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31/08/2018 | FRANCE | N°18/00249

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre conflits d'entre., 31 août 2018, 18/00249


Chambre Conflits d'Entreprise








ARRÊT N°09


M.-H. D./Ph. R.





N° RG 18/00249




















Société RELAIS FNAC SASU





C/





COMITE D'ETABLISSEMENT FNAC RENNES





























Confirmation




















Copie exécutoire délivrée



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le :





à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 31 AOUT 2018








COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:





- Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,


- Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,


- Madame Véronique PUJES, Conseiller, déléguée par ordonnance de M. le Premier Président en date du...

Chambre Conflits d'Entreprise

ARRÊT N°09

M.-H. D./Ph. R.

N° RG 18/00249

Société RELAIS FNAC SASU

C/

COMITE D'ETABLISSEMENT FNAC RENNES

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 AOUT 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

- Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,

- Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

- Madame Véronique PUJES, Conseiller, déléguée par ordonnance de M. le Premier Président en date du 29 mars 2018

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Juin 2018

devant Mesdames Hélène RAULINE et Marie-Hélène DELTORT, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Août 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La SASU RELAIS FNAC SASU dont le siège social est situé [...] pris en son établissement FNAC RENNES et en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège de l'établissement :

[...]

[...]

en présence de M. Stéphane X..., Directeur de magasin suivant pouvoir

ayant Me Christophe Y... de la SCP GAUTIER/Y... pour Avocat postulant au Barreau de RENNES

et représentée par Me Béatrice A..., Avocat plaidant du Barreau de PARIS

INTIMÉ:

Le COMITE D'ETABLISSEMENT FNAC RENNES pris en la personne de son représentant légal domicilié

[...]

[...]

Représenté par Me Justine B... de la SCP AVOCATS C... F...-GOBBE- BROUILLET-B..., Avocat postulant au Barreau de RENNES et par Me Guilain D... substituant à l'audience Me Savine E..., Avocats plaidants du barreau de PARIS

FAITS ET PROCEDURE :

La société Relais FNAC, filiale de la société FDPS, regroupe 51 magasins en France dont un magasin à Rennes. Chacun des magasins est doté d'un comité d'établissement et d'un CHSCT. Au niveau national, il existe un comité central d'entreprise.

Par délibération en date du 26 juillet 2016, le comité d'établissement du magasin Fnac Rennes a désigné le cabinet d'expertise comptable Apex pour procéder à l'examen des comptes annuels de l'établissement concernant l'année 2015 en application de l'article L. 2325-35 du code du travail.

Par ordonnance rendue en la forme des référés le 17 novembre 2016, le président du tribunal de grande instance de Rennes a déclaré valable la saisine par la société Fnac Relais et il l'a déboutée de sa demande d'annulation de la délibération relative à l'expertise.

Selon exploit d'huissier en date du 28 juillet 2017 autorisé sur requête, la société Fnac Relais a fait assigner à jour fixe le comité d'établissement afin d'obtenir l'annulation de la désignation de l'expert-comptable intervenue par décision du 26 juillet 2016.

Par jugement rendu le 6 novembre 2017, le tribunal de grande instance a :

- rejeté la fin de non recevoir tirée de la tardiveté à agir de la société Relais Fnac soulevée par le comité d'établissement,

- débouté la société Fnac Relais de sa demande d'annulation de la délibération du 26 juillet 2016 du comité d'établissement désignant le cabinet d'expertise comptable Apex pour procéder à l'examen des comptes annuels de l'établissement de Rennes concernant l'année 2015 en application de l'article L. 2325-35 du code du travail en vue de la consultation annuelle de la situation économique et financière de l'entreprise,

- condamner la société Fnac Relais à payer au comité d'établissement la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Sur la recevabilité de la demande en annulation de la délibération, le tribunal a jugé que le délai de prescription n'était pas écoulé et que la contestation était intervenue dès le mois de septembre devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés.

Sur le fond, le tribunal a jugé qu'il était acquis que la loi du 17 août 2015 avait regroupé en trois consultations annuelles les 17 obligations de consultation du comité d'entreprise prévues par le droit antérieur mais que la jurisprudence considérait que le recours, par le comité central d'entreprise, à l'assistance un expert-comptable en vue de l'examen annuel des comptes de l'entreprise n'était pas exclusif du recours du comité d'établissement à l'assistance d'un expert-comptable en vue de l'examen des comptes de l'établissement considéré.

Il a jugé que la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise pouvait être organisée à la fois au niveau central et au niveau local. Il a retenu que la fiche de poste du directeur de magasin démontrait que ce dernier disposait d'un pouvoir certain pour conduire l'activité économique de sa structure. Il en a déduit que le comité d'établissement du magasin de Rennes pouvait avoir recours à un expert-comptable dans les limites de sa compétence.

Le 9 janvier 2018, la société Relais Fnac a interjeté appel de ce jugement.

***

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 avril 2018, la société Relais Fnac conclut à la recevabilité de ses demandes, à l'infirmation du jugement et elle demande à la cour d'annuler la délibération du comité d'établissement du 26 juillet 2016 relative à l'expertise confiée au cabinet Apex, de juger qu'elle n'a pas à supporter les honoraires de ce cabinet et de condamner le comité d'établissement à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir que la loi du 17 août 2015 avait pour objet de simplifier et de rationaliser l'ensemble des obligations d'information et de consultation au sein des entreprises, qu'a cet effet, trois grandes consultations ont été créées en lieu et place des 17 obligations d'information et de consultation qui existaient au niveau du comité d'entreprise et que le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix rémunéré par l'employeur pour chacune de ces trois consultations.

Elle soutient que cette loi a également souhaité clarifier les rôles et compétences respectives du comité central d'entreprise et des comités d'établissement, et de déterminer le niveau approprié d'exercice du droit à l'information et la consultation.

Elle invoque l'article L. 2327-15 du code du travail précisant que le comité d'établissement dispose des mêmes attributions que le comité d'entreprise dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs d'établissement. Elle en déduit que cette faculté est strictement limitée au pouvoir effectivement confié aux chefs d'établissement dans les domaines concernés par les consultations et en tout état de cause au seul périmètre de son établissement. Elle soutient que s'agissant de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise, seul le comité central d'entreprise est compétent et que l'ordonnance du 22 septembre 2017 confirme bien les intentions du législateur.

Concernant l'établissement de Rennes, elle fait valoir que l'examen annuel des comptes de l'établissement ne se justifie pas en l'absence de compte officiel transmis à des tiers et dans la mesure où les comptes sont seulement établis au niveau de l'entreprise, ce qui conforte la seule compétence du comité central d'entreprise. Elle précise également que le pouvoir d'engagement financier du directeur de magasin est limité et que l'élaboration du budget est réalisée au niveau de la société Relais Fnac qui le décline ensuite par magasin.

Elle dénonce par conséquent l'absence de pertinence de l'analyse de la situation économique et financière de la société Relais Fnac au niveau de l'établissement de Rennes, et fait valoir que la situation économique et financière du groupe Fnac et de la société Relais Fnac excède les compétences du pouvoir du chef d'établissement du magasin de Rennes.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 mai 2018, le comité d'établissement conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Relais Fnac à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Il soutient que l'existence d'un établissement distinct suppose par définition un établissement présentant une certaine autonomie. Il précise qu'aucune disposition de la loi Rebsamen n'a supprimé les prérogatives du comité d'établissement en matière d'information et de consultations récurrentes sur son périmètre d'intervention, que c'est uniquement en matière de consultation ponctuelle en raison d'un projet décidé au niveau de l'entreprise qu'il a été mis en place un nouveau système légal d'articulation de la consultation du comité central d'entreprise et des comités d'établissement. Il se fonde également sur l'audition du ministre par l'assemblée nationale ainsi que sur le rapport de la commission sociale de l'assemblée, ainsi que sur le rejet des amendements visant à instituer une expertise unique. Il invoque enfin l'analyse de la doctrine.

Concernant l'absence autonomie du chef d'établissement invoquée par la société appelante, il se fonde sur la fiche de poste du directeur de magasin dont il ressort que ce dernier dispose d'un pouvoir certain pour conduire l'activité économique de sa structure ainsi que l'ont déjà jugé plusieurs juridictions. S'agissant de la pertinence de l'expertise, il fait valoir qu'elle permet d'apprécier tout particulièrement la situation de l'établissement par rapport aux autres établissements, et apporte une analyse différente et complémentaire de celle réalisée au niveau de l'entreprise.

L'instruction a été déclarée close le 14 juin 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le recours à un expert-comptable

L'article L. 2327-15 du code du travail, abrogé par ordonnance du 22 septembre 2017, dispose que le comité d'établissement a les mêmes attributions que le comité d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement, qu'il est consulté sur les mesures d'adaptation des projets décidés au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement, que lorsqu'il y a lieu de consulter à la fois le comité central d'entreprise et un ou plusieurs comités d'établissement, un accord peut définir l'ordre et les délais dans lesquels le comité central d'entreprise et le ou les comités d'établissement rendent et transmettent leurs avis, et qu'à défaut d'accord, l'avis de chaque comité d'établissement est rendu et transmis au comité central d'entreprise et l'avis du comité central d'entreprise est rendu dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

Il en résulte que la loi dite Rebsamen a entendu rationaliser l'articulation entre le comité central d'entreprise et les comités d'établissement, le premier exerçant des attributions économiques relatives à la marche générale de l'entreprise, ce qui implique qu'il est informé et consulté sur les projets financiers importants concernant l'entreprise, et qu'il est seul consulté sur les projets décidés au niveau de l'entreprise ne comportant pas de mesures d'adaptation spécifique à plusieurs établissements. En revanche, cette loi n'a pas modifié la possibilité, telle qu'elle résultait de la jurisprudence antérieure à son entrée en vigueur, d'une consultation du comité central d'entreprise mais également des comités d'établissement dans les domaines intéressant la situation économique et financière ainsi que la politique sociale de l'entreprise.

Si l'établissement concerné dispose d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité économique, il incombe à l'employeur de permettre au comité d'établissement de disposer d'éléments d'information d'ordre économique et financier nécessaires à la compréhension des documents comptables de l'entreprise et à l'appréciation de sa situation, et donc de recourir à une expertise comptable.

La mise en place d'un comité d'établissement suppose que cet établissement dispose d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité économique de l'établissement. Ceci est également valable même si la délégation de pouvoir dont le chef d'établissement bénéficie ne lui donne pas de compétences en matière financière et comptable et que la comptabilité de l'établissement n'a pas été établie au niveau de celui-ci mais à un niveau centralisé.

En conséquence, la loi du 17 août 2015 n'a pas supprimé les prérogatives du comité d'établissement en matière d'information et de consultations récurrentes relevant de son périmètre d'intervention, ni l'existence d'attributions identiques des comités d'établissement et des comités d'entreprise affirmée par L. 2327-15 du code du travail, celles-ci devant être appréciées au regard des pouvoirs confiés au chef de l'établissement concerné. Le comité d'établissement dispose alors de la possibilité de recourir à un expert-comptable dans le cadre de ces consultations.

Dans le cas présent, la société Relais FNAC démontre que le pouvoir d'engagement financier des directeurs de magasin est limité, que la construction du budget est déterminée au niveau de la société Relais FNAC puis décliné par magasin en fonction d'éléments propres à chacun et que le recours à l'intérim doit faire l'objet d'une validation au niveau de l'entreprise. Toutefois, il ressort également du descriptif du poste de directeur de magasin que celui-ci construit le budget et les objectifs annuels du magasin, qu'il garantit l'atteinte des objectifs et pérennise les résultats commerciaux et économiques fixés à l'activité du magasin et qu'il est acteur de la définition de la stratégie régionale. De manière générale, cette fiche précise que le directeur dirige, développe et rentabilise dans toutes ses composantes d'exploitation un magasin dans le respect de la politique de l'entreprise. Il s'en déduit que le directeur d'un magasin dispose du pouvoir pour conduire l'activité économique de la structure qui lui a été confiée même si celui-ci s'exerce dans le cadre de la politique déterminée à un niveau plus élevé que celui de l'établissement.

En conséquence, le comité d'établissement pouvait recourir à un expert comptable dans le cadre de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise dans la limite de ses compétences et de son périmètre d'intervention. Dès lors, la demande d'annulation de la délibération est rejetée.

Une indemnité de 1.200 € est accordée au comité d'établissement au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré ;

Condamne la société Relais FNAC à payer au comité d'établissement la somme de 1.200€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne la société Relais FNAC au paiement des dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre conflits d'entre.
Numéro d'arrêt : 18/00249
Date de la décision : 31/08/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes CE, arrêt n°18/00249 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-08-31;18.00249 ?
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