3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 303
N° RG 16/00033
Société BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST (BPGO)
C/
SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Preneux
Me Vince
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Président : M. Pierre CALLOCH, Président,
Assesseur : Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, rapporteur
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Mai 2018
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 04 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST venant aux droits de la Banque Populaire Atlantique, société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, immatriculée au RCS de Rennes sous le n° 857 500 227, agissant en la personne de son président du conseil d'administration, domicilié en cette qualité au siège. [...]
Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Astrid BAILLEUX substituant Me Jacques-Yves COUETMEUR de la SCP CADORET TOUSSAINT DENIS & ASSOCIES, plaidant, avocats au barreau de SAINT-NAZAIRE
INTIMÉE :
SA CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 347 951 204, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège : [...]
Représentée par Me Sébastien VINCE substituant Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, plaidant/postulant, avocats au barreau de NANTES
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 9 décembre 1999, la société MBH a conclu une convention cadre de cession de créances professionnelles avec la Banque Populaire Bretagne Atlantique (la BP). La société Chantiers de l'Atlantique, spécialisée dans la construction navale, lui ayant confié différents marchés portant sur la réalisation de baies vitrées, toits ouvrants et robots sur les navires C32, D32, G32, H32, K32 et L32, la société MBH a cédé, selon bordereaux de cession de créances professionnelles à la BP les créances représentées par les factures suivantes:
- le 14 juin 2002, facture n° 020522 d'un montant de 62 690 euros à échéance au 10 septembre 2002 ;
- le 3 juillet 2002, factures n° 020616 d'un montant de 25 954 euros et 020618 d'un montant de 7 295,60 euros à échéance au10 octobre 2002 ;
- le 1er août 2002, factures n° 020716 d'un montant de 22 994,90 euros, 020718 d'un montant de 32 266,50 euros, 020720 d'un montant de 28.961,70 euros et 020721 d'un montant de 29 567,60 euros, à échéance au 31 octobre 2002 ;
- le 4 septembre 2002, factures n° 020803 d'un montant de 55.187,76 euros, 020804 d'un montant de 12 146,47 euros et 020805 d'un montant de 12.230,91 euros, à échéance au 10 décembre 2002.
Le 2 octobre 2002, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert le redressement judiciaire de la société MBH, cette procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 25 juin 2003. La BP a déclaré, le 16 octobre 2002, une créance totale de 769 637,40 euros, rectifiée le 3 novembre 2003, comportant au titre des cessions Loi Dailly une créance totale au 25 juin 2003 de 226 620,09 euros.
Par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 11 mars 2003, 29 octobre 2003, 21 novembre 2003, 16 février 2004 et 14 juin 2004, la BP rappelait à la SA Chantiers de l'Atlantique la notification des cessions de créances opérées à son profit et la mettait en demeure de payer le solde restant dû à ce titre ainsi que de s'expliquer sur le détail de ses virements.
Les 4 et 24 août 2004, la BP a fait assigner la société Chantiers de l'Atlantique devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire en paiement de la somme de 289.295,44 euros. Menacée de se voir opposer la péremption de la procédure, elle a, le 28 juillet 2008, réitéré son assignation en paiement. Par jugement du 27 octobre 2010, les parties ayant exprimé le souhait d'engager une discussion transactionnelle, le tribunal a, à leur demande conjointe, sursis à statuer.
La BP ayant le 24 septembre 2012 saisi le tribunal de commerce de Saint-Nazaire de conclusions de reprise d'instance, cette juridiction a, par jugement du 23 décembre 2015, dit que le jugement du 27 octobre 2010 ordonnant un sursis à statuer n'avait pas interrompu le délai de péremption et accueilli l'exception de péremption d'instance opposée par la défenderesse.
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La société Chantiers de l'Atlantique a confié à différentes reprises à la société Fabrication Gaines Aéraulique (la société FGA), avec laquelle elle avait conclu un accord de partenariat le 20 février 2003, la réalisation de réseaux de gaines de ventilation sur ses navires. Le 16 décembre 2004, elle lui a passé une commande n°225056 portant sur des gaines de ventilation à réaliser sur le navire Q32 pour un prix de 375 670 euros. Selon la société Chantiers de l'Atlantique, une nouvelle commande en date du 21 avril 2005 a été passée au profit cette fois du navire P32 pour un montant initial de 309038 euros, le marché correspondant n'étant cependant pas versé aux débats.
La société FGA a, le 29 septembre 2005, cédé à la BP, par bordereau de cession de créances professionnelles, les créances représentées par les factures suivantes :
- facture n° FA 0531130 émise le 28 septembre 2005, d'un montant de 4.950,16 euros, à échéance au 10 décembre 2005, se rapportant au navire Q 32 et portant comme libellé ' fourniture de réseaux de gaines' ;
- facture n° FA 0531131 émise le 28 septembre 2005, d'un montant de 40.182,22 euros, à échéance au 10 décembre 2005, se rapportant au navire P32, et portant également comme libellé 'fourniture de réseaux de gaines'.
Le 22 juin 2005, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a ouvert le redressement judiciaire de la société FGA, cette procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 5 octobre 2005.
Le 22 décembre 2005, la BP mettait vainement en demeure la société Chantiers de l'Atlantique de lui régler la somme de 45 132,38 euros, cette mise en demeure étant réitérée le 30 novembre 2006.
Par acte du 13 mars 2008, la BP a fait assigner la société Chantiers de l'Atlantique devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire en paiement de la somme de 45.132,38 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2006 et capitalisation des intérêts. L'affaire a été retenue à l'audience du 13 octobre 2010 où les deux parties ont sollicité un sursis à statuer qui a été prononcé par jugement du 27 octobre 2010.
La BP ayant le 24 septembre 2012 saisi le tribunal de commerce de Saint-Nazaire de conclusions de reprise d'instance, cette juridiction a, par jugement du 23 décembre 2015, dit que le jugement du 27 octobre 2010 prononçant un sursis à statuer n'avait pas interrompu le délai de péremption de l'instance et accueilli l'exception de péremption opposée par la défenderesse.
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La BP ayant relevé appel de ces deux jugements, la jonction des procédures a été ordonnée par le conseiller de la mise en état le 18 février 2016.
Dans ses dernières écritures, la Banque populaire Grand Ouest (la BPGO), venant aux droits de la BP, demande à la cour d'infirmer les deux jugements rendus le 23 décembre 2015 sauf en ce que la jonction des instances 2008-00280 et 2008-00598 a été ordonnée et, conformément aux dispositions des articles L313-23 et suivants du code monétaire et financier et des dispositions de l'article 1146 et 1147 du code civil, de :
- condamner la société Chantiers de l'Atlantique à lui payer la somme de 45132,38 euros outre intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2006,
- condamner la société Chantiers de l'Atlantique à lui payer la somme de 281999,84 euros outre intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2003,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus par année entière en application de l'article 1154 du code civil,
- condamner la SA Chantiers de l'Atlantique à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la débouter de ses demandes.
La société Chantiers de l'Atlantique conclut à la confirmation des deux jugements rendus le 23 décembre 2015 et en conséquence, in limine litis, demande à la cour de :
- dire et juger que les décisions de sursis à statuer du 27 octobre 2010 n'ont pas interrompu le délai de péremption,
- dire et juger que plus de deux ans se sont écoulés entre le 9 février 2010, date des dernières conclusions pouvant interrompre la péremption, et les conclusions officialisées par la BP le 24 septembre 2012 (dossier FGA),
- dire et juger que plus de deux ans se sont écoulés entre le 13 octobre 2009, date des dernières conclusions pouvant interrompre la péremption, et les conclusions officialisées par la BP le 24 septembre 2012 (dossier MBH),
- dire et juger l'action de la BP prescrite.
A titre subsidiaire, la société Chantiers de l'Atlantique conclut à l'inopposabilité de la cession de créances Dailly et au rejet en conséquence de toutes les demandes de la BP.
A titre très subsidiaire, elle demande de dire que les droits de la BP se limitent à la somme de 2 260,67 euros au titre de la facture 0531130 et qu'elle ne doit rien au titre de la facture FGA 0531131 et de débouter la BP de toutes ses autres demandes.
Elle sollicite la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par la BP le 16 janvier 2018 et par la société Chantiers de l'Atlantique le 30 mai 2016.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur l'exception de péremption des deux instances
La société Chantiers de l'Atlantique soulève la péremption de chacune des instances litigieuses en faisant valoir que les jugements du 27 octobre 2010 ordonnant, à la demande conjointe des parties, un sursis à statuer afin de leur permettre d'engager une discussion transactionnelle sans risquer de se voir opposer la péremption de l'instance n'a pas eu d'effet suspensif au sens de l'article 378 du code de procédure civile dans la mesure où ils n'ont précisé ni la durée du sursis à statuer accordé, ni l'événement dont la survenance en constituerait le terme.
La BP reconnaît que les jugements du 27 octobre 2010 n'ont pas eu d'effet suspensif du délai de péremption mais soutient que ces jugements, tout comme les audiences de plaidoirie contradictoires du 13 octobre 2010 ayant abouti à la décision avant-dire droit, ont eu un effet interruptif du délai de péremption, lequel a ensuite été suspendu pendant le cours du délibéré. Elle en déduit qu'un nouveau délai de péremption de deux ans a commencé à courir à compter des jugements rendus le 27 octobre 2010 lequel a été valablement interrompu par les conclusions de reprise d'instance notifiées et enregistrées au greffe du tribunal le 24 septembre 2012.
En effet, s'il est constant qu'une simple demande de renvoi informelle de l'audience n'interrompt pas le délai de péremption de l'instance, tel n'est pas le cas d'une audience de plaidoirie contradictoire suivie d'un jugement avant-dire droit accueillant la demande conjointe des parties, laquelle manifestait leur volonté de poursuivre la procédure en lui donnant une impulsion processuelle par l'examen préalable amiable et contradictoire du bien-fondé des multiples moyens de fait opposés par la société cédée se disant confrontée, dans chacune des procédures, à de multiples actions directes de sous-traitants ayant participé à l'exécution de marchés conclus par elle avec les créanciers cédants. Cette demande de sursis à statuer ne révélait aucun désintérêt des parties pour chacune des procédures en cause mais au contraire traduisait leur commune volonté de ne soumettre à la juridiction qu'un litige circonscrit aux difficultés de droit et de fait pertinentes et sérieuses afin d'en favoriser un règlement plus rapide et plus efficace dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Il s'ensuit que le délai de la péremption d'instance a été interrompu par les demandes des parties à l'audience de plaidoirie du 13 octobre 2010 et n'a recommencé à courir qu'à compter du jugement contradictoire du 27 octobre 2010 de sorte que l'exception de péremption soulevée par la société Chantiers de l'Atlantique n'est pas fondée et qu'en conséquence, la prescription de l'action en paiement n'est pas encourue.
Sur l'opposabilité des cessions de créance
La société Chantiers de l'Atlantique soutient, sans en justifier, que la société FGA aurait cédé les deux créances en litige sans avoir reçu l'autorisation préalable du juge-commissaire. Mais cette cession constituait un acte de gestion dont elle n'a en toute hypothèse pas qualité pour demander l'annulation, laquelle ne la libérerait pas de son obligation à paiement de sa dette. Le moyen est dès lors dépourvu de sérieux.
Il résulte de l'article L313-27 du code monétaire et financier que la cession est opposable au débiteur cédé à la date du bordereau de cession, nonobstant l'absence de notification, sauf à celui-ci à démontrer avoir réglé de bonne foi son ancien créancier dans l'ignorance de la cession intervenue. Il appartient dès lors à la société intimée de prouver qu'elle s'est valablement libérée de son obligation de payer les créances représentées par les factures cédées entre les mains du créancier cédant ou, le cas échéant, de tiers bénéficiant de droits prioritaires sur la créance.
En l'espèce, la société Chantiers de l'Atlantique produit en pièce 42 copie des trois premiers bordereaux de cession de créances professionnelles consenties par la société MBH à la BP, ce qui démontre que la cession de ces créances lui a bien été notifiée même si l'exemplaire qu'elle produit ne porte pas la date de la cession. Devant les premiers juges elle admettait également la réception de la notification du quatrième bordereau. Or même à supposer que l'exemplaire produit soit celui notifié par le cessionnaire et non par le cédant, ceci révèle sa connaissance de la cession dès la réception de ces documents. En outre, la preuve de la notification des cessions en cause avant la date d'échéance des factures objet des bordereaux des 3 juillet et 1er août 2002 est également apportée par le paiement à la BP de deux factures qui faisaient l'objet des dits bordereaux.
D'ailleurs, mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 11 mars 2003, reçue le 13 mars suivant, de payer les factures cédées dont les factures litigieuses précisément individualisées, la société Chantiers de l'Atlantique n'a, malgré les multiples réclamations postérieures de la banque et sa première assignation en paiement du 4 août 2004, jamais fait connaître les raisons qui s'opposeraient à leur paiement, ne contestant ni l'existence des créances, ni leur absence de paiement.
La notification du bordereau de cession de créances consentie par la société FGA est quant à elle attestée par la copie de l'accusé de réception signé par le débiteur cédé portant l'objet et le montant cumulé des factures cédées, rien ne rattachant cet accusé de réception à un envoi étranger à cette notification.
Le moyen tiré de l'inopposabilité des cessions de créances n'est dès lors pas fondé.
Sur l'assiette du recours des sous-traitants exerçant l'action directe
La société Chantiers de l'Atlantique soutient avoir effectué directement des paiements à des sous-traitants exerçant l'action directe sans préciser toutefois les marchés au titre desquels ces actions directes ont été exercées.
Or les articles 1er, 12 et 13 de la loi du 31 décembre 1975 ne confèrent d'action directe au sous-traitant que sur les sommes dues au titre du contrat d'entreprise dont l'exécution lui a été confiée. L'assiette de cette action ne s'étend pas aux sommes susceptibles d'être dues par le maître de l'ouvrage au même entrepreneur au titre d'autres marchés. Le maître de l'ouvrage ne peut donc se prévaloir, pour s'opposer à la demande en paiement du cessionnaire d'une créance, de paiements qu'il aurait effectués à des sous-traitants intervenus pour réaliser des prestations objet de contrats distincts du marché servant de fondement à la créance dont le paiement lui est réclamé.
Sur la demande de condamnation à paiement des créances cédées par la société MBH
La société MBH a cédé à la BP, selon bordereau de cession de créances professionnelles, les créances détenues sur la SA Chantiers de l'Atlantique représentées par les factures suivantes:
- le 14 juin 2002, une facture n°020522 d'un montant de 62 690 euros à échéance au 10 septembre 2002 (pièce 17 et 23), facture jointe à la déclaration de créance rectifiée (pièce 22) ;
- le 3 juillet 2002, trois factures dont les factures 020616 d'un montant de 25954 euros et 020618 d'un montant de 7 295,60 euros à échéance au10 octobre 2002 ;
- le 1er août 2002, cinq factures dont les factures n° 020716 d'un montant de 22994,90 euros, 020718 d'un montant de 32 266,50 euros, 020720 d'un montant de 28.961,70 euros et 020721 d'un montant de 29 567,60 euros, à échéance au 31 octobre 2002 ;
- le 4 septembre 2002, trois factures n° 020803 d'un montant de 55.187,76 euros, 020804 d'un montant de 12 146,47 euros et 020805 d'un montant de 12.230,91 euros, à échéance au 10 décembre 2002.
La société Chantiers de l'Atlantique prétend ne pas avoir été destinataire de la facture n° 020522 d'un montant de 62 690 euros à échéance au 10 septembre 2002, cédée le 14 juin 2002. Cette facture portait sur le deuxième terme de paiement de la commande de toit vitré pour le navire G32, lequel était fixé conventionnellement à 10% du total du marché s'élevant à 626 900 euros HT et exigible à l'approbation des plans conformément au contrat daté du 12 juillet 2001 portant les références HA-EM/V-148003 (pièce 17 et 23 de la BP). Selon les énonciations non critiquées de la facture, elle remplaçait une précédente facture du 31 janvier 2002. Si la date de la notification de la cession n'est pas établie, il ressort de la lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mars 2003 que la société débitrice a eu connaissance à cette date de la cession litigieuse. Or à l'occasion des nombreux rappels, elle n'a jamais contesté l'existence du dit marché, admettant au contraire dans ses écritures avoir commandé des prestations correspondant à l'objet de la facture portant sur le marché afférent au navire G32. Elle n'a pas non plus contesté les modalités de paiement reproduites dans la facture litigieuse. Elle n'a pas davantage soutenu que les prestations facturées, qui incombaient à la société MBH personnellement, n'avaient pas été effectuées ou avaient été payées avant la lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mars 2003. La preuve de la créance étant établie par la facture précise et détaillée produite par la banque, il appartient à la société débitrice de démontrer qu'elle s'en est valablement libérée avant d'avoir reçu la notification de la cession, ce qu'elle ne fait pas puisque de son argumentation, il se déduit que cette facture n'a jamais été prise en compte dans sa comptabilité. Les demandes en paiement émanant de sous-traitants ne concernent pas non plus ce marché. La demande de condamnation à paiement sera en conséquence accueillie.
Le bordereau de cession de créances professionnelles du 3 juillet 2002 porte sur trois factures dont deux ont été réglées. Seule demeure en litige la facture 020616 pour un montant de 25 954 euros (pièce 48 des Chantiers de l'Atlantique). Cette facture se rapporte à une commande HA-SC/B-168459 du 27 juin 2002 d'un montant de 129 770 euros dont elle constituait le premier terme de paiement représentant 20 % du total du marché dont l'objet était : 'Rails provisoires modules roulants G32". Mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mars 2003, reçue le 13 mars suivant, de payer les factures cédées au rang desquelles figurait la facture litigieuse précisément individualisée, la société Chantiers de l'Atlantique n'a, malgré les multiples interrogations de la banque, jamais indiqué les raisons qui s'opposeraient au paiement de cette créance (pièce 25).
La société Chantiers de l'Atlantique soutient avoir payé directement les prestations en cause à la société CTS, sous-traitant qui aurait été en charge de la pose des rails provisoires sur le navire G32, à concurrence de la somme de 85.000 euros H.T. Mais elle ne produit aucune pièce justificative attestant de la conclusion d'un contrat de sous-traitance soumis à son agrément relativement au marché HA-SC/B-168459 du 27 juin 2002, d'une action directe exercée par la société CTS à son encontre et du paiement à celle-ci de prestations commandées dans le cadre du dit marché. Elle ne démontre pas dès lors s'être valablement libérée de sa dette de sorte que la demande de la banque sera accueillie.
Suivant bordereau du 1er août 2002, cinq factures à échéance au 31 octobre 2002 ont été cédées à la BP dont seule la première a été réglée. La banque réclame en conséquence le paiement de quatre factures d'un montant cumulé de 113 790,70 euros (pièces 48 à 52) portant les numéros :
020716 d'un montant de 22 994,90 euros (baies vitrées pour le navire H32),
020718 d'un montant de 32.266,50 euros, (baies vitrées ; coupe vents pour le navire G32),
020720 d'un montant de 28.961,70 euros (maintenance extérieure pour le navire K32),
020721 d'un montant de 29 567,60 euros (maintenance extérieure pour le navire L32).
La société Chantiers de l'Atlantique soutient que le libellé des factures démontre qu'elles correspondent à des travaux réalisés par des sous-traitants et non par la société MBH elle-même mais cet argument est inopérant dès lors que ceci ne démontre l'exercice d'une action directe de leur part couronnée de succès.
Elle prétend que ces prestations ont été réglées à des sous-traitants exerçant l'action directe, à savoir :
- le 4 octobre 2002, à la société Vigor Seux (V/S) pour un montant de 113.933,65 euros (pièce 54),
- le 8 octobre 2002, à la société JVM Metal Works pour un montant de 43125,37 euros (pièces 55 à 58).
Mais selon sa pièce 54, la créance de la société Vigor Seux se rapportait à des prestations exécutées sur le marché portant sur les structures du navire H32. De même, l'action directe exercée par la société JVM Metal Works concernait le paiement de prestations effectuées en sous-traitance sur le navire H32 selon le courrier émis le 6 décembre 2002 par la société Chantiers de l'Atlantique (pièce 58). Or seule la facture 020716 d'un montant de 22 994,90 euros (baies vitrées pour le navire H32) selon marché HA-EM/V-153309/1 du 28 septembre 2001 se rapporte à ce marché. La société Chantiers de l'Atlantique justifie avoir effectué le 27 novembre 2002 le paiement de la somme de 89 546,92 euros à la société Vigor Seux et le 4 décembre 2002 le paiement d'une somme de 15605,41 euros à la société JVM Metal Works, des créances non encore exigibles de ces deux sociétés ayant également été réglées par lettres de change à terme. En conséquence, la demande en paiement de cette facture 020716 d'un montant de 22 994,90 euros sera rejetée, le débiteur cédé justifiant s'en être valablement acquitté entre les mains d'un sous-traitant exerçant une action directe dont le caractère prioritaire n'est pas discuté.
En revanche, il n'est justifié d'aucune action directe exercée par des sous-traitants à qui auraient été confiées des prestations sur les marchés portant sur les navires G32, K32 et L32 de sorte que la demande en paiement de la banque afférentes aux créances cédées relatives à ces marchés sera accueillie à concurrence de la somme cumulée de 90.795,80 euros.
Le bordereau de cession de créances professionnelles du 4 septembre 2002 (pièce 20) porte sur trois factures émises le 30 août 2002 se rapportant à trois marchés distincts, la facture n° 020803 d'un montant de 55.187,76 euros (baies vitrées pour le navire H32), la facture n° 020804 d'un montant de 12.146,47 euros (rails provisoires modules roulants G32) et la facture n° 020805 d'un montant de 12.230,91 euros (toit ouvrant + baies latérales pour le navire D32), toutes trois à échéance au 10 décembre 2002.
Aux actions directes exercées par les sociétés Vigor Seux et JVM Metal Works portant sur des prestations réalisées sur le navire H32 s'ajoute l'action directe exercée par la société Sivaq le 8 octobre 2002 pour un montant de 117 038,37 euros TTC portant également sur des prestations effectuées au profit du navire H32 mais la société Chantiers de l'Atlantique ne justifie pas avoir réglé ce sous-traitant. Cependant les paiements qu'elle justifie avoir effectués au profit des deux premiers sous-traitants étant intervenus sur le navire H 32 se sont élevés à un total de 155 059,02 euros tandis que les factures cédées à la banque se rapportant au même marché au titre de prestations réalisées pendant la même période s'élèvent à 78 182,66 euros ( 55.187,76 euros + 22 994,90) de sorte que la banque ne démontre pas l'existence d'une créance non réglée aux sous-traitants au titre de la facture n° 020803 d'un montant de 55.187,76 euros.
La société Chantiers de l'Atlantique n'établit pas avoir réglé une somme quelconque à la société Formasoud (pièce 66) dont elle ne produit ni la facture, ni la commande pourtant jointe par cette société à sa demande du 11 octobre 2002. Elle ne démontre pas dès lors s'être valablement acquittée entre ses mains du paiement des créances cédées à la banque se rapportant aux marchés conclus au profit des navires G32 et D32.
La société Chantiers de l'Atlantique n'établit pas davantage avoir réglé une somme quelconque à la société Cholet Cablage dont elle ne communique ni les factures, ni les commandes pourtant jointes par cette société à sa notification du 4 octobre 2002 (pièce 64). Elle ne démontre pas dès lors s'être valablement acquittée entre ses mains du paiement des créances qui lui sont réclamées par la BP se rapportant aux marchés conclus au profit des navires G32 et D32.
Enfin la société Chantiers de l'Atlantique n'établit pas avoir réglé une somme quelconque à la société Ateliers de peinture nazairiens à la suite de sa demande de paiement direct émise le 3 octobre 2002 (pièce 63) . Elle ne démontre pas dès lors s'être valablement acquittée du paiement des créances qui lui sont réclamées au titre des marchés portant sur les navires G32 et D 32. La demande de la banque cessionnaire sera en conséquence accueillie à concurrence de la somme de 24 377, 38 euros.
Le montant total de la créance justifiée de la banque s'élève donc à la somme de 203 817,18 euros, montant en cohérence bien qu'inférieur à celui porté sur la déclaration de créance, soit 226 620,09 euros.
Sur la demande de condamnation à paiement des créances cédées par la société FGA
La société Chantiers de l'Atlantique a, le 16 décembre 2004, passé à la société FGA une commande n°225056 portant sur des gaines de ventilation à réaliser sur le navire Q32 pour un prix de 375 670 euros. La société Chantiers de l'Atlantique fait état d'une autre commande en date du 21 avril 2005 passée au profit cette fois du navire P32 pour un montant initial de 309038 euros.
La société FGA a, par bordereau de cession daté du 29 septembre 2005, cédé à la BP, les créances représentées par les factures suivantes :
- facture n° FA 0531130 émise le 28 septembre 2005, d'un montant de 4.950,16 euros, à échéance au 10 décembre 2005, se rapportant au navire Q 32 et portant comme libellé 'fourniture de réseaux de gaines' ;
- facture n° FA 0531131 émise le 28 septembre 2005, d'un montant de 40.182,22 euros, à échéance au 10 décembre 2005, se rapportant au navire P32, et portant également comme libellé 'fourniture de réseaux de gaines'.
La BP verse aux débats l'accusé de réception d'une lettre reçue par la société Chantiers de l'Atlantique le 6 octobre 2005 portant mention de l'objet des factures et du montant total des créances cédées, soit 45 132 euros. Elle établit ainsi la preuve de la notification du bordereau de cession de créance.
Pour s'opposer au paiement de la facture n° FA 0531130 du 28 septembre 2005 d'un montant de 4.950,16 euros, se rapportant à des prestations réalisées sur le navire Q 32, la société Chantiers de l'Atlantique soutient qu'elle a réglé ce montant à la société Alpi Ouest, sous-traitante, qui avait exercé une action directe le 4 octobre 2005.
Il est établi que la société Alpi Ouest a émis au mois de septembre 2005 six factures à l'adresse de la société FGA pour un montant cumulé de de 13.589,99 euros TTC (factures communiquées en pièces 33 à 38). Les bons de commande de ces travaux sont communiqués par la société Chantiers de l'Atlantique en pièce 27 (correspondant à la facture de 4 067,68 euros), 28 (correspondant à la facture de 2632,70 euros), 29 (correspondant à la facture de 527,79 euros), 30 (correspondant à la facture de 3 023,97 euros), 31 (correspondant à la facture de 509,21 euros), 32 (correspondant à la facture de 2828,64 euros).
Même si les marchés principaux correspondant à ces travaux de peinture n'étaient pas précisés dans les dits documents, la banque ne remet pas en cause la ventilation des prestations par navire telle qu'effectuée par le sous-traitant le 7 octobre 2005 (pièce 41). Il en résulte que les prestations correspondaient pour la somme de 5 648,85 euros TTC à des prestations réalisées au profit du marché portant sur le navire Q 32.
Cependant, la société Chantiers de l'Atlantique ne justifie ni du paiement de cette somme au sous-traitant, ni du fait, à supposer ce paiement réalisé, qu'il absorbait l'intégralité des sommes dues à la société FGA au titre du marché en cause. Au contraire, elle soutient dans ses écritures page 21 qu'elle devait à la date de l'exercice de l'action directe une somme de 86.318,09 euros au titre du marché portant sur le navire Q 32. Or l'action directe concernant ce marché ne portait que sur la somme de 5 648,85 euros. Elle ne démontre pas dès lors s'être valablement libérée du paiement de sa dette, les imputations ne s'effectuant pas contrairement à son raisonnement facture par facture mais sur le montant des sommes restant dues à l'entrepreneur principal au titre du marché en cause.
Pour s'opposer au paiement de la facture n° FA 0531131 d'un montant de 40.182,22 euros, la société Chantiers de l'Atlantique soutient avoir, en vertu d'un accord dont elle ne démontre pas l'existence, commandé et payé à un fournisseur, la société Chaillous, une facture d'un montant de 13 928,34 euros TTC se rapportant à des fournitures livrées à la société FGA pour l'exécution de ses prestations à réaliser sur le navire P 32, fournitures que celle-ci lui aurait néanmoins facturées. Mais son argumentation qu'elle n'avait jamais avancée avant l'introduction de la procédure judiciaire, ne repose sur aucune pièce probante. En effet, elle produit uniquement une facture datée du 30 septembre 2005, postérieure à la facture n° FA 0531131, que rien ne permet de mettre en relation avec la facture cédée, les quantités et qualités de tôles galvanisées étant différentes et rien ne démontrant que ces fournitures livrées à une date non précisée, en exécution d'un bon de commande non produit, avaient pour objet la réalisation des prestations commandées à la société FGA selon marché n°233727 et étaient destinées au navire P32. Pourtant, il est évident que si la société Chantiers de l'Atlantique avait accepté de se substituer partiellement à la société FGA pour la commande des fournitures nécessaires à l'exécution du dit marché, elle n'aurait pas manqué de se procurer une preuve écrite de cet accord et de conclure un avenant au marché, ce dont elle ne justifie pas. Le fournisseur de marchandises, qui n'a pas la qualité de sous-traitant, ne peut non plus se prévaloir de l'exercice d'une action directe, a fortiori alors que le contrat en cause a été conclu avec le maître de l'ouvrage et non avec l'entrepreneur principal.
La société Chantiers de l'Atltantique soutient également avoir acquiescé à l'action directe du sous-traitant Alpi Ouest portant sur des prestations réalisées au profit du navire P32 pour un montant de 7 933,28 euros TTC selon la ventilation opérée par ce sous-traitant. Mais ainsi qu'il l'a déjà été souligné, la société Chantiers de l'Atlantique, en dépit du temps écoulé, n'a toujours pas justifié du paiement prétendument opéré au profit de ce sous-traitant. En outre, elle soutient dans ses écritures devoir à l'entrepreneur principal une somme de 82 590,03 euros au titre de ce chantier de sorte que l'action directe du sous-traitant limitée à 7 933,28 euros TTC n'absorbait pas l'intégralité des sommes dues au titre du marché. Or, les pièces produites n'établissent pas les paiements qu'elle a effectivement réalisés au profit de la société FGA. Au contraire, les factures produites ne font aucune mention de l'existence et de la date de leur paiement.
Par ailleurs, il n'est justifié d'aucune action directe exercée par un transporteur dans le cadre des marchés en cause.
La demande de la banque sera en conséquence accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 23 décembre 2015 par le tribunal de commerce de Saint-Nazaire ;
Statuant à nouveau,
Rejette l'exception de péremption des instances ;
Condamne la société Chantiers de l'Atlantique à payer à la Banque populaire Grand Ouest venant aux droits de la Banque populaire Atlantique la somme de 45 132,38 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2006 ;
Condamne la société Chantiers de l'Atlantique à payer à la Banque populaire Grand Ouest venant aux droits de la Banque populaire Atlantique la somme de 203 817,18 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2003 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière à compter de la demande en justice effectuée par assignation du 13 mars 2008 sur la somme de 45 132,38 euros et des conclusions du 31 mars 2016 sur la somme de 203 817,18 euros ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la société Chantiers de l'Atlantique à payer à la Banque populaire Grand Ouest venant aux droits de la Banque populaire Atlantique la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Chantiers de l'Atlantique aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT