La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/09/2018 | FRANCE | N°16/05194

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 11 septembre 2018, 16/05194


1ère Chambre








ARRÊT N°325/2018





N° RG 16/05194




















Mme Anna X... épouse Y...





C/





M. Patrick Y...


Mme Régine Z... épouse Y...


M. Nicolas A...


Mme Elisabeth B... épouse A...


C...





























Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la

décision déférée




















Copie exécutoire délivrée





le :





à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2018








COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:





Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,


Asses...

1ère Chambre

ARRÊT N°325/2018

N° RG 16/05194

Mme Anna X... épouse Y...

C/

M. Patrick Y...

Mme Régine Z... épouse Y...

M. Nicolas A...

Mme Elisabeth B... épouse A...

C...

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Juin 2018 devant Monsieur Marc JANIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame Anna X... épouse Y..., es nom et es qualité de conjoint survivant de M. Roger Y...

née le [...] à VIEUX VIEL (35610)

[...]

Représentée par Me Jean-Louis D... de la SELARL ALPHA LEGIS, avocat au barreau de Saint-Malo

INTIMÉS :

Monsieur Nicolas A...

né le [...] à DAX (40)

[...]

[...]

Représenté par Me Hélène H... de la SELARL LBP AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

Madame Elisabeth B... épouse A...

née le [...] à MACHECOUL (44)

[...]

[...]

Représentée par Me Hélène H... de la SELARL LBP AVOCAT, avocat au barreau de RENNES

Monsieur Patrick Y..., né le [...] à PARAME (35400)

La Couture

[...]

Représenté par Me Marcel-Clotaire E... de la SELARL CABINET E...-G... & ASSOCIES, avocat au barreau de Saint-Malo

et

Madame Régine Z... épouse Y..., née le [...] à PARAME (35400)

[...]

[...]

pris tant en leur nom personnel et es qualité d'Associés et cogérants de l'EARL Y..., dont le siège est [...] et

représentés par Me Marcel-Clotaire E... de la SELARL CABINET E...-G... & ASSOCIES, avocat au barreau de Saint-Malo

FAITS ET PROCÉDURE:

Monsieur Roger Y... et Madame Anna X..., épouse Y..., exerçaient une activité d'élevage de vaches laitières à [...]; l'exploitation a été reprise en 1992 par leur fils, Monsieur Patrick Y..., et son épouse, Madame Régine Z..., qui ont constitué l'Earl Y....

Les époux Y... X... ont par la suite vendu aux époux Y... Z..., par acte du 15 juin 2005 rectifié par acte du 21 octobre 2006, notamment les parcelles situées lieudit 'La Couture', cadastrées section [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] et [...].

Ils avaient néanmoins conservé la propriété de leur maison d'habitation et de diverses dépendances constituant un ensemble immobilier cadastré section [...], [...], [...], [...] et [...].

Ils ont, par acte du 29 mars 2007, cédé cet ensemble immobilier à Monsieur Nicolas A... et Madame Elisabeth B..., épouse A....

Ces derniers ont divisé, suivant un document d'arpentage du 20 avril 2007, la parcelle [...] en deux parcelles cadastrées [...] et [...].

Ils ont déposé le 29 juin 2007 une demande de permis de construire afin d'aménager en gîte rural un cellier situé sur la parcelle [...].

Puis, le 8 août 2007, ils ont vendu la parcelle [...] provenant de la division de la parcelle 965 aux époux Y... Z..., conservant la propriété de la parcelle [...].

Le permis de construire sollicité a été accordé par un arrêté du maire de Vieux-Viel en date du 7 septembre 2007; mais il a été retiré par un nouvel arrêté du maire en date du 25 octobre 2007, au motif que le cellier objet de la demande était situé à moins de cent mètres d'une installation classée agricole appartenant aux époux Y... Z....

Les époux A... ont déposé une nouvelle demande de permis de construire, identique, le 29 septembre 2008, qui a donné lieu à une décision de refus en date du 11 octobre 2008; ils ont exercé un recours contre cette décision devant le tribunal administratif de Rennes.

Par ailleurs, les époux Y... Z..., en leur nom personnel et en qualité d'associés et cogérants de l'Earl Y..., ont, le 13 janvier 2010, fait assigner les époux A... devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo pour les voir condamner, sous astreinte, à remettre les bâtiments situés sur les parcelles [...] et [...] dans leur état initial.

Le tribunal de grande instance a, par un jugement du 2 septembre 2011, sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal administratif.

Celui-ci a, par un jugement du 2 octobre 2011, rejeté la requête des époux A... pour être irrecevable dès lors que le délai de recours était expiré.

L'instance devant le tribunal de grande instance a été reprise par conclusions des époux Y... Z... en date du 23 janvier 2012.

D'autre part, les époux A... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo, les époux Y... X... par un acte du 8 mars 2012 aux fins de voir prononcer la nullité de la vente du 29 mars 2007, sur le fondement des articles 1110 et 1116 du Code civil, puis les époux Y... Z... par acte du 19 juillet suivant pour voir annuler la vente du 8 août 2008.

Les instances ont été jointes, et, par jugement du 6 juin 2016, le tribunal de grande instance de Saint-Malo a:

débouté les époux Y... Z... de leur demande tendant à la condamnation des époux A... à rétablir les immeubles cadastrées [...] et [...] dans leur destination initiale définie dans l'acte de vente du 29 mars 2007,

prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 29 mars 2007 entre les époux Y... X... et les époux A...,

condamné en conséquence les époux Y... X... à restituer aux époux A... la somme de 120 000 €, représentant le montant principal du prix d'acquisition, indexée sur l'indice du coût de la construction de mars 2007,

condamné les époux Y... X... à payer aux époux A... la somme de 40 056,36€ au titre des frais exposés pour cette acquisition,

condamné les époux A... à restituer aux époux Y... X... l'ensemble immobilier décrit dans l'acte notarié du 29 mars 2007,

condamné les époux A... à payer aux époux Y... X... la somme de 2 220€ correspondant au prix de la bande de terrain ne pouvant être restituée,

débouté les époux A... de leur demande d'annulation du contrat conclu le 8 août 2007, portant sur la vente de la parcelle [...],

débouté les époux Y... Z... de leur demande d'indemnité pour résistance abusive,

condamné solidairement les époux Y... Z... et les époux Y... X... à payer aux époux A... la somme de 3 000 € en réparation de leur préjudice moral,

condamné solidairement les époux Y... Z... et les époux Y... X... aux entiers dépens, comprenant le coût du procès-verbal de constat dressé par Maître F... le 25 février 2013,

condamné les mêmes à payer aux époux A... la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Les époux Y... X... ont interjeté appel de ce jugement le 1er juillet 2016; ils ont intimé les époux Y... Z... et l'Earl Y..., ainsi que les époux A....

Monsieur Roger Y... est décédé le [...] .

Par conclusions du 12 juin 2017, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, Madame X... demande à la cour:

de la dire habile à poursuivre seule l'instance en son nom et en sa qualité de conjoint survivant de Monsieur Roger Y...,

d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente intervenue le 29 mars 2007 entre les époux A... et les époux Y... X...,

de débouter les époux A... de toutes leurs demandes dirigées contre elle,

à titre infiniment subsidiaire, de dire qu'elle ne saurait être tenue qu'au seul remboursement du prix de vente et des frais d'acte, sauf à déduire la valeur du chemin revendu par les époux A... aux époux Y... Z..., soit la somme de 2 220 €,

de débouter les époux A... du surplus des demandes dirigées contre elle,

en toute hypothèse, de les condamner, ou à défaut les époux Y... Z..., à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 22 novembre 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, les époux Y... Z..., agissant en leur nom personnel et en qualité d'associés et co-gérants de l'Earl Y..., demandent à la cour:

de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a:

prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 29 mars 2007 entre les époux Y... X... et les époux A..., avec toutes conséquences que la cour aura à apprécier,

débouté les époux A... de leur demande d'annulation du contrat conclu le 8 août 2007, portant sur la vente de la parcelle [...],

d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a:

déboutés de leur demande de condamnation des époux A... à rétablir les immeubles constituant les parcelles [...] et [...] dans leur destination définie dans l'acte de vente du 29 mars 2007,

condamnés solidairement avec les époux Y... X... à payer aux époux A... la somme de 3000 € au titre de leur préjudice ainsi que celle de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance,

statuant à nouveau, d'enjoindre aux époux A... de rétablir les immeubles constituant les parcelles [...] et [...] dans leur destination et affectation initiales définies dans l'acte de vente du 29 mars 2007, dans le délai d'un mois à compter de la signification 'du jugement à intervenir', sous astreinte de 1 000 € par jour de retard et par infraction constatée,

de condamner solidairement les époux A... à leur payer, en réparation de tous dommages complémentaires s'attachant à la résistance abusive par ces défendeurs à l'exécution des dispositions légales réglementaires et des jugements, la somme de 10000€,

subsidiairement, si la nullité de la vente du 8 août 2007 était prononcée, de statuer sur les conséquences dommageables du prononcé de la nullité des actes de vente à leur égard,

de fixer le montant du préjudice subi par eux à la somme principale, sauf mémoire, de 109050,40 €,

de condamner solidairement les époux A... et les époux Y... X... au paiement de la dite somme,

de condamner les époux Y... X... à leur payer la somme de 7 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de les condamner aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 20 janvier 2017, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, les époux A... demandent à la cour:

de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a:

débouté les époux Y... Z... de leur demande de rétablissement des parcelles [...] et [...] dans leur destination définie dans l'acte de vente du 29 mars 2007,

prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 29 mars 2007 entre les époux Y... X... et eux-mêmes,

condamné en conséquence les époux Y... X... à leur restituer la somme de 120 000 €, représentant le montant principal du prix d'acquisition, indexée sur l'indice du coût de la construction de mars 2007,

condamné les époux Y... X... à leur payer la somme de 40 056,36€ au titre des frais exposés pour cette acquisition, arrêtés en juin 2016,

condamné solidairement les époux Y... Z... et les époux Y... X... à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de condamner les époux Y... X... à leur verser la somme de 20 861,06 € au titre des matériaux, la somme de 861,70 € au titre de la location du matériel, outre 6 000 € en réparation du préjudice subi par Monsieur A... qui a effectué les travaux,

de condamner les époux Y... Z... à leur verser la somme de 10 000 € à titre dommages-intérêts,

de leur donner acte de ce qu'ils restitueront dès perception des sommes sus indiquées l'ensemble immobilier décrit dans l'acte notarié du 29 mars 2007,

de leur donner acte de ce qu'ils acceptent de payer aux époux Y... X... la somme de 2 220 € correspondant au prix de la bande de terrain qu'ils ont vendue aux époux Y... Z...,

de débouter les époux Y... Z... de toutes leurs demandes,

de condamner les époux Y... X... à leur payer la somme de 15 000 € en réparation de leur préjudice matériel et moral,

de les condamner 'conjointement et solidairement' avec les époux Y... X... à leur payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel,

de condamner solidairement les époux Y... Z... et les époux Y... X... aux entiers dépens, qui comprendront le coût du procès-verbal de constat dressé par Maître F... le 25 février 2013.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 15 mai 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:

1/: - Sur la recevabilité de l'action de Madame X...:

La qualité et l'intérêt de Madame X... à poursuivre l'instance d'appel seule en son nom et en sa qualité de conjoint survivant de Monsieur Roger Y..., décédé le [...] postérieurement à la déclaration d'appel, n'est pas contestée.

2/: - Sur la demande en nullité de la vente du 29 mars 2007:

Les époux A... sollicitent l'annulation de la vente du 29 mars 2007, suivant laquelle ils ont acquis des époux Y... X... les parcelles [...], [...], [...], [...] et [...], en invoquant le vice de leur consentement, du fait principalement d'un dol commis par les vendeurs, et subsidiairement de l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue.

Il résulte des articles 1109, 1110 et 1116 du Code civil, dans leur rédaction en vigueur lors de la vente litigieuse, que n'est pas valable le consentement qui n'a été donné que par erreur ou qui a été surpris par dol, que l'erreur n'est cependant cause de nullité que lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet, et que le dol ne l'est que lorsque l'une des parties a pratiqué des manoeuvres telles qu'il est évident que, sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté, le dol ne se présumant pas mais devant être prouvé.

A/: - Sur le dol:

Les parties au contrat de vente du 29 mars 2007 étaient d'une part les époux Y... X..., vendeurs, et d'autre part les époux A..., acquéreurs, à l'exclusion de toute autre personne, s'agissant de la vente elle-même.

Il appartient donc aux époux A... de prouver que les époux Y... X... ont commis des manoeuvres, le cas échéant par réticence, dans l'intention de les tromper pour les amener à conclure une vente qu'ils n'auraient pas, sinon, acceptée.

L'objet de la vente était désigné à l'acte comme étant d'une part une maison d'habitation implantée sur les parcelles [...] et [...], et la parcelle de terre 962 au Sud de celles-ci, et d'autre part un ensemble d'anciens bâtiments à usage de remise avec grenier à foin, de poulailler, d'appentis, de cellier, de garage et de hangar situés sur les parcelles [...] et [...].

Ce sont les bâtiments sur les parcelles [...] et [...] que les époux A... ont entendu transformer en gîtes, ce pourquoi ils ont déposé une demande de permis de construire.

Mais cette demande s'est en définitive heurtée à un refus, reposant, selon l'arrêté du maire de Vieux-Viel du 25 octobre 2007, sur les dispositions de l'article L. 111-3 du Code rural, le projet étant situé à moins de cent mètres d'une installation agricole classée.

Il résulte en effet des dispositions de l'article L. 512-1 du Code l'environnement applicable à l'espèce que sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour la commodité du voisinage ou pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques.

C'est en application de ces dispositions que, par arrêté du 3 juillet 2003, le préfet d'Ille-et-Vilaine avait autorisé l'Earl Y... à exploiter un élevage de bovins au lieudit 'La Couture' en précisant que l'ensemble des bâtiments d'élevage et leurs annexes seront situés à au moins cent mètres des zones destinées à l'habitation.

Et selon l'article L. 111-3 du Code rural et de la pêche maritime applicable à l'espèce, lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes.

Cependant, s'il est vrai que c'est en raison de la proximité des installations classées de l'exploitation agricole des époux Y... Z... et de l'Earl Y..., que le maire de Vieux-Viel a, le 25 octobre 2007, retiré le permis de construire, il l'est aussi que le même maire avait, le 7 septembre précédent, accordé ce permis en vue d'aménager un bâtiment en maison d'habitation.

Or le maire avait alors connaissance d'une part de l'existence de l'arrêté préfectoral précité, d'autre part des données de fait concernant la distance entre les bâtiments objets du projet d'aménagement des époux A..., et de ceux de l'exploitation agricole des époux Y... Z....

Il ne peut être considéré que les époux Y... X..., qui s'étaient retirés en 1992 de l'exploitation agricole, transmise à leurs fils et belle-fille, lesquels ont constitué l'Earl Y... et obtenu pour celle-ci l'autorisation préfectorale du 3 juillet 2003, devaient, au moment où ils ont vendu le 29 mars 2007, faire a priori et nécessairement une appréciation différente de celle que fera le maire, le 7 septembre 2007, quant aux contraintes résultant de la situation des bâtiments en cause.

Il apparaît en effet que l'arrêté préfectoral d'autorisation des installations classées avait constaté que celles-ci étaient implantées de fait à trente cinq mètres et cinquante huit mètres d'habitations occupées par des tiers, et notamment que la maison d'habitation vendue aux époux A... sur les parcelles [...] et [...] était plus proche de ces installations classées que ne l'étaient les bâtiments à rénover sur la parcelle [...].

Il apparaît également que le médiateur de la République avait lui-même estimé que la position adoptée par le préfet à l'égard du projet des époux A... ne s'imposait pas avec évidence, et enfin, que si le tribunal administratif a rejeté la requête de ceux-ci, c'était sur un moyen d'irrecevabilité du recours et non sur un moyen de fond, alors que par ailleurs, selon le second alinéa de l'article L. 111-3 du Code rural et de la pêche maritime applicable à l'espèce, dans les parties urbanisées des communes, des règles d'éloignement différentes de celles qui résultent du premier alinéa peuvent être fixées pour tenir compte de l'existence de constructions agricoles antérieurement implantées.

Mais surtout, si les époux A... établissent par des attestations du maire de Vieux-Viel que ce dernier, comme les époux Y... Z..., savaient qu'en achetant les biens vendus par les époux Y... X..., ils entendaient aménager les bâtiments implantés sur les parcelles [...] et [...] en gîtes, ils ne prouvent aucunement que leurs vendeurs avaient quant à eux connaissance de ce qu'un tel projet pouvait conditionner leur acquisition.

Ils ne démontrent ainsi pas que ces derniers leur ont dissimulé dans l'intention de vicier leur consentement à cette acquisition, le fait que la distance entre ces bâtiments, qui n'en constituaient pas le seul objet, et les installations classées de l'exploitation agricole des époux Y... Z..., pouvait s'opposer à l'obtention d'un permis de construire.

Le dol n'est, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, pas démontré.

B/: - Sur l'erreur:

Les époux A... écrivent dans leurs dernières conclusions qu'ils sont importunés de façon continue depuis près de dix ans par les époux Y... Z... et qu'ils ne peuvent demeurer dans les lieux, ce qui donne une indication quant à la motivation de leur demande d'annulation de la vente.

Mais au delà de cette considération, il convient de rechercher si, comme ils le prétendent, la possibilité d'aménagement de gîtes dans les bâtiments situés sur les parcelles [...] et [...] était une condition déterminante de leur consentement à l'acquisition de ce qui était, il faut le rappeler, un ensemble immobilier comportant, outre les dits bâtiments, une maison d'habitation en pierres sous ardoises sur deux niveaux, composée de quatre chambres, un séjour et une cuisine aménagée, ainsi qu'un jardin au midi et à l'ouest et une pièce de terre de 8 676 m², le tout au prix de 120000€.

Il est certain que les époux A... souhaitaient, et l'avaient fait savoir au maire et aux époux Y... Z... ainsi qu'il a été vu, aménager les bâtiments litigieux en gîtes en vue de leur exploitation.

Pour autant, ils n'avaient pas fait de l'obtention d'un permis de construire à cette fin une condition formelle de l'acquisition, et rien ne démontre qu'ils avaient fait entrer une telle condition dans le champ du contrat conclu avec les époux Y... X....

Les époux A... avaient en revanche signé l'acte authentique de vente où était mentionné qu'ils déclaraient parfaitement connaître les biens pour les avoir visités, de sorte qu'ils ne pouvaient n'avoir pas remarqué la proximité des bâtiments de l'exploitation agricole voisine, et qu'ils supporteraient les servitudes, notamment légales, apparentes ou occultes, à leurs risques et périls sans recours contre le vendeur, lequel déclarait quant à lui qu'il n'avait créé ni laissé créer aucune servitude sur l'immeuble vendu et qu'à sa connaissance il n'en existait pas d'autres que celles pouvant résulter de la situation des lieux, de la loi ou de l'urbanisme.

Il est vrai que la présence de bâtiments agricoles n'induisait pas nécessairement l'application des règles spécifiques aux installations classées, mais elle devait attirer l'attention des acquéreurs sur la possibilité de restrictions au droit de construire, et ils pouvaient alors prendre connaissance de l'arrêté préfectoral du 3 juillet 2003 qui avait été publié dans un journal d'annonces légales et leur était ainsi opposable.

Et il est d'autant moins certain que la possibilité d'aménager en gîtes des bâtiments situés sur les parcelles [...] et [...] constituait pour les époux A... une condition déterminante de l'acquisition de l'ensemble immobilier, que ceux-ci ont, postérieurement au refus de délivrance de permis de construire à cette fin, poursuivi néanmoins l'aménagement de leur maison d'habitation et du jardin attenant comme le montrent les photographies et factures de matériaux versées aux débats.

C/: - Sur la demande en nullité:

Dès lors que les vices du consentement invoqués par les époux A... ne sont pas démontrés, leur demande d'annulation du contrat de vente du 29 mars 2007 sera rejetée, le jugement déféré qui l'a accueillie étant infirmé sur ce point.

3/: - Sur la demande en nullité de la vente du 8 août 2007:

Il sera seulement constaté que les époux A... ne sollicitent plus devant la cour l'annulation de la vente de la parcelle [...], issue de la division de la parcelle 965 pour créer une voie d'accès au sud des bâtiments de l'exploitation agricole de l'Earl Y....

Il s'ensuit que la demande indemnitaire formée par les époux Y... Z... à titre subsidiaire pour le cas où ceux-ci seraient privés de la propriété et donc de l'usage de cette parcelle desservant leurs bâtiments d'exploitation agricole, est devenue sans objet.

4/: - Sur la demande de remise en état des parcelles [...] et [...]:

Les époux Y... Z... prétendent voir enjoindre les époux A... de rétablir les parcelles [...] et [...], sur lesquelles ces derniers ont réalisé les aménagements des bâtiments existants en gîte, dans leurs destination et affectation initiales de remise, grenier à foin, appentis, cellier, garage et hangar, en faisant valoir que 'La violation de dispositions impératives d'ordre public, comportant nécessairement une incidence sur la salubrité des lieux, la santé des habitants, et la pérennité d'une installation classée (les) autorise...à conférer à leur action le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383" du Code civil (ancien).

Mais la responsabilité extra contractuelle dont le régime est déterminé par ces dispositions suppose, ainsi que l'a justement rappelé le tribunal, que celui qui s'en prévaut prouve cumulativement la faute de celui contre lequel il agit, et le préjudice directement et certainement causé par cette faute.

En l'occurrence, les époux Y... Z... ne démontrent pas en quoi les manquements à des obligations légales ou réglementaires qu'ils reprochent aux époux A... d'avoir commis, leur ont personnellement causé un préjudice quelconque dans l'exploitation de leur ferme ou autrement, étant observé que les époux Y... Z... n'ont pas eux-mêmes la charge de contrôler le respect par des tiers de telles obligations.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

5/: - Sur la demande d'indemnité pour résistance abusive:

Les époux Y... Z... sollicitent la condamnation des époux A... à leur payer une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts 'pour résistance abusive'.

Il semble résulter de leurs écritures que la dite résistance serait celle que les époux A... auraient opposé au respect des obligations légales ou réglementaires susvisées en persistant à exploiter le gîte qu'ils ont installé en violation de celles-ci.

Mais pas davantage que pour étayer leur demande d'injonction de remise en état, les époux Y... Z... n'établissent en quoi une telle résistance, à la supposer avérée, leur a causé un préjudice personnel et direct.

D'autre part, ils ne démontrent pas avoir subi de la part des époux A... les représailles dont ils font état, que n'établit pas le courrier du maire de Vieux-Viel relatif à un regard d'eaux pluviales obstrué qu'ils invoquent à cet égard.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux Y... Z... de leur demande de dommages-intérêts.

6/: - Sur la demande en dommages-intérêts formée par les époux A...:

Le tribunal a condamné solidairement les époux Y... X... et les époux Y... Z... à payer aux époux A... une somme de 3 000 € en réparation de leur préjudice moral, en visant des pièces dont résulterait que ces derniers ont été victimes de dégradations, menaces et insultes de la part des époux Y... Z... et de Madame Y..., sans autre précision.

Les époux A... sollicitent toutefois devant la cour la condamnation des époux Y... X... au paiement d'une somme de 15 000 € en réparation de leur préjudice matériel et moral, pour n'avoir pas pu exploiter le bien acquis dans des conditions normales.

Mais d'une part, il n'est pas établi que Madame X... a eu des comportements tels que ceux qui sont incriminés; en effet, si des témoins attestent avoir constaté le 2 avril 2015 qu'une personne avait une attitude vindicative à l'égard de Madame A..., ni ces témoins, ni Madame A..., n'ont identifié ladite personne comme étant Madame X....

D'autre part, le défaut d'exploitation du gîte dont se plaignent les époux A... ne peut être considérée comme un préjudice directement causé par la faute des époux Y... X... puisque le gîte ne pouvait être habité du fait de l'arrêté du préfet.

S'agissant de la réparation du préjudice résultant des désagréments et de la perte de clientèle pour l'occupation du gîte, occasionnés pendant dix années, par des faits reprochés aux époux Y... Z..., les époux A... sollicitent devant la cour la condamnation de ceux-ci à dommages-intérêts à hauteur de 10 000 €.

La perte de clientèle invoquée ne peut pas davantage être imputée à la faute des époux Y... Z....

Pour le reste, seules sont produites des plaintes et dépositions de Madame A... auprès de la gendarmerie, pièces de nature à convaincre de la mauvaise qualité des relations entre les époux A... et les époux Y... Z..., mais non à prouver des fautes commises par ces derniers.

La condamnation à dommages-intérêts prononcée contre les époux Y... X... et contre les époux Y... Z... doit être infirmée et la demande de dommages-intérêts formée par les époux A... contre ceux-ci, rejetée.

7/: - Sur les frais et dépens:

Il convient d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens de première instance et les frais non compris en ceux-ci.

Les époux A..., qui succombent en leurs prétentions, seront condamnés en tous les dépens de première instance et d'appel.

Ils le seront également à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à Madame X... une somme de 3 000 €, et aux époux Y... Z... une somme de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Après rapport fait à l'audience;

Dit Madame Anna X..., veuve Y..., recevable à poursuivre l'instance d'appel seule en son nom et en sa qualité de conjoint survivant de Monsieur Roger Y...;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a:

débouté Monsieur Patrick Y... et Madame Régine Z..., épouse Y..., de leur demande tendant à la condamnation de Monsieur Nicolas A... et Madame Elisabeth B..., épouse A..., à rétablir les immeubles situés à Vieux-Viel (Ille-et-Vilaine), lieudit 'La Couture, cadastrés section B n°s 833 et 1213 dans leur destination initiale définie dans l'acte de vente du 29 mars 2007,

débouté Monsieur Patrick Y... et Madame Régine Z..., épouse Y..., de leur demande d'indemnité pour résistance abusive,

débouté Monsieur Nicolas A... et Madame Elisabeth B..., épouse A..., de leur demande d'annulation du contrat conclu le 8 août 2007, portant sur la vente de la parcelle cadastrée section [...] ;

L'infirme pour le surplus;

Statuant à nouveau, déboute les parties de leurs autres demandes au fond;

Condamne in solidum Monsieur Nicolas A... et Madame Elisabeth B..., épouse A..., à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile:

la somme de 3 000 € à Madame Anna X..., veuve Y...,

la somme de 1 500 € à Monsieur Patrick Y... et Madame Régine Z..., épouse Y...;

Condamne in solidum Monsieur Nicolas A... et Madame Elisabeth B..., épouse A..., aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16/05194
Date de la décision : 11/09/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°16/05194 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-11;16.05194 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award