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26/09/2018 | FRANCE | N°16/04042

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 26 septembre 2018, 16/04042


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRET N° 388



N° RG 16/04042













CAISSE DES FRANCAIS DE L'ETRANGER

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE-ATLANTIQUE



C/



M. Claude X...

SA K...

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2018





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:



Président : Monsieur Patrice LABEY, Président,

Assesseur : Monsieur Pascal PEDRON, Conseiller,

Assesseur : Madame Lau...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRET N° 388

N° RG 16/04042

CAISSE DES FRANCAIS DE L'ETRANGER

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE-ATLANTIQUE

C/

M. Claude X...

SA K...

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Patrice LABEY, Président,

Assesseur : Monsieur Pascal PEDRON, Conseiller,

Assesseur : Madame Laurence LE QUELLEC, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Loeiza ROGER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Juin 2018

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats,

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 22 Avril 2016

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTES

****

APPELANTES :

CAISSE DES FRANCAIS DE L'ETRANGER

[...]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE-ATLANTIQUE

[...]

Toutes deux représentées par Mme Solene Y... (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉS :

Monsieur Claude X...

[...]

[...]

comparant en personne,

Assisté de Me François Z... de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF Z... J..., avocat au barreau de PARIS substituée par Me Guillaume A..., avocat au barreau de PARIS

Société L... anciennement dénommée SA K...

[...]

Représentée par Me B..., avocat au barreau de PARIS substitué par Me Julie C..., avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE :

M. Claude X... a été salarié de la société M... du 11 septembre 1978 au 31 mars 2012 en qualité de prospecteur mécanicien.

Le 10 décembre 2009, M. X... a souscrit une déclaration de maladie professionnelle ' plaques pleurales' auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Loire Atlantique, se prévalant d'un certificat médical initial du 10 décembre 2009 établi par le docteur D... faisant mention d'une ' exposition amiante de 78 à 86 ( à bord, chantiers, tableau n° 30 B. E... pleurales bilatérales diaphragmatiques = Droite = 2 plaques de 3mm et 1 plaque diaphragmatique gauche de 2 mm. Sur le TDM de 2/12/2009 mais également TDM de 2006 (...))' et fixant la date de première constatation médicale au 02/12/2009.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu le caractère professionnel de la maladie le 26 mars 2010.

En sa séance du 9 septembre 2010, la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a déclaré la maladie professionnelle déclarée le 10 décembre 2009 par M. X..., inopposable à la société M....

M. X... avait la qualité d'adhérent à la Caisse des Français de l'Etranger

( CFE) du 01/05/2008 au 30/11/2011.

Le 16 novembre 2011, la CFE a notifié à M. X... la fixation de son taux d'incapacité de 5 % à compter du 28/10/2011 et l'attribution d'une indemnité en capital de 1.883,88 €.

M. X... a saisi la Caisse Primaire d'Assurance Maladie aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et un procès verbal de non conciliation a été établi le 30 décembre 2011.

Le 25 juillet 2012, M. X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Loire Atlantique aux fins de voir reconnaître que la maladie professionnelle dont il est atteint est imputable à la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 22 avril 2016, le tribunal a :

- dit que la maladie professionnelle dont M. Claude X... est atteint est due à la faute inexcusable de la société K... ;

- déclaré la prise en charge de la maladie professionnelle dont M. Claude X... est atteint, inopposable à la K... ;

- fixé au taux maximum la majoration de rente servie à M. Claude X... ;

- dit que cette majoration sera versée directement par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Loire Atlantique à M. Claude X... et suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle de M. Claude X... en cas d'aggravation de son état de santé ;

- dit n'y avoir lieu à mise hors de cause de la caisse des Français à l'étranger ;

- avant dire droit, ordonné une expertise médicale pour la détermination des préjudices;

- sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du rapport d'expertise.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que M. X... a travaillé en qualité de prospecteur mécanicien soudeur, sur des navires de prospection pétrolière en mer pour le compte de la société K... de 1968 à 2012, qu'il s'est vu exposé à l'amiante plus spécifiquement entre 1978 et 1986, qu'au cours de son activité professionnelle, il a été amené à procéder à des interventions sur des chaudières calorifugées avec des matelas, de la toile ou de la tresse d'amiante, que les divers témoignages indiquent que le contact avec l'amiante était quotidien et que les travaux effectués se faisaient sans aucune protection individuelle, qu'il est établi que l'employeur ne pouvait ignorer l'exposition à l'amiante, comme il ne pouvait ignorer les dangers en découlant pour ses employés et qu'il n'a pas pris les mesures qui s'imposaient pour préserver M. X... des risques encourus, que la faute inexcusable est ainsi caractérisée. Le tribunal a par ailleurs retenu que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu qu'elle n'a pas respecté le principe du contradictoire concernant la maladie déclarée par M. X..., que la prise en charge de la pathologie au titre de la législation professionnelle est en conséquence inopposable à la société. Pour dire n'y avoir lieu à la mise hors de cause de la CFE, le tribunal a relevé que le point de départ du délai de prescription de deux ans est la date de reconnaissance de la maladie professionnelle du 27.10.2011 et que la prescription a été interrompue à l'égard de la caisse par la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale le 25 juillet 2012.

La Caisse des Français de l'Etranger à laquelle le jugement a été notifié le 2 mai 2016, en a interjeté appel le 13 mai 2016.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Loire Atlantique à laquelle le jugement a été notifié le 2 mai 2016, en a interjeté appel le 30 mai 2016.

Par écrit du 4 janvier 2018, la CFE s'est désistée de son appel.

Les recours ont fait l'objet d'une jonction, par mention au dossier à l'audience du 16 janvier 2018, les dossiers enrôlés sous les numéros 16/04042 et 16/04435 étant joints pour être jugés sous le numéro 16/04042.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses écritures auxquelles s'est référé et qu'a développées son mandataire lors de l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Loire Atlantique demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable de la société K... et condamné la caisse à régler la majoration du capital-rente au profit de M. X....

La caisse soutient en substance qu'elle a instruit et pris en charge la maladie professionnelle de M. X... à tort car l'assuré dépendait de la CFE, de laquelle il a perçu des prestations et un capital rente. Elle adopte la position de la CFE selon laquelle aucune faute inexcusable ne peut prospérer à son égard s'agissant d'un organisme à adhésion volontaire. Elle invoque que M. X... ne pouvait davantage engager une procédure de reconnaissance de faute inexcusable à son égard puisqu'il dépendait de la CFE et ne pouvait être affilié à la fois après de la CFE et auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie , que son erreur n'est aucunement créatrice de droits, qu'elle ne peut être condamnée à régler à M. X... les sommes déterminées dans le cadre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur pour une pathologie qu'elle n'aurait pas dû prendre en charge, que le tribunal devait répondre à ce moyen avant de décider si M. X... pouvait bénéficier des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale.

Par ses écritures auxquelles s'est référé et qu'a développées son mandataire lors des débats, la CFE demande par voie d'infirmation du jugement, de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes.

La CFE invoque en substance qu'en tant qu'expatrié et adhérent à la CFE, M. X... ne peut bénéficier de la protection prévue en cas de faute inexcusable de l'employeur, qu'en effet en application des articles L.762-1, R.762-30 et suivants du code de la sécurité sociale, les cotisations sont mises à la charge du salarié alors que dans le cadre de l'assurance obligatoire cette obligation incombe à l'employeur, que les dispositions relatives à la mise en oeuvre de la faute inexcusable de l'employeur ne peuvent s'entendre que par rapport à la mise en oeuvre d'une assurance obligatoire, que les règles existantes en matière de faute inexcusable ne peuvent être transposées aux expatriés.

Par ses conclusions auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil lors de l'audience, M. X... demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable son action, jugé que la maladie professionnelle est la conséquence de la faute inexcusable de la société M..., fixé au maximum la majoration du capital d'incapacité, jugé que la majoration de rente sera fixée au maximum légal, quel que soit le taux d'IPP dont elle suivra l'évolution, condamné la société à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant de :

- évoquer la question de l'indemnisation des préjudices subis ;

- fixer la réparation de ses préjudices de la façon suivante :

* préjudice de souffrance physique : 16.000 €

* préjudice de souffrance morale : 30.000 €

* préjudice d'agrément : 16.000 €

- en tout état de cause, condamner la société à lui payer une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs et dans le corps de ses écritures, M. X... soulève l'irrecevabilité des demandes nouvelles de la CFE.

M. X... se prévaut de ce que devant le tribunal, la CFE qui a demandé sa mise hors de cause et subsidiairement a sollicité une expertise, n'a soulevé aucune prétention relative à la faute inexcusable de l'employeur et est donc irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile. Il soutient qu'il exerçait son activité professionnelle sur des navires de prospection qui naviguaient sur les eaux territoriales françaises et à l'étranger selon les missions, qu'il ne bénéficiait du statut de travailleur expatrié qu'au regard de sa mission ponctuelle, qu'il dépendait de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie lors de ses missions sur le territoire national et les zones européennes et était affilié à la CFE lors de missions hors des eaux européennes, que ses fiches de paie établissent que son employeur a cotisé au risque accident du travail auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie durant sa période d'activité dès qu'il effectuait des missions sur le territoire européen, de sorte que son exposition à l'amiante a été identique durant ses périodes d'affiliation à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie ou à la CFE. De plus il invoque les dispositions de l'article D.461-24 du code de la sécurité sociale et relève que le dernier organisme de sécurité sociale couvrant le risque accident du travail et maladie professionnelle est la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, qu'en conséquence il est recevable à agir en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Au titre de la faute inexcusable, il soutient que son employeur n'a pas respecté la réglementation applicable depuis 1893 et n'a pas mis en oeuvre les moyens de protection nécessaire, qu'il est inexact de prétendre qu'avant le décret du 17 août 1977 il n'existait aucune législation ou réglementation en matière d'inhalation des poussières d'amiante. Il invoque qu'il participait à l'exécution de travaux comportant un usage direct de l'amiante et qu'il existait dès 1913 une réglementation restrictive et contraignante, que par sa taille et son importance son employeur avait nécessairement une conscience du danger occasionné par l'inhalation des poussières d'amiante, qu'il a été massivement exposé au moins entre 1978 et 2007 et plus particulièrement jusqu'en 1986, sans aucune protection effective fournie par son employeur et sans avoir été avisé des dangers ainsi que l'établissent les attestations produites.

Il sollicite l'évocation par la cour sur l'indemnisation des préjudices et se prévaut au titre de la réparation de la souffrance physique de ce que son affection génère des difficultés respiratoires et des douleurs thoraciques, au titre de la réparation de la souffrance morale de ce qu'il est porteur d'une maladie professionnelle dont il a conscience du caractère incurable et du risque de la voir dégénérer, que son préjudice est aggravé par le sentiment d'injustice ressenti, au titre de la réparation du préjudice d'agrément de ce qu'il est affecté dans les gestes de la vie quotidienne et ne peut plus avoir d'activités de loisirs dans des conditions normales.

Par ses conclusions auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil lors des débats, la société L... demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la maladie professionnelle de M. X... est due à la faute inexcusable de la société

- juger que M. X... ne démontre pas l'existence d'une faute inexcusable et que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas remplies ,

- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes formulées à son égard,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la prise en charge de la maladie professionnelle dont M. X... est atteint inopposable à la société ,

- juger que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et la CFE ne pourront récupérer auprès de la société les sommes de quelque nature que ce soit, qu'elle aura versées à M. X... en lien avec sa maladie professionnelle et /ou consécutives à la reconnaissance de la faute inexcusable et ce y compris les compléments / majoration de rente ,

- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes formulées à son égard,

A titre plus subsidiaire :

- juger que M. X... ne rapporte pas la preuve de l'existence de souffrances physiques et morales endurées ,

- juger que M. X... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice d'agrément,

- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes formulées à son égard,

A titre encore plus subsidiaire :

- désigner un expert aux fins de décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées, déterminer la durée de l'incapacité traumatique temporaire.

La société réplique en substance qu'à l'époque à laquelle M. X... aurait été en contact d'éléments contenant de l'amiante, elle était une entreprise non utilisatrice d'amiante et non spécialiste de ce matériau, évoluant dans un environnement réglementaire non contraignant, dans lequel les travaux effectués par l'intéressé n'étaient pas identifiés comme dangereux et susceptibles de causer une maladie professionnelle, que les apports de la littérature scientifique sur les dangers généraux de l'amiante ont pu lui échapper, que M. X... n'a jamais été exposé à l'amiante de manière permanente ou habituelle dans le cadre de ses fonctions, qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait dû avoir conscience du danger représenté par l'amiante au sein de ses navires, que M. X... ne démontre pas la faute inexcusable de l'employeur.

Elle relève par ailleurs que la décision d'inopposabilité rendue par la commission de recours amiable le 23 septembre 2010 prive la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et la CFE de leur action récursoire à son égard, dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait retenue.

Enfin elle réplique que M. X... ne justifie d'aucun préjudice physique et moral en lien avec la faute inexcusable de l'employeur et qui ne serait pas déjà couvert par la rente qui lui a été allouée, qu'il ne justifie pas qu'il serait dans l'impossibilité de pratiquer une activité qu'il occupait avait l'apparition de sa maladie.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le désistement d'appel de la CFE:

Par lettre du 4 janvier 2018, la CFE s'est désistée de son appel. A l'audience du 27 juin 2018, toutes les autres parties ont accepté le désistement. Le désistement d'appel de la CFE est parfait et emporte acquiescement du jugement qui a dit n'y avoir lieu à mise hors de cause la CFE.

Sur la recevabilité des demandes de la CFE :

M. X... soulève à tort l'irrecevabilité des demandes de la CFE sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.

En effet, ledit article dispose que : ' A peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

En l'espèce, force est de relever que les prétentions de la CFE tendant à voir infirmer le jugement sur la reconnaissance de la faute inexcusable et à débouter M. X... de ses demandes sont recevables comme étant soumises à la cour pour faire écarter les prétentions adverses aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur .

Par suite la CFE sera déclarée recevable en ses demandes.

Sur la demande en reconnaissance de la faute inexcusable dans les rapports avec la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et la CFE :

L'article D.461-24 du code de la sécurité sociale applicable à l'espèce dispose que: ' Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 431-1 et des articles L. 432-1 et L. 461-1, la charge des prestations, indemnités et rentes incombe à la caisse d'assurance maladie ou à l'organisation spéciale de sécurité sociale à laquelle la victime est affiliée à la date de la première constatation médicale définie à l'article D. 461-7. Dans le cas où, à cette date, la victime n'est plus affiliée à une caisse primaire ou à une organisation spéciale couvrant les risques mentionnés au présent livre, les prestations et indemnités sont à la charge de la caisse ou de l'organisation spéciale à laquelle la victime a été affiliée en dernier lieu, quel que soit l'emploi alors occupé par elle.'

En l'espèce lors de la première constatation médicale de la maladie professionnelle, soit le 2 décembre 2009, M. X... était affilié à la CFE ainsi qu'il résulte du certificat médical initial du 10 décembre 2009 mentionnant au titre du régime de l'assuré ' CFE' (pièce n° 2 de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie) ainsi que de l'attestation d'affiliation produite par la CFE mentionnant une adhésion du 01/05/2008 au 30/11/2011( annexe n°1 de la CFE).

Du reste il convient de relever que seule la CFE a versé à M. X... une indemnité en capital en fonction du taux d'incapacité attribué ainsi qu'il résulte de la notification d'attribution du 16 novembre 2011 adressée à M. X... ( annexe n°2 de la CFE).

Il apparaît ainsi que M. X... était affilié à la CFE lors de la première constatation médicale de sa maladie, laquelle a reconnu le caractère professionnel de la maladie, lui a versé une indemnité en capital en réparation de la maladie professionnelle et ne saurait se prévaloir de ce que les prestations et indemnités sont à la charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie en sa qualité de dernier organisme de sécurité sociale couvrant le risque maladie professionnelle.

La CFE ne peut utilement opposer qu'en tant qu'expatrié et adhérent à la CFE, M. X... ne bénéficie pas de la protection prévue en cas de faute inexcusable de l'employeur en se prévalant à tort des dispositions des articles L.762-1 et R.762-30 et suivants du code de la sécurité sociale au motif que s'agissant d'un organisme de sécurité sociale volontaire, les cotisations sont mises à la charge du salarié.

En effet la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle imputable à une faute inexcusable de son employeur peut demander, devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale ;

Par ailleurs aux termes des dispositions de l'article L.762-8 du code de la sécurité sociale, l'assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles donne droit à l'ensemble des prestations prévues par le livre IV. Ce bénéfice s'étend à l'ensemble des dispositions du livre IV et concerne tant la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

M. X... sollicite la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur afférente à une maladie, dont le caractère professionnel a été reconnu par la CFE qui a versé une indemnité en capital en indemnisation d'un taux d'incapacité fixé à 5 %; il convient d'en déduire qu'il est en droit d' obtenir l'indemnisation du préjudice subi conformément aux dispositions des articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et qu'en application du troisième alinéa de ce dernier article, les sommes dues sont avancées par la caisse soit la CFE qui dispose d'un recours subrogatoire contre l'employeur qui a commis une faute inexcusable.

Sur la reconnaissance de la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En l'espèce, M. X... invoque qu'il a occupé le poste de prospecteur mécanicien soudeur de prospection pétrolière en mer, que les navires avaient des installations comprenant des chaudières et des auxiliaires à vapeur haute pression dont toutes les parties étaient calorifugées avec de l'amiante, que son travail consistait à intervenir sur ces calorifugeages lors des réparations des différents éléments de la chaudière et du tuyautage, qu'il oeuvrait dans les soutes, endroits confinés et dépourvus de système d'aspiration des poussières et a été exposé à l'amiante entre 1978 et 2007 et plus particulièrement jusqu'en 1986, date à laquelle la source sismique constituée d'installations à vapeur a été remplacée par un système Air-Gun, alors que cependant les ouvriers étaient toujours exposés à l'amiante comme intervenant sur certains calorifugeages des tuyaux d'échappement des moteurs.

Le rapport sur le poste de travail concernant M. X... établi par la DRH le 25 janvier 2010 qui indique que ' dans l'exercice de son activité professionnelle, le salarié a pu être amené à manipuler les produits à base d'amiante jusqu'en 1986 tant pour l'entretien des chaudières que pour celui des circuits de distribution de la vapeur vers les électrovannes' (pièce n° 2 des productions de M. X...) corrobore les affirmations de ce dernier s'agissant de son exposition aux poussières d'amiante. Par ailleurs les attestations circonstanciées et concordantes de ses anciens collègues ayant travaillé avec lui ( attestations de MM. F..., G..., H..., I..., pièces n° 3,4,5, 7 des productions de M. X... ) font état de ce qu'à bord des navires, les installations et tuyauteries étaient calorifugées avec de l'amiante sous forme de matelas, de plaques et de tresses, que M. X... intervenait sur ces installations pour la conduite et l'entretien de ces dernières. La preuve est ainsi rapportée que M. X... a été exposé habituellement à l'inhalation de poussières d'amiante lors de son activité au sein de la société M....

L'employeur qui était une importante entreprise spécialisée dans les services et produits géophysiques destinés à l'industrie pétrolière et gazière connaissait nécessairement l'utilisation qui était faite de l'amiante de manière habituelle dans ses navires notamment pour le calorifugeage ainsi que les conditions dans lesquelles intervenait son salarié pour l'accomplissement de ses tâches en étant au contact de l'amiante. Les dangers de l'inhalation de poussières d'amiante ne pouvaient pas être ignorés de la société au moins depuis 1950 date de création du tableau n° 30 consacré à l'asbestose professionnelle consécutive à l'inhalation de poussière d'amiante, dont la liste des travaux susceptibles de provoquer une maladie de l'amiante est devenue simplement indicative à compter de 1955. De plus, le décret du 17 août 1977 imposant des mesures particulières dans les locaux où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, n'avait pas pu ne pas attirer l'attention de l'employeur de M. X... sur les dangers de l'exposition à l'inhalation de telles poussières.

Le fait que la société n'avait pas pour activité la fabrication ou la transformation de l'amiante ne constitue pas un motif de nature à retenir que la société n'avait pas conscience du danger.

Les attestations de MM. F... et H... ( pièces n° 3 et 5 de M. X...) établissent qu'aucune protection individuelle ou collective n'était mise en oeuvre lors des activités qu'ils décrivent exposant M. X... aux poussières d'amiante, outre que ce dernier n'était pas informé des dangers de l'amiante. L'employeur qui n'ignorait pas que les salariés intervenaient sur des matériaux contenant de l'amiante n'établit pas avoir mis en oeuvre les moyens appropriés pour leur assurer une protection collective ou individuelle efficace pour les protéger de l'inhalation de poussières d'amiante.

Il s'ensuit que la preuve est rapportée par M. X... que ce dernier a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, de manière habituelle dans le cadre de son activité au sein de la société, qui ne pouvait ignorer les risques encourus par son salarié et qui n'a pas pris les mesures efficaces pour l'en protéger. Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la maladie professionnelle dont M. X... est atteint est due à la faute inexcusable de la société K....

Sur l'indemnisation des préjudices :

C'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné la majoration au maximum du capital alloué à M. X... ainsi que son évolution en fonction du taux d'incapacité permanente . En revanche, c'est à tort qu'ils ont dit que cette majoration sera versée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, ladite majoration devant être versée par la CFE.

La cour dispose des éléments suffisants pour fixer la réparation des autres préjudices non réparés au titre du capital majoré, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise. Il convient par suite et conformément à la demande de M. X... d'évoquer sur l'indemnisation de ses préjudices.

En l'espèce, au titre des souffrances physiques, M. X..., atteint de plaques pleurales bilatérales ayant entraîné la fixation d'un taux d'incapacité permanente de 5 % chez ce dernier alors âgé de 55 ans se plaint de difficultés respiratoires et de douleurs thoraciques. Toutefois, il résulte des éléments médicaux ayant fondé l'évaluation du taux d'incapacité tels que notifiés par la CFE à M. X... le 16 novembre 2011 (pièce n° 13 de ses productions) l'existence de ' E... pleurales bilatérales diaphragmatiques sans retentissement fonctionnel respiratoire'. Par suite il convient de retenir que M. X... n'établit pas le préjudice physique allégué.

En revanche les plaques pleurales constituent des marqueurs d'exposition à l'amiante et sont source d'incertitude et d'angoisse face à l'avenir pour les personnes qui en sont atteintes. En l'espèce, M. X... invoque le retentissement psychologique lié à la découverte de sa pathologie. Il justifie par l'attestation de son épouse ( pièce n° 16 de ses productions) que ' touché par l'amiante' il ressent 'des ' inquiétudes sur cette maladie et son évolution' et ' est en colère contre son employeur qui l'a empoisonné'. Au regard de ces éléments, il convient d'évaluer l'indemnisation du préjudice subi avant consolidation du fait des souffrances morales à la somme de 12.000 €.

Au titre du préjudice d'agrément qui vise exclusivement à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, M. X... invoque sans l'établir qu'il ne peut plus avoir d'activités de loisirs. Ainsi il doit être débouté de sa demande à ce titre.

Par application des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale la réparation du préjudice moral sera versée directement à M. X... par la CFE.

La CFE ne se prévalant pas de son action récursoire, il n'y a pas lieu de statuer sur la récupération des sommes versées par la caisse au titre de la majoration du capital et de l'indemnisation du préjudice moral.

La société L... dont la faute inexcusable a été retenue, sera condamnée à payer à M. X... la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

DÉCLARE parfait le désistement d'appel de la Caisse des Français de l'Etranger;

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que la majoration de rente sera versée directement par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Loire Atlantique à M. Claude X... et en ses dispositions relatives à l'expertise,

STATUANT à nouveau de ces chefs,

DIT que la majoration de capital sera versée directement par la Caisse des Français à l'Etranger à M. X...,

DIT n'y avoir lieu à expertise pour la réparation du préjudice ,

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

Y ADDITANT,

ALLOUE à M. Claude X... la somme de 12.000 € au titre de la réparation du préjudice moral subi, qui sera versée directement par la Caisse des Français de l'Etranger,

DÉBOUTE M. Claude X... de ses demandes au titre de la réparation du préjudice physique et du préjudice d'agrément,

DIT n'y avoir lieu de statuer sur la récupération des sommes versées par la Caisse des Français de l'Etranger en l'absence de toute action récursoire de la caisse,

CONDAMNE la SAS L... à payer à M. Claude X... la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT EMPECHE Mme Laurence LE QUELLEC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 16/04042
Date de la décision : 26/09/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes SS, arrêt n°16/04042 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-26;16.04042 ?
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