2ème Chambre
ARRÊT N°572
N° RG 15/05810 -
N° Portalis DBVL-V-B67-
MFZ7
M. Thierry X...
Mme Geneviève X... née Y...
SCI ER MOTTEN
C/
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE PLUVIGNER
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Gilles Z...
Me Corinne JOUANNO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 9 NOVEMBRE 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,
Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseillère,
Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère, rédactrice,
GREFFIER :
Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 septembre 2018, Madame Marie-Odile GELOT- BARBIER, Conseillère, entendue en son rapport,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 9 novembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur Thierry X...
né le [...] à PARIS
[...]
[...]
Madame Geneviève X... née Y...
née le [...] à VANNES
[...]
[...]
La SCI ER MOTTEN
dont le siège social est sis au lieudit 'La Motte'
[...]
Représentée par Me Gilles Z... de la SCP DEPASSE, Z..., QUESNEL, DEMAY, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
La société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité limitée CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL PLUVIGNER
[...]
Représentée par Me Corinne JOUANNO de la A... - MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN - G OURDIN - NIVAULT - VIERON, avocat au barreau de VANNES
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant offre acceptée le 19 février 2001, la Caisse de Crédit Mutuel de Pluvigner (ci-après la Caisse de Crédit Mutuel) a consenti à la SCI Er Motten un 'prêt habitat in fine' destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif, d'un montant de 2 340 000 francs (356 730,70 euros), remboursable intégralement lors de la 132ème et dernière échéance, au taux fixe de 6,50%.
Par actes séparés datés du même jour, M. Thierry X... et son épouse Mme Geneviève Y... se sont engagés en qualité de cautions solidaires pour le remboursement du prêt, dans la limite de 2 808 000 francs (428076,84 euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard.
Par ailleurs, le prêt était garanti par un nantissement sur le contrat d'assurance vie Prévi-Options souscrit par Mme Geneviève X....
Le taux du prêt a été ramené par avenant à 3,50 % à compter du 1er janvier 2005.
Faisant valoir qu'à l'échéance convenue, l'emprunteur n'avait pas remboursé le prêt malgré une mise en demeure notifiée également aux cautions, la Caisse de Crédit Mutuel a fait assigner en paiement la SCI Er Motten et les époux X... devant le tribunal de grande instance de Vannes.
Par jugement du 28 avril 2015, le tribunal a :
- condamné la SCI Er Motten à régler à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 472337,71euros, augmentée des intérêts de retard au taux contractuel de 3,5% l'an postérieurs au 29 mars 2012 sur le montant en principal de 457362,12euros et de l'indemnité de recouvrement réduite à 100 €,
- condamné M. Thierry X... et Mme Geneviève Y... épouse X..., en leur qualité de cautions solidaires de la SCI Er Motten, à régler à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 428076,84euros à valoir sur la condamnation ci-dessus prononcée à l'encontre de cette société,
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel à payer à Mme Geneviève Y... épouse X... la somme de 428076,84euros en réparation des préjudices subis par elle du fait des manquements de la première à ses obligations,
- ordonné la compensation entre les créances réciproques ci-dessus de Mme Geneviève X... et de la Caisse de Crédit Mutuel,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- partagé les dépens par moitié entre la Caisse de Crédit Mutuel, d'une part, et la SCI Er Motten et les époux X..., d'autre part.
La SCI Er Motten, M. Thierry X... et Mme Geneviève Y... épouse X... ont relevé appel de cette décision 17 juillet 2015.
Par ordonnance du 22 juin 2018, le conseiller de la mise en état a débouté la SCI Er Motten, M. Thierry X... et Mme Geneviève Y... épouse X... de leur demande d'injonction de communication de pièces ainsi que de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI Er Motten, M. Thierry X... et Mme Geneviève Y... épouse X... demandent à la cour de :
- dire recevable et fondé l'appel qu'ils ont interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Vannes le 28 avril 2015,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que la Caisse de Crédit Mutuel avait engagé sa responsabilité à l'égard de Mme Geneviève X...,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que la SCI Er Motten, d'une part, et M. Thierry X..., d'autre part, en sa qualité de caution, étaient tenus à paiement à l'égard de la Caisse de Crédit Mutuel,
- dire mal fondée l'action introduite par la Caisse de Crédit Mutuel,
- débouter la Caisse de Crédit Mutuel de toutes ses prétentions,
- rejeter l'appel incident formé par la Caisse de Crédit Mutuel,
- enjoindre à la Caisse de Crédit Mutuel de verser aux débats les exemplaires de contrats de prêts initialement établis,
- dire que la Caisse de Crédit Mutuel a commis des fautes qui engagent son entière responsabilité à leur égard,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel à leur verser des dommages et intérêts d'un montant équivalent aux sommes dont elle sollicite le règlement,
- ordonner la compensation entre les dommages et intérêts ainsi alloués et le montant des sommes sollicitées par la Caisse de Crédit Mutuel,
- à titre subsidiaire et pour le cas par impossible où la cour estimerait qu'ils sont tenus à l'égard de la Caisse de Crédit Mutuel, dire et juger en toute hypothèse que celle-ci ne saurait prétendre au bénéfice de l'indemnité forfaitaire de recouvrement à hauteur de 7 %,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a qualifié l'indemnité forfaitaire de recouvrement, de clause pénale,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a réduit le montant de l'indemnité forfaitaire de recouvrement à 100,00 euros,
- dire que l'indemnité forfaitaire de recouvrement sera réduite à zéro, en vertu des dispositions de l'article 1152 alinéa 2, devenu 1231-5 alinéa 2 du code civil,
- condamner la Caisse de Crédit Mutuel à leur verser une indemnité de 12.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code précité, aux offres de droit, par la SCP Depasse -Z... -Quesnel-Demay.
la Caisse de Crédit Mutuel conclut aux fins de voir :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Vannes du 28 avril 2015 en ce qu'il a considéré que la SCI Er Motten n'était pas fondée à mettre en cause sa responsabilité,
- en conséquence, condamner la SCI Er Motten au paiement de la somme de 472337,71euros augmentée des intérêts de retard au taux contractuel de 3,50% postérieurs au 29 mars 2012 sur la somme en principal de 457 362,12 euros,
- pour le surplus, infirmer ledit jugement et, statuant à nouveau :
condamner la SCI Er Motten au paiement de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 7% des sommes dues, égale à 33063,63 euros, dont il n'y a pas lieu de dire qu'elle s'analyse en une clause pénale,
condamner M. Thierry X... et Mme Geneviève X..., en leur qualité de cautions solidaires, au paiement de la somme de 428076,84 euros, montant de leur engagement de caution,
- condamner les mêmes solidairement au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement la SCI Er Motten, M. Thierry X... et Mme Geneviève X... aux dépens dont distraction au profit de la B... sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la SCI Er Motten et les époux X... le 25 juin 2018 et pour la Caisse de Crédit Mutuel le 15 décembre 2015, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 28 juin 2018.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il convient de constater, à titre liminaire, que la SCI Er Motten et les époux X... ne contestent pas le montant de la somme réclamée en principal par la Caisse de Crédit Mutuel - l'indemnité de recouvrement étant en revanche discutée - mais soutiennent que les manquements commis par la banque justifient l'allocation à leur profit de dommages et intérêts à hauteur de ladite somme.
Sur le devoir de mise en garde :
Il est de principe que l'établissement de crédit est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti, consistant à l'alerter sur l'adaptation du prêt à ses capacités financières et le risque d'endettement résultant de son octroi.
En outre, la banque doit mettre en garde la caution non avertie sur le risque de défaillance du débiteur principal en cas de crédit excessif et les conséquences qui en résulteraient pour elle au regard de ses propres capacités financières.
Les parties s'opposent sur le caractère averti ou non de l'emprunteur, la SCI Er Motten, et des cautions M. et Mme X....
S'agissant de la personne morale, dont la qualité d'emprunteur averti ou non doit s'apprécier en la personne de son gérant M. Thierry X..., ce dernier soutient pour l'essentiel que les sociétés civiles immobilières constituées avec son épouse étaient destinées à réaliser des opérations purement privées et qu'ils n'étaient ni l'un ni l'autre des professionnels de l'immobilier et de la finance.
Il résulte des pièces produites et des débats que M. Thierry X... a exercé l'activité d'expert-comptable pendant plusieurs années, jusqu'en 1998, et qu'à la date de conclusion du prêt, il travaillait dans un cabinet d'audit national où il était chargé, selon ses déclarations, de la comptabilité et des déclarations fiscales de commerçants ou artisans.
Il est également établi que M. Thierry X... est gérant de trois autres sociétés, la SCI de la Motte constituée au cours de l'année 2000, la SCI du Lavoir et la Sarl Haute Pression HP, ces deux dernières sociétés étant immatriculées depuis fin 2001.
Au vu de ces éléments et par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a justement considéré que M. Thierry X... disposait des capacités lui permettant d'apprécier la portée de ses engagements et de mesurer les risques liés aux concours bancaires qu'il avait sollicités, étant souligné que ceux-ci ne visaient pas à l'acquisition de biens destinés à un usage familial mais s'inscrivaient dans une opération plus vaste d'investissements immobiliers à des fins locatives.
Il sera ajouté que la souscription d'emprunts immobiliers et de contrats d'assurance vie, ces derniers seraient-ils libellés en unités de compte, ne nécessite pas d'avoir acquis une expérience professionnelle en matière de gestion de patrimoine ou de produits financiers.
Il s'ensuit que tant la SCI Er Motten, emprunteur, que M. Thierry X..., caution, ne peuvent être qualifiés de non avertis, de sorte que la Caisse de Crédit Mutuel n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à leur égard.
S'agissant de Mme X..., rien ne démontre qu'elle disposait de connaissances ou qualifications particulières lui permettant d'apprécier les risques de l'opération, le tribunal ayant justement retenu que sa qualité d'associée des SCI était à cet égard insuffisante dans la mesure où il était acquis, par ailleurs, qu'elle exerçait la profession d'infirmière et que la gestion effective des sociétés avait été laissée à son époux qui en était le gérant.
De plus et, contrairement à ce que soutient la Caisse de Crédit Mutuel, aucune des pièces versées aux débats ne permet d'établir une participation active de Mme Geneviève X... aux prises de décisions intéressant la société, étant précisé que cette participation ne saurait être déduite de la circonstance que Mme X... a apposé sa signature, à côté de celle de son époux, sur l'un des deux courriers (et non les deux) qu'ils ont adressés à la banque en 2004.
Mme Geneviève X... ne pouvant dès lors être considérée comme avertie, il appartient à la banque de justifier avoir satisfait à son devoir de mise en garde en cas de crédit excessif octroyé à l'emprunteur ou de situation financière inadaptée de la caution, ce que la Caisse de Crédit Mutuel, qui se contente d'argumenter sur l'implication de Mme X... dans la gestion de la SCI, n'offre nullement de démontrer, étant rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne peut statuer que sur les moyens qu'elle a invoqués à l'appui de l'appel incident.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Caisse de Crédit Mutuel à l'égard de Mme Geneviève X....
Sur le devoir de conseil :
Les appelants soutiennent que la Caisse de Crédit Mutuel a manqué à son obligation de conseil en leur proposant plusieurs opérations de crédit qui étaient dès l'origine inappropriées et qui ont eu finalement un résultat ruineux sur le plan financier.
S'il n'est pas contesté que la Caisse de Crédit Mutuel a proposé à la SCI Er Motten, soucieuse de réaliser des investissements immobiliers locatifs, un prêt dont le capital et les intérêts étaient intégralement remboursables au terme du contrat et qui était garanti par un nantissement sur un contrat d'assurance vie souscrit dans le même temps par Mme Geneviève X..., il ne saurait cependant être déduit des seules caractéristiques de ces opérations que, dès l'origine, il était certain qu'elles ne pourraient conduire qu'à un échec.
Rien ne permet en effet de considérer que compte tenu de l'état des marchés financiers à la date de souscription du contrat d'assurance vie, de la conjoncture immobilière et des revenus locatifs attendus des immeubles dont l'acquisition était projetée, les conditions du prêt - auquel la SCI Er Motten, emprunteur averti, avait consenti - étaient inadaptées ou présentaient des risques excessifs.
Au demeurant, il résulte des échanges de courriers entre les époux X... et la Caisse de Crédit Mutuel que le marché boursier a connu une évolution défavorable postérieurement à la date de conclusion du prêt, ce qui a d'ailleurs conduit les parties à constater, en 2004, que les opérations ne pourraient être menées à leur terme dans les conditions initialement prévues.
Il importe de rappeler, en outre, que la responsabilité de la banque, qui doit s'abstenir de toute immixtion dans les affaires de son client, ne peut être recherchée au titre d'un devoir de conseil sur la rentabilité de l'opération projetée.
Par ailleurs, la dégradation de la situation financière de l'emprunteur ne saurait être imputée à un manquement de la banque à son obligation de conseil dès lors que cette dernière justifie avoir informé la SCI Er Motten et Mme Geneviève X..., lors de la souscription du contrat d'assurance vie, des risques de moins values inhérents aux produits financiers proposés.
La notice d'information relative aux 'contrats d'assurance vie libellés en unités de compte' Prévi-Options (pièce 5 de l'appelante) rappelle à cet égard que les supports de placement présentent des risques différents, en corrélation avec leurs performances potentielles respectives.
En choisissant un profil de gestion 'libre' avec une répartition de l'investissement à hauteur de 31,33 % en fonds en euros et 68,67 % en unités de compte, Mme Geneviève X... avait donc conscience du niveau de risques attachés à ces supports, ainsi que cela ressort du bulletin d'adhésion qu'elle a signé et aux termes duquel elle a reconnu avoir été informée de ce que, contrairement à l'unité de compte en euros à capital garanti, les unités de compte en actions ou de toute nature ne garantissent pas le capital versé et que, de ce fait, le risque des placements est assumé par l'adhérent au contrat.
la Caisse de Crédit Mutuel fait encore justement observer qu'aux termes d'un 'exposé du projet' (pièce 12), la SCI Er Motten avait précisément décrit les modalités du financement sollicité - à savoir un emprunt de 2 340 000 francs avec un remboursement 'in fine' total, du capital et des intérêts, et la souscription par M. et Mme X... de contrats Prévi-Options destinés à financer ce remboursement - ce qui confirme que l'emprunteur et le souscripteur du contrat d'assurance vie étaient informés des caractéristiques des opérations projetées.
Dès lors, aucun manquement au devoir de conseil n'apparaît établi à l'encontre de la banque et c'est à tort que le tribunal a estimé que la responsabilité de celle-ci était engagée de ce chef à l'égard de Mme Geneviève X....
Sur les obligations de la banque lors de la conclusion des contrats :
La SCI Er Motten et les époux X... font valoir que la Caisse de Crédit Mutuel a commis une faute lors de la formalisation et de la régularisation des contrats de prêt en ce que :
- elle n'a pas satisfait à son obligation de laisser à l'emprunteur un délai de réflexion après la signature des offres,
- les contrats comportaient des erreurs semble-t-il puisque la banque a demandé aux époux X... de signer de nouvelles offres en fin d'année 2001, sur lesquelles la date des contrats initiaux a été reportée,
- la souscription d'une assurance a été oubliée lors de la conclusion des prêts, ce qui a contraint M. et Mme X... à rechercher par eux-mêmes une autre compagnie d'assurance à des conditions moins avantageuses.
S'agissant du premier moyen, la Caisse de Crédit Mutuel objecte à juste titre que sur l'offre de prêt remise à la SCI Er Motten, dont il convient de rappeler qu'elle n'est concernée que par un seul prêt, M. et Mme X... ont apposé une mention confirmant la réception de l'offre par courrier postal, dont la date a été précisée, ainsi qu'une mention relative à la date d'acceptation de cette offre, ce qui permet de constater que ladite société, contrairement à ce qu'elle soutient, a bénéficié d'un délai de réflexion de dix jours.
Le second moyen, selon lequel plusieurs offres successives auraient été signées pour le même prêt, ne peut qu'être écarté dès que les appelants ne produisent aucune pièce justificative à l'appui de leurs allégations.
Pour le même motif, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'injonction de communication de pièces qu'ils présentent.
Enfin, et contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, aucun manquement en relation avec le défaut de souscription d'une assurance ne peut être reproché à la banque dès lors que celle-ci n'était pas tenue d'un devoir de conseil sur l'opportunité de souscrire une assurance qui, en l'espèce, ne présentait qu'un caractère facultatif.
Sur le devoir d'exécuter loyalement le contrat :
Selon les appelants, la Caisse de Crédit Mutuel a été défaillante dans son obligation d'exécuter loyalement le contrat dans la mesure où, d'une part, elle s'est contentée de leur proposer, en 2004, une réduction des taux d'intérêt alors qu'elle n'ignorait pas que les prêts ne pourraient pas être remboursés à leur échéance et, d'autre part, elle n'a proposé aucun placement plus judicieux et plus rentable lorsque les supports des contrats d'assurance vie n'ont cessé de se dévaloriser.
Il convient de souligner, ainsi que le tribunal l'a lui-même relevé, que la banque n'avait aucune obligation légale, ou conventionnelle, de renégocier le contrat de prêt, ce qu'elle a néanmoins accepté en consentant une réduction du taux d'intérêt.
Il est constant, en effet, que des discussions ont été menées entre la banque et sa cliente à compter de l'année 2004 lorsque les deux parties ont constaté que la baisse des performances boursières, du fait de la conjoncture économique, compromettait la perspective de rembourser le prêt au moyen du seul placement en assurance vie.
Par ailleurs, les premiers juges ont justement observé que dans ses courriers des 18 novembre 2004 et 30 novembre 2004, M. Thierry X... avait formulé diverses critiques à l'encontre des propositions émises par la banque, auxquelles il s'opposait en développant une argumentation détaillée fondée sur des considérations économiques, financières et fiscales, de sorte que la SCI Er Motten ne saurait soutenir qu'elle n'a pas été utilement conseillée.
Enfin, il est établi par ces mêmes courriers que M. Thierry X... avait lui-même sollicité la réduction du taux d'intérêt (au plus près des 3%) et s'était engagé, ainsi que la banque le lui avait suggéré, à vendre progressivement les immeubles à raison d'un appartement en moyenne par an, ce qu'il ne démontre pas avoir mis en oeuvre, la Caisse de Crédit Mutuel affirmant que les premières cessions ne sont intervenues qu'en 2011.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce que la responsabilité de la banque a été écartée.
Sur la créance de la banque :
Comme exposé précédemment, la somme réclamée par la Caisse de Crédit Mutuel n'est pas contestée s'agissant du principal de la créance et des intérêts de retard.
Il y a donc lieu à confirmation du jugement de ce chef.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de recouvrement, la SCI Er Motten et les époux X... demandent que la somme de 100 euros retenue par les premiers juges soit ramenée à zéro.
De son côté, la Caisse de Crédit Mutuel, formant appel incident, sollicite la condamnation de la SCI Er Motten à lui payer une indemnité égale à 7% des sommes restant dues en exécution du contrat.
Contrairement à ce que soutient la banque et au regard des stipulations contractuelles, qui ont été exactement interprétées par le tribunal, l'indemnité de 7% constitue une clause pénale
susceptible de réduction en application de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.
Pour autant, rien ne justifie que la somme de 100 euros fixée par les premiers juges, qui correspond à une juste appréciation de la pénalité devant être appliquée en l'espèce, soit encore réduite.
Le jugement attaqué sera donc également confirmé sur ce point.
Sur le préjudice de Mme Geneviève X... :
Ainsi que le tribunal l'a exactement retenu, le préjudice subi par Mme Geneviève X... du fait du manquement de la banque à son devoir de mise en garde s'analyse nécessairement en la perte de chance de ne pas s'engager en qualité de caution de la SCI Er Motten.
Il est de principe que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut donc être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
C'est donc à tort que le tribunal a évalué la perte de chance subie par Mme Geneviève X... au montant total de son engagement, soit la somme de 428076,84 euros.
Compte tenu de l'objectif poursuivi par les époux X... lors de la souscription du prêt au nom de la SCI Er Motten, à savoir la réalisation d'investissements immobiliers à des fins locatives et fiscales, ainsi que des liens existant entre Mme Geneviève X... et, d'une part, la SCI Er Motten dont elle est associée à hauteur de la moitié des parts sociales et, d'autre part, le gérant de cette société, son époux, il ne peut être exclu que même mise en garde, Mme X... aurait néanmoins accepté de garantir la société.
Au vu de ces éléments et du montant du cautionnement, la perte de chance sera fixée à 300000 euros.
Il s'ensuit que le jugement sera infirmé de ce chef et que la condamnation prononcée à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel au profit de Mme Geneviève X... sera ramenée à la somme susmentionnée.
La compensation entre les créances réciproques des parties, qui n'est pas discutée, sera confirmée.
Sur les autres demandes :
La SCI Er Motten et les époux X... qui succombent en leur appel principal seront condamnés aux dépens.
Il n'apparaît pas inéquitable, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, de laisser à la charge de la Caisse de Crédit Mutuel les frais irrépétibles qu'elle a exposés, de sorte que sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu le 28 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Vannes sauf en ce qu'il condamné la Caisse de Crédit Mutuel à payer à Mme Geneviève Y... épouse X... la somme de 428076,84 € en réparation de ses préjudices du fait des manquements de la banque à ses obligations,
Statuant à nouveau sur ce chef,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel à payer à Mme Geneviève Y... épouse X... la somme de 300000 euros à titre de dommages et intérêts, qui viendra en compensation avec la somme due par cette dernière,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la SCI Er Motten , M. Thierry X... et Mme Geneviève Y... épouse X... aux dépens d'appel,
Accorde aux avocats des parties le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,