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06/09/2018 | FRANCE | N°15/07073

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 06 septembre 2018, 15/07073


4ème Chambre








ARRÊT N°296





N° RG 15/07073








F B/ FD




































































Copie exécutoire délivrée





le :





à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2018








COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:





Président : Monsieur Louis-Denis HUBERT, Président de chambre,


Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseiller,


Assesseur : Madame Florence BOURDON, Conseiller,





GREFFIER :





Mme Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :





A l'au...

4ème Chambre

ARRÊT N°296

N° RG 15/07073

F B/ FD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Louis-Denis HUBERT, Président de chambre,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseiller,

Assesseur : Madame Florence BOURDON, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Avril 2018

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SARL SYMPHONIE

[...]

Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur X... D...

né le [...] à Nantes (44000)

[...]

Représenté par Me Bertrand LARONZE de la SELARL C.V.S., Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représenté par Me François-xavier G... de la SELARL C.V.S., Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame Violaine F... E... D... épouse D...

née le [...] à NANTES (44000)

[...]

Représentée par Me Bertrand LARONZE de la SELARL C.V.S., Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me François-xavier G... de la SELARL C.V.S., Postulant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE

* Le 15 juin 2010, la SARL LA SYMPHONIE a obtenu un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier sur 5 étages comprenant 60 logements à usage locatif sur plusieurs parcelles correspondant au [...] . Les époux D..., voisins directs de cette construction, ont été assignés dans le cadre d'un référé préventif par le promoteur.

Le 30 juillet 2010, un protocole d'accord transactionnel a été régularisé entre les époux D... d'une part et la SCI LA SYMPHONIE, d'autre part, représentée par son gérant Monsieur Taner Y..., et pour la signature du protocole par Monsieur Franck Z... ,selon procuration en date du même jour, jointe au protocole.

Aux termes de ce protocole , la SARL LA SYMPHONIE accepte notamment de dédommager les époux D... à hauteur de 195 000 €, le paiement de cette somme devant intervenir au plus tard le 01 décembre 2011, tandis que les époux D... s'engagent à acheter dans le cadre de la vente en l'état futur d'achèvement un appartement de type T2 et un garage, moyennant un prix de 150 000 € et renoncent à exercer tout recours contentieux ou gracieux à l'encontre de la société dans le cadre du projet immobilier ayant donné lieu à la délivrance du permis de construire.

En l'absence de réponse de la SARL LA SYMPHONIE à un courrier du conseil des époux D... du 3 novembre 2011 ainsi qu à une mise en demeure en date du 10 novembre 2011 de préciser avant le 28 octobre 2011 si elle entendait exécuter le protocole, et après autorisation en date du 1er décembre 2011 du juge de l'exécution, les époux D... ont inscrit le même jour une hypothèque judiciaire provisoire.

Le 20 décembre 2011, Monsieur et Madame D... ont assigné la SARL LA SYMPHONIE devant le TGI de NANTES en paiement de la somme de

195 000 €, avec intérêts contractuels au taux de 7%. La société LA SYMPHONIE a conclu à la nullité du protocole et à son inopposabilité.

Aux termes d'un jugement du 7 janvier 2013, le juge de l'exécution, saisi par la société LA SYMPHONIE, a cantonné l'inscription aux lots 3 et 7. Par la suite, celle-ci a de nouveau saisi le juge de l'exécution afin que l'inscription d'hypothèque soit cantonnée au seul lot 7. Malgré l'absence de jugement, la société LA SYMPHONIE a vendu le lot n°3 et les fonds ont été consignés chez le notaire. Les époux D... ont fait procéder à une saisie attribution sur cette somme.

Par ordonnance du 24 octobre 2013, le juge de la mise en état a rejeté la demande des époux D... de paiement par provision de la somme de 195 000 €.

* Le 20 mai 2014, le Tribunal de Grande Instance de NANTES a rendu un jugement dont le dispositif est ainsi libellé :

- DÉBOUTE la SARL LA SYMPHONIE de ses demandes de voir juger que le protocole d'accord transactionnel régularisé le 30 juillet 2010 entre les époux D... et la SCI La SYMPHONIE, représentée par Monsieur Z..., est nul et lui est inopposable et de voir ordonner la mainlevée des mesures d'hypothèques judiciaires provisoires inscrites par les consorts D...

- En exécution du dit protocole d'accord régularisé le 30 juillet 2010,

CONDAMNE la SARL LA SYMPHONIE à payer à M.et Mme D... la somme de 195 000 € avec intérêts au taux contractuel de 7% l'an à compter du 1er décembre 2011,

CONDAMNE la SARL LA SYMPHONIE à payer à M. et Mme D... la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts pour sa résistance abusive, ainsi que celle de 8 000 € au titre de l'article 700 du CPC,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SARL LA SYMPHONIE à payer les entiers dépens recouvrés par Maître LARONZE, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC,

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement

* La SARL LA SYMPHONIE a interjeté appel de ce jugement le 8 juillet 2014

Les parties ont conclu

* Par arrêt du 3 septembre 2015, la Cour d'Appel de RENNES a :

Infirmé l'ordonnance du Conseiller de la mise en Etat déférée à la Cour,

Statuant à nouveau,

Déclaré recevables les conclusions de la société SYMPHONIE en date du 22 septembre 2014,

Dit que la déclaration d'appel de la société SYMPHONIE n'est pas caduque,

Dit que les intimés devront saisir à nouveau le conseiller de la mise en état sur la demande de radiation fondée sur l'article 526 du CPC,

Condamné M. et Mme D... à verser à la société SYMPHONIE une indemnité de 1 000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens de l'incident et du déféré.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 Mars 2018.

PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES

Vu les conclusions en date du 2 mars 2018 de la SARL LA SYMPHONIE qui demande à la Cour,

Vu les dispositions légales et réglementaires précitées,

Vu la jurisprudence précitée,

Vu la doctrine précitée,

Vu le jugement rendu le 20 mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTES,

Vu la déclaration d'appel du 8 juillet 2014,

Vu les présentes conclusions d'appel et les pièces produites à l'appui,

DIRE la société SYMPHONIE recevable et bien fondée en l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

En conséquence,

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTER les époux D... de l'ensemble de leurs demandes ;

DIRE et JUGER que la procuration « du 30 juillet 2010 » est nulle, Monsieur Y..., ès-qualité de gérant de la société SYMPHONIE, n'ayant matériellement pas pu, du fait de sa présence à l'étranger à cette date-là, signer cette procuration prétendument signée par lui à NANTES le 30 juillet 2010, avec toutes conséquences de fait et de droit ;

DIRE et JUGER que la transaction « du 30 juillet 2010 » est nulle pour avoir été conclue sur le fondement d'un acte nul, en l'espèce la procuration « du 30 juillet 2010», et alors que les époux D... en avaient conscience pour être assistés d'un conseil ;

DIRE ET JUGER que la transaction « du 30 juillet 2010 » est nulle pour avoir été conclue sous l'emprise de la violence ;

DIRE et JUGER que la procuration « du 30 juillet 2010 » ne donnait pouvoir à Monsieur Z... que pour un objet et dans un ordre bien précis, consistant à transiger avec les époux D... à de strictes fins indemnitaires (objet) à condition d'avoir exigé, de façons préalable et satisfactoire de ces derniers, qu'ils lui fournissent tous justificatifs de préjudices (ordre) ;

DIRE et JUGER que la transaction « du 30 juillet 2010 » est sans aucun effet de droit à l'égard de la société SYMPHONIE, qui y est donc tiers, pour avoir été signée directement par Monsieur Z... en violation de l'ordre des pouvoirs prévu par la procuration « du 30 juillet 2010 », donc par un « mandataire » sans pouvoir ;

DIRE et JUGER que la transaction « du 30 juillet 2010 » est sans aucun effet de droit à l'égard de la société SYMPHONIE, qui y est donc tiers, pour avoir été signée par Monsieur Z... contre et outre l'objet transactionnel prévu par la procuration « du 30 juillet 2010 », strictement circonscrit à un litige intéressant le droit de la responsabilité civile extracontractuelle ;

DIRE et JUGER que la transaction « du 30 juillet 2010 » est nulle pour avoir été signée en l'absence de mandat spécial, en violation des dispositions impératives de la loi HOGUET et de son décret d'application ;

DIRE et JUGER que la transaction « du 30 juillet 2010 » est nulle pour absence de cause, les époux D... n'ayant consenti aucune concession répondant aux multiples concessions de nature indemnitaire que leur a faites la société SYMPHONIE ;

CONDAMNER les époux D... à payer à la société SYMPHONIE une indemnité d'un montant de 100 000 € pour procédures abusives, du fait qu'ils avaient nécessairement connaissance de ce qu'ils n'avaient aucun droit à réparation de troubles anormaux de voisinage et, à titre surabondant, aucun intérêt réel et sérieux à agir en nullité du permis de construire de la société SYMPHONIE ;

CONDAMNER les Epoux D... à payer à la société SYMPHONIE la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application de l'article 699 de ce Code au profit de la SELARL RINEAU & ASSOCIES.

La société LA SYMPHONIE fait essentiellement plaider :

Sur l'impossibilité matérielle d'une procuration concédée à Nantes le 30 juillet 2010

- la procuration ' du 30 juillet 2010" à ' NANTES', est opposable aux époux D... tant en ce qui concerne sa date, que son lieu d'établissement et de signature,

- Monsieur Y... a produit la copie de ses documents de voyage dont il ressort qu'il est matériellement impossible qu'il ait pu signer la procuration litigieuse le 30 juillet 2010 à Nantes au profit de Monsieur Z... puisqu'il était en Turquie depuis une semaine,

- l'argument des époux D... selon lequel il s'agirait d'une simple erreur de date sans influence sur la validité de la procuration est vain. Il faudrait admettre que la procuration aurait été signée avant le 24 juillet 2010, date de départ de Monsieur Y..., mais dans ce cas elle serait antérieure au refus catégorique du conseil de la société SYMPHONIE , Maître A..., exprimé le 28 juillet 2010, de signature du protocole, refus conforme aux instructions de son client,

- l'adage selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude est inapplicable dans le cadre d'une action en nullité ,

- le tribunal n'a pas recherché d'où procédait cette erreur de date, quelle était la date exacte à retenir et les conséquences à en tirer en violation de l'article 1108 du code civil. La procuration ayant été établie au plus tard le 24 juillet 2010, et ensuite revêtue volontairement d'une fausse date , il est impossible d'y trouver la preuve d'un consentement de la société SYMPHONIE de céder au chantage le 30 juillet 2010. Tout mandat antérieur au 24 juillet était nécessairement révoqué depuis le 28 juillet 2010, date du refus de l'avocat de la société .

- la théorie du mandat apparent sur laquelle se fondent les intimés pour esquiver l'absence de mandat ou la révocation de celui-ci, est inapplicable : il n'est pas démontré que Monsieur Z... a participé depuis le début aux discussions avec Monsieur Y..., et Monsieur Z... n'appartient ni à la société CAPCITY , ni à la société LA SYMPHONIE, seule partie en cause .Si Monsieur Z... avait une adresse email CAPCITY c'est uniquement pour soutenir ses démarches vis à vis de ses interlocuteurs . Monsieur Z... n'était qu'un conseil extérieur. De surcroît, il appartenait à Monsieur D... au regard des circonstances graves entourant la signature , de procéder à des vérifications quant au pouvoir de leur interlocuteur.

La procuration était par conséquent nulle/ inefficace.

Sur la nullité de la transaction du 30 juillet 2010

* La transaction doit être annulée pour avoir été conclue :

- en méconnaissance des prévisions strictes de la procuration litigieuse ,

- sans réciprocité dans les concessions ,

1- Aux termes de l'article 1991 du code civil , le mandataire ne peut agir contre et outre ce qui lui est demandé . C'est le principe d'interprétation stricte du mandat.

- dans la procuration, la société SYMPHONIE a donné pouvoirs à Monsieur Z... pour un objet ( transiger s'agissant de préjudices liés aux opérations de démolition et de construction du projet immobilier La Symphonie) et dans un ordre précis ( transiger après avoir exigé des époux D... de fournir tous justificatifs relatifs à leurs préjudices ). Cette question a déjà été débattue devant le tribunal et ne constitue pas un moyen nouveau.

Or, le dossier est vide , les préjudices n'ont jamais été justifiés en contradiction avec les termes clairs de la transaction . Les justificatifs consistent en toute pièce démontrant les gênes susceptibles d'être causées par la construction et ils étaient nécessaires pour évaluer le préjudice et l'indemnisation. Il ne s'agit pas seulement d'une inexécution du mandat mais d'un dépassement de pouvoirs.

- le mandant n'est pas engagé par les actes accomplis par le 'mandataire' sans pouvoir.

La société SYMPHONIE n'est pas liée par la transaction 'du 30 juillet 2010 ' Monsieur Z... n'ayant pas contracté conformément à cette dernière tant en ce qui concerne l'ordre qu'en ce qui concerne l'objet de ces pouvoirs. Il n'avait pas le pouvoir de transiger tant qu'il n'avait pas exigé d'eux des justificatifs de préjudices.

Il a transigé au delà de la procuration, d'une part en contractualisant un poste de préjudice, consistant en l'occupation des logements, qui n'était pas prévu dans la procuration qui visait seulement la démolition et la construction du projet immobilier et d'autre part en faisant entrer dans le champ contractuel l'éventuel contentieux relatif au permis de construire.

- il n'existe aucun trouble anormal de voisinage . Dans les centres urbains, il n'y a aucun préjudice juridiquement réparable par principe découlant de l'édification et de l'occupation d'un immeuble sur une parcelle voisine : cette possibilité d'édification est connue de tous et l'exercice d'une faculté de construire ne fait pas naître un préjudice.

2- les concessions réciproques doivent se répondre :

La société la SYMPHONIE a pris l'engagement de payer une indemnité extra contractuelle réparant des troubles avérés liés à la démolition , construction, mais les époux D... n'ont pas renoncé à exercer leur droit d'agir devant le TGI de Nantes aux fins d'obtenir une indemnité extracontractuelle réparant les préjudices avérés. Ils ont seulement renoncé à agir en nullité du permis de construire

* La transaction doit également être annulée en l'absence de mandat spécial pour violation des dispositions impératives de la loi HOGUET et de son décret d'application

L'exception de nullité tirée de la violation de la loi HOGUET a un caractère perpétuel et peut être soulevée même après la fin du délai pour agir en nullité pour ce motif. Aucun commencement d'exécution n'étant démontré, la fin de non recevoir sera écartée.

Le protocole transactionnel comporte une opération entrant dans le champ d'application de cette loi, en l'espèce la vente d'un bien immobilier. Cette vente était parfaite puisque les parties se sont entendues sur la chose et le prix et sur la signature de la vente. A tout le moins, ce protocole constitue un concours accessoire à la cession du bien d'autrui entrant dans le champ d'application de cette loi. L'opération porte sur le bien d'autrui puisque Monsieur Z... ne fait partie ni de la société CAPCITY ni de la société la SYMPHONIE. C'est un homme d'affaires , gérant de l'EURL SEXTANT IMMOBILIER, spécialisé dans la promotion immobilière.

Le protocole doit donc être déclaré nul en application de la jurisprudence de la Cour de cassation en l'absence de carte professionnelle d'agent immobilier de Monsieur Z... et de mandat spécial , la procuration ne comportant aucune mention de l'opération immobilière prévue à savoir la cession aux époux D... du lot n°27.

Aucune ratification ultérieure susceptible de couvrir la nullité de la transaction n'est intervenue. Le courrier du 3 novembre 2011 de Maître B... ne constitue pas une preuve de volonté de Monsieur Y... de ratifier la convention.

* La transaction est atteinte d'une nullité intrinsèque pour défaut de cause

( article 1131du code civil) en l'absence de concessions réciproques.

La société La SYMPHONIE a consenti des concessions indemnitaires réelles tandis que les époux D... n'en ont consenti aucune y répondant. En particulier ils n'ont pas renoncé au droit d'agir devant le juge civil en demande de dommages et intérêts aux fins de réparer d'éventuels troubles anormaux de voisinage.

La preuve d'un commencement d'exécution par la société LA SYMPHONIE du protocole, dans les conditions de l'article 1338 du code civil, n'est pas rapportée.

* La transaction est atteinte d'une nullité intrinsèque pour violence économique:

La menace de l'emploi d'une voie de droit , même non réalisée, peut devenir une violence. La violence est également caractérisée dès qu'une partie s'engage sous une contrainte économique illégitime.

En l'espèce, la qualification de violence est satisfaite sur ces deux terrains.

Le seul objectif des époux D... était bien le gain . Leurs demandes devant le juge de l'exécution d' autorisation d'inscrire une hypothèque provisoire sur l'intégralité des lots du projet immobilier ne pouvaient que provoquer l'asphyxie du programme. La transaction a été signée sous le coup d'une violence constituée par le détournement d'une voie de droit et elle doit être annulée.

Les conditions propres à qualifier la violence économique sont également réunies:

- le montant des indemnités fixées dans le protocole était particulièrement exorbitant et les indemnités ne sont justifiées par aucun préjudice réel :

Les époux D... n'ont subi qu'une gène passagère et minime pendant les travaux de démolition et de construction, le déroulement du chantier ne les empêchait de jouir ni de leur habitation, ni de leur jardin, ni de leur piscine . L'installation sur leur propriété d'un échafaudage pendant 3 semaines a donné lieu au versement d'une indemnité de 2 500 €. S'agissant des troubles liés à des vues plongeantes sur leur propriété , il n'ont jamais été attestés et il y a été remédié par la pose de garde corps opaques sur les vues qui auraient pu présenter une gêne et par le rehaussement de deux murs de clôture prévus dans le protocole transactionnel.

L'exercice d'une faculté de construire en milieu urbain n'occasionne pas de préjudice juridiquement réparable. La possibilité d'édification d'un immeuble est connue, légitime et prévisible.

L'attestation de valeur du notaire des époux D... n'a aucune incidence.

Si une baisse de valeur vénale était constatée, cela ne signifierait pas qu'un droit de créance figurerait au patrimoine des époux D... , aucun trouble anormal de voisinage n'étant démontré.

Les 195 000 € exigés ne reposent sur aucun préjudice réel ou juridiquement protégé ou protégeable et la société LA Symphonie a été prise en otage sur le fondement de préjudices non établis. A cette somme s'ajoute celle de 20 000 € correspondant à la vente du T2 en dessous du prix du marché et 15 000 € à 16 000 € à celle du garage.

- l'éventuel recours devant le juge administratif était irrémédiablement voué à l'échec. Il n'est justifié du dépôt d'aucune requête préalable et d'aucune inobservation d'une disposition d'urbanisme.

- la société LA SYMPHONIE se trouve dans une situation de contrainte économique particulièrement forte :

- petite SARL, elle compte deux associés seulement, la société CAPCITY et Monsieur Y... et était confrontée à des problèmes de trésorerie récurrents. Pour le foncier nécessaire à la construction de l'immeuble, elle bénéficiait d'un prêt avec un report de jouissance de 3 mois. Elle ne pouvait voir son calendrier d'opérations décalé.

- en cas d'arrêt ou de report du programme immobilier, elle devait rembourser à la société VALORITY FRANCE , chargée de la commercialisation de 33 lots, la totalité de ses honoraires . La contrainte résultait également du risque élevé de refus des potentiels acquéreurs de signer , dans ces conditions , des contrats de réservation et du risque élevé de refus des réservataires de signer les actes de VEFA, ce qui aurait entraîner la paralysie du programme immobilier dont la livraison était prévue au cours du second trimestre 2012. Les impératifs de cette opération rendaient la société la Symphonie particulièrement vulnérable.

- les circonstances de la signature du protocole ont accentué la situation de contrainte économique : la signature a eu lieu le 30 juillet entre les parties, sans leurs conseils, la rédaction du protocole ayant été décidé en outre sans l'aval et contre l'avis de Maître A... formulé deux jours avant.

Sur la procédure abusive des époux D...

La demande d'une indemnité pour procédure abusive est maintenue sur le fondement de l'article 1382 du code civil et portée à 100 000 €. La demande de dommages et intérêts de la société LA SYMPHONIE n'est pas nouvelle en appel , seul le quantum a été majoré.

Les époux D... ont agi en exécution de la transaction dont ils n'ignoraient pas l'irrégularité alors qu'il étaient conscients de l'inexistence de troubles anormaux de voisinage liés au projet immobilier , de l'absence de dégradations de leurs conditions de vie et de l'absence de désordres affectant leur fonds causés par les travaux . Ils n'ignoraient pas qu'ils ne disposaient d'aucun motif sérieux pour agir en nullité du permis de construire. Ils ont présenté des demandes déraisonnables devant le juge de l'exécution et irrecevables devant le juge de la mise en état.

Ces motifs caractérisent amplement l'abus de droit.

Sur la demande de dommages et intérêts des époux D...

Cette demande nouvelle en appel est irrecevable.

Vu les conclusions du 5 mars 2018 de Monsieur et Madame X... D... qui demandent à la Cour

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article 1147 du Code civil,

Vu l'article 1998 du Code civil,

Vu les dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil,

Vu les articles 287 et suivants du Code de Procédure Civile,

Vu le protocole d'accord régularisé le 30 juillet 2010,

Vu les pièces versées aux débats,

1/ Confirmer purement et simplement le Jugement rendu le 20 mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de Nantes en ce qu'il a :

- Débouté la SARL LA SYMPHONIE de ses demandes ;

- Condamné la SARL LA SYMPHONIE à payer aux Epoux D... la somme de 195.000 €, avec intérêts au taux contractuel de 7 % l'an à compter du 1 er décembre 2011 ;

- Condamné la SARL LA SYMPHONIE à payer aux Epoux D... la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamné la SARL LA SYMPHONIE aux entiers dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire.

2/ Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL LA SYMPHONIE à payer aux Epoux D... la somme de 1 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Et statuant à nouveau :

3/ Condamner la SARL LA SYMPHONIE à payer aux Epoux D... la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Y additant :

4/ Condamner la SARL LA SYMPHONIE à payer aux Epoux D... la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en application des articles 2 et 3 du protocole d'accord régularisé le 30 juillet 2010, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

5/ Condamner la SARL LA SYMPHONIE à payer aux Epoux D... la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

6/ Condamner la SARL LA SYMPHONIE aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL CVS - Maître Benoît C..., Avocat aux offres de droits, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Monsieur et Madame D... font essentiellement plaider :

Sur le caractère bien fondé des demandes des époux D...

- La demande d'exécution du protocole d'accord du 30 juillet 2010 est bien fondée

- Sur l'argumentation de la société LA SYMPHONIE :

Monsieur Y... n'est pas novice en affaires et s'il n'avait pas entendu engager de discussions, il aurait opposé un refus clair aux époux D..., ce qu'il n'a pas fait. La société LA SYMPHONIE a pris des engagements en toute connaissance de cause . Le dirigeant a désavoué son conseil, a donné procuration à Monsieur Z... de signer le protocole d'accord et a commencé à l'exécuter. C'est seulement sur les conseils de son nouvel avocat que la société va faire machine arrière et décider de ne pas l'exécuter.

- Sur la procuration :

L'original de la procuration est versé aux débats. Elle est en tout point parfaite puisqu'elle est signée, datée et désigne son lieu d'établissement.

- La signature : après avoir contesté l'authenticité de la signature de Monsieur Y..., la société LA SYMPHONIE a finalement admis devant le juge de la mise en état qu'il 'semblait qu'il s'agisse de la signature de Monsieur Y...'. La signature figurant sur la procuration est bien celle de celui-ci ainsi qu'il ressort de la comparaison avec d'autres documents notamment les statuts de la société . Il n'a pas été sollicité de vérification d'écriture . Il s'agit bien d'une signature manuscrite originale.

Monsieur Z... n'avait aucun intérêt à 'fabriquer' une procuration pour signer une transaction pour le compte de la SARL LA SYMPHONIE qui n'a d'ailleurs pas déposé plainte pour faux à son encontre.

- La date : la société LA SYMPHONIE conclut à la nullité de la procuration sur la base d'un acte qu'elle a volontairement antidaté et qui résulte de sa seule faute. Elle ne peut donc s'en prévaloir.

Les époux D... ont été mis en face d'une procuration datée du 30 juillet et il appartient à la société LA SYMPHONIE si elle considère que cette date est impossible d'en rapporter la preuve. Seuls Monsieur Y... et Monsieur Z... qui ont signé l'acte sont en mesure de donner des éclaircissements sur les circonstances de sa signature. La falsificateur ne peut être que l'un d'eux.

A considérer que la date portée soit erronée, cette erreur matérielle est sans conséquence sur la validité même de l'acte . Les époux D... ignoraient que Monsieur Y... était en Turquie le 30 juillet 2010.

La procuration a nécessairement été établie avant la signature du protocole puisqu'elle y était annexée.

Les hypothèses avancées par la société La Symphonie sont invérifiables et sont contredites par les faits de l'espèce. La société La Symphonie n'a jamais formellement exprimé son refus de transiger, Maître A... n'a pas agi sur les instructions de Monsieur Y... ou de Monsieur Z... le 28 juillet 2010 et deux jours plus tard, Le premier a signé une procuration au profit du second afin de finaliser le protocole d'accord.

- En tout état de cause, la théorie de l'apparence doit bénéficier aux époux D.... Ces derniers ignoraient que Monsieur Y... était en Turquie, ils étaient uniquement informés de son absence qui pouvait être temporaire ou de courte durée.

Ils ignoraient donc que la date était 'impossible'. M. Z... leur avait affirmé qu'il n'était pas disponible pour le rendez vous de signature.

Monsieur Z... avait participé depuis le début à toutes les négociations aux côtés de M. Y... qui l'avait présenté comme son 'bras droit' . Il y avait eu des échanges entre lui et les époux D.... Et il disposait d'une adresse mail CAPCITY société mère et associée de la société LA SYMPHONIE laissant supposer un lien étroit avec celle-ci . Monsieur Z... signait tous ses mails ' Franck Z...' et revendiquait donc une appartenance à celle-ci sans être démenti par M Y....

Il y a une volonté affichée de tromper volontairement les interlocuteurs de Monsieur Z... avec la complicité de Monsieur Y... qui était en copie des mails.

Les époux D... ont pu légitimement croire au pouvoir de représentation de Monsieur Z... . Dans son courriel du 26 juillet 2010, celui ci s'inclut expressément dans la prise de décision. Seule la formalisation de l'accord devait être transmise au responsable juridique de la société CAPCITY. Monsieur Z... est domicilié au siège social de la la société CAPCITY dans la procuration.

Tous les éléments étaient réunis pour donner l'apparence d'un mandat régulier confié à Monsieur Z... par Monsieur Y....

- En application de la théorie de l'apparence, la SARL LA SYMPHONIE est réputée engagée . Elle n'a jamais contesté son engagement lorsqu'elle a été mise en demeure de payer, lorsque l'hypothèque provisoire a été inscrite et dénoncée . Elle n'a jamais déposé plainte contre son mandataire et a adressé au notaire les plans en vue de la formalisation de l'acte authentique de vente au profit de Monsieur D....

La société LA SYMPHONIE voulait faire croire à un accord aux époux D... afin qu'ils ne déposent pas un recours contre le permis de construire dans le délai légal.

* le mandataire pouvait valablement signer le protocole d'accord :

-la procuration stipule le pouvoir donné à Monsieur Z... d'exiger, s'il l'estime nécessaire, toutes justifications , se faire remettre tous titres et pièces.... Il appartenait à Monsieur Z... de signer le protocole au nom de la société LA SYMPHONIE 'sous les charges et conditions que le mandataire jugera utile'. La nature des préjudices était connue et établie. Ne restait que l'évaluation des préjudices.

- il n'ya pas de dépassement de pouvoir . L'indemnisation visait à dédommager les époux D... des préjudices liés à la démolition et à la construction des 60 nouveaux logements . La notion d'occupation est liée à celle de construction. La procuration et le protocole visent le même objet : il s'agissait d'indemniser les époux D... des inconvénients liés à l'occupation de l'immeuble en raison des vues directes sur la propriété , le jardin et la piscine., de la perte d'intimité.

L'anormalité du trouble de voisinage doit être examinée au cas par cas et relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. En l'espèce il y a création d'une résidence de 5 étages comptant 60 logements, érigée en limite de propriété des époux D....

La valorisation du préjudice s'est faite d'un commun accord entre les parties .

La perte de valeur de 200 000 € est corroborée par l'attestation notariée .

La transaction est causée.

Tout au plus, il y a une mauvaise exécution du mandat par Monsieur Z... qui relève des seuls rapports mandant/mandataire.

-le protocole a été régularisé afin de purger tout recours contre le permis de construire ce qui constitue sa seule motivation.

- de surcroît , la société LA SYMPHONIE a ratifié et confirmé à posteriori la procuration et le protocole en exécutant partiellement mais volontairement le protocole. La ratification peut être tacite.

Il y a eu commencement d'exécution ainsi qu'il résulte de la lettre de Maître B... et de la pose de garde corps non prévus au permis de construire.

* les cause de nullité intrinsèques invoquées par la société LA SYMPHONIE

- sur l'absence de nullité pour absence de cause

Les concessions des époux D... ressortaient de l'article 6 de la convention:

ils renonçaient à tout recours d'ordre privé et public en lien avec le programme immobilier et s'engageaient à acquérir un appartement de type T2 au sein du programme immobilier. Il y a bien réciprocité des concessions et des obligations des parties.

- sur l'absence de nullité en l'absence de violence économique

La violence résiderait selon l'appelante dans ' le délai avant que le juge administratif ne statue au fond'.

Les promoteurs se doivent d'établir le temps prévisionnel de la réalisation de l'opération en fonction de l'aléa d'un recours contre le permis de construire .

Monsieur Y... est un promoteur professionnel et il n'ignorait pas les difficultés que pouvait susciter son projet au regard de son implantation et de son ampleur et il lui appartenait de négocier des protocoles d'accord.

- l'emploi d'une voie de droit :

La preuve n'est pas rapportée d'un abus dans l'emploi d'une voie de droit des époux D... et de l'existence d'une violence économique : il ne peut être reproché aux époux D... de s'être désintéressés de toute procédure touchant à la réalisation du programme litigieux puisqu'au terme du protocole ils se sont engagés à n'en initier aucune. Ils ont respecté leurs engagements découlant du protocole.

La preuve d'un abus n'est pas rapportée. Les époux D... ont préservé leurs droits et respecté leurs engagements.

- l'existence d'une violence économique n'est pas démontrée.

-Le montant des indemnités fixées n'est pas exorbitant au regard du bénéfice encaissé par la société LA SYMPHONIE.

Le préjudice des époux D... est réel: il résulte de l'attestation notariée de Maître G... (perte de valeur du bien de 200 000 €), . Il est constitué par l'assombrissement résultant de la construction, la création de vues directes et plongeantes, des nuisances sonores provenant des terrasses et balcons. Ils n'ont pu jouir des espaces extérieurs de la maison durant toute l'année de démolition- reconstruction (1an ) et ont subi bruit, odeurs , poussières...

L'achat de l'appartement a été fait à un prix conforme au marché

- la preuve d'un prétendu échec de d'un recours contre le permis de construire n'est aucunement rapportée.

- la contrainte économique alléguée par la société LA SYMPHONIE n'est pas de la responsabilité des époux D... qui y sont étrangers. La société s'est placée seule dans cette situation de contraint économique liée à l'acquisition des terrains, aux conditions contractuelles qu'elle a négocié avec la société VALORITY, de la précipitation à commercialiser des lots avant l'obtention du permis de construire

- sur l'absence de nullité en l'absence de mandat spécial de Monsieur Z... pour violation des dispositions de la loi HOGUET

-La loi HOGUET n'est pas applicable en l'espèce.

Les conditions cumulatives de cette loi ne sont pas réunies : il ne s'agit pas de la vente du bien d'autrui puisque Monsieur Z... a des liens étroits et directs avec la société venderesse, Monsieur Z... ne se livre pas habituellement à des ventes, Monsieur Z... n'a ni carte , ni assurance professionnelle.

De plus , Monsieur Z... n'a pas agi dans le cadre d'une entremise mais dans le cadre d'une représentation .

Seules les règles du mandat issues du code civil sont applicables.

- à supposer que les règles de l'entremise soient applicables, elles n'auraient aucune incidence sur l'issue du présent litige . La demande de la société LA SYMPHONIE est prescrite. La transaction a été régularisée le 30 juillet 2010, la société LA SYMPHONIE devait agir avant le 30 juillet 2015 ( prescription de 5 ans) et elle n'a invoqué une violation de la loi que par conclusions du 23 mars 2017.

De plus l'exception de nullité ne peut pas être opposée puisque l'acte litigieux a reçu un commencement d'exécution . La nullité relative est couverte par une ratification ultérieure, par transmission des plans au notaire.

Cette nullité ne remettrait en cause que la vente conclue entre les parties et le reste du protocole demeurerait applicable.

Sur le non respect par la société LA SYMPHONIE de ses obligations au titre du protocole

Aucune des obligations du protocole n'a été respectée .

Il est sollicité la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la résistance abusive de la société LA SYMPHONIE dans l'exécution du protocole

Il est sollicité la somme de 15 000 €

Sur la demande de la société LA SYMPHONIE au titre de la prétendue procédure abusive des époux D...

La demande est irrecevable et infondée .

Aucune faute, aucun abus ou intention de nuire n'est démontrée.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé en application des dispositions des articles 455 et 954 du CPC à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité de la procuration du ' 30 juillet 2010 '

En cause d'appel, il n'est plus contesté que le signataire de la procuration pour la société LA SYMPHONIE est bien son gérant, Monsieur Y.... Reste en débat la date de la procuration.

La procuration comporte une date erronée puisque le 30 juillet 2010 Monsieur Y... justifie de ce qu'il n'était pas en France et de ce qu'il n'était donc pas en mesure de la signer à cette date qui correspond à celle du rendez vous de signature du protocole d'accord.

Pour autant, et ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, cette erreur de date n' affecte pas la validité du mandat donné par Monsieur Y... à Monsieur Z... en vue de la conclusion avec les époux D... d'un protocole indemnitaire .

De plus, il n'est pas démontré que les époux D... étaient informés de ce que Monsieur Y... était à cette date en Turquie et dans l'impossibilité de signer cette procuration, à laquelle ils étaient tiers, et ils font valoir à juste titre qu'ils ont légitimement pu croire que Monsieur Z... pouvait valablement représenter Monsieur Y... puisqu'il avait participé avec lui aux négociations, s'était présenté comme faisant partie de la société CAPCITY, associée de la société la SYMPHONIE, domicilié au siège social de la société CAPCITY, et comme étant, dans son mail en date du 26 juillet 2010, partie intégrante à l'acceptation de l'accord portant sur la proposition n°1, seule la formalisation de cet accord devant être réalisée par le responsable juridique de la société CAPCITY.

L'ensemble de ces éléments donnait assurément l'apparence d'un mandat régulier de représentation donné par Monsieur Y... au profit de Monsieur Z... sans que les époux D... aient à effectuer des vérifications complémentaires quant à son pouvoir de représentation de la société LA SYMPHONIE.

La demande de nullité de la procuration sera par conséquent rejetée.

Sur les demandes de nullité du protocole d'accord

* Sur l'étendue des pouvoirs du mandataire :

La société LA SYMPHONIE fait valoir au visa de l'article 1991 du code civil que Monsieur Z... a excédé les pouvoirs qui lui étaient donnés dans la procuration, d'une part en violant l'ordre des pouvoirs prévu par la transaction, d'autre part, en contractualisant un poste de préjudice non prévu dans la procuration, à savoir l'occupation des logements, et en y faisant également entrer l'éventuel contentieux relatif au permis de construire . Elle soutient ne pas être engagée par les actes accomplis sans pouvoir par son mandataire au visa de l'article 1998 du code civil.

-La violation de l'ordre des pouvoirs prévu dans la transaction est un moyen nouveau en appel au soutien de la demande de nullité de la transaction déjà formée en première instance. Il est recevable en application des dispositions de l'article 563 du CPC.

-Aux termes de la procuration en date du 30 juillet 2010 , la société La SYMPHONIE donne pouvoir à Monsieur Z... de :

' SIGNER sous les charges et conditions que le mandataire jugera convenables , tous protocoles visant à indemniser Monsieur et Madame D... des différents préjudices que vont subir ces derniers à l'occasion des opérations de démolition et de construction d'une ensemble immobilier de 60 logements sur différentes parcelles sises 133,135,137, Bld Schumann et [...]

EN CONSÉQUENCE,

EXIGER toutes justifications, se faire remettre tous titres et pièces et en donner décharge,

FAIRE toutes déclarations nécessaires notamment quant à son état civil et sa capacité...'

Contrairement à ce qui est allégué par la société LA SYMPHONIE , la remise de justificatifs n'est pas posée comme une condition préalable de la signature du protocole mais comme une conséquence de celle-ci et l'absence de justificatifs, à la supposer établie, constituerait tout au plus une inexécution du mandat par le mandataire, engageant la responsabilité de celui-ci à l'égard de son mandant conformément aux dispositions de l'article 1991 du code civil.

- S'agissant des postes de préjudices prévus dans la procuration, c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que le mandataire avait agi dans les limites de son pouvoir, les préjudices subis à l'occasion des opérations de démolition et de construction devant s'entendre comme l'ensemble des préjudices découlant de l'opération de construction en ce compris l'occupation des logements .

De même, toutes les pièces du dossier démontrent que l'objectif de la transaction était de mettre fin à tout litige avec les époux D... afin qu'ils ne déposent pas de recours contre le permis de construire, recours incompatible avec les impératifs financiers de l'opération immobilière, ainsi qu'il ressort des écritures de la Société LA SYMPHONIE . Cette dernière ne peut donc sérieusement soutenir que l'éventuel contentieux relatif au permis de construire ne faisait pas partie du champs contractuel.

* Sur le défaut de cause lié à l'absence de réciprocité des concessions

Une transaction implique l'existence de concessions réciproques des parties.

En l'espèce, la société LA SYMPHONIE s'est engagée dans le cadre du protocole à verser à Monsieur et Madame D... la somme de 195 00 €, à titre de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices afférents à l'opération de construction, à réaliser le rehaussement de deux murs et à poser des garde corps opaques sur les balcons du 3ème étage (articles 1 à 3, 5 du protocole), tandis que les époux D... se sont engagés à acquérir dans la cadre d'une VEFA un appartement T2 moyennant un prix de 150 000 € et ont renoncé à tout recours contentieux ou gracieux dans le cadre du projet immobilier ayant donné lieu à la délivrance du permis de construire du 15 juin 2010 ( articles 4 et 6 du protocole).

Il y a donc bien réciprocité des concessions et l'obligation de la société La Symphonie est causée.

* Sur la violation de la loi HOGUET en l'absence de mandat spécial de Monsieur Z...

L'exception de nullité tirée de la violation de la loi HOGUET ayant un caractère perpétuel , aucun moyen de prescription ne peut être opposé par les intimés.

Pour autant, Monsieur Z..., en signant le protocole d'accord comportant notamment la vente du lot n°27 au profit des époux D..., n'a pas agi dans la cadre d'une entremise mais dans le cadre du mandat de représentation de la société LA SYMPHONIE. Dés lors, seules les règles du mandat sont applicables et non les règles propres au mandat des agents immobiliers issues de la loi du 2 janvier 1970.

* Sur la violence économique

- La société LA SYMPHONIE affirme que le recours des époux D... contre le permis de construire de l'opération immobilière n'était pas fondé et leur menace abusive sans aucun élément de preuve.

- S'agissant de la violence économique alléguée, la preuve du caractère exorbitant des indemnités fixées dans le protocole n'est établie ni au regard de l'importance de l'opération immobilière réalisée et des bénéfices escomptés de celle-ci par la société LA SYMPHONIE , ni au regard des préjudices subis par les époux D... dont la réalité n'est pas contestable compte tenu des multiples nuisances liées à l'implantation des constructions, de l'ampleur et de la durée des travaux, et des troubles de jouissance liés notamment aux nuisances visuelles et sonores . La perte de valeur de leur propriété à hauteur de 200 000 € consécutivement à l'opération immobilière est également attestée par Maître G..., notaire , attestation de valeur qui est critiquée mais non utilement contestée par la société LA SYMPHONIE , qui ne produit pas d'autre estimation.

Quant aux contraintes économiques , elles sont inhérentes à toute opération de promotion immobilière et, Monsieur Y..., en sa qualité de professionnel de l'immobilier, ne pouvait les ignorer. Les conditions tant financières que de commercialisation du programme ont été définies exclusivement par la société La Symphonie et elles sont étrangères aux époux D....

Aucune violence économique n'est démontrée.

Les demandes de nullité du protocole seront rejetées, par voie de confirmation.

Sur la demande de condamnation de la société LA SYMPHONIE à exécuter le protocole d'accord

C'est par des motifs pertinents qui méritent adoption que les premiers juges ont fait droit à cette demande .

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La demande est fondée dans son principe et il sera alloué aux époux D... à ce titre la somme de 5 000 € par voie de réformation.

Sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution du protocole

Les époux D... font valoir qu'aucune disposition du protocole n'a été exécutée et qu'en particulier les rehaussements des murs prévus aux articles 2 et 3 n'ont pas été réalisés, qu'il était prévu dans le protocole une indemnisation de 10 000 € par rehaussement non réalisé.

Cette demande est nouvelle en appel et irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du CPC .

De plus , elle est infondée puisque le versement des dommages et intérets n'est prévu aux termes du protocole que dans l'hypothèse de la non obtention des autorisations administratives nécessaires à la réalisation des rehaussements

La demande sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SARL La SYMPHONIE pour procédure abusive

En conséquence de la décision prise au principal, cette demande sera rejetée par voie de confirmation.

Sur les autres demandes

Les condamnations au titre des dépens et des frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

Partie succombante, la société La Symphonie sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du CPC.

La société La Symphonie sera condamnée à payer aux époux D... la somme de 6 000 € de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire

CONFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a octroyé aux époux D... la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Statuant à nouveau et y additant

Condamne la société La SYMPHONIE à payer à Monsieur et Madame D... la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Rejette la demande de dommages et intérêts en application des articles 2 et 3 du protocole,

Rejette les surplus des demandes,

Condamne la société La SYMPHONIE à payer à Monsieur et Madame D... la somme de 6 000 € au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société La SYMPHONIE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC au profit des avocats qui le demandent.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15/07073
Date de la décision : 06/09/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 04, arrêt n°15/07073 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-06;15.07073 ?
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