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19/10/2018 | FRANCE | N°15/06987

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 19 octobre 2018, 15/06987


2ème Chambre








ARRÊT N°539





N° RG 15/06987




















M. Steven Y...





C/





SA BANQUE CIC OUEST





























Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée























Copie exécutoire déli

vrée





le :





à : Me Ronan X...


Me Emmanuelle Z...














RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2018











COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:





Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, rédacteur,


Assesseur : Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller,


Assesseur ...

2ème Chambre

ARRÊT N°539

N° RG 15/06987

M. Steven Y...

C/

SA BANQUE CIC OUEST

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Ronan X...

Me Emmanuelle Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, rédacteur,

Assesseur : Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 3 juillet 2018

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 octobre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur Steven Y...

né le [...] à QUIMPER

[...]

[...]

Représenté par Me Ronan X..., avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

La S.A. BANQUE CIC OUEST

dont le siège social est [...]

[...]

Représentée par Me Emmanuelle Z... de la SELARL BAILLEUX - Z..., avocat au barreau de QUIMPER

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre préalable émise le 1er février 2008, acceptée le 13 février suivant et réitérée par acte authentique du 12 mars 2008, la société Banque CIC Ouest (le CIC) a consenti à M. Y... un prêt immobilier de 237000 euros au taux de 5,20% l'an destiné à financer un investissement immobilier locatif , remboursable en 240 mensualités de 1663,87 euros assurance emprunteur comprise.

Prétendant que l'emprunteur n'honorait plus les échéances de remboursement depuis juillet 2010, la banque s'est, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 février 2011, prévalue de la déchéance du terme.

Puis, après avoir vainement laissé un délai de grâce à M. Y... pour vendre de gré à gré son bien immobilier, le CIC l'a, par acte du 30 janvier 2013, fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Quimper.

Par jugement du 28 juillet 2015, les premier juge ont:

écarté l'exception d'irrecevabilité tirée de la prescription de l'action en paiement,

condamné M. Y... au paiement de la somme de 293908,76 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,2% à compter du 25 janvier 2013,

condamné M. Y... au paiement d'une indemnité de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

débouté M. Y... de ses demandes,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Déniant sa signature sur l'accusé de réception de la lettre recommandé de déchéance du terme ainsi que sur les courriers de demande de délai de grâce invoqués comme étant interruptifs de prescription, M. Y... a relevé appel de cette décision le 1er septembre 2015, en demandant à la cour de:

déclarer l'action du CIC prescrite,

en cas de doute, ordonner une expertise en écriture,

subsidiairement, dire que le CIC ne peut se prévaloir du prêt en raison de son caractère disproportionné,

prononcé la déchéance du droit du prêteur aux intérêts,

condamner le CIC au paiement d'une somme de 242302,44 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde,

ordonner la compensation des créances réciproques des parties,

en toute hypothèse, débouter le CIC de ses demandes,

accorder à M. Y... le délai de grâce le plus large,

condamner le CIC au paiement d'une indemnité de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le CIC conclut quant à lui à la confirmation du jugement attaqué mais demande pourtant aussi à la cour de déclarer les demandes de M. Y... prescrites.

Subsidiairement, au cas où sa responsabilité serait engagée, il demande à la cour de lui allouer une indemnité d'un montant équivalent aux dommages-intérêts accordés à M. Y... sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

En tout état de cause, le CIC réclame la condamnation de M. Y... au paiement d'une indemnité de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. Y... le 15 mai 2018, et pour le CIC le 28 janvier 2016, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 juin 2018.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la demande principale du CIC

Les dispositions de l'article L. 137-2 devenu L.218-2 du code de la consommation, aux termes desquelles l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, est applicable à l'action en paiement de la banque ayant fourni un crédit immobilier à un consommateur.

Il est d'autre part de principe que, la prescription d'une dette payable par termes successifs se divisant comme la dette elle-même et courant à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, le point de départ de ce délai se situe, pour l'action en paiement des mensualités impayées, à compter de leurs dates d'échéance successives, et pour l'action en paiement du capital restant dû, à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.

La demande en paiement du capital restant dû n'est donc pas prescrite, puisque le CIC, qui a assigné en paiement le 30 janvier 2013, s'est prévalu de la déchéance du terme par lettre recommandée du 4 février 2011, peu important que le décompte joint ait liquidé la créance d'intérêts de retard au 27 janvier 2011.

Se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation, M. Y... objecte que le courrier recommandé de déchéance du terme n'a pas été précédé d'une mise en demeure préalable et qu'il n'en aurait pas signé l'accusé de réception, mais cette lettre, dont la preuve de l'expédition et de la distribution est rapportée, se réfère à un précédent courrier de demande de régularisation du 2 novembre 2010 resté sans effet.

Au surplus, à supposer même que le CIC ne puisse se prévaloir de la déchéance du terme, M. Y... serait alors tenu au paiement des échéances, non prescrites, échues postérieurement au 4 février 2011 ainsi qu'au capital restant dû au jour de la résiliation du prêt, dès lors que, les règlements n'ayant jamais repris et la régularisation n'étant pas intervenue, l'assignation en paiement de la totalité des sommes dues au titre du prêt emporte nécessairement demande de résiliation judiciaire du contrat.

L'action en paiement des sommes échues après le 30 janvier 2011 est donc recevable.

En revanche, l'action en paiement des échéances impayées échues entre le 5 juillet 2010 et le 5 janvier 2011 est atteinte par la prescription de l'article L.218-2 du code de la consommation.

Pour y échapper, le CIC invoque comme cause interruptive de prescription divers courriers adressés par l'emprunteur afin de solliciter un délai de grâce dans l'attente de la vente de son bien immobilier.

Pour constituer un acte interruptif de prescription, de tels courriers doivent cependant manifester la volonté non équivoque du débiteur lui-même de reconnaître les droits de son créancier.

Or, les courriers des 5 mars 2011, 17 mai 2011, 26 octobre 2011, 11 juin 2012 et 7 septembre 2012 sollicitant un échelonnement de sa dette puis un délai de grâce afin de vendre d'un bien, ou transmettant des mandats de vente de l'immeuble, comportent des signatures que M. Y... attribue à sa mère et qui, de toute évidence, ne sont conformes ni à celle figurant sur sa carte d'identité, ni à celle portée sur un courrier de demande d'explication du 16 janvier 2018, ni à celles apposées sur la demande de prêt du 17 janvier 2008, l'offre de prêt du 13 février 2008, le bulletin d'adhésion à l'assurance emprunteur du 16 janvier 2008 et sur l'acte authentique du 12 mars 2008 auquel les documents précédemment cités sont annexés.

Ainsi, la cour, qui dispose des pièces de comparaison suffisantes pour procéder elle-même à la vérification d'écriture sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise en écriture, ne peut qu'observer que M. Y... n'a pas lui-même signé ces courriers, et que le CIC, qui détenait les documents contractuels relatifs au prêt et était de surcroît la banque teneuse de ses comptes, aurait dû déceler la non-conformité de ces signatures et s'assurer que son client confirmait les engagements de payer exprimés en son nom par un tiers.

En conséquence, la banque n'établissant pas l'existence d'actes révélant la volonté non équivoque de son débiteur de reconnaître la créance, l'action en paiement des échéances du 5 juillet 2010 au 5 janvier 2011 est irrecevable comme prescrite.

Il résulte d'autre part du contrat de prêt, du décompte de créance et du tableau d'amortissement qu'il restait dû au CIC, au titre des sommes échues après le 30 janvier 2011 non atteintes par la prescription, 242789,84 euros en principal et 17583,63 euros en indemnité de défaillance, soit une somme totale de 260373,47 euros.

M. Y... demande à la cour de déchoir le prêteur de son droit aux intérêts contractuels en prétendant que la banque aurait manqué à ses obligations d'information précontractuelle et d'information annuelle sur le montant du capital restant à rembourser.

L'article L.312-14-2 devenu L.313-46 du code de la consommation n'impose cependant cette information annuelle que dans le cas, étranger à la présente affaire, où le taux d'intérêt du prêt est stipulé à taux variable.

Le CIC s'est par ailleurs acquitté de son devoir d'information précontractuelle en soumettant à l'emprunteur une offre de crédit immobilier conforme aux dispositions du code de la consommation et renseignant suffisamment M. Y... sur le coût du crédit et les modalités de remboursement avant de lui laisser un délai de 10 jours pour l'accepter.

La créance de la banque sera donc productive d'intérêts au taux contractuel de 5,20% sur le principal de 242789,84 euros à compter du 4 février 2011.

Sur la demande reconventionnelle de M. Y...

Arguant de ce que le concours octroyé était disproportionné à ses capacités de remboursement, M. Y... fait grief au CIC d'avoir manqué à son devoir de mise en garde.

À cet égard, le CIC soutient à tort que cette demande serait irrecevable comme prescrite en application de l'article L.110-4 du code de commerce, alors qu'il est de principe que, lorsque l'emprunteur oppose le manquement de la banque à son devoir de mise en garde à l'occasion de l'action de cette dernière en paiement des sommes dues au titre du prêt, il s'agit d'un moyen de défense sur lequel la prescription est inopérante.

Il est par ailleurs exact que la banque dispensatrice de crédit est tenue, à l'égard d'un emprunteur non averti, d'un devoir de mise en garde sur le risque né d'un endettement excessif ou inadapté au regard de ses capacités de remboursement.

À cet égard, le CIC soutient que M. Y... , associé dans une société de promotion immobilière, serait un emprunteur averti, mais, alors que celui-ci n'était pas le dirigeant social de cette société, la banque ne rapporte pas la preuve suffisante qu'il avait la compétence et l'expérience lui conférant cette qualité.

En revanche, le CIC fait à juste titre valoir que le prêt du 12 mars 2008 n'était pas excessif.

M. Y... a en effet présenté le 17 janvier 2008 une demande de prêt, de laquelle il ressortait que, vivant chez ses parents, il n'assumait pratiquement aucune charge, alors qu'il était déjà propriétaire de deux immeubles évalués à, respectivement, 250000 euros et 80000 euros, sans encours de crédit immobilier antérieur, et qu'il détenait une épargne bancaire et des valeurs mobilières d'un montant total de 33158 euros.

Il fait certes valoir avec raison que le CIC ne pouvait ignorer avoir précédemment recueilli en août 2007 son engagement de caution dans une limite de 336000 euros, mais il demeure que les autres éléments de sa situation financière tels que ressortant de la demande de prêt lui conféraient une capacité de remboursement adaptée aux charges de remboursement du prêt proposé, de 1663 euros par mois.

M. Y... a en effet indiqué disposer de revenus professionnels de 4166 euros et supporter des charges de 4,66 euros, ce qui lui procurait des 'revenus mensuels disponibles' (et non annuels comme il le prétend erronément dans ses écritures) de 4162 euros.

Il soutient que ses revenus étaient moindres mais, outre que le CIC n'avait pas, sauf anomalie apparente, à vérifier l'exactitude de ses déclarations, il produit son avis d'imposition sur les revenus de l'année 2008 duquel il ressort que ses bénéfices industriels et commerciaux ont été, au cours de l'année de l'octroi du prêt, de 46758 euros, soit en moyenne 3896 euros par mois.

Il ressort d'autre part de la demande de prêt que celui-ci était destiné à financer un investissement immobilier locatif qui lui aurait procuré un complément de revenu évalué à 900 euros par mois.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas matière à accorder un nouveau délai de grâce à M. Y... , lequel a déjà bénéficié des larges délais de la procédure.

Il n'y a pas davantage matière à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 28 juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Quimper en ce qu'il écarté l'exception d'irrecevabilité de l'action en paiement des échéances échues impayées du 5 juillet 2010 au 5 janvier 2011 et condamné M. Y... au paiement de la somme de 293908,76 euros;

Déclare l'action en paiement des échéances échues impayées du 5 juillet 2010 au 5 janvier 2011 irrecevable;

Condamne M. Y... à payer à la société Banque CIC Ouest la somme de 260373,47 euros, avec intérêts au taux de 5,20% sur le principal de 242789,84 euros à compter du 4 février 2011;

Confirme le jugement attaqué en ses autre dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

Condamne M. Y... aux dépens d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15/06987
Date de la décision : 19/10/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 1B, arrêt n°15/06987 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-19;15.06987 ?
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