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31/08/2018 | FRANCE | N°18/02786

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 31 août 2018, 18/02786


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°346

H. R./Ph. R.



N° RG 18/02786













M. Florent X...



C/



SARL ALTERCAFE

















Infirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 AOUT 2018





C

OMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:



- Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,

- Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

- Madame Laurence LE QUELLEC, Conseiller, déléguée par ordonnance de M. le Premier Président en date du 29 mars 2018,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé


...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°346

H. R./Ph. R.

N° RG 18/02786

M. Florent X...

C/

SARL ALTERCAFE

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 AOUT 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

- Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,

- Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

- Madame Laurence LE QUELLEC, Conseiller, déléguée par ordonnance de M. le Premier Président en date du 29 mars 2018,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 5 Juillet 2018

devant Mesdames Hélène RAULINE et Marie-Hélène DELTORT, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Août 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur Florent X... né le [...] à NIORT (79) et domicilié

[...]

Représenté par Me Benoît Y... de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocat postulant au Barreau de RENNES et par Me Sandrine M... de la SELARL SELARL ATALANTE, Avocat plaidant au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La SARL ALTERCAFE prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me Bertrand Z... de la SCP Z...-A..., Avocat postulant au Barreau de RENNES et par Me Jean-Alain B... de la SELARL FONTENEAU - B... - MARCHAND, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée en date du 1er janvier 2010, M. Florent X... a été engagé par la société Altercafé, qui exploite un café-concert à Nantes, en qualité de serveur, puis de responsable de bar. Depuis octobre 2013, il avait le statut d'agent de maîtrise, niveau 4, échelon 2 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurant.

Son salaire brut s'élevait à 1 759,37 € pour 35 heures hebdomadaires.

Par trois actes en date du 20 octobre 2014, M. X... a acquis 50 des 500 parts sociales, un pacte d'associé a été signé entre les parties ainsi qu'un avenant au contrat de travail prévoyant une clause de non concurrence.

Le 29 août 2016, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 10 septembre. Il a été licencié pour faute grave le 26 septembre.

M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes le 7 octobre 2016 pour voir dire que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, se voir reconnaître le statut cadre et obtenir un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et des dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par les divers manquements de son employeur à ses obligations.

La société Altercafé a déposé plainte le 15 novembre suivant pour vols et abus de confiance puis, le 17 juillet 2017, une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Nantes.

Par un jugement avant-dire droit en date du 19 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande de sursis à statuer présentée par la société Altercafé.

Saisi par une assignation délivrée le 19 février 2018 en application de l'article 380 du code de procédure civile, le magistrat délégué par le premier président a autorisé M. X... à interjeter appel du jugement et dit que l'affaire sera examinée à l'audience du 5 juillet 2018 selon les modalités de la procédure à jour fixe par une ordonnance rendue en la forme des référés le 6 avril 2018.

M. X... a interjeté appel du jugement le 25 avril 2018.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 11 mai 2018, M. X... demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré, dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer, débouter la société Altercafé de l'ensemble de ses demandes, statuer sur le fond du litige,

- fixer le salaire mensuel moyen à 2 310,54 euros,

- constater que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il occupait des fonctions relevant du statut cadre, niveau 5, échelon 2 et qu'il a effectué des heures supplémentaires non rémunérées,

- en conséquence, condamner la société Altercafé à lui verser les sommes suivantes :

- 27 726 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 120 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 6 933 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 693 euros au titre des congés payés afférents, subsidiairement, en l'absence de reconnaissance du statut, 4 622 euros et 462 euros,

- 14 068 euros au titre de rappel de salaire pour les trois dernières années et 1407 euros au titre des congés payés afférents,

- 194 729 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires et 19 473 euros au titre des congés payés, subsidiairement, en l'absence de reconnaissance du statut, 143 724 euros et 14 372 euros,

- 13 863 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 13 863 euros de dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité,

- 6 931 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 6 931 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- si mieux n'aime évoquer, renvoyer la cause devant le conseil des prud'hommes de Nantes aux fins de jugement au fond,

- en toute hypothèse, condamner la société Altercafé à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d'exécution forcée du jugement à venir et les frais de l'instance en référés aux fins d'autorisation d'appel, allouer à l'avocat le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 8 juin 2018, la société Altercafé demande à la cour de :

- confirmer le jugement et dire qu'il y a lieu de surseoir à statuer,

- à titre subsidiaire, conformément au principe du double degré de juridiction, renvoyer la cause devant le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de jugement au fond,

- à titre infiniment subsidiaire, débouter M. X... de toutes ses demandes,

- condamner M. X... à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l'instance, allouer à la Scp Z... A... le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'application de l'article 24 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 24 du code de procédure civile, les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice et le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements.

M. X... a écrit à deux reprises dans ses conclusions (page 7, 2ème et 5ème paragraphes) que M. C..., gérant de la société Altercafé, appartient au 'milieu nantais', expression synonyme d'appartenance au grand banditisme, sans qu'aucun élément ne vienne étayer cette accusation.

De tels propos sont injurieux pour la partie adverse, ils n'ont pas leur place dans le débat judiciaire et ils excèdent les limites d'une défense légitime. Il convient en conséquence d'en ordonner le retrait.

Sur le sursis à statuer

Aux termes de l'article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions engagées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

Dans le cas d'espèce, une bonne administration de la justice ne commande pas de surseoir à statuer. Le jugement est infirmé.

Il y a lieu d'évoquer et de statuer sur le fond comme le demande l'appelant.

Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave

Le licenciement de M. X... pour faute grave est motivé par deux séries de faits, d'une part, avoir prélevé pour son compte personnel des espèces, des marchandises et des matériels de la société, d'autre part, avoir consommé régulièrement des stupéfiants sur le lieu de travail, faits constituant selon l'employeur un manquement à l'obligation de loyauté qu'il était en droit d'attendre d'un responsable, de surcroît associé.

Il convient d'examiner si les faits sont avérés, dans l'affirmative, s'ils étaient d'une gravité telle que le maintien du salarié dans l'entreprise était impossible, la charge de la preuve incombant à l'employeur.

Sur la réalité des faits

Sur les prélèvements en espèces

En premier lieu, il est indiqué dans la lettre de licenciement que M. X... a été vu sur la vidéo-surveillance en train de prélever des billets, des pièces et des tickets-restaurant dans la caisse enregistreuse le 24 juillet 2016 avec la description du mode opératoire : ceux-ci étaient déposés dans la pannière posée sur son plateau et recouverte par le linge servant à nettoyer les tables, puis complétés par les sommes remises par les clients au cours du service, rien n'étant remis dans la caisse à la fin du service.

Aucune photographie n'a été extraite de la vidéo-surveillance mais les faits sont reconnus. Mme D..., étudiante, précise les avoir signalés à l'employeur fin août et les relate de manière détaillée dans son attestation.

Il résulte également du dossier de l'employeur que :

- mme D... précise que M. X... lui demandait régulièrement de ne pas taper les shooters, qu'il annonçait les commandes à voix haute au lieu de poser les tickets de caisse comme les autres serveurs, qu'il lui avait demandé d'ouvrir une bouteille de cachaça au motif que l'automatique ne fonctionnait pas et que la machine à bière était toujours en manuel ;

- mme E..., barmaid, indique que M. X... demandait souvent de ne pas taper les consommations, qu'elle l'avait vu plusieurs fois aller dans la réserve derrière le bar avec des tickets-restaurant ou des billets, précisant 'souvent la caisse était vide malgré le monde', qu'il lui arrivait régulièrement de prendre une grosse liasse de billets et de partir en disant qu'il allait faire de la monnaie et de revenir avec presque rien ou de ne pas revenir ;

- M. F...,magasinier, déclare : 'Nous avions la consigne, une à deux personnes par staff, de ne pas enregistrer sur la caisse certaines consommations comme la bière (le système pouvait basculer en mode manuel et donc plus obligés de valider la commande via la caisse pour pouvoir servir le client) et donc nous notions sur un papier le nombre servi, idem pour certains plats cuisinés à proposer comme les croque-monsieur, non vérifiables entre le stock fait et le stock vendu. Ledit papier était donc chiffré en fonction des consos non tapées et la somme était certainement défalquée de la caisse en liquide sinon M. C... aurait certainement retrouvé le lendemain matin un excédent non négligeable. La justification était qu'il fallait faire du black pour payer les personnes employées ponctuellement pour pallier à une recrudescence d'activités sur des gros week-ends de beau temps et aussi de grosses soirées' ; il poursuit en indiquant qu'il avait été embauché pour remplacer M. X... pendant ses congés de l'été 2013 et que ce dernier lui avait téléphoné pour lui demander s'il avait bien fait les 100 €/200 € de black par jour 'afin qu'il passe récupérer les 2000 à 2500 € à son retour' ; il conclut en disant qu'il avait arrêté de travailler à l'Altercafé car il y avait trop de malhonnêteté du duo X...-Ramon;

- d'après les attestations de l'expert-comptable de la société, le taux moyen des espèces sur le chiffre d'affaires était de 10 % entre janvier et juillet 2016, de 26 % entre août et décembre 2016 et de 25 % de janvier à juin 2017, la marge sur ventes était de, respectivement, 69 %, 75 % et 77 % pour chacune de ces trois périodes ; quant au chiffre d'affaires, il est passé de 306 558 € de janvier à juin 2016 à 425 520 € pour la même période de 2017.

Ces faits ne sont pas cités dans la lettre de licenciement mais, étant de même nature que ceux qui y sont visés, l'employeur est en droit de les invoquer devant le juge prud'homal au soutien des griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

Les moyens de défense de l'appelant ne portant pas sur la réalité des faits, ils seront examinés plus loin.

En second lieu, il est reproché au salarié de s'être approprié les pourboires du personnel à deux reprises et de ne les avoir restitués que sur injonction de l'employeur.

L'intimée produit l'attestation de Mégane D... qui indique qu'il avait été décidé en juillet 2016 de mettre en place un système de pourboires communs et de les mettre dans un pot transparent derrière le bar, que début août, lorsqu'elle est repassée pour récupérer sa part, on lui a dit que Florent X... les avait pris pour les emmener chez lui alors qu'il partait en vacances pendant trois semaines, que tous les employés étaient censés avoir leurs pourboires fin juillet.

M. X... fait valoir que les faits ne sont pas datés et sont imprécis mais ils sont matériellement vérifiables. En revanche, un seul fait d'appropriation des pourboires est établi.

Il conteste toute volonté d'appropriation et soutient qu'il s'était contenté de mettre de côté le pot commun pour éviter que des salariés se servent et ce, avec l'accord des autres salariés. Il produit les attestations de M. G... et M. H... qui confirment qu'il lui avait été demandé de mettre les pourboires de côté avant de les redistribuer pour mettre fin aux ponctions de certains. Cependant, ces derniers n'attestent pas qu'il avait été convenu que M. X... emmènerait le pot commun à son domicile pendant ses vacances. Ce dernier n'explique pasla raison pour laquelle il a agi ainsi alors qu'il pouvait partager son contenu fin juillet. Ses dénégations ne sont pas crédibles.

Sur les 'prélèvements' de marchandises

Deux séries de faits sont mentionnés dans la lettre de licenciement :

- en juillet 2016, la disparition de nombreuses bouteilles de whisky Jack I... du stock non vendues ainsi que le fait d'avoir envoyé des serveurs emprunter des bouteilles de cet alcool dans les bars voisins en journée alors que les ventes se font uniquement en soirée et que les dépannages doivent rester exceptionnels ; le fait d'avoir été vu quitter l'établissement avec des marchandises de la société dont du Jack I...,

- la commande de caisses de Club maté livrées à son domicile, payées en espèces, les factures n'ayant jamais été présentées en comptabilité.

Sur le premier point, Manon E... écrit dans l'attestation pré-citée : 'Quand il allait faire les courses pour le bar, on devait l'aider à décharger sauf quelques produits normalement vendus au bar mais qu'il gardait pour lui. Avant qu'il parte en vacances à Paris, il m'avait demandé d'emprunter des bouteilles de Jack fine dans d'autres bars qu'il a pris pour lui et ses amis. J'ai assisté aussi au fait qu'il prenait des bocaux bios qu'il mettait dans un sac bleu Métro qu'il ramenait la semaine d'après lavés'.

L'appelant répond que l'employeur était au courant des emprunts de bouteilles aux autres bars car il existait des cahiers sur lesquels ils étaient consignés mais, d'après le compte-rendu d'entretien préalable établi par le conseiller qui l'assistait, il avait indiqué à l'employeur qui disait ignorer leur existence qu'ils se trouvaient dans ses effets personnels, ce qui laisse supposer qu'il s'agissait de sa propre initiative. En outre, le grief porte sur des emprunts qui ne pouvaient pas être justifiés par les nécessités du service car faits en journée alors que le whisky est servi en soirée.

Sur le second point, l'intimée verse aux débats deux factures de mars et novembre 2014 portant chacune sur une caisse de 20 bouteilles de 33 cl et libellées à 'Altercafé, 2 la Boulle d'or, Le Bignon' qui est l'adresse personnelle de M. X....

M. X... soutient qu'il stockait cette boisson énergisante pour sa consommation personnelle sur le lieu de travail et qu'il en avait informé l'employeur. Il produit des photocopies de captures d'écran censées en justifier. Toutefois, l'intimée invoque à juste titre l'irrecevabilité d'un tel mode de preuve en raison d'une possible manipulation de l'appareil. Surtout, il ne répond pas au grief qui porte sur la livraison à son domicile, un an plus tôt, de deux caisses de club maté commandées par la société et payées 710 € en espèces, époque à laquelle la boisson était vendue au sein de l'établissement.

Ces faits sont également établis.

Sur les 'prélèvements' de matériels

L'intimée reproche à l'appelant de s'être approprié une partie des transats qui lui ont été livrés par la société Corona pour les clients, quatre ayant été restitués et trois conservés, ainsi qu'un sac isotherme.

Elle communique à cet effet une facture datée du 12 juillet 2016 qui lui a été adressée par la société Sodiretz et qui mentionne quatre chaises pliantes et huit transats d'un montant total de 441,31 € mais aucun élément sur le sac isotherme.

M. X... fait valoir que les faits sont flous, ce qui est démenti par l'existence de la facture et la restitution de quatre transats.

Les faits sont établis en ce qui concerne les transats.

Sur la consommation de drogue

L'employeur reproche, enfin, au salarié d'avoir consommé régulièrement des produits stupéfiants sur son lieu de travail.

Il produit deux témoignages, celui de mme E... ('Une fois, j'ai vu Florent monter en réserve, quelques minutes après, je suis montée avec le 2ème trousseau de clés, j'ai ouvert doucement et je l'ai vu se droguer, il m'a dit de n'en parler à personne et que c'était habituel dans le monde de la nuit') et celui de M. F... ('J'ai un passif de consommateur [de cocaïne] et M. X... le savait car lui-même consommateur régulier. Il se faisait livrer directement sur le lieu de travail une à deux fois par semaine pour une quantité minimum de 10 grammes, voire plus. Une fois la réception faite, nous montions dans le 'bureau' afin de goutter le produit et de trouver de quoi faire nos 'traces' dans un coin des étagères... pour les pailles = on est dans un bar donc pas de soucis').

M. X... dément cette accusation. Il produit une analyse d'urine de janvier 2017 dont les résultats sont négatifs mais cette démarche eût été plus probante si elle avait été effectuée à l'époque où le grief lui a été notifié.

Les faits sont établis.

Sur le sérieux et la gravité des faits

S'agissant des prélèvements en espèces, M. X... répond qu'il n'a fait qu'appliquer les instructions de M. C..., le gérant. Il communique en pièces 63 et 64 des photocopies de captures d'écran de son téléphone portable faisant apparaître des messages sms de Didier J... lui intimant l'ordre de faire davantage de 'black'. L'intimée déclare les découvrir et conteste les avoir envoyés en invoquant une manipulation de l'appareil. Il a été vu plus haut que des photocopies de captures d'écran de mobiles ne sont pas un mode de preuve fiable et donc recevable. Ces allégations sont, en outre, contredites par les déclarations de M. F.... En tout état de cause, un éventuel manquement du gérant à ses obligations professionnelles ne serait pas de nature à exonérer M. X... de ses propres obligations contractuelles.

La preuve de l'emploi dissimulé ne saurait non plus résulter des témoignages de salariés qui ne sont corroborés par aucun autre élément, étant précisé que tous avaient été embauchés sur la proposition de M. X... (cf l'attestation de M. K..., pièce 18 de l'intimée).

M. X... prétend que l'employeur était nécessairement au courant de ce qui se passait dans l'établissement en raison d'un système de vidéo-surveillance qu'il aurait visionné quotidiennement. Il verse aux débats de très nombreuses attestations d'anciens salariés qui prétendent que l'employeur les 'fliquait' grâce à ce moyen. Force est de constater qu'ils procèdent par affirmation, comme d'ailleurs pour les autres faits imputés à M. C... (harcèlement, pressions diverses, pratiques illicites) sans qu'aucun ne déclare l'avoir personnellement entendu ou constaté qu'il se livrait aux actes prétendus, plusieurs déclarant en outre qu'il n'était pratiquement jamais dans l'établissement.

La cour observe que l'une des attestations va à l'encontre des intérêts de l'appelant puisque Sophie L... déclare qu'elle avait préparé chez elle en juin et juillet 2016 des plats qui avaient ensuite vendus à l'Altercafé, qu'elle avait fait des factures et été payée en espèces fin juillet par M. X... alors que l'intimée indique qu'aucune facture n'a été enregistrée au nom de cette personne.

M. X... fait plaider justement que l'avertissement du 31 mai 2011 ne pouvait plus être invoqué au motif qu'il avait plus de trois ans, conformément à l'article L. 1332-5 du code du travail. Toutefois, l'employeur vise dans la lettre de licenciement la seconde partie du courrier contenant un rappel des consignes sur trois pages, lesquelles étaient toujours en vigueur, notamment l'obligation d'utiliser exclusivement les doseurs électroniques pour les alcools et de taper toutes les commandes sur les caisses avant de les servir, l'interdiction d'apporter ses propres boissons sur le lieu de travail et de sortir le contenu de la caisse tant pendant le temps du service qu'après la fermeture de l'établissement.

Les attestations de l'expert-comptable démontrent l'ampleur du préjudice de la société intimée sans qu'il y ait lieu d'entrer dans le débat de l'enrichissement personnel de M. X... pendant la période où il a travaillé au sein de la société Altercafé.

M. X... était responsable du bar. Les faits qui viennent d'être examinés constituent un manquement flagrant à ses obligations contractuelles, notamment de loyauté. Leur gravité justifiait la rupture immédiate du contrat de travail.

M. X... est débouté de ses demandes à ce titre ainsi que de la demande de dommages-intérêts pour rupture du contrat dans des conditions vexatoires.

Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail

Sur le statut de cadre

M. X..., qui avait le statut d'agent de maîtrise, niveau IV, échelon 2 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurant, revendique le niveau V, échelon 2, en se prévalant des nombreuses attestations d'anciens salariés, de fournisseurs et de clients qui le considéraient comme 'le patron'. L'intimée le dément et objecte qu'il n'avait pas le niveau de compétence requis.

Il résulte de l'article 34 de la convention collective que le niveau V (cadres) exige le niveau bac + 3 acquis soit par voie scolaire et une expérience contrôlée et confirmées dans la filière d'activité du poste, soit une expérience confirmée et réussie complétant une qualification initiale au moins équivalente à celle du personnel encadré. Or, M. X... ne dit rien sur son parcours et ne produit aucun curriculum vitae.

Il sera donc débouté de sa demande de rappel de salaire sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail des activités qu'il exerçait au sein de l'établissement.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forge sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

M. X... soutient qu'il était soumis à un rythme de travail infernal, qu'il travaillait en moyenne 110 heures par semaine, de 8.30 à 23.30 du mardi au vendredi lorsqu'il était de jour, de 12 h à 5 heures lorsqu'il était de nuit ainsi que les samedis, seules certaines heures supplémentaires lui étant rémunérées. Il indique que le gérant lui mettait la pression en refusant de les payer pour qu'il rachète toutes ses parts. Il réclame la somme de 143 724 € représentant 8628 heures impayées au cours des cinq dernières années.

Il produit de nombreuses attestations d'anciens salariés dont il ressort qu'il travaillait tout le temps, y compris pendant son temps de congés, qu'il faisait tout, les courses, la programmation musicale, les plannings, le service et même la sécurité et le ménage, qu'il ne faisait jamais de pause et partait toujours le dernier à 5 heures du matin. Toutefois, les salariés ne pouvant attester pour une amplitude horaire supérieure à leur propre temps de travail, ces attestations ne peuvent être retenues comme probantes.

La demande n'est donc pas étayée.

La cour observe surabondamment que l'intimée verse aux débats les récapitulatifs hebdomadaires remplis et signés par M. X... et visés par elle qui mentionnaient pour chaque jour de la semaine les heures de début et de fin du service et la durée du travail et que les heures supplémentaires figurent sur les bulletins de salaire.

La preuve de l'existence des heures supplémentaires n'étant pas rapportée, M. X... sera débouté de sa demande de rappel de salaire à ce titre et de l'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail

Les demandes de dommages-intérêts étant motivées par une surcharge de travail excessive dont il vient d'être vu qu'elle n'était pas démontrée, elles seront rejetées.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. X... qui succombe en toutes ses prétentions sera condamné aux dépens de première instance, de l'instance en la forme des référés et d'appel et à payer à l'intimée la somme de 1.500€ au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement :

ORDONNE le retrait des mots 'M. C... appartenant au milieu nantais' et 'appartenance de M. C... au milieu nantais' en page 7 des conclusions de M. X... en application de l'article 24 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Evoquant,

DIT que le licenciement de M. X... pour faute grave est fondé,

DEBOUTE M. X... de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour rupture dans des conditions vexatoires, de la reconnaissance du statut cadre, des heures supplémentaires, du travail dissimulé, des manquements aux obligations de sécurité et d'exécution loyale du contrat de travail,

CONDAMNE M. X... à payer à la société Altercafé la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. X... aux dépens de première instance, de l'instance en la forme des référés et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/02786
Date de la décision : 31/08/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°18/02786 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-08-31;18.02786 ?
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