La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2018 | FRANCE | N°17/05469

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 04 décembre 2018, 17/05469


1ère Chambre





ARRÊT N°484/2018



N° RG 17/05469 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OEEE













SAS KERVILLY



C/



DIRECTION RÉGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE BRETAGNE

























Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU

04 DÉCEMBRE 2018





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prono...

1ère Chambre

ARRÊT N°484/2018

N° RG 17/05469 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OEEE

SAS KERVILLY

C/

DIRECTION RÉGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE BRETAGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 DÉCEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Octobre 2018 devant Madame Christine GROS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Décembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SAS KERVILLY, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me Emmanuel CUIEC de la SCP CUIEC, Postulant, avocat au barreau de BREST

Représentée par Me Marguerite TRZASKA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS, agissant par Madame le Directeur Régional des Douanes de Bretagne

[...]

Représentée par Madame Adeline X..., inspectrice des douanes

La société Kervilly exploite un centre commercial et une station-service sous l'enseigne E. LECLERC à Quimper.

Le 18 mars 2013 le bureau principal des douanes de Brest a initié un contrôle dans les locaux de la société Kervilly afin de recenser le fioul domestique ( FOD) et le pétrole lampant (CLAMC) se trouvant dans les cuves de stockage et de contrôler la tenue de la comptabilité-matière, la présence de justificatifs des quantités reçues et cédées et le respect des obligations résultant de l'activité de distributeur.

Le bureau des douanes a ensuite effectué trois autres visites dans les locaux de la société Kervilly, les 29 avril, 27 juin et 4 septembre 2013.

Le 24 octobre 2013, les agents du bureau principal des douanes de Brest ont notifié à la société Kervilly des infractions pour non-respect des obligations découlant de l'activité de distributeur de produits pétroliers. Il a été annoncé à cette société un redressement pour un montant total de 702495 €. Un avis de paiement a été joint au procès-verbal d'infraction.

Le 2 juillet 2014, la direction générale des douanes et droits indirects a émis à l'encontre de la société Kervilly un avis de mise en recouvrement pour la somme de 702494 €. Le 22 juillet 2014, l'administration des douanes a reçu la contestation de cet avis par la société Kervilly. Le 12 janvier 2015, l'administration des douanes a rejeté cette contestation.

Par acte du 11 mars 2015, la société Kervilly a fait assigner le directeur régional des douanes et droits indirects de Bretagne devant le tribunal de grande instance de Rennes aux fins de voir à titre principal annuler l'avis de mise en recouvrement du 2 juillet 2014.

Par requête du 26 novembre 2015, la société Kervilly a saisi le juge de la mise en état aux fins de transmission de deux questions prioritaires de constitutionnalité.

Par ordonnance du 19 mai 2016, le juge de la mise en état a dit n'y avoir lieu à transmission à la Cour de cassation des deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par la société Kervilly.

Par jugement du 20 juin 2017, le tribunal a:

-rejeté l'ensemble des demandes présentées par la société Kervilly;

-confirmé la validité de l'avis en recouvrement n° 946/14/1050 émis par le receveur régional des douanes de Bretagne le 2 juillet 2014;

-débouté les parties de leurs demandes d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la société Kervilly au paiement des entiers dépens de l'instance,

-rejeté la demande en exécution provisoire.

La société Kervilly par déclaration du 24 juillet 2017, a interjeté appel du jugement du 20 juin 2017, cette affaire a été enregistrée sous le n° 17/05469. Par déclaration du 4 août 2017, elle a interjeté appel du jugement et de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, cette affaire a été enregistrée sous le n°17/05917.

Par mémoire distinct du 3 novembre 2017, la société Kervilly a saisi la cour d'une demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Par arrêt du 26 juin 2018, la cour a ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 17/05469 et 17/05917.

Par un arrêt du même jour, la cour a rejeté la demande de transmission à la Cour de Cassation du question préjudicielle de constitutionnalité.

Vu les conclusions du 11 octobre 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de la société Kervilly, qui demande à la cour de :

-infirmer le jugement rendu le 20 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'il a débouté la société Kervilly de l'ensemble de ses demandes,

En conséquence,

A titre principal et in limine litis :

-déclarer nul le procès-verbal n°8 portant notification d'infractions et l'avis de mise en recouvrement n° 946/14/1050 du 2 juillet 2014 qui en résulte car le Bureau des douanes de Brest a violé le principe du contradictoire, à travers le droit d'être entendu dans le cadre du contrôle diligenté à l'encontre de la société Kervilly,

A titre principal,

-constater que l'infraction prévue à l'article 411 du code des douanes visé par le Bureau des douanes de Brest n'est pas caractérisée,

-constater que le résultat du contrôle diligenté par le Bureau des douanes de Brest conduit à détourner l'objectif du régime fiscal privilégié,

-annuler en conséquence l'AMR n° 946/14/1050 du 2 juillet 2014 qui en résulte,

En tout état de cause,

-condamner la Direction régionale des douanes et droits indirects de Bretagne au paiement d'une somme de 5.000 € à la SAS Kervilly par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du 16 avril 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de l'administration des douanes, qui demande à la cour de :

-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en date du 20 juin 2017,

En conséquence,

-débouter la SAS Kervilly de l'ensemble de ses demandes,

-déclarer valide l'avis de mise en recouvrement n°946/14/1050 du 2 juillet 2014 émis par le receveur régional des douanes de Bretagne,

-dire n'y avoir pas lieu à dépens conformément à l'article 367 des code des douanes.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur l'appel de l'ordonnance du 19 mai 2016:

Il résulte des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 que la décision de refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige.

Dans ses dernière conclusions, la société Kervilly ne présente aucune contestation de l'ordonnance du 19 mai 2016 du juge de la mise en état et ses demandes ne tendent qu'à l'infirmation du jugement du 20 juin 2017.

Par voie de conséquence, cette ordonnance sera confirmée.

Sur l'appel du jugement du 20 juin 2017:

Sur la régularité de la procédure:

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans l'arrêt Sopropé du 18 décembre 2008 énonce que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne susceptible d'aboutir à un acte lui faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure en cause.

Ce droit oblige l'administration des douanes à entendre la personne concernée après lui avoir laissé un délai suffisant pour préparer sa défense, mais aussi à prendre en considération de manière utile et effective les observations et explications de celle-ci.

Dès lors, le respect de ce principe s'impose à la procédure administrative douanière en matière de taxes intérieures même si ces taxes ne relèvent pas du droit de l'Union.

Il convient donc de vérifier si en l'espèce le Bureau Principal des douanes de Brest a respecté le droit pour la société Kervilly d'être entendue préalablement à la notification du procès-verbal d'infractions et de voir ses observations prises en considération par l'administration.

Le Bureau principal des douanes de Brest s'est présenté au siège de la société Kervilly les 18 mars, 29 avril, 24 mai, 27 juin 2013 aux fins d'exercer un contrôle. Il ressort des procès-verbaux rédigés ces jours là que la société Kervilly a été avisée de l'objet du contrôle, soit le contrôle de la distribution de produits pétroliers à usage réglementé, au regard de:

-la présence dans les locaux professionnels de fioul domestique et du pétrole lampant sous conditions d'emploi,

-les mesures auxquelles doivent se conformer les importateurs, distributeurs et utilisateurs de gazole et fioul sous conditions d'emploi et d'émulsion d'eau dans du gazole sous conditions d'emploi pour les besoins du contrôle fiscal de ses produits.(Arrêté du 21 avril 2005),

-Les conditions d'emploi du pétrole lampant utilisé comme combustible de chauffage, ouvrant droit à l'application du régime fiscal privilégié institué par l'article 265 B du code des douanes et fixant les mesures auxquelles doivent se conformer des importateurs et les distributeurs desdits produits.(arrêté du 18 juillet 2002),

Le 4 septembre 2013, en présence de Monsieur Y... (représentant de la société Kervilly), les agents verbalisateurs se sont présentés au siège de la société Kervilly, aux fins de continuer le contrôle de la comptabilité matière, et de réceptionner des documents demandés à l'issue du procès-verbal précédent.

Le représentant a systématiquement été avisé des contrôles rappelés ci-dessus et mis en possibilité d'y être présent. Monsieur Y... était présent à chaque visite de contrôle, à l'exception du 24 mai 2013, lorsque les agents verbalisateurs ont reçu les documents demandés par courriel. La société Kervilly ne démontre pas que les éventuelles erreurs dans les horaires d'intervention l'ai mise hors de possibilité d'exercer ses droits.

Le 21 octobre 2013, le bureau principal des douanes de Rennes a convoqué Monsieur Y... par courrier électronique, l'informant de ce qu'il pouvait assister au procès-verbal de notification d'infractions qui serait rédigé le lendemain. Après entretien téléphonique le rendez-vous a été reporté au 24 octobre 2013.

Le 24 octobre 2013, un procès-verbal de notification d'infractions a été établi, en présence de Monsieur Z..., président directeur général de la SA S Kervilly. Il a été notifié cinq infractions dont quatre ont fait l'objet de l'avis de mise en recouvrement.

Sur l'infraction de non production de déclaration d'exploitation d'un appareil distributeur de fioul domestique prévu par l'article 5 de l'arrêté du 21 avril 2005 modifié ; infraction réprimée par l'article 410 du code des douanes:

Le 18 mars 2013, il a été demandé au représentant de la société Kervilly s'il avait effectué la déclaration de la pompe distributrice de FOD. Monsieur Y... a répondu qu'il allait vérifier. Le 29 avril 2013, Monsieur Y... a déclaré qu'il n'avait rien retrouvé «à ce jour.» La déclaration n'a pas été produite par la suite, sans que le représentant de la société Kervilly ne présente d'explication alors qu'il en avait la possibilité à chaque rédaction des procès-verbaux.

Sur l'infraction de non production de déclaration d'un appareil distributeur de CLAMC prévu par l'article six de l'arrêté du 18 juillet 2002 modifié ; infraction réprimée par l'article 410 du code des douanes:

Le 18 mars 2013, il a été demandé au représentant de la société Kervilly s'il avait effectué la déclaration de la pompe distributrice de pétrole lampant. Monsieur Y... a répondu qu'il allait vérifier. Le 29 avril 2013, Monsieur Y... a déclaré qu'il n'avait rien retrouvé «à ce jour». La déclaration n'a pas été produite par la suite, sans que le représentant de la société Kervilly ne présente d'explication alors qu'il en avait la possibilité à chaque rédaction des procès-verbaux.

Sur l'infraction d'absence de justification de la destination donnée aux produits pétroliers sous condition d'emploi pour absence de délivrance de facture en matière de fioul domestique (FOD) en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 21 avril 2005 modifié ; infraction prévue à l'article 265 B3 du code des douanes national et réprimée par l'article 411 de ce code:

Le 18 mars 2013, les agents verbalisateurs ont demandé au représentant de la société Kervilly s'il savait qu'il devait «établir une facture pour chaque cession de FOD qui doit reprendre la nature et la quantité de produit, la date, les noms et adresses du cédant et du cessionnaire et porter la mention suivante: Attention-Produits détaxés aux usages réglementés (arrêté du 10 novembre 2011)-interdit notamment comme carburant dans les moteurs des véhicules routiers.» Monsieur Y... a répondu :«Je pensais que cette inscription était obligatoire sur la pompe mais pas sur les factures ; par contre je pensais que la facture n'était plus obligatoire depuis octobre 2011.»

Sur l'infraction d'absence de justification de la destination donnée aux produits pétroliers sous condition d'emploi pour absence de délivrance de facture de vente en matière de combustible liquide pour appareils mobiles de chauffage (CLAMC) en vertu de l'article 2 de l'arrêté du 21 avril 2005 modifié ; infraction prévue à l'article 265 B3 du code des douanes national et réprimée par l'article 411 de ce même code:

Le 18 mars 2013, les agents verbalisateurs ont demandé au représentant de la société Kervilly s'il savait qu'il devait «établir une facture pour chaque cession supérieure à 50 litres de pétrole lampant qui doit reprendre la nature et la quantité de produit, la date, les noms et adresses du cédant et du cessionnaire et porter la mention suivante: Attention-Produits détaxés aux usages réglementés (arrêté du 18 juillet 2002)-interdit notamment comme carburant dans les moteurs des véhicules routiers.» Monsieur Y... a répondu : « les quantités sont inférieures à 50 l donc je ne fais pas de facture.» Or, le 4 septembre 2013, en présence de Monsieur Y..., il a été constaté à partir du CD-ROM transmis par la société Kervilly, que la société avait procédé à des cessions de plus de 50 litres sur la période contrôlée. Le représentant de la société Kervilly, qui pouvait à cette occasion présenter des observations, n'a pas fait usage de cette possibilité.

Il ressort de ces éléments que, préalablement à la notification des infractions, la SAS Kervilly a eu connaissance de ce qui lui était reproché. La convocation à la notification du procès-verbal d'infraction est intervenue trois mois après le dernier procès-verbal de contrôle, ce qui a laissé à la SAS Kervilly un temps suffisant pour présenter des explications sur les déclarations administratives et les pièces de comptabilité qu'elle n'a pu produire.

Dès lors, compte tenu de la durée du contrôle, la société Kervilly a été mise en mesure, avant la notification des infractions, de faire connaître son point de vue, en toute connaissance de cause et dans un délai raisonnable, de sorte que c'est à tort qu'elle soutient que le principe du contradictoire n'a pas été respecté lors de cette phase de la procédure. A l'issue du procès-verbal de notification des infractions, il a été remis à la société Kervilly un avis de paiement. La société Kervilly soutient, sans en apporter la preuve, que cet avis de paiement lui a été présenté comme un titre exécutoire.

L'administration des douanes a émis un premier avis de recouvrement le 25 novembre 2013, l'accusé de réception n'étant pas parvenu à l'administration, elle a émis un deuxième avis le 2 juillet 2014, notifié le 4 juillet, que la société Kervilly a contesté. Par lettre du 12 janvier 2015, la Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects de Bretagne a informé la société Kervilly que la contestation était rejetée et l'a informée de la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les deux mois de la réception de cette décision. La SAS Kervilly a saisi le tribunal de grande instance de Rennes le 11 mars 2015. Dès lors, elle ne peut soutenir utilement que la phase contentieuse du recouvrement est entachée d'une irrégularité de nature à entraîner l'annulation de l'avis de mise en recouvrement.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les exceptions tirées de la nullité de la procédure.

Sur le fond du litige:

Au préalable, la société Kervilly ne conteste pas les deux premières infractions qui ont fait l'objet de l'avis de mise en recouvrement.

Sur la caractérisation de l'infraction d'absence de justification de la destination donnée aux produits pétroliers sous conditions d'emploi pour absence de délivrance des factures de vente:

L'article 265 du code des douanes national énonce la nomenclature et les tarifs des produits pétroliers et assimilés mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible, passibles d'une taxe intérieure de consommation.

Aux termes de l'article 265 B de ce code : «Si les produits visés au tableau B annexé à l'article 265 ci-dessus (produits pétroliers et assimilés) bénéficient d'un régime fiscal privilégié sous conditions d'emploi, les usages autorisés sont fixés par des arrêtés du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'industrie.

Ces arrêtés peuvent prescrire l'adjonction auxdits produits de colorants et d'agents traceurs pour en permettre l'identification.

('.)

2. Les importateurs, les fabricants, les distributeurs et les utilisateurs de produits bénéficiant d'un régime fiscal privilégié, ainsi que les opérateurs introduisant ces produits sur le territoire national, doivent se conformer aux mesures prescrites par arrêté du ministre chargé du budget en vue de contrôler la vente, la détention, le transport et l'utilisation desdits produits. A la première réquisition du service des douanes, les distributeurs doivent notamment pouvoir lui communiquer les noms de leurs acheteurs ainsi que les volumes de produits cédés.

3. L'utilisation de produits pétroliers à des usages ou dans des conditions n'ouvrant plus droit au régime privilégié dont ils ont bénéficié ainsi que l'absence de justification de la destination donnée à ces produits, donnent lieu à l'exigibilité du supplément des taxes applicables.

En cas de détournement des produits de leur destination privilégiée ou d'absence de justification par les distributeurs de la destination donnée aux produits, le supplément de taxes est exigible sur les quantités détournées ou non justifiées, sans préjudice des pénalités encourues.»

En ce qui concerne le fioul domestique (FOD), il résulte des dispositions de l'arrêté ministériel du 21 avril 2005 fixant les mesures auxquelles doivent se conformer les importateurs, distributeurs et utilisateurs de gazole sous conditions d'emploi et d'émulsions d'eau dans du gazole sous conditions d'emploi pour les besoins du contrôle fiscal de ces produits, dans sa version modifiée par l'arrêté du 8 février 2012 que :

Article 2: Tout importateur ou distributeur de fioul domestique et gazole non routier ou d'émulsions d'eau dans du gazole sous conditions d'emploi doit :

a) Etablir, pour chaque cession de ces produits, une facture précisant la nature et la quantité du produit cédé, les noms et adresses du cédant et du cessionnaire et la date de la cession ;

Ces factures, ainsi que les bulletins ou bons de livraison ou d'expédition et les contrats de vente éventuels, doivent porter la mention suivante :

" Attention. Produit sous conditions d'emploi aux usages réglementés (arrêté du 10 novembre 2011). Interdit notamment comme carburant dans les moteurs des véhicules routiers».

b) Tenir, pour ces produits, une comptabilité qui fasse apparaître, jour après jour, pour chacun de ses établissements :

-d'une part, toutes les quantités reçues ;

-d'autre part, toutes les quantités cédées, transférées sur un autre établissement ou consommées.

Article 3: La comptabilité-matières requise en vertu de l'article 2 (b) doit être tenue selon les modalités suivantes:

a) Elle doit comprendre les documents justificatifs de toutes les quantités reçues et de toutes les quantités cédées, transférées sur un autre établissement ou consommées.
Outre les factures et, pour les importateurs, les déclarations de douane relatives aux produits reçus, ces documents sont, selon le cas, les bulletins de livraison ou d'expédition, les fiches de stocks ou tout autre document probant.

b) Les quantités figurant en comptabilité doivent faire l'objet d'un arrêté au moins une fois par trimestre dans chaque établissement. Il doit être procédé simultanément à la détermination des quantités existant réellement en stock.
Chaque arrêté doit faire apparaître dans les écritures de l'établissement;
-les quantités en stock résultant des écritures comptables;
-les quantités réellement en stock mesurées dans les réservoirs;
-les déficits ou excédents .

Article 4: L'absence de justification de la destination donnée aux produits donne lieu à l'exigibilité du supplément des taxes applicables.

Constitue une destination non justifiée:('.)
-l'absence de preuve d'une distribution légale des produits sous conditions d'emploi, que ces derniers soient ou non inscrits dans la comptabilité-matières du distributeur.

En ce qui concerne le CLAMC, il résulte des dispositions de l'arrêté ministériel du 18 juillet 2002 fixant pour le white-spirit et le pétrole lampant utilisés comme combustible de chauffage les conditions d'emploi ouvrant droit à l'application du régime fiscal privilégié institué par l'article 265 (tableau B) du code des douanes en matière de taxe intérieure de consommation et fixant les mesures auxquelles doivent se conformer les importateurs et les distributeurs desdits produits que :

Article 5: Tout fournisseur ou distributeur de produits doit :

a) Etablir, pour chaque cession de ces produits supérieure à 50 litres, une facture ou un document en tenant lieu précisant la nature et la quantité du produit cédé, les noms et adresses du cédant et du cessionnaire et la date de la cession.

Ces factures, ainsi que les bulletins ou bons de livraison ou d'expédition et les contrats de vente éventuels, doivent porter la mention suivante :

"Attention - Combustible de chauffage soumis à un régime fiscal privilégié (arrêté du 18 juillet 2002) - Interdit comme carburant".

b) Tenir, dans chaque établissement, à partir de documents justificatifs, une comptabilité mensuelle par produit qui fasse apparaître les quantités reçues exprimées en litres ainsi que les quantités cédées, transférées sur un autre établissement ou consommées.

L'ensemble de ces documents doit être conservé pendant trois ans.

Aux termes de l'article 411 du code des douanes :

«1.Est passible d'une amende comprise entre une et deux fois le montant des droits et taxes éludés ou compromis toute infraction aux dispositions des lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer lorsque cette irrégularité a pour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque et qu'elle n'est pas spécialement réprimée par le présent code.

2. Tombent, en particulier, sous le coup des dispositions du paragraphe précédent, les infractions ci-après quand elles se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont passibles de droits ou taxes :

('.)

g) toute man'uvre ayant pour but ou pour résultat de faire bénéficier indûment son auteur ou un tiers d'une exonération, d'un dégrèvement ou d'une taxe réduite prévus en ce qui concerne les produits énergétiques mentionnés aux article 265 (...)»

Pour soutenir que les infractions reprochées ne sont pas caractérisées, la société Kervilly soutient que:

*Elle a agi de bonne foi, et l'administration des douanes ne rapporte pas la preuve de manoeuvres;

*Les FOD et CLAMC ont été vendus avec un justificatif de la transaction.

En premier lieu, bien que l'AMR vise l'article 411 du code des douanes, l'administration des douanes n'a pas fait application de l'amende prévue à cet article mais uniquement du rappel de taxes prévu par l'article 365 B 3 du code des douanes national. Il en résulte que le moyen tenant à la bonne foi de la société Kervilly est inopérant.

En deuxième lieu, Il résulte des dispositions de l'article 365 B et des arrêtés ministériels précités qu'il appartient aux distributeurs de pouvoir justifier du nom des cessionnaires et du volume de produits cédés. Les tickets de caisse que la société Kervilly propose à titre justification ne sont pas susceptibles de palier l'absence de facture, ne serait-ce que parce qu'ils ne portent pas la mention exigée précisant que le combustible est interdit comme carburant. Ainsi, seules des factures comprenant toutes les précisions exigées dans les arrêtés ministériels auraient permis à la société Kervilly de justifier des acquéreurs et donc de la destination des produits vendus et permis aux services des douanes de contrôler l'utilisation réelle du produit vendu et donc la destination donnée à ce produit.

Dès lors que la société Kervilly n'a pu produire de facture pour chacune de ses opérations, l'infraction sanctionnée l'article 365 B alinéa 3 est caractérisée.

Sur le détournement de procédure:

La société Kervilly soutient que l'administration douanière a détourné l'objectif du régime fiscal.

Il résulte de ce qui a été exposé plus haut, que les services douaniers n'ont pas, en refusant d'accepter à titre de preuve les tickets de caisse, détourné la procédure visant à sanctionner une utilisation différente des combustibles que celle qui permet de bénéficier du régime fiscal privilégié. La société Kervilly, qui au surplus n'établit nullement que l'absence de facture est dûe à un événement extérieur à sa volonté, ne démontre pas que l'administration des douanes a appliqué une sanction disproportionnée au but poursuivi.

Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS:

La cour;

Confirme l'ordonnance du 19 mai 2013 .

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Y a joutant;

Dit n'y avoir lieu à frais de justice à répéter conformément à l'article 367 du code des douanes.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/05469
Date de la décision : 04/12/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°17/05469 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-04;17.05469 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award