis ne peut être engagée que s'il existe une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou une disproportion des garanties prises, et si les concours sont en eux-mêmes fautifs.

Or, M. X... n'invoque ni fraude ni immixtion fautive ni disproportion du cautionnement par rapport au concours consenti, et se contente de soutenir que ce concours était fautif sans produire le moindre élément de preuve à l'appui de ses allégations.

Il ne démontre pas en particulier, sur ce dernier point, que le Crédit Maritime du LM a consenti un crédit ruineux pour la société A... Marine ou lui a apporté un soutien financier en connaissance de sa situation irrémédiablement compromise.

Il sera d'ailleurs observé que le jugement du tribunal de commerce ouvrant la procédure de redressement judiciaire de la société A... Marine a fixé la date de cessation des paiements au 10 juin 2011 soit près de dix mois après l'octroi du concours contesté.

Les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de la banque pour soutien abusif n'étant pas réunies, M. X... sera débouté de sa demande tendant à l'annulation du cautionnement consenti en 2010.

Sur le caractère disproportionné des cautionnements :

Aux termes de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

M. X... soutient que les trois cautionnements solidaires souscrits auprès des banques pour un montant total de 235000 euros étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.

Dès lors que, comme exposé précédemment, l'appelant ne présente aucune demande à l'égard du CIC, il n'y a pas lieu de rechercher si le cautionnement souscrit le 24 février 2005 à hauteur de 72000 euros présentait un caractère disproportionné.

En ce qui concerne le cautionnement consenti le même jour et à hauteur de 88200€ en faveur du Crédit Maritime du LM, il résulte de la fiche patrimoniale signée le 8 décembre 2004 par M. X... que sa situation était la suivante:

- revenus annuels : 72800 euros

- revenus nets après déduction des charges et impôts : 48800 euros

- patrimoine immobilier (maison individuelle) :

¿ valeur : 400000 euros

¿ valeur nette, après déduction des

sommes restant dues sur les emprunts : 168000 euros

- placements financiers : 100000 euros.

L'appelant produit une attestation notariée d'où il ressort que le bien immobilier appartenait aux époux X....

Cependant, selon les renseignements figurant dans la fiche patrimoniale, la maison a été déclarée comme appartenant en pleine propriété à M. X..., la mention 'PP' étant portée sur le document relatif à la description du patrimoine immobilier.

La valeur nette du patrimoine mobilier et immobilier dont disposait M. X... s'élevait ainsi à 268000 euros.

La fiche patrimoniale fait mention, par ailleurs, d'un prêt personnel Société Générale sur lequel il restait dû une somme de 105000 euros.

En tenant compte de ce prêt antérieur et des cautionnements souscrits en février 2005 en faveur du Crédit Maritime du LM et du CIC, les engagements contractés par M. X... représentaient une somme totale de 265200 euros (105000 + 72000 + 88200).

Il s'ensuit qu'au regard des éléments communiqués par M. X... à la banque, qui n'était pas tenue d'en vérifier l'exactitude, le cautionnement contracté auprès du Crédit Maritime du LM n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

En ce qui concerne le cautionnement souscrit à hauteur de 75 000 euros en garantie du prêt consenti le 26 août 2010 par le Crédit Maritime de BN, il résulte de la fiche patrimoniale signée le 17 juin 2010 que M. X... percevait alors des revenus annuels de 61200 euros.

Il avait déclaré par ailleurs être propriétaire de sa résidence principale, évaluée à 520000 euros, et rester devoir une somme de 342000 euros sur le prêt ayant permis de financer cette acquisition, soit une valeur nette de 178000 euros.

Si M. X... justifie par la production d'une attestation notariée de ce que le bien immobilier avait été acquis avec son épouse, dont il est séparé de biens, il doit être constaté qu'il ne démontre pas en avoir informé la banque, étant observé que la fiche patrimoniale ne précise pas qu'il s'agit d'un bien indivis et indique à l'inverse que la surface financière s'élève à 178000 euros, ce qui démontre qu'il a été tenu compte de la valeur nette totale de la maison.

Le Crédit Maritime du LM soutient également, sans en justifier, que M. X... avait investi à titre personnel 200000 euros pour acquérir les actions de la société A... Marine.

L'appelant ne confirme pas cette allégation mais indique par ailleurs que les placements financiers qu'il détenait en 2004 pour un montant de 100000 euros ont été investis dans la société A... Marine à hauteur de 60 000 euros en compte courant et 40000 euros de capital social (page 19 de ses conclusions).

Les parts sociales, ou actions, et les créances inscrites en compte courant devant être prises en considération pour l'appréciation des éléments d'actif détenus par la caution, ceux-ci s'élevaient par conséquent à la somme totale de 278000 euros au moment de la conclusion du cautionnement de 2010 (178000 + 100000).

La fiche patrimoniale ne fait mention d'aucun crédit en cours autre que le prêt immobilier évoqué ci-dessus, ce qui laisse supposer que le prêt personnel signalé en 2004 avait été remboursé entre temps.

Par conséquent et compte tenu des cautionnements souscrits antérieurement, qui représentaient avec le nouvel engagement une somme totale de 235200 euros (88200 + 72000 + 75000), il convient de constater que l'obligation contractée en 2010 en faveur du Crédit Maritime de BN n'était pas manifestement disproportionnée au regard de la situation patrimoniale de M. X....

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen fondé sur la disproportion des cautionnements.

Sur la demande d'indemnités complémentaires :

Il résulte des développements qui précèdent, d'une part, qu'aucune faute n'a été retenue à l'encontre du Crédit Maritime du LM et du Crédit Maritime de BN et, d'autre part, que les engagements de caution n'ont pas été jugés disproportionnés.

Il s'ensuit que M. X... ne pourra qu'être débouté de ses demandes indemnitaires.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

M. X... et la société Holding Stej, qui succombent en appel, seront condamnés aux dépens.

M.Pierre X... devra en outre verser au Crédit Maritime de BN et au CIC la somme de 1000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu le 26 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Rennes sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en responsabilité engagée par M.Pierre X... à l'encontre du Crédit Maritime Mutuel de Bretagne Normandie au titre du prêt consenti le 26 août 2010 à la société A... Marine,

Statuant à nouveau sur ce chef,

Déclare recevable l'action en responsabilité formée par M.Pierre X..., en sa qualité de caution, contre le Crédit Maritime Mutuel de Bretagne Normandie au titre du prêt consenti le 26 août 2010 à la société A... Marine,

Déboute M.Pierre X... de sa demande d'annulation du cautionnement souscrit en garantie du prêt susmentionné,

Y ajoutant,

Condamne M.Pierre X... à payer au Crédit Maritime Mutuel de Bretagne Normandie et au CIC Ouest la somme de 1000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M.Pierre X... et la société Holding Stej aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15/07278
Date de la décision : 07/12/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 1B, arrêt n°15/07278 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-07;15.07278 ?
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