3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°323
N° RG 16/09102
M. Patrice René A... X...
Mme Patricia Pierrette Odette Y... épouse X...
C/
M. Patrick Z...
Association ASSOCIATION LE JAZZ ET LA JAVA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Président : M. Pierre CALLOCH, Président, rapporteur
Assesseur : Mme Brigitte ANDRE, Conseiller,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Juin 2018 devant M. Pierre CALLOCH, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur Patrice René A... X...
né le [...] à FOUGERES (35300)
[...]
Madame Patricia Pierrette Odette Y... épouse X...
née le [...] à FOUGERES
[...]
Représentés par Me Yvonnick GAUTIER de la SCP GAUTIER/LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur Patrick Z...
[...]
Association LE JAZZ ET LA JAVA, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentés par Me Hélène B... de la SELARL LBP AVOCAT et Me Francis POIRIER, Plaidant/Postulant, avocats au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié en date du 30 juin 2015, monsieur Z... a cédé au profit de l'association LE JAZZ ET LA JAVA un fonds de commerce de café, bar, licence, entrepreneur de spectacle situé [...].
Par acte en date du 16 septembre 2016, monsieur et madame X..., habitant une maison située [...], ont fait assigner l'association LE JAZZ ET LA JAVA et monsieur Z... devant le juge des référés du tribunal de commerce de RENNES en nullité de cette cession sur le fondement de l'article 3 de l'ordonnance du 13 octobre 1945.
Suivant ordonnance en date du 17 novembre 2016, le juge des référés a débouté les époux X... de l'intégralité de leurs demandes, les a condamnés à verser une somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté monsieur Z... et l'association LE JAZZ ET LA JAVA de leurs demandes reconventionnelles.
Monsieur et madame X... ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 29 novembre 2016.
A l'appui de leur appel, par conclusions déposées au greffe le 5 décembre 2017, les époux X... invoquent leur qualité de tiers au sens de l'article 3 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 pour soutenir avoir qualité à demander l'annulation de l'acte de cession, l'association LE JAZZ ET LA JAVA ne justifiant pas bénéficier de l'autorisation ministérielle prévue pour exploiter une activité de spectacle. Ils indiquent que la régularisation alléguée par l'association est postérieure à l'acte de cession et qu'elle serait dès lors sans incidence sur la nullité de l'acte, nullité d'ordre public. Ils invoquent les nombreuses nuisances liées à l'organisation des spectacles pour justifier de l'urgence à prononcer la nullité de la cession. Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, ils l'estiment irrecevable en application de l'article 70 alinéa 1 du code de procédure civile en raison de l'absence de lien suffisant avec la demande principale. Ils concluent en conséquence à l'infirmation de la décision, demandant à la cour de constater la nullité de l'acte de cession, d'interdire l'organisation de spectacles dans le fonds concerné et de condamner les intimés à leur verser une somme de 4 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, les intéressés étant déclarés irrecevables en leurs demandes reconventionnelles.
Monsieur Z... et l'association LE JAZZ ET LA JAVA, par conclusions déposées au greffe le 24 novembre 2017, répliquent que les époux X... ne justifient d'aucun intérêt à agir, la cession attaquée n'ayant pas modifié les conditions d'exploitation du fonds, ni d'aucune urgence. Sur le fond, ils excipent d'un courrier du ministère de la culture et de la communication adressé à maître BLANCHET, notaire, attestant que ce ministère a donné son accord à la cession conformément aux dispositions de l'article 3 de l'ordonnance en date du 13 octobre 1945.Ils contestent le caractère probant des pièces versées aux débats pour établir les nuisances invoquées par les appelants, notamment du fait de leur ancienneté, et font observer que les époux X... ont eux même été à l'origine de dégradations affectant le local commercial. Ils concluent en conséquence à la confirmation de la décision déférée. Reconventionnellement, ils allèguent avoir subi un préjudice du fait des agissements des époux X..., agissements mettant en péril la sécurité des usagers, et demandent la condamnation des appelants à leur verser une somme de 5 000 € pour monsieur Z... et 10 000 € pour l'association en réparation de leurs préjudices. Ils concluent en outre à l'octroi d'une somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 3 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles dispose que les baux d'immeubles à usage de spectacles, les locations, sous locations et cessions de fonds de commerce d'entreprise de spectacles doivent, à peine de nullité être autorisées par le ministre chargé de la culture ; le texte précise que la nullité est constatée à la requête du ministère public, des parties, de l'une d'elles ou de tout tiers intéressé.
Le texte ne définit pas les tiers ayant qualité de tiers intéressés et dès lors il convient de prendre ce terme au sens large comme s'appliquant à toute personne ayant un intérêt à obtenir la nullité de l'acte, notamment du fait d'éventuelles nouvelles nuisances occasionnées par la cession du bail et les nouvelles conditions d'exploitation ; ce même texte n'indique pas que la nullité constitue une nullité d'ordre public et il n'existe aucun élément permettant de penser qu'elle revêt un tel caractère, son but étant de préserver les intérêts des cocontractants ou de préserver l'ordre public au cas, et seulement au cas, où celui ci serait troublé par les nouvelles conditions d'exploitation; il convient d'en déduire que l'irrégularité tirée de l'absence d'autorisation peut être régularisée postérieurement à l'acte de cession, comme toute nullité de forme, et que la nullité ne peut être prononcée qu'en caractérisant les griefs subis par les demandeurs.
En l'espèce, la cession de bail conclue entre monsieur Z... et l'association LE JAZZ ET LA JAVA concerne un fonds de commerce d'entreprise de spectacles ; cette cession a été conclue le 30 juin 2015 ; il résulte d'un courrier non daté adressé par le ministère de la culture et de la communication au notaire chargé de la cession que le dit ministère a donné son autorisation à cette cession ; s'il est incontestable que cette autorisation est postérieure à l'acte lui-même, il n'en demeure pas moins qu'elle a eu pour effet de régulariser celui ci au regard de l'article 3 de l'ordonnance en date du 19 octobre 1945; il convient de constater dès lors qu'à supposer les époux X... recevables à agir, ils n'en sont pas moins mal fondés à invoquer l'absence d'autorisation affectant l'acte de cession querellé ; c'est dès lors à bon droit que le premier juge les a déboutés de leur demande.
Il n'existe pas de lien suffisant entre la demande en dommages-intérêts présentée par monsieur Z... et l'association LE JAZZ ET LA JAVA au titre des nuisances ou dégradations invoquées à l'encontre des époux X..., et l'action principale en nullité formée par ces derniers ; il convient dès lors de recevoir le moyen tiré de ce chef par les époux X... et, infirmant la décision de première instance, de déclarer cette demande non pas mal fondée, mais irrecevable.
Les époux X... succombant en la procédure, ils devront verser à monsieur Z... et l'association LE JAZZ ET JAVA pris ensemble la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de l'indemnité allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
- CONFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de RENNES en date du 17 novembre 2016 dans l'intégralité de ses dispositions, sauf à préciser que les demandes reconventionnelles en dommages-intérêts présentées par monsieur Z... et l'association LE JAZZ ET LA JAVA sont rejetées comme étant irrecevables et non mal fondées.
Ajoutant à la décision déférée,
- CONDAMNE les époux X... in solidum à verser à monsieur Z... et l'association LE JAZZ ET LA JAVA pris ensemble la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- MET l'intégralité des dépens à la charge des époux X....
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT