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27/11/2018 | FRANCE | N°16/02598

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 27 novembre 2018, 16/02598


3ème Chambre Commerciale








ARRÊT N°453





N° RG 16/02598

















M. Benoît X...


Mme Catherine Y... épouse X...


SARL MA.GES


SNC BEAUSSAIS


SARL TREGON PATRIMOINE


SELARL TCA


SELARL TCA





C/





SA CIC OUEST





























Infirme la décision déférée dans toutes ses d

ispositions, à l'égard de toutes les parties au recours




















Copie exécutoire délivrée





le :





à : Me E... Z...


Me A...











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2018








COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:





Président : Monsieur ...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°453

N° RG 16/02598

M. Benoît X...

Mme Catherine Y... épouse X...

SARL MA.GES

SNC BEAUSSAIS

SARL TREGON PATRIMOINE

SELARL TCA

SELARL TCA

C/

SA CIC OUEST

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me E... Z...

Me A...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Pierre CALLOCH, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur D... GARET, Conseiller, rapporteur

GREFFIER :

Mme Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Octobre 2018 devant Monsieur D... GARET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Novembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur Benoît X...

né le [...] à AUDINCOURT (25400)

[...]

[...]

Madame Catherine Y... épouse X...

née le [...] à RENNES (35000)

[...]

[...]

SARL MA.GES agissant poursuites et diligences de son gérant pour ce domicilié [...]

SNC BEAUSSAIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

SARL TREGON PATRIMOINE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

SELARL TCA es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la Société BEAUSSAIS SNC et de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la SNC BEAUSSAIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

SELARL TCA es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SARL TREGON PATRIMOINE et de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la SARL TREGON PATRIMOINE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

Représentées par Me D... E... Z... de la SCP PHILIPPE COLLEU, D... E... Z... , Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentées par Me Damien LORCY, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA CIC OUEST agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Jean-paul A... de la B... , Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Richard ROUTIER et Me Cataldo CAMMARATA de la SCP SQUADRA ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte notarié du 9 juillet 2003, la société en participation de la Beaussais, ayant pour associées les SARL «'MA.GES'» et «'HARMONY'», sociétés dont les capitaux sont détenus par des membres de la famille X..., acquérait une propriété située à Trégon, sur le territoire de la commune de Beaussais-sur-Mer (Côtes d'Armor), propriété dite «'Château de la Beaussais'» composée de plusieurs bâtiments : le château lui-même, des longères, une maison de gardien etc, et ce, moyennant un prix de 1.400.000 €.

Le 9 juin 2006, les sociétés MA.GES et HARMONY constituaient la SNC BEAUSSAIS, structure ayant pour objet l'exploitation commerciale et hôtelière du domaine.

Le 12 juillet 2006, la SARL MA.GES souscrivait auprès de la société CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST (ci-après le CIO) un emprunt de 800.00 € afin de prendre une participation dans la SNC BEAUSSAIS, la banque ayant obtenu, à titre de garanties, le cautionnement solidaire de Benoît X... (par ailleurs gérant de la SNC BEAUSSAIS) et de son épouse Catherine Y..., chacun à hauteur de 240.000 €, outre une hypothèque sur une partie des lots composant le domaine.

Le 28 février 2007, les Consorts X... créaient la SARL TREGON PATRIMOINE afin d'acquérir auprès de la SEP BEAUSSAIS une partie des lots du domaine, la SARL ayant contracté à cette fin, en date du 26 avril 2007, un emprunt de 441.695 € auprès du CIO, la banque ayant obtenu, à titre de garanties, un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque sur les lots achetés par la SARL, ainsi que le cautionnement solidaire des époux X....

Suivant acte notarié du 25 juin 2009, la SARL MA.GES cédait à la SNC BEAUSSAIS l'ensemble de ses droits immobiliers dans le domaine moyennant un prix de 2.152.800 €, cette acquisition ayant été financée au moyen d'un prêt consenti le 22 juin par le CIO à la SNC BEAUSSAIS pour un montant principal de 1.600.000 €, la banque ayant alors obtenu, à titre de garanties, un privilège de prêteur de deniers, une affectation hypothécaire complémentaire à hauteur de 800.000€, le cautionnement solidaire des époux X..., chacun à hauteur de 480.000 €, enfin une garantie «'OSEO'» à hauteur de 70 % du prêt.

La SNC BEAUSSAIS et la SARL TREGON PATRIMOINE ayant rencontré des difficultés pour rembourser leurs emprunts, le CIO prononçait la déchéance du terme avant de les faire assigner toutes deux en redressement judiciaire.

Par jugements rendus successivement les 26 février et 19 mars 2013, le tribunal de commerce de Saint Malo ouvrait une procédure de redressement à l'égard de chacune des deux sociétés et désignait la SELARL TCA en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugements rendus le 25 février 2014, le tribunal arrêtait les plans de redressement de chacune des sociétés et désignait la SELARL TCA en qualité de commissaire à l'exécution des plans.

Par acte du 18 juin 2013, délivré à l'initiative de la SELARL TCA, «'ès-qualités de mandataire judiciaire de la société BEAUSSAIS'» et «'ès-qualités de mandataire judiciaire de la société TREGON PATRIMOINE'», ainsi que de la SARL MA.GES, de Benoît X... et de Catherine Y..., le CIO était assigné devant le tribunal de commerce de Nantes, les demandeurs sollicitant la condamnation de la banque :

- à rembourser aux sociétés BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE les sommes indûment versées par elles par suite d'une erreur affectant le taux effectif global indiqué dans leurs deux emprunts, les sociétés sollicitant en conséquence l'annulation de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel et son remplacement par le taux d'intérêt légal;

- au paiement de dommages-intérêts, au profit de l'ensemble des demandeurs, en réparation des préjudices qui leur avaient été causés par les manquements contractuels imputés à la banque.

Par conclusions au fond, il était finalement demandé au tribunal de commerce de Nantes de «'déclarer la SARL MA.GES, M. et Mme X..., la SARL TREGON PATRIMOINE et la SNC BEAUSSAIS d'une part, et d'autre part la SELARL TCA, recevables et bien fondées en leurs demandes et intervention volontaire'», ces conclusions ayant été déposées cette fois au nom de la SNC BEAUSSAIS «'prise en la personne de son représentant légal'», de la SARL TREGON PATRIMOINE «'prise en la personne de son représentant légal'», de la SARL MA.GES et des époux X..., la SELARL TCA, mandataire judiciaire des sociétés TREGON PATRIMOINE et BEAUSSAIS, étant désormais qualifiée d'intervenante volontaire à l'instance.

Par jugement du 8 février 2016, la juridiction nantaise :

- déboutait le CIO de sa demande de nullité de l'assignation et d'irrecevabilité de l'acte introductif d'instance;

- déboutait les demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions, de même que le CIO de ses propres demandes indemnitaires;

- disait n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de quiconque';

- condamnait solidairement la SARL TCA ès-qualité de mandataire judiciaire des société TREGON PATRIMOINE et BEAUSSAIS, la SARL MA.GES ainsi que les époux X... aux entiers dépens.

Suivant déclaration reçue le 1er avril 2016, complétée par une seconde déclaration du même jour, le jugement entrepris était frappé d'appel par Benoît X..., Catherine Y... épouse X..., la SARL MA.GES, la SNC BEAUSSAIS prise en la personne de son représentant légal, la SARL TREGON PATRIMOINE prise en la personne de son représentant légal, et par la SELARL TCA ès-qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement des sociétés BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE.

Ces deux déclarations d'appel étaient jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 18 mai 2016.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions, les appelants demandent à la cour de :

Vu les articles L 312-1, 313-2 et R 313-1 du Code de la consommation ;

Vu les articles 1134 et s. anciens et 1147 et s. anciens du Code civil ;

Vu les articles 66, 325 et s., 914 du Code de procédure civile ;

Vu les pièces versées au débat ;

Déclarer les SNC BEAUSSAIS, SARL TREGON PATRIMOINE, SARL MA.GES, M. et Mme X..., et la SELARL TCA ès-qualité, recevables et bien fondés en leur appel ;

Déclarer le CIO irrecevable en toutes ses demandes (notamment de radiation du rôle, nullité de la signification, nullité ou caducité de l'assignation, irrecevabilité de l'appel) ;

Le dire et juger mal fondé en toutes ses demandes ;

Le débouter de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

Réparer l'omission de statuer des premiers juges en constatant et recevant l'intervention volontaire des sociétés BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE, parties à la procédure ;

Réformer le jugement en ce qu'il a débouté les parties appelantes de l'ensemble de leurs demandes;

Le confirmer en ce qu'il a débouté le CIO de l'ensemble de ses exceptions et demandes ;

Sur le caractère erroné du TEG :

Dire et juger non prescrite la société TREGON PATRIMOINE ;

Dire et juger que la société CIO a communiqué des informations erronées en ce qui concerne le TEG, tant en ce qui concerne le prêt consenti à la société TREGON PATRIMOINE qu'à la SNC BEAUSSAIS ;

Par conséquent, dire et juger que les stipulations d'intérêt des deux contrats de prêt sont nulles;

Dire et juger que le taux d'intérêt légal sera substitué au taux conventionnel ;

En conséquence, ordonner au CIO de produire un décompte actualisé de ses créances à l'égard de la SARL TREGON PATRIMOINE et de la SNC BEAUSSAIS tenant compte de cette substitution;

Condamner le CIO à restituer les sommes indûment perçues au titre des deux prêts ;

Subsidiairement, si la Cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, ordonner une expertise judiciaire portant sur les TEG des prêts incriminés;

En tout état de cause, sur les autres manquements :

Dire et juger que le CIO a manqué à ses obligations contractuelles de dispensateur de crédit ;

Par conséquent, dire et juger que la SNC BEAUSSAIS sera déchargée du paiement des sommes suivantes, qui viendront en déduction de sa dette :

67.117,80 euros (surcoût intérêts conventionnels) ;

371.184,19 euros (surcoût assurance OSEO), ou subsidiairement 245.184 euros;

En tout état de cause, décharger la SNC BEAUSSAIS de la garantie OSEO au regard des manquements du CIO au titre de la prise de garantie, et condamner le CIO à rembourser les sommes perçues au titre de cette garantie ;

Condamner le CIO à payer à la SNC BEAUSSAIS la somme de 25.000 euros correspondant au surcoût des frais notariés ;

Le condamner à payer 80.000 euros à la SNC BEAUSSAIS au titre du préjudice consécutif à son placement en redressement ;

Le condamner à payer 1.400.000 euros à la SNC BEAUSSAIS au titre de la perte des fonds propres suite au défaut de financement de la totalité du projet initial (dont le montant était de 2.400.000 euros) ;

Condamner le CIO à payer la somme de 226.288 euros de dommages et intérêts à la SARL MA.GES et à M. et Mme X... ;

Condamner le CIO à verser 8.000 euros au titre du préjudice moral à chacun des époux X...;

Subsidiairement, en ce qui concerne les manquements contractuels et les préjudices, si la Cour s'estimait insuffisamment informée, ordonner une expertise portant sur l'adéquation des concours et du coût des garanties aux besoins du projet et le chiffrage du préjudice subi ;

Dire et juger que les garanties prises sont disproportionnées, partant, les annuler ou à tout le moins les réduire ;

En ce qui concerne les sociétés SNC BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE, dire et juger que les sommes recouvrées entreront dans le patrimoine des sociétés débitrices et seront affectées en cas de continuation de l'entreprise selon les modalités prévues pour l'apurement du passif ;

Débouter le CIO de toutes demandes, fins et conclusions contraires;

Condamner la société CIO au paiement, à chacune des parties appelantes, de la somme de 10.000€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

* * * * *

Au contraire, aux termes de ses dernières conclusions, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses demandes et argumentations, le CIO demande à la cour :

PRINCIPALEMENT

1. Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 08/02/2016 pour la partie ayant rejeté les demandes du CIC OUEST ;

EN CONSÉQUENCE :

2. Constater que la première instance n'a pas été valablement introduite par TCA qui n'est pas demandeur et a fortiori appelant ;

3. Constater (i) la fin de non-recevoir découlant d'une telle demande issue d'une signification nulle par application des articles 648 et suivants du code de procédure civile, et partant d'une assignation nulle par application de l'article 56 du Code de procédure civile et de surcroît caduque, (ii) le défaut de diligence du demandeur, et (iii) l'irrégularité des déclarations d'appel;

4. Déclarer irrecevable l'action des demandeurs ;

SUBSIDIAIREMENT

5. Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nantes en ce qu'il a débouté les demandeurs de leur action contre la banque ;

6. Dire et juger BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE irrecevables en leurs demandes, motifs pris de leur absence dans l'assignation ;

7. Dire et juger MA.GES irrecevable en sa demande, motifs pris de son absence de qualité et d'intérêt à agir par application des articles 31 et 122 du Code de procédure civile ;

S'AGISSANT DU PRÊT TREGON PATRIMOINE :

1. Principalement, dire et juger prescrite l'action en nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel pour TEG erroné pour le prêt consenti à TREGON PATRIMOINE de 441.695 € le 26 avril 2007 pour avoir été intentée le 18 juin 2013, soit plus de cinq ans après l'octroi dudit prêt ;

Subsidiairement, débouter les appelants en disant et jugeant les demandes fondées exclusivement sur un rapport d'expertise amiable, non contradictoire, établi à leur seule demande, et donc dépourvu de toute force probante;

2. Plus subsidiairement, dire et juger valide le TEG du contrat de prêt TREGON PATRIMOINE de 441.695 € le 26 avril 2007 en l'état (i) de la conformité du coût de garantie et (ii) de l'absence d'obligation d'inclure des frais de tenue de compte et des commissions de mouvement dans le calcul du TEG ;

3. Dire et juger valide le TEG en relation avec l'information sur période ou la périodicité des versements entre deux échéances, motifs pris (i) de la communication effective de cette information dans le contrat de prêt, (ii) dans l'acte authentique de vente du 7 juin 2007 et (iii) d'une année qui a bien été calculée sur 365 jours contrairement à ce qui est allégué ;

S'AGISSANT DU PRÊT BEAUSSAIS SNC :

4. Principalement, débouter les appelants en disant et jugeant les demandes fondées exclusivement sur des rapports d'expertise amiable, non contradictoires, établis à leur seule demande, et donc dépourvus de toute force probante;

5. Subsidiairement, dire et juger valide le TEG du contrat de prêt BEAUSSAIS de l.600.000 € le 22 juin 2009 en l'état (i) de la bonne prise en compte du coût de l'assurance et du coût des garanties, et (ii) de la non-obligation d'inclure les frais d'information annuelle aux cautions (dont la preuve n'est au demeurant pas rapportée qu'ils auraient fait varier le TEG au-delà d'une décimale), ni le coût de l'acte authentique de vente, les frais de tenue de compte et les frais de réorganisation juridique qui n'ont manifestement pas été imposés par la banque ;

S'AGISSANT DES AUTRES «'MANQUEMENTS CONTRACTUELS'» :

6. Débouter purement et simplement les appelants en raison (i) de la preuve non rapportée de la disproportion des engagements de l'emprunteur au moment de l'octroi du prêt, en étant propriétaire d'un immeuble dont la valeur se trouvait en adéquation avec la somme empruntée, et (ii) de l'absence de crédit excessif ni de risque d'endettement en considération d'une durée de remboursement sans difficulté pendant près de 3 ans ;

7. Dire et juger prescrite l'action en responsabilité pour manquement au devoir de mise en garde, en l'état du contrat de prêt professionnel TREGON PATRIMOINE souscrit le 26 avril 2007;

8. Dire et juger BEAUSSAIS emprunteur averti, en l'état d'un dirigeant, Benoît X..., lui-même averti, dispensant ainsi le CIC OUEST d'un quelconque devoir de mise en garde à l'égard de celle-là;

9. Dire et juger CIC OUEST non tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard des consorts X..., cautions, motifs pris (i) de l'impossibilité de se prévaloir du contrat entre le prêteur et l'emprunteur, (ii) de leur connaissance des risques encourus en leurs qualités de gérant et d'associé par personne morale interposée de BEAUSSAIS SNC, pour Benoit X..., et en qualité d'associée par personne morale interposée de Catherine X... de cette même société, (iii) de la preuve non rapportée de la disproportion de l'engagement, au moment de l'octroi du prêt, de l'emprunteur en étant propriétaire d'un immeuble dont la valeur se trouvait en adéquation avec la somme empruntée, et (iv) de l'absence de risque d'endettement en considération d'une durée de remboursement sans difficulté de près de 3 ans ;

I0. Débouter les appelants, en leur action à une prétendue disproportion des garanties, tant en raison de l'indétermination de toute référence à cette disproportion, que de l'absence en l'espèce de toute disproportion dans l'une quelconque des hypothèses où celle-ci aurait pu être admise (disproportion aux concours ou disproportion aux biens et revenus) ;

PLUS SUBSIDIAIREMENT, UN PRÉJUDICE NON FONDÉ EN DROIT ET NON DEMONTRÉ :

11. Dire et juger le prétendu surcoût du prêt à BEAUSSAIS du 22 juin 2009 de 67.l l7,80 € (taux d'intérêt supérieur au taux du prêt MA.GES) et 371.184,19 € (commission OSÉO) non prouvé, notamment en l'état de l'accord de garantie OSÉO du 29/04/2009 ;

12. Dire et juger les prétendus «'frais de constitution de garantie, frais d'actes, émoluments facturés par le notaire'», relatifs à BEAUSSAIS, évalués arbitrairement à 41 350,31 €, ramenés à 25.000 €, non prouvés comme relevant de la seule décision de gestion de ses dirigeants ;

13. Dire et juger le prétendu préjudice réclamé par MA.GES et les consorts X... au titre de la fiscalité d'une plus-value et prélèvements sociaux sur cession de l'immeuble de 226.288 € non prouvé ;

14. Dire et juger les préjudices ainsi allégués découlant d'une perte de chance de ne pas conclure les prêts non indemnisables intégralement et, au cas d'espèce, dans une très faible proportion en l'état de la détermination des emprunteurs à les conclure pour conduire leur projet à terme malgré les risques inconnus de la banque à l'époque de la souscription ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :

15. Débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;

16. Condamner in solidum MA.GES, Benoît X... et Catherine X... à payer à CIC OUEST la somme de 15.000 € pour préjudice matériel et celle de 20.000 € pour préjudice moral;

17. Condamner in solidum MA.GES, Benoît X... et Catherine X... à payer à CIC OUEST la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

18. Condamner in solidum MA.GES, Benoît X... et Catherine X... aux dépens ;

19. Dans l'hypothèse où TCA serait considérée avoir valablement été à l'origine de la présente procédure :

- prononcer les condamnations précitées in solidum avec (i) TCA, (ii) BEAUSSAIS SNC et (iii) TREGON SARL ;

- donner acte au CIC OUEST de son droit d'engager la responsabilité civile professionnelle personnelle de TCA et Me C... devant la juridiction compétente pour (i) avoir engagé fautivement la présente procédure en l'état d'un droit positif qu'ils ont méconnu, malgré leur qualité de professionnel du droit, et (ii) s'être entêtés en cause d'appel en ne pouvant ignorer que leur appel était voué à l'échec.

* * * * *

La mise en état du dossier a été clôturée par ordonnance du 6 septembre 2018 et l'affaire renvoyée à l'audience de jugement du 1er octobre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la recevabilité :

Le CIO fait d'abord valoir que le mandataire judiciaire n'avait pas qualité pour assigner la banque au nom des sociétés BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE alors en effet, d'une part qu'elle n'en est pas la représentante légale, d'autre part que l'assignation du 18 juin 2013 n'a pas été délivrée par les sociétés elles-mêmes prises en la personne de leurs représentants légaux, mais à la requête de la seule SELARL TCA se présentant comme mandataire judiciaire desdites sociétés; le CIO en déduit que l'assignation est nulle et caduque.

Toutefois, ces moyens seront écartés, étant en effet observé :

- que l'assignation ne serait pas nulle de ce seul fait, dans la mesure où elle a également été délivrée à la requête de la SARL MA.GES, de Benoît X... et de Catherine Y... épouse X...;

- que les sociétés BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE ont finalement régularisé leur intervention à l'instance par des conclusions déposées devant le tribunal de commerce aux termes desquelles elles se sont présentées comme parties à part entière à la procédure puisqu'ayant déclaré agir en la personne de leurs représentants légaux, la SELARL TCA ayant précisé quant à elle, aux termes des mêmes conclusions, qu'elle n'intervenait qu'en qualité de mandataire judiciaire des deux sociétés ;

- que cette régularisation est valable en ce qu'elle pouvait intervenir valablement à tout moment et ce, par application des dispositions de l'article 126 du Code de procédure civile.

De même, c'est vainement que le CIO soutient que l'appel des sociétés BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE n'est pas recevable dans la mesure où elles ne sont pas désignées dans le jugement déféré en qualité de parties à la procédure, la cour observant en effet :

- que c'est à tort que le jugement a fait apparaître ces deux sociétés, non pas en leur qualité de parties à l'instance, ne les ayant en effet désignées que par le truchement de leur mandataire judiciaire, la SELARL TCA, laquelle n'avait pourtant pas qualité pour les représenter';

- que du fait de la régularisation intervenue devant le tribunal, il aurait fallu les faire apparaître en leur véritable qualité de parties à l'instance.

Pour cette seule raison, le jugement ne pourra qu'être infirmé en toutes ses dispositions, comme ayant statué sur des demandes comme si elles avaient été formées par la SELARL TCA alors que tel n'était pas le cas, tandis que, par ailleurs, le tribunal a laissé sans réponse des demandes qui étaient formées par les deux sociétés elles-mêmes.

C'est encore vainement que le CIO conteste la recevabilité de l'action des époux X..., au motif qu'ils ne seraient pas eux-mêmes «'auteurs'» de l'assignation initiale, alors que la seule lecture de la première page de l'acte démontre le contraire.

C'est encore à tort que le CIO conteste la recevabilité à agir de la société MA.GES, cette fois au motif qu'elle n'aurait elle-même contracté aucun des deux emprunts litigieux, la banque confondant ainsi intérêt à agir et bien-fondé de l'action, alors en effet :

- qu'il est constant, au vu des dernières conclusions déposées devant la cour, que la société MA.GES sollicite elle-même la condamnation du CIO au paiement de dommages-intérêts en réparation de son propre préjudice, avéré ou non, ce qu'il appartient à la cour de juger';

- que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, l'existence du préjudice allégué n'étant pas une condition de sa recevabilité, mais de son succès.

De même, la SELARL TCA, prise en sa qualité de mandataire judiciaire des sociétés TREGON PATRIMOINE et BEAUSSAIS, plus exactement de commissaire à l'exécution des deux plans de redressement arrêtés par le tribunal, est recevable à intervenir à l'instance, son intervention étant même nécessaire à la régularité de la procédure.

En conséquence, l'ensemble des parties appelantes seront déclarées recevables en leur action.

II - Sur la demande tendant au remboursement des sommes versées par les sociétés TREGON PATRIMOINE et BEAUSSAIS en application d'une stipulation de taux effectif global prétendument erroné :

A - Sur la demande formée par la société TREGON PATRIMOINE :

Se prévalant du caractère erroné du TEG stipulé dans l'emprunt qu'elle a souscrit, TREGON PATRIMOINE demande à la cour de dire et juger cette stipulation «'nulle'», d'y substituer un intérêt au taux légal et, partant, d'ordonner au CIO de rembourser les intérêts qu'il a indûment perçues.

Il s'agit donc d'une action en annulation, par là même soumise au délai de prescription de cinq ans prévu à l'article 1304 du Code civil dans sa numérotation applicable au contrat litigieux.

Quant au point de départ de ce délai, il convient de rappeler que l'action en nullité d'un prêt fondée sur une erreur ou un dol résultant de l'erreur affectant la stipulation du taux effectif global se prescrit, dans les relations entre professionnels, dans le délai de cinq ans courant à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant ce taux, soit, s'agissant d'un prêt, la date de la convention elle-même.

Il en résulte qu'est prescrite l'action intentée par TREGON PATRIMOINE, emprunteur professionnel qui a fait assigner le CIO, par acte délivré le 18 juin 2013, aux fins d'annulation d'une stipulation contractuelle figurant dans un emprunt qu'elle a conclu le 20 avril 2007, soit plus de cinq ans auparavant, étant ici observé que les dispositions transitoires prévues à l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'ont pas eu d'incidence sur la prescription qui avait déjà commencé à courir, dès lors en effet qu'antérieurement à cette loi, la prescription applicable à l'action de TREGON PATRIMOINE était déjà de cinq ans, tout comme le nouveau délai de prescription de droit commun instauré par la loi.

B - Sur la demande formée par la société BEAUSSAIS :

Cette demande ne se heurte pas à la prescription, dès lors en effet que l'assignation, aux termes de laquelle la SNC BEAUSSAIS demande l'annulation de la stipulation contractuelle figurant dans son propre emprunt, lui-même souscrit le 22 juin 2009, a été délivrée le 18 juin 2013, soit moins de cinq années plus tard.

Pour réclamer l'annulation de cette stipulation, la SNC fait valoir que le taux effectif global indiqué dans la convention est erroné en ce qu'il omet de prendre en compte':

1 - le coût réel de l'assurance-emprunteur,

2 - les frais liés à l'envoi de l'information annuelle des cautions,

3 - le coût des inscriptions hypothécaires,

4 - les frais de tenue de compte,

5- les frais consécutifs à la réorganisation juridique et financière imposée par le CIO,

L'article L 313-1 du Code de la consommation, dans sa numérotation et sa rédaction applicables au contrat litigieux, dispose':

«'Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l'application des articles L 312-4 à L 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

En outre, pour les prêts qui font l'objet d'un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l'amortissement de la créance.

Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application du présent article.'»

1 - sur le coût de l'assurance-emprunteur':

A la rubrique «'4.3 TAUX EFFECTIF GLOBAL'» du prêt litigieux, il est indiqué':

«'Pour satisfaire aux dispositions légales (article L 313-1 et L 313-2 du Code de la consommation), il est mentionné aux présentes que le taux effectif global du présent crédit s'établit comme suit':

- taux d'intérêt': 5,97000'%

- total des frais': 433.552,08 €

dont frais de dossier': 220,00 €

dont estimation du coût des garanties': 433.332,08 €

soit un taux effectif global par an de 9,27882'% et un TEG par période de 2,3197'%'».

La SNC reproche ainsi au CIO de ne pas avoir mentionné et intégré dans ce TEG le coût de l'assurance-emprunteur.

En réalité, ce reproche est infondé puisque ce taux figure expressément dans le tableau d'amortissement annexé au contrat de prêt, lui-même annexé à l'acte notarié du 25 juin 2009 par lequel a été reçue la vente entre la SARL MA.GES et la SNC BEAUSSAIS, ce tableau précisant en effet':

«'TEG': 9,27882'% dont assurance': 0,39776'%, frais': 0,25106 et OSEO 2,66'%'».

Par ailleurs et si la SNC verse aux débats un rapport dit «'d'expertise'», au demeurant établi de manière non contradictoire, évoquant un surcoût d'assurance de 252,71 € facturé à la SNC BEAUSSAIS par rapport au coût initialement prévu, en toute hypothèse cette différence est sinon négligeable, à tout le moins sans incidence significative sur le TEG annoncé, alors en effet':

- que l'article R 313-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux, exige seulement que le TEG soit annoncé «'avec une précision d'au moins une décimale'», aucune sanction n'étant prévue lorsque l'approximation n'excède pas ce seuil';

- que tel est le cas en l'occurrence, lorsqu'on compare le surcoût évoqué (252,71 €) par rapport au coût total du crédit (433.552,08 €), d'où une différence de 0,00058'% entre le taux annoncé et le taux réel, largement en-deçà du seuil de tolérance réglementaire.

Le moyen sera donc écarté.

2 - sur les frais liés à l'envoi de l'information annuelle des cautions':

Les frais liés à l'information annuelle de la caution, imposée par l'article L 313-22 du Code monétaire et financier, ne constituent pas une condition d'octroi du prêt'; ils n'ont donc pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global.

3 - sur le coût des inscriptions hypothécaires':

Il n'est pas contesté que le coût des inscriptions hypothécaires prises par la banque pour garantir l'emprunt contracté par la SNC n'a pas été intégré dans le TEG et ce, pour une somme non contestée de 9.876,76 €.

Pour autant, rapportés au coût total du crédit, ces frais supplémentaires demeurent non significatifs, leur prise en compte dans la détermination du taux réel n'étant pas de nature à le faire varier d'une décimale au moins (la différence étant en l'occurrence de l'ordre de 0,02278%).

4 - sur les frais de tenue de compte':

Les commissions et frais de tenue de compte constituent le prix de services bancaires, distincts du crédit lui-même et qui n'en constituent pas la contrepartie, de telle sorte qu'ils n'ont pas à être intégrés dans le calcul du TEG.

5 - sur les frais consécutifs à la réorganisation juridique et financière prétendument imposée par le CIO':

Ainsi qu'il sera démontré ci-après, ce sont les Consorts X... eux-mêmes, assistés de leurs conseils, qui ont pris l'initiative de proposer au CIO la réorganisation complète des structures sociales détenant et gérant le domaine de la Beaussais, les Consorts X... ayant ainsi décidé que la propriété du château, jusqu'alors détenue par la SARL MA.GES, serait cédée à la SNC BEAUSSAIS, d'où l'emprunt souscrit par cette dernière auprès du CIO le 22 juin 2009.

La cour en veut pour preuve, notamment':

- la lettre adressée au CIO le 22 janvier 2009 (pièce n° 12 produite par la banque) aux termes de laquelle Benoît X..., à la recherche d'un financement, informe l'établissement financier qu'il a «'pris la décision de vendre les actifs immobiliers de la SARL MA.GES à la SNC BEAUSSAIS'», l'auteur du courrier détaillant comme suit les avantages d'une telle opération': réalisation d'embauches de personnel et d'investissements nécessaires au développement de la SNC, possibilité d'entrées de nouveaux investisseurs dans le capital de la SNC, apurement de l'endettement de la SARL';

- le dossier prévisionnel de développement de la SNC «'avec achat'» du château, document transmis au CIO par Benoît X... à la même période, soit plusieurs mois avant la signature de l'emprunt litigieux, ce document ayant été réalisé par un cabinet d'expertise-comptable pour crédibiliser la demande de financement présentée par les Consorts X....

S'il est constant que la banque a accepté ce montage, en revanche il n'est pas démontré qu'elle l'ait initié'; c'est d'ailleurs très précisément ce qu'elle a indiqué à Benoît X... par un message électronique du 17 juin 2009 (pièce n° 4 du dossier des appelants), soit quelques jours avant la souscription de l'emprunt litigieux': «'Ce schéma, je vous le rappelle, m'a été proposé par vous, et je l'ai accepté [...]'».

Il en résulte qu'il n'y avait pas lieu d'intégrer le coût de ces différentes opérations, évalués par la SNC à 31.473,64 € (frais de notaire etc), dans le TEG, puisqu'elles étaient étrangères au contrat de crédit lui-même.

Il n'y avait pas lieu non plus d'y intégrer l'incidence fiscale, d'un montant évalué à 226.288 €, de cette réorganisation qui a entraîné l'imposition d'une plus-value directement répercutée sur le foyer fiscal des époux X....

Il résulte de ce qui précède que le TEG stipulé dans l'emprunt contracté par la SNC BEAUSSAIS auprès du CIO est globalement exact, les quelques omissions et approximations affectant le taux annoncé n'étant pas de nature à le faire varier au-delà du seuil de tolérance réglementaire.

En conséquence, la SNC sera déboutée de sa demande tendant à l'annulation du taux conventionnel, à son remplacement par le taux légal, et partant, au remboursement d'intérêts dont elle ne démontre pas le caractère indu.

III - Sur les prétendus manquements contractuels imputés au CIO':

Les intimés reprochent essentiellement à la banque':

- d'abord de ne pas avoir respecté l'engagement qu'elle avait pris d'apporter son concours au financement global de l'opération, alors que le projet de réhabilitation du domaine de la Beaussais ne pouvait être mené à bien sans que la banque n'accorde la totalité du financement initialement convenu';

- ensuite d'avoir pris des garanties excessives et ruineuses pour ses clients';

- enfin d'avoir manqué à son obligation de mise en garde en sa qualité de dispensateur de crédit.

A - Sur les concours':

Les intimés font d'abord valoir que, dès 2006, soit au moment où la SARL MA.GES lui a emprunté une somme de 800.000 €, le CIO savait déjà que le montant global de l'opération de réhabilitation du domaine de la Beaussais nécessiterait l'emprunt d'une somme totale de 2.400.000 € ainsi qu'il était indiqué dans l'emprunt souscrit par la SARL le 12 juillet 2006, ce document précisant effectivement que l'emprunt de 800.000 € a pour objet une prise de participation dans le capital de la SNC afin de financer l'acquisition et les travaux de rénovation du château pour une opération envisagée d'un montant total de 2.400.000 €.

Pour autant, il est constant que le montant de l'emprunt alors contracté par la SARL MA.GES n'excède pas 800.000 €, la seule référence, dans l'acte de prêt, à une opération de financement global d'un montant de 2.400.000 € ne signifiant nullement que la banque ait accepté d'emblée de prêter une telle somme.

En effet, d'autres hypothèses étaient alors envisagées, notamment de solliciter d'autres établissements bancaires qui aurait pu participer au financement ou, plus simplement encore, de différer la réhabilitation complète du domaine dans l'attente de la reconstitution des réserves et capacités de financement de la famille X....

En tout état de cause, il ne saurait être affirmé que le CIO se soit engagé à financer l'opération au-delà du seul prêt qu'elle a alors accordé à la SARL MA.GES.

De même, lorsque, au mois de juin 2009, le CIO a de nouveau accepté de prêter, cette fois à la SNC BEAUSSAIS, la somme de 1.600.000 € afin de lui permettre d'acheter les droits immobiliers détenus par la SARL MA.GES, la banque ne s'est pas davantage engagée à lui accorder ensuite un prêt complémentaire pour atteindre un financement total de 2.400.000 €.

Dès lors, ne s'étant pas engagée au-delà des seuls financements qu'elle a accepté de fournir à ses clients, la banque n'était pas tenue de leur accorder de nouveaux crédits, ce d'autant plus que des incidents de paiement sont alors survenus, conduisant finalement le CIO à prononcer la déchéance du terme des deux emprunts souscrits par les société BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE';

Les Consorts X... eux-mêmes n'auraient pas manqué de reprocher à la banque son soutien abusif si celle-ci, en dépit de ces incidents de paiement, avait accepté de leur accorder de nouveaux prêts'; c'est d'ailleurs ce qu'ils font en lui reprochant d'avoir accordé à la SNC un prêt de 1.600.000 € à une époque où, déjà, celle-ci rencontrait des difficultés ayant conduit la banque à lui accorder une autorisation de découvert.

Pour autant, il ne saurait être reproché au CIO, ni d'avoir consenti ce prêt, ni d'avoir refusé ensuite d'en accorder de nouveaux, dès lors en effet':

- qu'à la date du 22 juin 2009, lors de la souscription de l'emprunt par la SNC, celle-ci était encore en mesure de rembourser ses dettes et présentait par ailleurs un dossier prévisionnel de développement qui pouvait paraître crédible et ce, dans un contexte où d'elle-même la société ne prétendait plus réaliser, du moins immédiatement, son projet impliquant un financement total de 2.400.000 €, la lettre de Benoît X... en date du 22 janvier 2009 ne faisant en effet mention que d'un besoin de financement à hauteur de 1.600.000 € (lui-même intégrant, du fait du rachat des immeubles appartenant à la SARL MA.GES, l'apurement du crédit précédemment contracté par celle-ci)';

- qu'au contraire, les incidents de paiement qui devaient survenir par la suite justifiaient logiquement le refus du CIO d'accorder de nouveaux crédits aux Consorts X....

Il résulte de ce qui précède que le CIO n'a commis aucune faute, ni en consentant aux emprunts accordés aux sociétés BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE, ni en leur refusant ensuite de nouveaux crédits.

B - Sur les garanties':

1 - Sur les garanties recueillies à l'occasion du prêt consenti à la SARL TREGON PATRIMOINE':

Pour seule justification de sa plainte, la société écrit que «'les garanties prises par la banque sont sans commune mesure avec les concours accordés'», dénonçant ainsi la prise d'une hypothèque conventionnelle, d'un privilège de prêteur de deniers, et de deux cautions personnelles.

A défaut d'autres précisions, la cour ne sait pas sur quel fondement juridique la société articule sa demande de dommages-intérêts, alors qu'il ne saurait être reproché à la banque, par principe et sans autre forme de démonstration, d'avoir voulu garantir son prêt.

2 - Sur les garanties recueillies à l'occasion du prêt consenti à la SNC BEAUSSAIS':

Ici encore, la société se borne à dénoncer les conditions dans lesquelles le CIO lui aurait imposé une hypothèque sur tous les biens appartenant à la SNC, une garantie OSEO à hauteur de 70'% du crédit octroyé (ce qui serait excessif selon un rapport d'expertise privé établi à la demande des Consorts X...), a fortiori pour une commission calculée à un taux anormalement élevé (toujours selon ce rapport), alors par ailleurs que la garantie OSEO serait incompatible avec la prise d'une hypothèque sur la résidence principale du dirigeant de la société, enfin un cautionnement solidaire requis auprès de Monsieur et Madame X....

La cour veut bien prendre acte de ces critiques.

Encore faudrait-il, pour qu'elles puissent être suivies d'effets et, le cas échéant, emporter sanction au détriment du CIO, que les appelants expliquent sur quel fondement juridique ils agissent, ne pouvant pas se contenter de dénoncer des garanties «'excessives'» ou «'exagérées'» sans expliquer à quelles règles de droit celles-ci contreviendraient, alors en effet qu'il ne saurait être fait grief à la banque, par principe, d'avoir voulu garantir sa créance.

A défaut de plus amples explications données par les appelants, la cour s'en tiendra donc aux seules hypothèses envisagées par l'intimé':

- les appelants se plaindraient d'une disproportion des garanties par rapport au concours lui-même, l'article L 650-1 du Code de commerce envisageant effectivement cette hypothèse'; toutefois, il convient de rappeler que ce texte ne trouve à s'appliquer que pour autant qu'il soit établi que le concours financier ait été consenti fautivement par le créancier, alors qu'il a été précédemment démontré que tel n'était pas le cas';

- les appelants pourraient aussi se plaindre d'une disproportion des garanties par rapport aux biens et revenus de l'emprunteur lui-même'; ici encore, le fondement juridique d'une telle critique n'est pas énoncé'; par ailleurs, force est de constater que le patrimoine global de la SNC, évalué à plus de 3.000.000 € aux termes d'un rapport d'expertise que les appelants versent eux-mêmes aux débats, est bien supérieur au montant de l'emprunt contracté de même qu'à la valeur des garanties souscrites.

C - Sur l'obligation de mise en garde':

Il convient de rappeler que cette obligation n'incombe à la banque qu'à l'égard de l'emprunteur non averti.

Or, la seule lecture du curriculum vitae de Benoît X... (pièce n° 14 du dossier CIO), gérant de la SNC BEAUSSAIS qui a souscrit l'emprunt litigieux, suffit à se convaincre qu'il s'agit d'une personne «'avertie'» au sens de la vie des affaires, l'intéressé justifiant en effet d'un long parcours professionnel dans le secteur de la promotion immobilière, voire de l'ingénierie fiscale et patrimoniale.

Par ailleurs, il convient de rappeler, d'une part que c'est lui qui a décidé du montage à l'origine des emprunts litigieux, d'autre part qu'il était assisté pour ce faire de conseils qui l'ont aidé à préparer le document prévisionnel de développement de la SNC qui a convaincu la banque d'accéder à sa demande de prêt.

Dans ces conditions, le CIO ne saurait se voir reprocher d'avoir manqué à son obligation de mise en garde.

IV - Sur les autres réclamations':

C'est encore vainement que la SNC BEAUSSAIS réclame la condamnation du CIO à lui payer une somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts en remboursement des frais d'acte notarié induits par l'achat des droits immobiliers détenus jusqu'alors par la SARL MA.GES, étant encore rappelé que cette restructuration a été décidée par les Consorts X... eux-mêmes.

Il en sera de même de la demande de dommages-intérêts formée par la SNC en réparation du préjudice résultant de son placement en redressement judiciaire, le CIO ne pouvant en effet en être déclaré responsable.

La SNC sera encore déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour perte de ses fonds propres, celle-ci résultant en effet d'une opération qui ne saurait être imputée à la faute du CIO.

La SARL MA.GES et les époux X... seront eux aussi déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts au titre de l'imposition sur la plus-value réalisée par la société à l'occasion de la cession opérée au profit de la SNC BEAUSSAIS, ce d'autant plus qu'ils étaient parfaitement informés de cette perspective avant même d'avoir procédé à cette vente, ainsi qu'il résulte d'un courrier adressé le 14 juin 2009 par les deux sociétés au CIO (pièce n° 14 du dossier des appelants)'; de même, les époux X... ne pourront qu'être déboutés de leur demande de réparation de leur préjudice moral, leurs difficultés personnelles qui en découlent nécessairement ne pouvant pas être imputées à une quelconque faute de la banque.

V - Sur les demandes reconventionnelles':

Bien que vouée à l'échec, l'action des demandeurs ne présente pas un caractère abusif au sens des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile, ce dont il résulte que le CIO sera lui-même débouté de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, étant par ailleurs observé':

- que sa demande formée au titre de son préjudice matériel fait double emploi avec celle qu'il forme au titre des frais irrépétibles';

- que le préjudice moral qu'il allègue n'est pas démontré, la banque ne justifiant pas en quoi la présente action, dont la publicité s'est avérée des plus limitées, aurait porté atteinte à sa réputation ou à son image de marque.

En revanche, en leur qualité de parties perdantes, et conformément à la demande du CIO dont il convient d'observer qu'elle n'est dirigée qu'à l'encontre de la SARL MA.GES, Benoît X... et Catherine Y... épouse X..., il y a lieu de les condamner in solidum à payer au CIO une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile'; quant à la SELARL TCA, elle ne saurait être tenue à cette condamnation, n'étant pas elle-même à l'origine de cette instance à laquelle elle n'est intervenue qu'en sa qualité de mandataire judiciaire.

Enfin et pour les mêmes raisons, la SARL MA.GES, Benoît X... et Catherine Y... épouse X... seront seuls condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour':

- Infirme le jugement déféré'en toutes ses dispositions ;

- Statuant à nouveau':

* déclare la SARL TREGON PATRIMOINE, la SNC BEAUSSAIS, la SARL MA.GES, Benoît X... et Catherine Y... épouse X... recevables en leur action';

* déclare la SARL TREGON PATRIMOINE irrecevable en sa demande tendant à la condamnation de la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL DE L'OUEST à lui rembourser les sommes prétendument versées à tort par elle du fait de la stipulation d'un taux effectif global erroné dans le contrat de prêt qu'elle a souscrit le 26 avril 2007';

* déclare la SNC BEAUSSAIS recevable en sa demande tendant à la condamnation de la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL DE L'OUEST à lui rembourser les sommes prétendument versées à tort par elle du fait de la stipulation d'un taux effectif global erroné dans le contrat de prêt qu'elle a souscrit le 22 juin 2009, mais, statuant au fond sur cette demande, l'en déboute';

* déboute les sociétés TREGON PATRIMOINE, BEAUSSAIS et MA.GES, ainsi que Benoît X... et Catherine Y... épouse X... de l'ensemble de leurs autres demandes';

* déboute la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL DE L'OUEST de ses demandes reconventionnelles en dommages-intérêts';

* condamne in solidum la société MA.GES, Benoît X... et Catherine Y... épouse X... à payer à la société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL DE L'OUEST une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile';

* condamne in solidum la société MA.GES, Benoît X... et Catherine Y... épouse X... aux entiers dépens de première instance et d'appel';

* déclare le présent arrêt commun à la SELARL TCA ès-qualité de commissaire à l'exécution des plans de redressement des sociétés BEAUSSAIS et TREGON PATRIMOINE.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16/02598
Date de la décision : 27/11/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 02, arrêt n°16/02598 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-27;16.02598 ?
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