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06/07/2018 | FRANCE | N°16/05777

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 06 juillet 2018, 16/05777


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°316



R.G : N° RG 16/05777













SAS ALTEAD SOUTIEN LOGISTIQUE



C/



Mme Nathalie X...

















Infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 6 JUILLET 2018


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COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:



- Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,

- Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

- Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller, déléguée par ordonnance de M. le Premier Président en date du 29 mars 2018



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et l...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°316

R.G : N° RG 16/05777

SAS ALTEAD SOUTIEN LOGISTIQUE

C/

Mme Nathalie X...

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 6 JUILLET 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

- Madame Hélène RAULINE, Président de chambre,

- Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

- Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller, déléguée par ordonnance de M. le Premier Président en date du 29 mars 2018

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 31 Mai 2018

devant Madame Hélène RAULINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 6 Juillet 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SAS ALTEAD SOUTIEN LOGISTIQUE prise en la personne de son représentant légal

[...]

représentée par Me Franck C... de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMEE et appelante à titre incident :

Madame Nathalie X... née le [...] à TOURS (37) et domiciliée :

[...]

comparante en personne, assistée de Me Erwan D... de la SELARL AVOCATLANTIC, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée en date du 2 mars 2009, mme Nathalie X... a été engagée par la société Altead France Levage en qualité de responsable administrative. Son contrat de travail a été transféré à la société Altead soutien logistique le 1er février 2010.

Le 22 avril 2015, mme X... a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 30 avril. Mme X... a été licenciée pour fautes graves le 7 mai 2015.

Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Nazaire dans sa formation des référés, laquelle s'est déclarée territorialement incompétente par une ordonnance du 23 juin 2015.

Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes au fond le 31 juillet suivant pour voir dire que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir diverses sommes. La société Altead soutien logistique a présenté à titre reconventionnel une demande tendant au paiement d'un trop-perçu.

Par un jugement en date du 30 juin 2016, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Altead soutien logistique à verser à mme X... les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2015 pour celles à caractère de salaire et à compter de la notification du jugement pour celles à caractère indemnitaire, lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts en application de l'article 1154 du code civil :

- 25 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 3 986,94 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 6 625,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 662,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 616,22 euros au titre de rappel de salaire et congés payés pour la mise à pied,

- 10 982 euros au titre du remboursement de l'indemnité kilométrique,

- 500 euros au titre de la prime exceptionnelle pour 2015,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Altead soutien logistique la remise des documents sociaux rectifiés à mme X..., sous astreinte provisoire de 50 euros à compter du 45ème jour jusqu'au 61ème jour suivant la notification du jugement,

- limité l'exécution provisoire à l'exécution provisoire de droit et fixé à 3 312,51 euros le salaire mensuel de référence,

- débouté mme X... du surplus de ses demandes,

- condamné mme X... à rembourser 153,84 euros au titre d'un trop perçu avec application du principe de compensation,

- condamné la société Altead soutien logistique à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à mme X... dans la limite de trois mois d'indemnités,

- condamné la société Altead soutien logistique aux entiers dépens.

La société Altead soutien logistique a régulièrement interjeté appel de cette décision. Mme X... a relevé appel incident.

***

*

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions communiquées, déposées et soutenues oralement à l'audience, la société Altead soutien logistique demande à la cour de réformer le jugement, sauf en ce qu'il a condamné mme X... à lui rembourser la somme de 153,84 euros au titre d'un trop perçu, de la débouter de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions communiquées, déposées et soutenues oralement à l'audience, mme X... demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement déféré, condamner la société Altead soutien logistique à lui payer les sommes de

40 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

15 060,51 € au titre des indemnités kilométriques,

14 742,89 € au titre du rappel de salaire pour temps de déplacement,

3 569,60 € d'indemnités de repas,

- confirmer les autres dispositions du jugement,

- condamner la société Altead soutien logistique à lui verser 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le licenciement pour fautes graves

La faute grave qui peut seule justifier la mise à pied conservatoire est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve incombe à l'employeur.

La lettre de licenciement est libellée ainsi :

En date du lundi 20 avril 2015, il a été porté à la connaissance de votre responsable hiérarchique des échanges par mail sur la messagerie professionnelle avec une collaboratrice de l'Agence AASI du Creusot incompatibles avec vos fonctions de Responsable administrative de la Branche Logistique et Emballage industriel.

Ces mails échangés en date du 16 avril 2015 remettent en cause votre loyauté à l'égard de ces collaborateurs dont vous étiez le lien administratif avec la direction de la branche. Les termes employés sont particulièrement insultants à leur égard et vous vous réjouissez d'une situation embarrassante pour eux. Ces collaborateurs ont eu connaissance de ces échanges et nous ont indiqué leur impossibilité de continuer à travailler avec vous après de tels faits.

Autre atteinte grave à votre devoir de loyauté, lors de notre entretien préalable, vous nous avez fait écouter sur votre téléphone portable des enregistrements du Directeur de la Branche perpétrés à son insu lorsqu'il se trouvait en votre présence, menaçant d'utiliser ces enregistrements dans le cadre d'un futur contentieux.

Ces insultes à l'encontre de cadres de la branche et le procédé déloyal consistant à enregistrer votre responsable hiérarchique et de menacer ensuite de vous en servir s'analyse en du chantage, comportement inacceptable et indigne de la confiance qui vous était témoignée par les fonctions confiées.'

Sur le courriel du 16 avril 2015

Dans un courriel envoyé le 16 avril 2015 à 8 heures 42, Nathalie X... répondait à Ludivine Y... qui venait de l'informer que la personne recrutée par Gilbert Z..., le dirigeant, pour la remplacer ne viendrait pas : 'Les boules pour lui au sujet de ta remplaçante, si ils sont cons ils vont avoir du mal à trouver on va bien se marrer ce sera Yoan qui devra faire la petite secrétaire à son papa!!!'.

Mme X... déclare avoir envoyé ce mail par erreur à son supérieur hiérarchique et utilisé le conditionnel et une expression familière de sorte que son message n'avait pas la portée que son employeur lui a donné.

La cour relève que :

- l'échange de mails a eu lieu sur la messagerie professionnelle avec la secrétaire de l'agence du Creusot ; en sa qualité de responsable administrative, mme X... était notamment chargée des relations entre les agences et le groupe ;

- elle se rejouissait de la difficulté à laquelle le dirigeant allait être confronté ; elle envisageait l'hypothèse que ses supérieurs hiérarchiques soient des 'cons', ce qui est insultant ; elle tournait en dérision le fils du dirigeant, Yoan Z..., cadre, en utilisant des points d'exclamation pour souligner son propos ;

- d'aprèsla pièce 3 de l'employeur, mme X... a transféré le courriel litigieux à Nicolas A..., son supérieur hiérarchique, le 20 avril à 16 heures 40, ce qui démontre le caractére volontaire de l'envoi et non une simple erreur de manipulation.

Le grief est établi. Il caractérise un manquement à l'obligation de loyauté. Il est évident que tant le contenu du message que l'information délibérée de sa hiérarchie compromettaient la poursuite des relations de travail avec les intéressés.

Sur les enregistrements illicites

L'appelante verse aux débats l'attestation de M. E..., DRH, de laquelle il résulte que le jour de l'entretien préalable, mme X... lui a indiqué qu'elle enregistrait ses conversations avec Nicolas A... dès que celui-ci franchissait la porte de son bureau, qu'il a accepté d'en écouter quelques extraits, que les enregistrements étaient de mauvaise qualité, que mme X... voulait faire apparaître des commentaires de M. A... sur une collaboratrice du groupe, lesquels, selon elle, n'étaient pas respectueux, qu'il n'avait rien noté d'irrespectueux. M. A... atteste de son côté qu'il ignorait qu'il était enregistré par mme X....

M. E... a confirmé ses déclarations devant le conseil des prud'hommes (pièce 14 de l'appelante).

Le manquement est établi nonobstant les dénégations de l'intimée. Il s'agit également d'un manquement à l'obligation de loyauté.

Cette dernière ne peut se retrancher derrière l'absence de reproches au cours de l'exécution du contrat de travail ou ses qualités professionnelles.

Elle prétend que le véritable motif du licenciement serait économique. Toutefois, si elle justifie par ses pièces 19, 20-1 et 20-2 que des licenciements pour motif économique ont eu lieu de manière contemporaine à son licenciement, en avril et en mai 2015, il apparaît que ceux-ci étaient consécutifs à la fermeture des agences de Poey de Lescat et de Saint Nazaire alors que les fonctions de l'intimée, de nature administrative, étaient transversales.

Elle ne démontre pas non plus que son employeur aurait envisagé de la rétrograder à un poste d'assistante en août 2014, le mail qu'elle communique en pièce 13 ne mentionnant pas quel poste lui avait été proposé, seulement sa réponse, à savoir qu'elle n'était pas intéressée.

Compte tenu des fonctions qu'elle occupait, l'envoi délibéré à son supérieur hiérarchique d'un courriel contenant des propos insultants et moqueurs à l'encontre du dirigeant et d'un cadre de l'entreprise et l'enregistrement de son supérieur hiérarchique à son insu pour fabriquer des preuves contre lui constituaient des fautes graves justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, mme X... étant déboutée des demandes financières en découlant et de son appel incident.

Sur les autres demandes

Sur les demandes au titre des déplacements

Mme X... indique que le lieu de travail mentionné dans son contrat de travail a été transféré à Saint-Herblain puis à Carquefou en 2010 et qu'un véhicule de service n'a été mis à sa disposition qu'en décembre 2013. Elle sollicite, d'une part, le remboursement de ses frais de déplacement pour la période antérieure, soit la somme de 15 060,51 €, le conseil de prud'hommes ayant commis une erreur dans l'application du barème fiscal, d'autre part, l'indemnisation du temps de trajet entre l'agence de Saint Nazaire et son nouveau lieu d'affectation sur le fondement des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail.

Il convient de rappeler que la clause du contrat de travail relative au lieu de travail a valeur d'information à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement à l'endroit indiqué.

En l'espèce, il est indiqué à l'article 2 du contrat du 2 mars 2009 que mme X... est rattachée à l'agence de St Nazaire.

Les agglomérations de Saint Nazaire et de Nantes appartiennent au même secteur géographique compte tenu du bassin d'emploi F... Nazaire, de la distance et de la desserte par une quatre-voies. Le changement d'affectation constituait donc une modification des conditions de travail de la salariée relevant du pouvoir de direction de l'employeur.

L'intimée ne peut dans ces conditions demander à être indemnisée du temps de trajet entre l'agence de St Nazaire et les sites de Saint-Herblain puis de Carquefou.

Par ailleurs, l'employeur a la faculté et non l'obligation de prendre en charge les frais de carburant qu'un salarié peut être amené à exposer entre son domicile et son lieu de travail (article L. 3261-3 du code du travail). Aucun texte ne fondant la réclamation de l'intimée, sa prétention ne saurait davantage prospérer.

Le jugement qui a fait droit à sa demande au titre des indemnités kilométriques sera infirmé et son appel incident rejeté, de même que sa demande nouvelle relative à l'indemnisation de ses temps de trajet.

Sur la prime annuelle 2015

Mme X... indique qu'elle a perçu chaque année une prime annuelle de 1 000 € et sollicite la confirmation de la disposition qui lui a accordé 500 € pour l'année 2015.

Toutefois, elle ne peut exiger le paiement de la prime annuelle dès lors que son versement n'était pas prévu par son contrat de travail. S'agissant d'un usage, l'employeur était en droit de poser comme condition la présence du salarié sur une année complète.

Le jugement sera infirmé.

Sur les frais de repas

En cause d'appel, l'intimée déclare qu'elle percevait des tickets restaurant d'une valeur de 7,50 € avec une prise en charge de l'employeur à hauteur de 4,50 € alors que les autres salariés se voyaient accordés des indemnités de repas de 7,90 € bruts plus 5,80 € nets par jour travaillé. Elle réclame une somme représentant la différence entre ces deux sommes.

Elle invoque l'attestation de M. B... mais celle qui est produite en pièce 20-1 porte uniquement sur le fait qu'il avait été licencié pour motif économique.

Mme X... ne rapportant pas la preuve de son allégation, sa prétention sera rejetée.

Sur les autres demandes

La disposition du jugement ayant condamné l'intimée à payer à l'appelante une somme au titre d'un trop-perçu, non critiquée, sera confirmée.

Compte tenu de ce qui précède, les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées. Mme X... qui succombe en toutes ses prétentions sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer 500 € à l'appelante au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement :

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné mme X... à rembourser à la société Altead soutien logistique la somme de 153,84 euros au titre d'un trop perçu,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE mme X... de toutes ses demandes,

CONDAMNE mme X... à payer à la société Altead soutien logistique la somme de 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE mme X... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/05777
Date de la décision : 06/07/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°16/05777 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-06;16.05777 ?
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