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03/10/2018 | FRANCE | N°16/04509

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 03 octobre 2018, 16/04509


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N° 398



N° RG 16/04509













SAS EPHIGEA



C/



Mme Saïda X...

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR

D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2018



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:



Président : Madame Régine CAPRA

Conseiller : Madame Liliane LE MERLUS

Conseiller : Madame Véronique PUJES



GREFFIER :



Madame MORIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 22 Mai 2018

...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N° 398

N° RG 16/04509

SAS EPHIGEA

C/

Mme Saïda X...

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 OCTOBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Madame Régine CAPRA

Conseiller : Madame Liliane LE MERLUS

Conseiller : Madame Véronique PUJES

GREFFIER :

Madame MORIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mai 2018

devant Madame Liliane LE MERLUS, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Octobre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SAS EPHIGEA prise en la personne de son représentant légal

[...]

Représentée par Me Cédric R..., avocat au barreau de LILLE

INTIMEE :

Madame Saïda X...

[...]

Comparante en personne, assistée de Me Anne Y..., avocat au barreau de Z...

INTERVENANTE :

POLE EMPLOI BRETAGNE

Service Contentieux

CS 75301

[...]

Régulièrement convoqué, non comparant, non représenté

EXPOSE DU LITIGE

Mme Saida X... a été embauchée du 30 décembre 2010 au 19 février 2011 par la SAS EPHIGEA, par contrat à durée déterminée, à raison de 27 heures par semaine, en qualité de vendeuse, en remplacement partiel dans l'attente de l'arrivée dans l'entreprise de Mme A..., déjà embauchée en tant que responsable de magasin.

Un second contrat a été signé entre les parties pour une durée minimale pour la période allant du 24 février 2011 au 24 avril 2011 aux mêmes conditions que le précédent avec des horaires précisés selon les semaines, en remplacement partiel de Mme B..., bénéficiaire d'un congé parental, avec possibilité de prolongation si nécessaire jusqu'à son retour.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d'habillement.

Mme X... a été placée à plusieurs reprises en arrêt de travail, du 1er au 17 avril 2011, du 9 au 21 août 2011, du 24 octobre 2011 au 1er janvier 2012.

Elle a été convoquée, le 28 avril 2012, à un entretien préalable fixé au 16 mai 2012 et l'employeur lui a notifié la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave par lettre recommandée du 8 juin 2012.

Contestant la rupture et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Mme X... a saisi, le 28 février 2014, le conseil de prud'hommes de Z... aux fins d'obtenir, dans le dernier état de ses demandes:

- la fixation de la moyenne de son salaire à 1 078,65 euros,

- la requalification de son contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée déterminée à temps complet à compter du 30 décembre 2010,

- la condamnation de la société EPHIGEA à lui payer les sommes suivantes :

* 1 482, 97 euros à titre de rappel de salaires pour la mise à pied du 28 avril au 9 juin 2012, et 148,30 euros au titre des congés payés y afférents,

* 5 373,73 euros au titre de la requalification en temps plein, et 537,73 euros au titre des congés payés y afférents,

* 72 289,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8 288,48 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat,

* 4 730 euros au titre des primes tenues vestimentaires,

* 342,16 euros au titre des primes de vacances,

* 3 534,30 euros au titre des avantages tickets restaurants,

* 11 750 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de harcèlement moral,

* 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens,

- la remise du certificat pôle emploi et des documents de travail conformes à la décision.

Par jugement en date du 13 mai 2016, le Conseil de prud'hommes de Z... a :

- requalifié le contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée déterminée à temps complet à compter du 30 décembre 2010,

- jugé que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse,

en conséquence, condamné la SAS EPHIGEA à lui payer les sommes suivantes :

* 1 482,97 euros à titre de rappel de salaires pour la mise à pied du 28 avril au 9 juin 2012, outre 148,30 euros au titre des congés payés y afférents,

* 5 373,73 euros au titre de la requalification en temps plein, outre 537,73 euros au titre des congés payés y afférents,

* 47 540,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8 288,48 à titre d'indemnité de précarité,

- disposé que les sommes à caractère salarial seront porteuses d'intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et à compter du prononcé pour les dommages et intérêts,

- rappelé l'exécution provisoire du jugement,

- ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités chômages perçues par le salarié, dans la limite de six mois d'indemnités,

- débouté la SAS EPHIGEA de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté Mme X... du surplus de ses demandes,

- condamné la société EPHIGEA aux dépens.

La société EPHIGEA a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions la condamnant à paiement et requalifiant le contrat, en conséquence de débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Mme X... demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement entrepris et en conséquence de condamner la société à lui payer les sommes de :

- 72 289,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, confirmer de ce chef le jugement entrepris,

- 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, pour harcèlement moral, subsidiairement pour absence de bonne foi dans l'exécution du contrat par l'employeur,

- 4 730 euros au titre des primes tenues vestimentaires,

- 342,16 euros au titre des primes de vacances,

- 3 534,30 euros au titre des avantages tickets restaurants,

- 11 750 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

- 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens,

- ordonner la remise de l'attestation ASSEDIC, d'un bulletin de salaire et des documents de travail conformes à la décision,

- confirmer le jugement en ses autres dispositions.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification du contrat de travail

La société critique le premier juge en ce que, en considérant que les changements dans les horaires et jours de travail ont été faits sans l'approbation de la salariée et sans le respect par l'employeur des délais nécessaires, il a motivé sa décision en contradiction directe avec les pièces versées par elle-même aux débats, qui démontrent que les horaires n'avaient été modifiés, et ce alors que l'intimée avait été sollicitée et avait donné son accord lorsque des changements sont intervenus, qu'en de rares occasions, ces modifications ne constituant que des ajustements permettant aux différentes salariées du magasin de ne pas faire de manière systématique la fermeture du magasin et les plannings démontrant par ailleurs une quasi fixité de son jour de repos hebdomadaire, donné d'abord le mercredi pendant 3 mois puis le mardi.

Mme X... réplique que les plannings qu'elle produit montrent l'importance des modifications opérées par l'employeur sans son accord : changement des jours de repos hebdomadaire, changement des horaires, irrespect des délais de prévenance.

Sur ce :

Mme X... justifie par les plannings qu'elle produit des modifications dès le début de la relation contractuelle par rapport aux dispositions contractuelles qu'elle allègue, pour lesquelles l'employeur ne justifie pas systématiquement du respect du délai de prévenance, le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée déterminée à temps complet à compter du 30 décembre 2010 et a condamné la société à payer à la salariée la somme de 5373,73 € à titre de rappel de salaire, outre 537,37 € de congés payés afférents.

Sur le harcèlement moral

Mme X... reproche au premier juge de n'avoir pas examiné cette demande, se contentant de considérer qu'elle ne démontrait nullement un préjudice moral, alors qu'elle a été victime d'agissements répétés ayant dégradé ses conditions de travail et son état de santé, et d'une pression constante à compter de l'arrivée de Mme A... le 7 mars 2011.

La société réplique que la réalité est tout autre, et que Mme X..., pour tenter de donner quelque consistance à sa thèse, ne verse qu'un certain nombre d'attestations, étonnamment tardives au regard de leur contenu, dont certaines présentées comme clientes du magasin ce qui est contesté hormis pour 2 d'entre elles, qui ne démontrent que la manipulation par l'intimée d'un certain nombre de personnes de son entourage à qui elle a demandé de se présenter comme des clientes du magasin et d'établir des attestations qui ne peuvent, en aucun cas, être recevables, qu'au contraire les attestations des salariées font état des qualités de management de Mme A... et, pour certaines, de leur admiration face à la manière dont elle a pu gérer les sautes d'humeur et les agressions perpétuelles de Mme X....

Aux termes de l'article L1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L 1152-4 du code du travail il appartient au chef d'entreprise de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de l'article L 1152-1 du code du travail et il est tenu (L4121-1 du code du travail ) d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, même sans faute de sa part.

En application de l'article L 1152-1 du code du travail il appartient au salarié d'établir les faits laissant présumer des agissements de harcèlement moral, au juge d'appréhender les faits dans leur ensemble et de rechercher s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge ensuite pour l'employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.

Au titre du harcèlement moral, Mme X... expose que :

- la responsable magasin exerçait une pression constante, lui a refusé le 11 mars 2011 de bénéficier de tenues offertes pour lesquelles elle avait obtenu un accord le 7 mars de la responsable de St Brieuc et de la directrice régionale, et lui a refusé de bénéficier de son badge pour bénéficier de remises en magasin, comme l'ensemble des membres du personnel, lui a demandé le 15 mars 2011 de refaire sa vitrine à 3 reprises, supprimé le 17 mars 2011 son mercredi de repos au motif que ses garçons étaient grands, lui a dit le 25 mars 2011 qu'elle se donnait une semaine de réflexion pour prendre la décision de poursuivre ou non son contrat, ne l'a pas mise à même matériellement de préparer la vitrine comme demandé le 28 mars 2011, a modifié son planning le 30 mars 2011 et soumis le document à sa signature le 1er avril sous la pression, modifié à compter de son retour d'arrêt maladie en août 2011 ses attributions, l'affectant aux tâches d'entretien, de surcroît inutiles, lui retirant les clefs du magasin, les informations utiles à sa fonction, la tâche de fermeture du magasin, l'ignorant quand elle ne l'insultait pas et transmettant ses directives par l'intermédiaire d'autres salariées, obtenant sous pression le 7 octobre 2011 une signature de document relatif à un désaccord au sujet de l'enlèvement d'une affiche OP vitrine,

- l'employeur lui demandait en janvier 2012 de quitter le magasin,

- l'ensemble du personnel du magasin ne la saluait plus.

Elle produit :

Des attestations, des plannings, un courrier de son avocat du 18 octobre 2011, des plannings, des fiches de tâches, des avis d'arrêts de travail, un certificat médical et des prescriptions, notamment.

L'employeur conteste l'ensemble des griefs et fait valoir que la situation dans le magasin s'est irrémédiablement dégradée du fait de Mme X..., laquelle n'a jamais reconnu la légitimité de sa responsable de magasin, estimant qu'elle aurait dû avoir le poste, ne reconnaissant pas l'autorité de cette dernière et adoptant par suite un comportement inapproprié tant à son égard qu'à celle de ses collègues en dépit des rappels à l'ordre réguliers faits par la responsable de magasin, jusqu'à un incident le 11 octobre 2011 lors de la venue au magasin de 2 membres du CHSCT et 2 membres du service RH, devant lesquels elle a, avec un rare aplomb, fermé à clef son casier en quittant le magasin, en contravention aux règles internes, incident particulièrement éclairant sur sa personnalité et les motifs qui ont conduit en définitive à

la rupture de son contrat ; que Mme X..., qui avait sollicité le service RH à peine un mois après l'entrée en poste de la nouvelle responsable de magasin a ensuite tout fait pour éviter les rencontres qui ont été organisées, que face à cette situation la direction a saisi le CHSCT, qui s'est déplacé le 11 octobre 2011 et a pu observer la manière dont elle était capable de se comporter en termes d'insubordination et de démonstration qu'elle n'entendait respecter que certaines consignes ; que, si le médecin du travail avait adressé à la société un courrier le 1er septembre 2011, il n'a, informé des conclusions de l'enquête du CHSCT, pas jugé par la suite utile de revenir vers l'entreprise, au regard du constat relativement implacable qui a été dressé, tel que cela résulte des pièces versées aux débats.

Il produit:

Les attestations des salariées et d'une stagiaire du magasin, les échanges avec le médecin du travail, un planning, une main courante déposée par une salariée, notamment.

Sur ce :

Mme X..., qui évoque les faits suivants dans des courriers adressés à l'employeur, personnellement ou ensuite par le biais d'un conseil, ne produit aucune pièce permettant d'en laisser présumer la réalité : accord de Mme S... le 7 mars 2011 pour bénéficier des tenues gratuites et demande à Mme A... refusée par celle-ci de bénéficier de tenues gratuites et de remises en magasin, affirmation que celle-ci se réservait d'examiner la poursuite de son contrat, qu'elle lui a retiré les clefs du magasin et les informations utiles, qu'elle ne l'a pas mise à même de préparer la vitrine le 28 mars 2011, ces faits dont la matérialité n'est pas établie doivent être écartés, de même que l'allégation de pressions pour signer le 1er avril un changement de planning le 30 mars 2011.

S'agissant du document soumis à la signature de Mme X... le 7 octobre 2011, il relate un incident avec une autre vendeuse dont l'existence n'est pas contestée par elle et si elle indique postérieurement par le biais de son conseil être en désaccord avec la version rapportée dans l'écrit elle n'apporte pas d'élément permettant de faire présumer l'existence de pressions l'ayant déterminée à signer, ce fait est également à écarter.

Les attestations produites par Mme X... sur le fait qu'elle aurait été mise à l'écart et insultée par ses collègues, écartée des fermetures, émanant d'amies ou de personnes opportunément présentes pour attester de faits affirmés ou contestés par Mme A... par rapport à ses collègues en relation avec chaque incident évoqué par ceux-ci, sont utilement combattues par les attestations circonstanciées des personnes à même de témoigner sur ce qui se passait journellement en boutique, que sont les salariées, et par ailleurs Mme C..., en sa qualité de vendeuse responsable, pouvait être légitimement amenée à donner des consignes et directives en l'absence de la responsable de boutique. Les témoignages des vendeuses produites par l'employeur attestent d'une animosité de Mme X... à l'encontre de Mme A... dès l'arrivée de celle-ci, Mme D..., ex stagiaire, indiquant qu'elle lui avait confié que selon elle, elle aurait dû avoir le poste de responsable car elle était plus compétente que Virginie (A...), il y a d'ailleurs lieu d'observer à la lecture de son CV qu'en effet elle avait effectué un stage de management en 2010, ce qui conforte ce témoignage, et ses collègues relatent l'agressivité de Mme X... tant envers elles qu'envers la responsable Mme A... pendant la relation de travail.

Les changements dans ses plannings évoqués par Mme X... pré existaient à l'arrivée de Mme A..., ils concernent l'ensemble des salariées de la boutique et la lecture de ces plannings permet de confirmer qu'ils sont justifiés par les besoins du fonctionnement de la boutique et sont étrangers à du harcèlement.

Les demandes de Mme A... sur l'âge des enfants et la situation familiale de la salariée, de la part d'une nouvelle responsable de boutique ayant à mettre en place les plannings et les jours de repos, étant notoire que le mercredi est le jour le plus demandé par les salariées mères de famille et en même temps un jour de forte fréquentation pour les activités commerciales, l'absence de demande sur ses expériences antérieures et la demande sur les circonstances de son embauche, de la part d'une responsable hiérarchique normalement en possession de son CV, qui fait apparaître un parcours atypique, dès lors sa demande de lui faire effectuer seule et correctement une vitrine pour juger de son niveau et de ses compétences pour évaluer les tâches à lui confier, son contrat portant sur le remplacement partiel d'une première vendeuse, n'excèdent pas les informations dont la responsable de boutique avait besoin pour l'organisation du travail et s'expliquent par des circonstances étrangères à du harcèlement, d'autant que Mme X... indique elle-même que Mme A... a souligné certaines de ses qualités.

Mme X... affirme que Mme A... et le responsable régional lui auraient demandé de quitter la boutique en janvier 2012 et produit l'attestation d'une voisine à elle, qui atteste en 2015 qu'en janvier 2012 elle lui aurait dit que 'sa direction' lui aurait demandé de dégager du magasin, cependant l'employeur établit pour sa part par des attestations qu'en janvier 2012 a eu lieu un incident en boutique, que Mme X...,

qui avait refusé d'effectuer une tâche demandée, avait adopté une attitude de provocation et qu'il lui avait été demandé, dans ces circonstances, de quitter la surface de vente, il est donc établi que ce fait s'explique par des circonstances étrangères à du harcèlement moral.

Elle produit des pièces et attestations indiquant qu'elle effectuait des tâches de ménage, l'employeur justifie par les attestations des vendeuses et la production du document interne relatif aux missions d'une conseillère de vente qu'il existe une polyvalence de tâches au sein des boutiques, que parmi les tâches des vendeuses figurent le rangement et le nettoyage de la surface de vente et de la réserve, que toutes y participaient et que Mme X... n'y était pas exclusivement affectée ou affectée plus que d'autres, l'employeur justifie donc que ces tâches étaient justifiées par des éléments étrangers à un harcèlement moral.

Au vu des pièces et explications des 2 parties, les faits invoqués par Mme X... ne sont pas établis ou s'expliquent par ces circonstances étrangères à du harcèlement moral, les pièces médicales produites par Mme X... ne peuvent donc utilement être mises en relation avec un harcèlement moral dont la réalité n'est pas avérée et l'employeur, qui a réagi dès que la salariée lui a adressé des courriers, en faisant procéder à des auditions et vérifications, à des tentatives de favoriser un dialogue puis qui a mis en place une enquête par le CHSCT et a saisi le médecin du travail pour que l'ensemble des salariées puisse être vues par lui, n'a pas failli à son obligation de sécurité ni à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, au regard des éléments de fait qu'il a pu vérifier.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a débouté Mme X... de sa demande indemnitaire sur le fondement du harcèlement moral et de la débouter également sur les autres fondements invoqués.

Sur la rupture du contrat

La lettre de rupture, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 26/04/2012, vous avez été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à une rupture anticipée de votre contrat à durée déterminée pour faute grave.

Lors de cette entrevue qui s'est déroulée le mercredi 16/05/2012 au sein du magasin de Z... Jean Jaurès, Monsieur Pascal E..., Responsable Régional, accompagné de Mademoiselle F... G..., Juriste Droit Social, vous a exposé les griefs repris ci-après et a entendu vos explications sur ces derniers.

Nous vous rappelons que vous vous êtes présentée en magasin accompagnée d'un représentant de la CGT de Z..., ce que nous n'avons pu admettre, d'autant plus que nous vous avions informée de la possibilité de vous faire assister pendant cet entretien préalable soit par les représentants du personnel de l'entreprise, soit par toute autre personne appartenant au personnel de l'entreprise.

Vous avez été engagée en tant que Vendeuse au sein du magasin de Z... Jean Jaurès dans le cadre de deux contrats à durée déterminée successifs en date des 30/12/2010 et 21/02/2011, au cours desquels nous avons pu relever de très nombreux manquements de votre part.

Nous avons déjà eu l'occasion de soulever un problème comportemental en magasin, qui se manifeste à la fois par un refus d'exécuter les consignes et directives de votre hiérarchie, et par un comportement irrespectueux, impoli voire agressif qui aboutit notamment à de très nombreuses altercations.

Nous sommes contraints de constater que, bien souvent, vous ne respectez pas les consignes de votre hiérarchie, qu'il s'agisse de la Responsable du magasin, votre N+1, de la Conseillère de vente qui la seconde, voire même de Monsieur Pascal E..., votre Responsable Régional et N+2.

Notamment, il avait été acté au cours d'une réunion d'équipe le 21/O9/2011 que les casiers situés en réserve doivent être verrouillés lorsque les salariées sont en surface de vente, et laissés ouverts à leur départ. Or, le 11/10/2011, en présence de collaboratrices venues du Siège (Fabiola H... et Katia I..., membres élues du CHSCT, et Amélie J... et F... G..., Juristes Droit Social), et alors que cette consigne venait d'être évoquée au cours d'un échange, vous avez délibérément verrouillé le casier à votre départ, marquant clairement votre insubordination, devant témoins.

Autre exemple, le 10/01/2012, à la fermeture du point de vente, la Responsable vous a demandé de passer l'aspirateur en magasin ; vous étiez alors la seule disponible pour réaliser cette tâche. Vous avez délibérément refusé, rétorquant « Il est hors de question que je passe l 'aspirateur ce soir, c'est toujours moi qui le fais '', «Vous n'avez pas d'ordres à me donner! ''. Reformulant sa consigne, la Responsable a essuyé un nouveau refus, en réponse à quoi elle vous a demandé de vous rendre dans la réserve du magasin. Dépassée par votre comportement, la Responsable a contacté son supérieur hiérarchique, Monsieur Pascal E..., afin qu'il vous fasse entendre raison.

Lorsque ce dernier vous a demandé le motif de votre refus, vous lui avez répondu que vous aviez déjà passé l'aspirateur plusieurs fois la semaine précédente. Face a votre entêtement, il vous a demandé d'exécuter

sans délai la consigne de votre Responsable ou de quitter le magasin sur le champ.

Loin d'obtempérer, vous êtes restée en magasin sans rien faire, narguant ouvertement vos collègues, vous

promenant les mains dans les poches.

Ce jour, vous avez manqué à vos obligations contractuelles, votre contrat prévoyant en effet que vous êtes tenue d'«assurer régulièrement les services qu'implique le bon fonctionnement du magasin ((...) nettoyage du sol (...))'', attitude qui a grandement choqué vos collègues.

Néanmoins, bien que susceptible de justifier a minima une sanction disciplinaire, et au regard des négociations qui étaient alors en cours, nous avions pris la décision de ne rien intenter à votre encontre.

Il nous a également été rapporté, à de maintes reprises, que vous faites preuve d'un comportement irrespectueux, impoli voire agressif en magasin (en réserve et sur la surface de vente), tant vis-a-vis de la Responsable que de vos collègues de travail.

Ainsi, en mars 2011, vous vous êtes permis de dire à la Responsable du magasin, nouvellement embauchée, « Attention à vous, vous êtes encore en période d'essai ! ''.

Dans le même ordre d'idées, l'une de vos collègues nous a fait part de propos que vous lui avez tenus à l'arrivée en magasin de votre nouvelle Responsable. A plusieurs reprises, vous lui avez dit que cette dernière devait se droguer pour venir au travail, car elle était un peu fatiguée, mais qu'elle restait dynamique quand même. Votre collègue a été choquée par vos paroles et gênée car celles-ci ont été dites devant des clientes.

Autre exemple, le 09/07/2011, et alors que vous vous étiez déjà exprimée à de nombreuses reprises à propos de votre Responsable auprès de Marlène C..., l'une de vos collègues de travail, vous l'avez contactée sur son téléphone personnel afin de la rencontrer en dehors du magasin. Celle-ci, se doutant de l'objet de la rencontre, a refusé. Vous l'avez alors prise à parti, et lui avez dit qu'elle se devait de vous soutenir, d'être à vos côtés.

Nous ont également été rapportées de multiples altercations, dont vous êtes a l'initiative.

Notamment, le 03/09/2011, étaient présentes en magasin Marlene C..., Donia K..., et vous- même. Suite à une discussion sur les pauses en magasin, vous vous êtes emportée contre l'une de vos collègues, Donia K..., qui vous demandait simplement si vous aviez informé la Responsable d'un changement. Vous l'avez apostrophée « De quoi tu te mêles''', et ce devant des clientes. Le ton est monté, vous l'avez pointée du doigt.

Votre collègue, très perturbée par cette altercation, en a immédiatement informé la Responsable. Elle lui a déclaré s'être sentie agressée, menacée.

La Responsable du magasin, qui avait terminé sa journée, est d'ailleurs repassée en magasin pour recueillir vos explications, et vous signifier qu'elle n'accepterait plus un tel comportement de votre part. Vous n'avez rien nié.

De nouveau, le 23/09/2011, une altercation avec l'une de vos collègues, Marlène C....

Cette dernière nous a rapporté que vous l'avez agressée verbalement en sortant du magasin, alors que vous vous rendiez toutes deux à vos véhicules respectifs. Dans la discussion, Marlène C... vous avait précisé qu'elle n'avait pas apprécié la façon dont vous aviez parlé à Donia K... le 03/09/2011, ce à quoi vous aviez répondu que la Direction avait demandé à Donia de vous surveiller. Marlène C... vous avait rétorqué que c'était faux, et que vous aviez tout simplement un problème avec la Responsable. Et, pour clôre le débat, elle vous a demandé d'arrêter de la suivre. Vous vous êtes alors emportée, et l'avez suivie jusqu'à sa voiture, en criant dans la rue. Lorsque Marlène C... est montée dans sa voiture, vous l'avez empêchée de fermer sa portière, et vous êtes rapprochée d'elle. Vous l'avez pointée du doigt.

Marlène C..., tremblante devant votre attitude agressive, a dû se lever de son siège pour vous repousser afin de pouvoir partir. Choquée, elle a déposé des le lendemain une main courante à votre encontre. Y a été stipulé le fait que d'autres collègues de travail avaient déjà rencontré des difficultés de ce genre avec vous.

Pire encore, nous avons appris récemment, que le 03/02/2012, suite à un échange avec Marlène C... sur des écarts de caisse, et alors que cette dernière était partie en réserve pour couper court à la conversation, à son retour en magasin, vous l'avez traitée de « malhonnête, fouteuse de merde, faux blédard '' (Pour information, le terme blédard est revendiqué comme synonyme de «issu de l'immigration'', et son utilisation est donc totalement inappropriée à l'encontre de l'une de vos collègues).

Votre comportement, inadmissible, a d'ailleurs entrainé de nombreux disfonctionnements au sein du point de vente, et a notamment contribué au départ de certaines de nos salariées.

L'une de nos salariées, en contrat a durée déterminée de remplacement, nous a avoué avoir commencé à postuler ailleurs suite à l'altercation que vous aviez eue avec Donia K... en septembre 2011, et donc être partie notamment à cause de la mauvaise ambiance que vous faisiez régner en magasin.

De même, Marlène C... nous a avoué que si elle n'était pas en contrat à durée indéterminée, vu le climat en magasin, elle aurait cherché un poste dans une autre enseigne.

Et, plus récemment, une jeune stagiaire nous a informés que dès son 1er jour de travail, vous vous étiez rapprochée d'elle pour critiquer la Responsable du magasin et son équipe. Votre attitude inadaptée l'a

même découragée à revenir en magasin pour sa 2ème période cle stage.

Enfin, lorsqu'elle a démissionné, Donia K... a indiqué que depuis 2 ans et demi qu'elle travaillait au sein de notre entreprise, elle n'avait jamais eu une collègue qui lui parle sur ce ton, avec autant d'irrespect et de colère.

Au regard du contexte en magasin votre Conseil nous a fait part de ce qu'il apparaissait « urgent dans ce dossier de trouver une solution amiable '' par correspondance du 02/12/2011. Après de multiples échanges entre avocats interposés, et alors que vous aviez donné votre accord quant à une rupture anticipée de votre contrat à durée déterminée, vous vous êtes subitement rétractée.

Votre décision nous a naturellement laissé penser que la collaboration se poursuivrait entre vous et nous, en préservant un minimum de respect et de savoir être professionnel.

Or, le 14/04/2012, et bien que nous avions déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous les manquements précités, est survenu un nouvel incident en magasin, qui est venu s'ajouter à vos nombreux antécédents. C'est bel et bien cet incident du 14/04/2012 qui nous a amené à vous rencontrer le 16/05 dernier, puisque vous avez démontré que, malgré nos nombreuses mises en garde, vous n'êtes manifestement pas prête a modifier votre attitude.

Le samedi 14/04/2012, à 18H30, étaient présentes en magasin Marlène C..., vous-même et deux clientes. Marlène C..., qui seconde la Responsable du magasin, vous a demandé de vous organiser afin de commencer à passer l'aspirateur vers 19H40/19H45, ce à quoi vous avez répondu:

« Non, je ne passerai pas l'aspirateur, à toi l'honneur. C'est quoi ton problème Marlène ' Tu as peur de te casser un ongle' Franchement Marlène, t'es une mal polie, une mal élevée ! C'est de la discrimination que tu fais ! ''. Vous avez tenu ces paroles en la montrant du doigt, de façon virulente, et en haussant fortement le ton.

Marlène C... s'apprêtait à faire les poussières. Surprise, une fois encore de votre réaction, elle a pris sur elle pour ne pas pleurer devant les clientes, et vous a demandé calmement: « Pourquoi me parles- tu comme ça ' ''.

Il s'agissait là d'attaques personnelles: «Tu as peur de te casser un ongle '', « T'es une mal polie '', « Une mal élevée ''. Vous avez, encore une fois, utilisé un langage inapproprié, agressif et irrespectueux envers votre collègue de travail, qui plus est devant nos clientes.

A ce sujet, nous ne pouvons admettre que vous preniez à partie notre clientèle. En effet, vous vous êtes permis de dire à une cliente en cabines que Marlène C... était « mal élevée, comme le sont toutes les jeunes maintenant '', qu'elle vous avait demandé de faire un travail que vous aviez déjà fourni la veille, et que «vous estimiez que c'était à chacun votre tour de le faire ''. Nos deux clientes, gênées et choquées, se sont d'ailleurs fait mutuellement part de la « très mauvaise ambiance en magasin ''. L'une d'elles ne l'a pas du tout apprécié, et a très vite quitté le magasin.

Une nouvelle fois, Marlène C... a contacté la Responsable du magasin en pleurs afin de lui faire part de cet incident.

Le 16/05/2012, lorsque vous vous êtes exprimée à ce sujet, en guise de défense, vous avez précisé que vous aviez déjà passé l'aspirateur toute la semaine. Apres vérification, il s'avère que cela est inexact. En effet, même si sur la semaine 15, cela vous avait déjà été demandé a deux reprises, en semaine 14, vous n'aviez passé l'aspirateur qu'une fois, et pas du tout en semaine 13. Vous n'êtes donc pas légitime à prétendre que vous êtes toujours en charge de cette mission. D'autant plus que pendant qu'une salariée passe l'aspirateur, les autres ont en charge les poussières et le nettoyage des miroirs en cabines et en surface de vente. Les missions de ménage sont donc bien réparties entre tous les membres de l'équipe.

Marlène C... vous avait précisé se charger des poussières et miroirs.

Vous avez également affirmé que vous ne pouviez pas passer l'aspirateur en magasin car vous étiez occupée de faire un ourlet à une cliente, et que Marlene C... vous l'aurait demandé de manière agressive. Ici aussi, c'est totalement faux. Marlène C... ne vous a jamais ordonné de laisser votre cliente afin de passer l'aspirateur dans la minute. Elle vous a simplement informé de cette mission; d'ailleurs, à ce moment la, vous n'étiez même pas dans l'espace cabines, ce que nous a confirmé une cliente.

Enfin, lorsque vous aviez la parole, vous avez ajouté subir de la pression, un véritable acharnement de la part de la Responsable et de son équipe, ce que nous contestons fermement. Selon vous, la société PHILDAR est responsable de la situation en magasin, et vous niez tous les griefs que nous vous reprochons.

Votre comportement est inadmissible, surtout que ce n'est pas le premier incident dont vous êtes l'auteur.

L'incident du 14/04/2012 met en avant la récurrence de vos manquements: insubordination, insolence, résistance, provocation, dénigrements et comportement inadapté, irrespectueux voire agressif et belliqueux. Ces manquements ont d'ailleurs pu s'exprimer tant vis-à-vis de votre Responsable Régional, de votre

Responsable de magasin, que de vos collègues de travail, et même des stagiaires présentes temporairement en magasin.

Nous ne pouvons admettre une telle répétition d'actes inappropriée a I'égard des autres salariées du point de vente, de votre hiérarchie, et de la société.

Par ailleurs, votre comportement nuit au bon équilibre des autres salariées du magasin. Il a en effet des conséquences sur leur bien être, ces dernières s'étant exprimées à plusieurs reprises, tant auprès de nous qu'auprès du Médecin du Travail, faisant état de difficultés, de l'état de tension en magasin dû à ce dernier, et des impacts sur leurs conditions de travail. Les membres du magasin se sont ainsi indignées auprès de nous, faisant état de constats qui convergent: comportement agressif, propos irrespectueux, impolis, injures, non respect des consignes, etc. Cette situation empiète sur la vie privée des salariées, qui nous ont avoué en discuter régulièrement avec leurs conjoints, révélant ainsi leur mal-être au quotidien.

Enfin, votre comportement est également préjudiciable à l'image de notre société. En effet, de nombreux propos ont été tenus sur la surface de vente, en présence de clientes, qui ont pu s'exprimer auprès de nous, choquées par vos réactions et vos propos.

Pour toutes ces raisons et parce que nous attendons de nos vendeuses qu'elles exécutent loyalement leur contrat de travail, ce qui n'est pas le cas en l`espèce, nous ne pouvons plus envisager la poursuite de nos relations contractuelles.

Nous vous notifions donc par la présente la rupture anticipée de votre contrat à durée déterminée pour faute grave, laquelle prendra effet à la date d'envoi de cette lettre, sans préavis ni indemnité de rupture.'

La société critique le conseil en ce que, saisi d'une demande d'appréciation de la validité d'une rupture anticipée de CDD, il a statué sur l'existence d'un licenciement, et a, en outre, considéré que les faits reprochés à la salariée, hormis l'un d'eux, étaient prescrits alors même que s'il est exact qu'un fait fautif ne peut à lui seul donner lieu à une sanction au-delà du délai de 2 mois, l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les 2 fautes procèdent d'un comportement identique ou que le comportement du salarié a persisté dans ce délai, et elle souligne que le conseil n'a pas remis en cause la matérialité des faits, elle-même ayant mis en avant des arguments confortés par des pièces qui justifiaient à ses yeux le bien-fondé de la rupture du contrat à durée déterminée de Mme X... pour faute grave, du fait de son comportement le 14 avril 2012 et de la réitération de son attitude inadmissible depuis des mois en dépit de rappels à l'ordre incessants, attitude ayant des répercussions sur les autres salariées. Elle ajoute que les arguments de Mme X... pour tenter de se dédouaner sont infondés et inopérants.

Mme X... réplique que le conseil a à juste titre retenu le seul élément qui pouvait être pris en compte, les autres étant prescrits, et que l'employeur ne démontre nullement la faute qu'il lui reproche, qu'elle conteste, ajoutant qu'en tout état de cause si elle avait eu le comportement reproché ce 14 avril 2012, comme d'autres jours, ce ne serait que la conséquence du comportement de l'employeur. Elle critique les attestations produites, en faisant valoir notamment l'existence d'un lien de subordination des salariées envers l'employeur et le fait que Mme T... serait amie avec Mme A....

Sur ce :

Si un fait fautif ne peut donner lieu à sanction au-delà du délai de 2 mois, l'employeur peut effectivement invoquer une faute au-delà de ce délai lorsqu'il constate un fait nouveau de même nature ou une persistance du salarié dans le comportement reproché.

En l'espèce, la société appelante produit sur les faits reprochés le 14 avril 2012 deux attestations, celles de Mme C... et de Mme A..., sur les faits du 10 janvier 2012 trois attestations celles de Mmes A..., C..., L..., sur ceux du 9 juillet 2011, 23 septembre 2011, 3 février 2012, les attestations de Mme C... appuyées par une main courante déposée au commissariat en septembre 2011. S'agissant des faits du 11 octobre 2011 ils sont également appuyés par deux attestations et il résulte de l'attestation de Mme M... produite par Mme X... que la réalité de la fermeture du casier avait été constatée également par Mme Fabiola H... mais que Mme M... avait affirmé à celle-ci qu'il fallait une convention signée, argument qui n'est pas repris par Mme X..., laquelle ne critique pas utilement les attestations produites par l'employeur faisant ressortir qu'elle connaissait l'existence de consignes mais en faisait fi.

L'ensemble de ces faits présentent un lien en ce qu'ils se rapportent à une attitude d'insubordination de Mme X... à l'égard de sa hiérarchie et d'agressivité à l'encontre de ses collègues, ils ne sont donc pas prescrits.

Le fait que les attestations produites émanent de salariées engagées dans un lien de subordination n'entâche pas de ce seul fait leur crédibilité dans la mesure où elles sont extrèmement précises et circonstanciées,

concordantes et où l'une d'elles émane d'ailleurs d'une personne qui n'était plus salariée de la société au moment où elle l'a rédigée, Rosalie D.... Le seul fait que Mme T... ait travaillé avec Mme A... dans un autre magasin du groupe et s'entende bien avec elle ne suffit pas pour en conclure qu'elles sont personnellement amies, relation dont la réalité n'est pas étayée dans l'attestation de Mme N... produite par Mme X..., laquelle ne critique donc pas utilement le témoignage de sa collègue Mme T.... Quant à l'attestation de Mme D..., si celle-ci y indique qu'elle n'a pas tout compris de ce que lui a raconté un jour Mme X..., qui l'avait entreprise ainsi qu'il ressort de l'attestation, étant précisé que l'attestante est sénégalaise, pour autant l'intimée ne peut en inférer comme elle le fait que son attestation lui a été dictée, en effet il ressort de celle-ci qu'elle maîtrise parfaitement le français écrit et tant l'expression que le contenu rédigés dans un style très personnel montrent qu'il s'agit d'une attestation spontanée. Les attestations produites par Mme X... faisant état de bonnes relations avec Mme C..., voire d'une prise de position en sa faveur, ne sont pas nécessairement contradictoires avec celles produites par la salariée elle-même, puisqu'elles se rapportent aux débuts de la collaboration et que Mme C... a très bien pu, au fil du temps, se distancier de Mme X... et se forger une opinion personnelle et différente sur les véritables ressorts d'une situation dont les apparences ont pu initialement l'abuser, et sur les personnalités de l'une et de l'autre, les difficultés signalées par Mme C... avec sa collègue Saida X... ayant débuté à compter de juin 2011. Pour tenter de faire brèche à l'unanimité des attestations de salariées, par nature témoins privilégiés de ce qui se passait dans la boutique, produites par l'employeur, Mme X... produit celle de Audrey O..., qui n'a cotoyé les deux salariées ensemble, Mme A... et Mme X..., que jusque fin mars 2011, de l'analyse de laquelle ressort la demande de la première d'effectuer seule et correctement une vitrine, y compris en recommençant jusqu'à un résultat satisfaisant, et le reproche de lenteur dans l'exécution d'une tâche, or plusieurs collègues de Mme X... soulignent qu'effectivement celle-ci employait un temps anormalement long pour effectuer certaines tâches ; elle produit également celle de Mme U... P..., qui affirme que Mme A... lui avait dit qu'elle avait des problèmes avec Saida et mise en garde contre elle, ce qui peut s'expliquer si l'on considère que la réalité d'une situation conflictuelle ne pouvait en tout état de cause échapper à la connaissance d'une personne amenée à travailler dans une petite boutique et que, selon ce que rapporte Mme C..., Mme X... essayait de monter les salariées contre la responsable, et que selon ce que rapporte Mme D... elle n'avait, dès le premier jour de stage de cette dernière, fait que critiquer Virginie (A...), son équipe et la société. L'autre précision apportée par cette attestation de Mme P..., à savoir que Mme X..., très professionnelle, l'a beaucoup aidée pendant sa période passée à la boutique, est d'une portée très relative, au regard des plannings produits par ailleurs aux débats, puisqu'il ressort de ceux-ci que Mme P... devait travailler en août 2011 mais qu'elle a été déplanifiée, sa période d'essai, selon les explications des parties, n'ayant pas été jugée concluante, et que donc sa présence dans la boutique n'a été que particulièrement brève. L'intimée produit des attestations faisant état de ses qualités à l'égard de la clientèle, qui n'ont jamais été remises en cause. Quand bien même il ne peut être exclu, au vu de quelques attestations produites par Mme X... (Guillemot, Salaun, Gueganton), que l'exaspération générée par son comportement ait pu conduire la responsable de boutique à s'épancher hors boutique sur une situation devenue invivable ou l'une ou l'autre collègue ou ex collègue à exprimer ponctuellement leur agacement à son encontre, encore qu'il résulte plutôt de l'ensemble des témoignages de salariées que l'agressivité de Mme X..., qui avait pour habitude de se rapprocher très près de ses interlocutrices en les pointant du doigt de manière très violente et impressionnante produisait plutôt chez elles un effet anxiogène, l'unanimité contre elle de ses collègues montre qu'elle était bien la source de l'ambiance délétère. S'agissant du fait du 14 avril 2012, l'attestation de Mme Q..., qui d'ailleurs, simple cliente, est néanmoins si on l'en croit, en mesure de nommer une vendeuse par son prénom et patronyme (Marlène C...), n'emporte pas la conviction et ne contrebalance pas utilement, pour contester la réalité d'une insubordination à l'égard de la première vendeuse responsable, celle de Mme C..., qui rapporte textuellement les propos de Mme X..., l'impact de cet incident étant corroboré par l'attestation de Mme A... qui a reçu son appel téléphonique après la scène, et par l'analyse des dynamiques de comportement ressortant de l'ensemble des attestations des salariées.

L'employeur rapporte donc la preuve de ce que, du fait de comportements fautifs récurrents imputables à Mme X..., graves en ce qu'ils avaient une incidence sur le fonctionnement d'une petite boutique, la présence de celle-ci ne pouvait plus y être maintenue ni son contrat à durée déterminée. Il y a lieu en conséquence de débouter Mme X... de ses demandes au titre de la rupture : paiement de la mise à pied, de l'indemnité de précarité, 'dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse' correspondant en réalité à la demande de paiement des salaires qui lui auraient été payés jusqu'à la fin du contrat à durée déterminée, le jugement qui a fait droit à ses demandes devant être infirmé sur ces chefs, dommages et intérêts pour préjudice financier, perte d'avantages (primes tenues vestimentaires, primes de vacances, avantages tickets restaurant) et remise de documents de fin de contrat rectifiés. Elle doit également être déboutée de sa demande au titre de primes de tenue pendant l'année 2012, ne justifiant pas de demandes

à ce titre qui auraient été refusées alors qu'elle remplissait pour le mois considéré la condition de présence le mois entier d'attribution de la tenue. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces demandes.

Le premier juge a fait une juste application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance, l'application de l'article 700 du Code de procédure civile n'est pas justifiée en cause d'appel. La société, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au secrétariat-greffe,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de Mme Saida X... sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société à payer à Mme Saida X... les sommes de 1 482,97 euros à titre de rappel de salaires pour la mise à pied du 28 avril au 9 juin 2012, outre 148,30 euros au titre des congés payés y afférents, 5 373,73 euros au titre de la requalification en temps plein, outre 537,73 euros au titre des congés payés y afférents, 47 540,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 8 288,48 à titre d'indemnité de précarité,

LE CONFIRME en ses autres dispositions,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DEBOUTE Mme Saida X... de toute autre demande et la société Ephigea de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société Ephigea aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, et signé par Madame Capra, président, et Madame Morin, greffier.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

Mme MORINMme CAPRA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/04509
Date de la décision : 03/10/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 05, arrêt n°16/04509 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-03;16.04509 ?
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