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31/08/2018 | FRANCE | N°16/03653

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 31 août 2018, 16/03653


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°325



R.G : N° RG 16/03653













M. Pascal X...



C/



-Me Y... Z... (liquidation judiciaire de la SAS PHONE BOUTIQUE)

-UNEDIC Délégation AGS - CGEA de RENNES

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS>


COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 AOUT 2018





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:



-Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,

-Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

-Madame Laurence LE QUELLEC, Conseiller, déléguée par ordonnance de M. le Premier Président en date du 29 mars ...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°325

R.G : N° RG 16/03653

M. Pascal X...

C/

-Me Y... Z... (liquidation judiciaire de la SAS PHONE BOUTIQUE)

-UNEDIC Délégation AGS - CGEA de RENNES

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 AOUT 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

-Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,

-Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

-Madame Laurence LE QUELLEC, Conseiller, déléguée par ordonnance de M. le Premier Président en date du 29 mars 2018

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 5 Juillet 2018

devant Mesdames Hélène RAULINE et Marie-Hélène DELTORT, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Août 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur Pascal X... né le [...]

[...]

représenté par Me A... K..., avocat au barreau de RENNES

INTIMES :

Maître Y... Z..., Mandataire Judiciaire, ès-qualité de mandataire liquidateur de la SAS PHONE BOUTIQUE ([...]) domicilié :

[...]

représenté par Me Emeric B... substituant à l'audience Me Marie Pierre J... C... de la SCP J...-C... - THOMAS-BLANCHARD, Avocats au Barreau de VANNES

L'UNEDIC - Délégation AGS CGEA de RENNES prise en la personne de son représentant légal

[...] - Immeuble Le Magister - CS 96925

[...]

représentée par Me Louise D... substituant à l'audience Me Marie-Noëlle E... de la SCP AVOLITIS, Avocats au Barreau de RENNES

EXPOSE DU LITIGE

Un contrat de travail a été signé le 7 février 2010 entre la société Phone Boutique et M. Pascal X..., recruté en qualité de directeur commercial du groupe moyennant une rémunération mensuelle brute de 6 600 € pour 35 heures hebdomadaires, la convention collective des commerces de détail non alimentaires étant applicable.

M. X... avait précédemment acquis 24,8 % des parts sociales de la société Phone Boutique via sa société SP consulting.

M. F..., alors président de la société, a cédé 234 de ses 457 parts sociales à la société SP consulting par acte sous seing privé en date du 17 octobre 2011, les 234 parts restantes étant cédées à M. G..., chef des ventes. M. X... a été nommé président de la société à la même date.

La société Phone Boutique a été placée en redressement judiciaire le 21 mai 2014, lequel a été converti en liquidation judiciaire le 24 juin 2015, maître Z... étant désigné mandataire liquidateur.

Me Z... n'ayant pas procédé au licenciement de M. X... au motif qu'il était un mandataire social, ce dernier a saisi le conseil de prud'hommes de Vannes le 16 octobre 2015 pour voir juger que son contrat de travail, suspendu à compter du 17 octobre 2011, avait repris ses effets le 24 juin 2015 et fixer au passif de la liquidation judiciaire les indemnités de rupture et les dommages-intérêts.

Par un jugement en date du 26 avril 2016, le conseil de prud'hommes a dit que le contrat du 7 février 2010 n'était pas un contrat de travail et débouté M. X... de toutes ses demandes.

M. X... a interjeté appel de cette décision le 11 mai 2016.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions communiquées, déposées et soutenues oralement à l'audience, M. X... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- constater l'existence d'un contrat de travail à effet du 8 février 2010 qui a repris effet le 24 juin 2015 du fait du jugement de liquidation, prononcer la résiliation judiciaire dudit contrat pour absence de fourniture de travail depuis cette date,

- fixer au passif de la liquidation les sommes suivantes :

19 980 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

1 998 € au titre des congés-payés y afférents,

2 530,80 € net au titre de l'indemnité de licenciement,

7 684,62 € brut au titre du solde de congés-payés,

39 960 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner au mandataire liquidateur de lui remettre les documents sociaux sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir,

- inscrire au passif la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de remise des documents sociaux,

- déclarer le jugement commun et opposable au CGEA Centre ouest,

- condamner la liquidation judiciaire à lui payer 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il expose qu'il était placé sous la subordination hiérarchique du président à qui il devait rendre compte régulièrement dans le cadre de sa délégation de pouvoirs qui était strictement encadrée. Il soutient que celle-ci était limitée aux actes de gestion courants nécessités par son activité de directeur commercial et qu'il ne pouvait pas engager la société par des actes juridiques qui relevaient de la gérance, lesquels étaient accomplis par M. F.... Outre la délégation qui était annexée à son contrat de travail, il produit l'attestation de M. H... ainsi que des mails établissant qu'il était placé sous la subordination juridique du président qui lui donnait des directives et à qui il devait rendre compte. Selon lui, son contrat de travail, suspendu pendant l'exercice de son mandat social, a repris son plein effet à compter de la liquidation judiciaire de sorte qu'il aurait dû faire l'objet d'un licenciement pour motif économique à l'instar des autres salariés, ajoutant que le conseil des prud'hommes a fait droit à la demande de M. G....

Par conclusions communiquées, déposées et soutenues oralement à l'audience, maître Z... pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Phone boutique demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. X... n'a jamais eu la qualité de salarié,

- à titre subsidiaire, dire que le contrat de travail de M. X... a pris fin par une démission à effet du 30 septembre 2011,

- à titre très subsidiaire, constater que M. X... a cessé de travailler au sein de la société le 2 avril 2014, date à compter de laquelle il a travaillé au sein de la société SP Chantepie dont il était le dirigeant,

- à titre infiniment subsidaire, dire que le contrat de travail a pris fin le 17 octobre 2011 lorsqu'il a été nové en contrat de prestation de services,

- en tout état de cause, débouter M. X... de ses demandes de remise des documents sous astreinte et de dommages-intérêts pour absence de remise desdits documents, le condamner à payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Il expose que le recrutement de l'appelant ne s'expliquait que par la cession programmée de la société, ce qui rendait illusoire toute idée de subordination, que le registre unique des entrées et sorties du personnel contient la mention 'démission' à la date du 17 octobre 2011, qu'à compter de cette date et jusqu'en avril 2014, il a facturé des prestations à la société Phone boutique via sa société SP consulting, qu'il ne figurait pas sur la liste des salariés qu'il a lui-même établie le 18 mai 2014, qu'il avait débuté une nouvelle activité de commerce de cigarettes électroniques à Chantepie le 2 avril 2014 dans le cadre d'une société qu'il avait créée quelques mois plus tôt.

Il souligne que l'appelant a attendu le 18 mai 2018 pour produire un document censé démontrer que la délégation de pouvoirs était limitée et dont les termes sont contraires à ceux du contrat de travail et que le président résidait manifestement à l'étranger. Il s'étonne que M. X... ait pu être sous la subordination juridique d'une personne à qui il devait verser quelques mois plus tard la somme de 298 608 € pour le rachat de ses parts.

Par conclusions communiquées, déposées et soutenues oralement à l'audience, l'AGS-CGEA de Rennes demande à la cour de :

- confirmer le jugement, débouter M. X... de toutes ses demandes,

- subsidiairement, débouter M. X... de toute demande excessive ou injustifiée,

- en tout état de cause, constater qu'aucune rupture n'est intervenue dans les 15 jours de la liquidation judiciaire, dire que les créances dues au titre de la rupture du contrat de travail ne sont pas garanties,

- en toute hypothèse, débouter M. X... de toute demande formée à son encontre, lui donner acte de ne qu'elle ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera dans le cadre des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, dire que l'indemnité éventuellement allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas la nature de créance salariale et que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus par les articles L. 3253-17 et suivants du code du travail, dépens comme de droit.

Elle s'associe à l'argumentation du mandataire liquidateur en faisant valoir notamment que M. X... était déjà associé de Phone Boutique par l'intermédiaire de sa société SP consulting lorsque le contrat de travail a été signé en février 2010, que le montant de sa rémunération était excessif au regard de ses fonctions pour 35 heures par semaine et que sa délégation de pouvoirs était particulièrement étendue.

MOTIFS

Sur l'existence d'un contrat de travail

Il résulte de l'article L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Ce sont les conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur qui permettent de déterminer l'existence ou non d'une relation de travail salariée, peu important la dénomination que les parties ont donné à leur contrat.

En l'espèce, l'article 2 du contrat de travail stipule que M. X... est engagé en qualité de directeur commercial du groupe et bénéficiera d'une délégation de pouvoirs pour la gestion de l'entreprise.

En cause d'appel, il produit un document intitulé 'délégation de pouvoirs' daté du 8 février 2010 et signé par le président et lui et qui énumère les pouvoirs qui lui sont délégués avec l'indication notamment qu'il ne pourra pas engager la société en matière juridique, financière et sociale.

La cour relève le caractère tardif de cette production dont l'existence n'avait pas été évoquée devant les premiers juges alors que l'étendue de la délégation de pouvoirs était déjà l'argument essentiel du mandataire liquidateur pour s'opposer à la demande, peu important que M. X... n'ait pas été assisté d'un conseil en première instance, la portée et l'importance de ce document n'ayant pu lui échapper compte tenu de ses fonctions de directeur commercial puis de président de la société. Elle constate également l'absence de renvoi à une annexe dans le contrat de travail et les contradictions entre les deux actes. Pour ces motifs, ce document ne sera pas considéré comme probant.

Il ressort, en revanche, des autres pièces (contrat de bail, contrats de travail, convention de partenariat, échanges de courriels concernant la vie de l'entreprise, attestation de M. I..., ancien stagiaire) que M. X... travaillait bien sous la subordination juridique de M. F....

Contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, un courriel unique mentionnant une liaison par skype n'est pas suffisante pour établir que le président de la société résidait de manière habituelle à l'étranger et M. H... atteste de sa présence au siège de la société. Le fait que M. X... ait eu la qualité d'associé à travers sa société SP consulting qui détenait un quart des parts sociales ne faisait pas obstacle à l'existence d'un contrat de travail, ni le montant de sa rémunération qui avait seulement une influence sur la qualification de cadre dirigeant. Quant au rachat des autres parts sociales, la date à laquelle cette transaction a été décidée ne ressort d'aucune pièce du dossier.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas eu de contrat de travail entre la société Phone boutique et M. X....

Sur la démission

La démission est la manifestation de la volonté claire et non équivoque du salarié de rompre le contrat de travail. Elle ne se présume pas. Il appartient à celui qui l'invoque de l'établir.

M. X... conteste avoir démissionné en se retranchant derrière l'absence de courrier mais la démission peut être verbale.

Le mandataire liquidateur verse aux débats le registre unique des entrées et sorties du personnel dont il résulte que la mention 'démission' a été apposée à côté de son nom à la date du 30 septembre 2011. Le registre unique des entrées et sorties du personnel est régi par les articles L.1221-13 et D. 1221-23 à 1221-27 du code du travail. Il en résulte que les mentions qui y sont inscrites sont indélébiles et que les événements y sont mentionnés au fur et à mesure où ils surviennent.

La démission est corroborée par l'absence d'établissement d'un bulletin de salaire pour le mois d'octobre 2011 (cf la pièce 4 de l'appelant).

La démission claire et non équivoque emportant rupture définitive du contrat de travail, M. X... n'est pas fondé à reprocher au mandataire liquidateur de ne pas l'avoir licencié pour motif économique avec les autres salariés de l'entreprise. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes.

L'appelant qui succombe en ses prétentions sera condamné aux dépens d'appel et à payer une somme de 500 € à maître Z... ès qualités en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement :

INFIRME partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

DIT que le contrat de travail conclu le 7 février 2010 a pris fin par la démission de M. X... le 30 septembre 2011,

CONFIRME les autres dispositions du jugement,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. X... à payer à maître Z... ès qualités la somme de 500 € en application de l'article 700 du conseil de prud'hommes en cause d'appel,

CONDAMNE M. X... aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/03653
Date de la décision : 31/08/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°16/03653 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-08-31;16.03653 ?
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