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17/10/2018 | FRANCE | N°16/02995

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 17 octobre 2018, 16/02995


7ème Ch Prud'homale








ARRÊT N° 432





N° RG 16/02995


N° Portalis DBVL-V-B7A-M44B




















M. Serge X...





C/





SA CREDIT MUTUEL ARKEA


























Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée



















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Copie exécutoire délivrée





le :





à :








REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2018











COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:





Président : Madame Régine CAPRA


Conseiller : Madame Liliane LE MERLUS


Conseiller : Madame Véronique PUJES





GREFF...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N° 432

N° RG 16/02995

N° Portalis DBVL-V-B7A-M44B

M. Serge X...

C/

SA CREDIT MUTUEL ARKEA

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Madame Régine CAPRA

Conseiller : Madame Liliane LE MERLUS

Conseiller : Madame Véronique PUJES

GREFFIER :

Madame MORIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Juin 2018

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Octobre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur Serge X...

[...]

Représenté par Me Roger Y..., avocat au barreau de BREST

INTIMEE :

SA CREDIT MUTUEL ARKEA

[...]

Représentée par Me Frédérick Z..., avocat au barreau de BREST

EXPOSE DU LITIGE

M. Serge X... a été embauché le 15 février 1988 par la SA CRÉDIT MUTUEL ARKEA de Bretagne, par contrat à durée indéterminée, en qualité de technicien administratif. Il a bénéficié d'une progression de carrière jusqu'au poste de chargé d'études conseil 2, de niveau 8, statut cadre.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective du CRÉDIT MUTUEL ARKEA.

En mars 2002, M. X... a été reconnu travailleur handicapé en raison d'une maladie génétique cardiaque d'origine non professionnelle.

A compter de novembre 2011, son poste a été aménagé (réduction de son temps de travail à 80%).

Le 21 août 2012 le médecin du travail a déclaré M. X... apte sur poste aménagé (aménagement du temps de travail) et avec contre indication à tout effort physique et tout stress (charge mentale, délais, rythme, charge de travail).

M. X... a été affecté au service GAP et SI avec son accord, à compter du 5 novembre 2012.

Le salarié a été par la suite placé en arrêt de travail à plusieurs reprises.

La CPAM a notifié à M. X... une invalidité de 2ème catégorie à effet à compter du 1er mai 2014.

Lors d'une visite de reprise organisée le 26 mai 2014, le médecin du travail a conclu à 'une inaptitude totale et définitive au poste actuel ainsi qu'à tout poste dans l'entreprise en raison du danger grave et immédiat pour le salarié. Aucun reclassement possible. Inaptitude immédiate en une seule visite. Il n'y aura donc pas de seconde visite'.

Par courrier du 7 août 2014, l'employeur a proposé au titre du reclassement un poste d'assistant de recrutement à M. X... qui l'a refusé.

Le 3 novembre 2014 l'employeur a notifé à M. X... un licenciement en suite de cette inaptitude.

M. X... a saisi, le 8 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Brest pour contester ce licenciement et pour obtenir, dans le dernier état de ses demandes, avec le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement et la fixation du salaire moyen mensuel à la somme de 3 814, 32 euros bruts, la condamnation de la société CRÉDIT MUTUEL ARKEA à lui payer les sommes suivantes :

* 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 11 442, 96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 144, 29 euros au titre des congés payés y afférents,

* 937, 27 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au licenciement brutal,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct lié à la délivrance tardive des documents sociaux, à l'absence d'organisation d'une visite de reprise et en raison de l'absence de la reprise du versement du salaire,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'accord handicap et absence de réentrainement du salarié (L 5213-5 du code du travail),

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SA CRÉDIT MUTUEL ARKEA a demandé le rejet de ces prétentions et la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par Jugement en date du 18 mars 2016, le Conseil de prud'hommes de Brest a :

- fixé le salaire moyen mensuel à la somme de 3 283 euros,

- condamné la SA CRÉDIT MUTUEL ARKEA à payer à M. X... les sommes suivantes :

* 937, 27 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct lié au retard dans l'administration de son dossier,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- disposé que les sommes à caractère salarial seront porteuses d'intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et à compter du prononcé pour les dommages et intérêts,

- limité l'exécution provisoire du jugement aux dispositions de l'article R 1454-28 du Code du travail,

- débouté M. X... du surplus de ses demandes,

- condamné la SA CRÉDIT MUTUEL ARKEA aux dépens.

M. X... a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la SA CRÉDIT MUTUEL ARKEA à lui payer les sommes suivantes :

* 937, 27 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct lié au retard dans l'administration de son dossier,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- statuant à nouveau, de :

- décerner acte à la SA CRÉDIT MUTUEL ARKEA de son acquiescement relatif à la condamnation au titre du rappel d'indemnité de licenciement.

- condamner la société CRÉDIT MUTUEL ARKEA au paiement des sommes suivantes :

- 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 11 442, 96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 144, 29 euros au titre des congés payés y afférents,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au licenciement brutal,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'accord handicap et absence de réentrainement du salarié (L 5213-5 du code du travail),

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

La SA CRÉDIT MUTUEL ARKEA demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris, en conséquence de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens. Elle précise toutefois qu'elle a payé le rappel d'indemnité de licenciement et ne remet pas en cause ce paiement.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'Vous avez été convoqué à un entretien le 23 octobre dans le cadre des dispositions de l'article L1232-2 du Code du travail. Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien motivé pour les raisons suivantes :

suite à l'avis d'inaptitude définitive à votre poste, prononcé par le médecin du travail, nous avons examiné les possibilités de reclassement au regard des préconisations du médecin du travail, d'une part, et des emplois pouvant être envisagés dans l'entreprise, d'autre part. Nous vous avons proposé un poste mais il n'a pas reçu votre agrément.

Dans ces conditions, nous nous voyons contraints de procéder à la rupture de votre contrat de travail. Du fait de l'impossibilité dans laquelle vous vous trouvez d'effectuer votre préavis, cette rupture prend effet à la date d'envoi de la présente lettre recommandée avec accusé de réception.'

M. X... soutient, pour conclure à l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement, que la lettre de licenciement ne mentionne pas expressément l'impossibilité de reclassement et ainsi n'énonce pas un motif précis de licenciement, que l'employeur a manqué à l'exécution loyale et personnalisée de son obligation de reclassement et a manqué à son obligation de sécurité de résultat.

Le Crédit Mutuel réplique que, ne pouvant contester un licenciement qu'il n'a eu de cesse de réclamer, M. X... biaise en soutenant que son employeur n'aurait pas respecté ses obligations de reclassement et de sécurité ; que son argument de pure forme sur la formulation de la lettre de licenciement est tout aussi dépourvu de pertinence, la motivation de celle-ci étant parfaitement conforme aux exigences du droit positif.

Sur ce :

Force est de constater que la lettre de licenciement ne mentionne pas expressément l'impossibilité de reclassement du salarié inapte, de sorte que l'employeur ne peut se prévaloir du respect effectif de cette obligation, que le licenciement de M. X... ne peut qu'être déclaré sans cause réelle et sérieuse, et que l'indemnité de préavis de 3 mois, dont le montant est de 9654,99€ bruts outre 965,49 € bruts de congés payés afférents, compte tenu du salaire qu'il aurait perçu s'il avait pu travailler pendant cette période, est due à ce dernier et l'employeur sera donc condamné à lui payer cette somme. Au vu de l'ancienneté de 27 ans de M. X..., de son âge de 59 ans au moment de la rupture du contrat de travail et des éléments produits pour justifier du préjudice que lui a occasionné cette rupture, il sera réparé par la condamnation de la société intimée à lui payer à ce titre la somme de 40 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement doit donc être infirmé sur ces chefs.

Sur le préjudice moral

M. X... fait valoir que l'employeur ne lui a fait qu'une seule proposition de reclassement, quand le groupe comprend plus de 9000 salariés et qu'il ne justifie pas de recherches au sein du groupe ou des autres fédérations, que cette offre n'était pas sérieuse, alors que lui-même ne dispose pas de compétences en droit du travail ou en RH, que plusieurs postes de chargés d'études étaient vacants dans la région, que le poste proposé était celui d'un simple exécutant, absolument pas adapté à un cadre aussi expérimenté que lui et que la banque, qui n'a employé que 6 jours après un courrier de l'inspection du travail pour rechercher un reclassement, n'a pas cherché à aménager son poste. Il affirme que par ailleurs l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, notamment en ne tenant pas compte des préconisations de la médecine du travail, ce qui a eu pour effet une aggravation de son état de santé, et il considère que c'est de manière erronée que le conseil a retenu qu'il avait pris en compte entre 2011 et 2014 les recommandations qui lui avaient été faites et avait toujours proposé des aménagements de postes ou des postes correspondant aux restrictions médicales. Il soutient qu'au contraire l'employeur l'a muté à compter de novembre 2012 sur un poste indéfini, sans fiche de mission, l'a muté pendant plus de 5 mois dans un lieu (bureau open space) totalement inadapté à sa pathologie, l'a fait changer de supérieur hiérarchique en juin 2013 et l'a rattaché au service GAP malgré l'engagement de novembre 2012, n'a pas rédigé de fiche de mission ni organisé d'entretien spécifique destiné à évoquer sa situation de handicap et ses incidences sur l'activité, lui a réclamé un arrêt de travail pour une absence d'un jour alors que la CCN ne prévoit une telle exigence qu'au bout de 3 jours d'absence, n'a pas été diligent pour traiter de sa situation, n'organisant pas spontanément une visite de reprise ni la reprise du salaire, l'obligeant ainsi à se rapprocher de l'inspection du travail et à demander lui-même un rendez-vous avec le médecin du travail ; qu'un responsable hors de sa ligne hiérarchique lui a annoncé un déménagement dans un bureau particulièrement bruyant ; que ces comportements ont eu une incidence sur son état puisque la seule pathologie cardiaque n'est pas à l'origine de l'inaptitude, mais que c'est la souffrance morale relationnelle au travail qui a conduit le médecin à la prononcer.

Il soutient que le comportement de l'employeur ci-dessus décrit a eu un impact considérable sur sa santé, au point qu'il a dû consulter un psychologue tant sa souffrance au travail était importante et que c'est à tort que malgré ces multiples manquements le conseil a jugé qu'il n'avait pas subi de préjudice moral en raison d'un licenciement brutal et du comportement de l'employeur à son égard, alors que le stress subi justifie le quantum de dommages et intérêts demandé et que la chronologie montre que l'employeur, qui lui a confié des postes fantômes, l'a installé dans un open space malgré les préconisations du médecin du travail, n'a pas respecté les dispositions de l'accord sur le handicap, a préféré l'affecter à des tâches inconsistantes ou exiger des arrêts plutôt que de rechercher un reclassement.

La banque intimée réplique qu'elle a, au contraire, et bien que la recherche soit vouée à l'échec compte tenu de l'avis du médecin du travail, confié la recherche de reclassement à la responsable du département gestion des carrières mobilité groupe précisément parce qu'elle bénéficie d'une vision panoramique des emplois au sein du groupe, et que celle-ci a été dans l'obligation de créer un poste sur mesure pour pouvoir répondre aux différentes contraintes imposées par la situation, sans diminution de la rémunération alors que cela n'est pas une obligation quand le reclassement aboutit à un emploi moins rémunérateur ; que M. X... ne peut sérieusement prétendre qu'un emploi de niveau 8, correspondant à son niveau de rémunération, aurait pu lui être proposé, alors même qu'il devait être soigneusement prémuni de toute situation de stress. Elle ajoute que c'est par une véritable distorsion de la réalité que M. X... tente de la rendre responsable de sa pathologie et de ses conséquences et qu'en réalité, jouant sur l'imprécision de la notion de stress, non seulement il ne démontre pas le moindre manquement de sa part mais a fortiori n'établit pas le moindre lien avec son invalidité ou inaptitude.

Elle considère donc que cette demande indemnitaire est dénuée de fondement, faute de manquement et de préjudice, et souligne que si la mise en invalidité de M. X... a pu perturber la procédure et provoquer quelques hésitations, il n'en demeure pas moins que celui-ci a tiré le plus grand bénéfice de cette situation et que, utilisant toujours la même situation de fait, il a introduit une action contentieuse opportuniste dans le cadre de laquelle il multiplie les demandes dans le même esprit.

Sur ce :

Le premier avis du médecin du travail demandant un aménagement, en l'occurrence du temps de travail, est en date du 27 octobre 2011 et a donné lieu effectivement à un aménagement par l'employeur, comme le confirme la pièce 83 de l'appelant, le temps de travail de M. X... étant réduit à 80%, l'employeur maintenant toutefois sa rémunération à 100% jusqu'à la fin de sa carrière. Le médecin du travail a ensuite lors de l'examen de reprise du 21 août 2012 conclu à l'aptitude de M. X... sur un poste aménagé (aménagement du temps de travail) et avec contre indication à tout effort physique et tout stress (charge mentale, délais, rythme, charge de travail), avis à la suite duquel le salarié a bénéficié d'un changement de poste, étant affecté à compter du 5 novembre 2012 avec son accord au département gestion administrative et système d'information au sein de la DRHF du Crédit Mutuel Arkea et lors de l'examen médical de reprise du 13 novembre 2012 le médecin du travail a conclu à l'aptitude sur poste aménagé à 80%, rappelé la contre indication à tout effort physique et tout stress (charge mentale, délais à respecter, rythme soutenu, charge de travail élevée, contrainte forte). Le médecin du travail qui a revu M. X... le 14 mars 2013 a constaté que celui-ci était toujours 'apte avec le même aménagement. Privilégier un bureau seul ou à 2 lors du déménagement du service. A revoir en juin après le déménagement'. Il en résulte que les aménagements au poste de travail opérés par l'employeur entre 2011 et 2013 étaient conformes aux préconisations du médecin du travail et avaient permis à cette date de préserver l'aptitude de M. X... à tenir son poste, nonobstant son handicap cardiaque. Si aucune fiche de poste n'a été matérialisée, il résulte des entretiens annuels d'appréciation que son poste, contrairement à ce qu'il soutient, correspondait à des missions bien définies, et même si les missions définies pour 2013 relevaient plus de l'aspect gestion administrative du personnel que de l'aspect système d'information, justifiant le rapprochement avec le chef de ce service, il résulte des échanges de mails entre M. X... et la DRH en date du 12 décembre 2013 que M. François Xavier A... était bien toujours son supérieur hiérarchique. Quant à la préconisation du médecin de 'privilégier' un bureau seul ou à deux, elle prend en compte les contraintes dans le cadre d'un déménagement, puisqu'il ressort des explications de la banque que l'entreprise a connu une réorganisation des locaux, ce qui n'est pas contesté, pour reporter à l'issue de cette période l'affectation dans un bureau présentant lesdites caractéristiques. L'affectation très temporaire de M. X..., liée aux contraintes de locaux, ne caractérise donc aucune violation de l'avis du médecin du travail. M. X... a bien été affecté ensuite dans un bureau conforme, et, si un collègue chef de service a envisagé un échange de bureau avec lui, soit un bureau partagé, soit un bureau de capacité d'accueil identique à celui qu'il occupait, cela ne s'est pas fait, la question a été tranchée sans désemparer, il n'a donc pu en résulter aucun préjudice pour lui et quant à l'intervention de Mme B..., infirmière, il apparaît de l'échange avec M. X... du 19 décembre 2013 qu'elle servait d'intermédiaire pour la programmation d'une visite par le médecin du travail, le fait qu'elle ait été sollicitée dans le cadre d'un projet de changement de bureau n'a donc rien d'anormal. La présentation des faits élaborée par M. X... à ce sujet, qu'il a rapporté comme un incident dans le cadre des échanges par lesquels il a entretenu une véhémente polémique, est donc très sujette à caution et l'analyse de la situation ne permet de relever aucun manquement de l'employeur. M. X... a été informé le 3 mars 2014 qu'il bénéficierait d'un classement en invalidité catégorie 2 à compter du 1er mai 2014. Par courriel du 28 avril 2014 il a informé son employeur du passage à cette catégorie 2 à compter du 1er mai 2014, en joignant la notification d'attribution de la pension par la CPAM et en demandant s'il avait des démarches particulières à faire auprès de l'AG2R, ce à quoi la DRH lui a répondu qu'elle se chargeait de transmettre la notification à l'AG2R et de constituer le dossier, précisant qu'elle le lui transmettrait avec les pièces en sa possession et l'indication des pièces manquantes à fournir ; le 13 mai elle lui a adressé un courrier apportant les précisions juridiques sur le régime des pensions. Le même jour, M. X... a indiqué par mail qu'il n'avait pas reçu de convocation pour une visite de reprise, le lundi 19 mai il a demandé à la DRH s'il devait se charger de la demande de visite de reprise et par mail du 21 mai il a pris lui-même contact avec le médecin du travail, pour l'organisation d'une telle visite et en a informé l'employeur, auquel il a reproché de ne pas avoir organisé lui-même cette visite et auquel il a précisé en même temps que son médecin traitant n'avait pas prolongé son arrêt se terminant le30 avril 2014, considérant que seul le médecin du travail pouvait se prononcer sur son aptitude médicale à reprendre son poste. Si l'employeur n'a pas immédiatement organisé de visite de reprise lorsque M. X... lui a fait part de son classement en catégorie 2, il convient d'observer, même s'il est vrai qu'il lui appartenait certes de prendre l'initiative de l'organisation d'une telle visite dans la mesure où le salarié n'avait pas dit qu'il ne reprenait pas le travail, qu'il a pu légitimement penser que le salarié, qui ne faisait référence qu'à l'AG2R, était âgé de 58 ans avec une capacité de travail réduite des deux tiers, proche de l'échéance de la retraite et qui pouvait bénéficier dans le cadre de l'invalidité de catégorie 2 d'un maintien dans l'entreprise sans prestation de travail avec un bon niveau de maintien de son salaire et l'acquisition de trimestres de retraite, ne se situait pas dans une perspective de rupture du contrat de travail, et le retard d'un mois dans l'organisation d'une visite de reprise dans ces conditions n'est pas de nature à avoir généré pour le salarié un stress anormal. L'appelant évoque également une demande de justificatif d'arrêt de travail pour un jour alors que la convention collective ne l'exige qu'au bout de 3 jours, mais il ne produit aucune pièce étayant cette allégation, et il ne date pas davantage ce fait allégué.

Aucun des événements retracés par M. X... depuis le précédent avis d'aptitude du médecin du travail de mars 2013 ne permet de caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou un contexte relationnel gravement dégradé imputable à l'employeur susceptible d'être la cause de l'inaptitude du salarié, dont l'origine professionnelle ne peut dès lors être retenue.

D'autre part, bien que le médecin du travail ait déclaré M. X... inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise en une seule visite et visé le danger grave, ce qui vouait à l'échec toute recherche, le Crédit Mutuel a procédé, comme il y était tenu en l'état du droit alors en vigueur, à une recherche de poste et a proposé à M. X... un poste d'assistant au recrutement qui, en ce qu'il s'agissait de tâches d'exécution, ne nécessitait pas de compétences poussées en matière de RH et correspondait donc à ses capacités, et était également de ce fait exempt de la charge mentale inhérente aux postes précédemment occupés par M. X... avec aménagement du temps et de la charge de travail, que le médecin du travail ne jugeait plus compatibles avec son état de santé. Si des postes de chargés d'étude étaient disponibles, ils ne pouvaient lui être proposés puisqu'ils n'étaient pas compatibles avec l'avis du médecin du travail. L'employeur pouvait de même légitimement exclure une recherche de postes dans d'autres fédérations du Crédit Mutuel, qui auraient comporté pour le salarié, qui jugeait trop stressant un changement de bureau à l'intérieur même des locaux de travail, un déménagement dans une autre région de France, situation qui n'aurait pu manquer de générer véritablement du stress. Enfin, M. X... ne peut critiquer le délai employé à la recherche de reclassement puisqu'il a abouti à la mise à jour d'une proposition concrète, sérieuse et personnalisée. Et, surtout, il ne peut caractériser en tout état de cause sur le terrain du reclassement aucun préjudice distinct puisque l'impossibilité pour l'employeur de se prévaloir du reclassement est déjà réparé par l'invalidation de la rupture.

Si M. X... a pu consulter un psychologue, rien ne permet d'imputer les causes de la souffrance morale dont il fait état à un comportement fautif de l'employeur pendant la relation de travail, ainsi qu'il a été développé ci-dessus, en outre il a jusqu'à 2014 pu être maintenu dans l'emploi malgré son handicap cardiaque, les entretiens annuels révèlent l'absence de tout autre projet de carrière de sa part, il ne caractérise donc aucun préjudice au titre de manquements de l'employeur pendant la relation de travail relativement à sa situation de handicap, et l'analyse tant de ses correspondances que de la chronologie permettent d'exclure que la rupture ait présenté des circonstances brutales, le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses prétentions indemnitaires sur ce fondement.

Sur les autres demandes indemnitaires

M. X... soutient que l'absence d'initiative de l'employeur dans l'organisation de la visite de reprise, qui s'est tenue 26 jours après la fin de son arrêt de travail, lui a nécessairement causé un préjudice, qu'il en est de même de l'absence de reprise de versement de salaire, qu'ainsi l'existence d'un préjudice distinct en raison de retard dans l'administration du dossier a été justement reconnue par le conseil.

L'intimée réplique que ces demandes ne sont pas davantage fondées et critique le premier juge d'avoir alloué à M. X... une somme de 2000 € au motif qu'elle aurait 'tardé dans le traitement du dossier' du salarié, alors qu'il a relevé que celui-ci avait cumulé pendant 4 mois une pension d'invalidité et un salaire, au titre de la prévoyance, reconstituant son salaire à 98%.

Sur ce :

M. X..., qui bénéficiait du maintien de son niveau de revenus et continuait d'acquérir des trimestres et points de retraite, ne caractérise aucun préjudice qui résulterait du retard de 26 jours dans l'organisation de la visite de reprise ou de l'initiative prise par lui dans son organisation, qui s'est faite par un simple mail adressé au médecin du travail, et il ne caractérise pas de préjudice distinct qui n'ait été réparé par le paiement de la somme due ni de mauvaise foi de l'employeur dans le retard apporté au paiement de la somme, il ne justifie pas s'être inscrit à Pôle Emploi ou avoir recherché un emploi et ne caractérise pas davantage de préjudice lié à un retard dans la remise de documents de fin de contrat, il doit donc être débouté de ses prétentions indemnitaires sur ces fondements et le conseil doit être infirmé en ce qu'il a condamné la banque à lui payer la somme de 2000 € au titre d'un retard dans le traitement du dossier.

Sur l'application de l'accord handicap et le ré-entraînement

M. X... soutient qu'il a nécessairement subi un préjudice du fait que l'employeur n'a pas appliqué l'article L5213-5 du Code du travail relatif au ré-entraînement au travail, et qu'il ne l'a pas fait bénéficier des dispositions de majoration de son indemnité de licenciement en application de l'accord handicap applicable au sein de l'entreprise ; qu'il en est nécessairement résulté, sur ces 2 fondements, une limitation de ses perspectives professionnelles et de sa recherche d'emploi, il ajoute qu'il n'a pas non plus bénéficié de formation pendant les 6 dernières années de fonction malgré des changements de poste.

L'intimée réplique que l'accord d'entreprise qui prévoit pour l'employeur une possibilité de majorer l'indemnité de licenciement pour tenir compte des difficultés de reconversion et réinsertion externes fait appel à une décision d'entreprise, au cas par cas, avec la prise en compte d'un critère objectif de projet de reconversion, ce qui n'était pas le cas, que les demandes de l'appelant sont redondantes car les textes auxquels il fait référence trouvent à s'appliquer hors de la procédure de reclassement/licenciement dont il a fait l'objet et qui comporte des garanties plus importantes encore que celles évoquées dans sa demande subsidiaire, qui fait référence également à un accord relatif à l'emploi des seniors alors que la quasi totalité des dispositions de la branche Crédit Mutuel ont été abrogées par l'article 2 d'un avenant du 24 septembre 2013 .

Sur ce :

Le bénéfice éventuel d'une majoration de l'indemnité de licenciement, sur décision d'entreprise, se réfère à des difficultés de reclassement externe et M. X... ne justifie pas d'un préjudice sur ce fondement. Il n'est pas contesté par contre que l'entreprise, qui était soumise aux dispositions de l'article L 5213-5 du Code du travail, n'a pas mis en oeuvre l'obligation de ré-entraînement au travail, au titre de la perte de chance d'évolution invoquée par le salarié et des éléments produits pour en justifier il y a lieu de condamner l'employeur à lui payer en réparation la somme de 500 €. Le jugement sera donc infirmé sur ce chef.

Il est inéquitable de laisser à M. X... ses frais irrépétibles d'appel pour un montant de 1000 €.

La société appelante, qui succombe partiellement, doit être condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au secrétariat-greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a fixé le salaire mensuel moyen à 3 283 €, a condamné la société Crédit Mutuel Arkea à payer à M. Serge X... la somme de 937,27 € à titre de complément d'indemnité de licenciement et en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, en ce qu'il a débouté M. Serge X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

L'INFIRME en ses autres dispositions et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Crédit Mutuel Arkea à payer à M. Serge X... les sommes de :

- 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9654,99 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 965,49 € de congés payés afférents,

- 500 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'article L5213-5 du Code du travail,

- 1000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,

RAPPELLE que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour les montants à caractère salarial et à compter de la décision les ordonnant pour les dommages et intérêts,

DEBOUTE M. Serge X... du surplus de ses demandes

DEBOUTE la société Crédit Mutuel Arkea de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société Crédit Mutuel Arkea aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, et signé par Madame Capra, président, et Madame Morin, greffier.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

Mme MORIN Mme CAPRA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/02995
Date de la décision : 17/10/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 05, arrêt n°16/02995 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-17;16.02995 ?
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