Chambre des Baux Ruraux
ARRÊT N° 30
N° RG 17/00294
M. Frédéric X...
Mme Gisèle X...
M. Jean-Claude X...
M. Pascal X...
Mme Gwénaëlle Y...
M. Loïc Z...
Mme Françoise A... épouse née X...
Mme Marie-Josée B... épouse née X...
M. Michel X...
C/
Mme Yvette F... épouse née C...
M. Jean F...
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me MORVAN
Me LE FUR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 JUILLET 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Monsieur Maurice LACHAL, Président,
Assesseur : Madame Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Conseiller,
Assesseur : Madame Geneviève SOCHACKI, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats, et MadameVirginieSERVOUZE, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Avril 2018
devant Madame Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juillet 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur Frédéric X...
né le [...] à BORDEAUX (33)
[...]
Représenté par Me Jacques MORVAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Madame Gisèle X...
née le [...] à BOURG (33)
[...]
Représentée par Me Jacques X..., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Monsieur Jean-Claude X...
né le [...] à TREMAOUEZAN (29)
[...]
Représenté par Me Jacques MORVAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Monsieur Pascal X...
né le [...] à LANDERNEAU (29)
[...]
Représenté par Me Jacques MORVAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
- 2 -
Madame Gwénaëlle Y...
née le [...] à MORLAIX (29)
[...]
OXFORD
Représentée par Me Jacques MORVAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Monsieur Loïc Z...
né le [...] à MORLAIX (29)
[...]
Représenté par Me Jacques MORVAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Madame Françoise A... épouse née X...
née le [...] à LANDERNEAU (29)
[...]
Représentée par Me Jacques MORVAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Madame Marie-Josée B... épouse née X...
née le [...] à GUISSENY (29)
[...]
Représentée par Me Jacques MORVAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Monsieur Michel X...
né le [...] à LANDERNEAU (29)
[...]
Représenté par Me Jacques MORVAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
INTIMÉS :
Madame Yvette F... épouse née C...
née le [...] à TOULON (83)
[...]
Représentée par Me Daniel LE FUR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Monsieur Jean F...
né le [...] à LE DRENNEC (29)
[...]
Représenté par Me Daniel LE FUR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
****
EXPOSE DU LITIGE
Le 25 octobre 1970, M. Jean-Pierre X... a donné à bail à M. Jean-PierreF... et Mme Yvette C... épouse F... diverses parcelles situées au [...] comprenant des bâtiments d'habitation et d'exploitation cadastrés [...] et [...] .
Le 22 juin 1973, M. Jean-Pierre X... a vendu à M. et Mme Jean-PierreF... les deux parcelles [...] et [...] nouvellement cadastrées [...] , le bail se poursuivant sur les autres parcelles dont celle cadastrée [...] d'une contenance de 14 a 07 ca.
En 1976, M. et Mme Jean-Pierre F... ont construit une extension du hangar existant composée d'une salle de traite et d'un silo à maïs sur les parcelles [...] et [...] .
M. Jean-Pierre X... est décédé le [...] laissant pour lui succéder Mme Gisèle G... veuve X..., M. Jean-Claude X..., MmeMarieJoséeX... veuve B..., M. Loïc Z..., Mme Gwénaëlle Z... épouse Y..., M.Frédéric X..., Mme Françoise X... épouse H..., M.PascalX... et M.Michel X... (ci-après les consorts X...).
Le 3 octobre 1996, M. et Mme F... ont cédé leur bail rural à leur fils LoïcF... avec l'agrément des bailleurs, sans cession des améliorations.Ce bail a été résilié le 29 décembre 2011.
Le 18 janvier 2016, les consorts X... ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Brest aux fins de voir M. et Mme Jean-Pierre F... condamnés à démolir la partie de l'extension empiétant sur leur parcelle [...] sous astreinte et à leur payer la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par jugement du 12 décembre 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux de Brest :
s'est déclaré matériellement compétent,
a déclaré irrecevable l'action des consorts X... tendant à voir ordonner la démolition des constructions réalisées en empiétement sur la parcelle [...] ,
les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
les a condamnés aux dépens et à payer à M. et Mme Jean-Pierre F... la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu sa compétence au motif que la construction litigieuse a été réalisée au cours de l'exécution d'un bail rural et a estimé que l'action réelle immobilière engagée était prescrite depuis 2006, sur le fondement de la prescription trentenaire prévue à l'article 2227 du code civil, puisque les propriétaires ont eu connaissance de l'empiétement dès la construction édifiée en 1976, l'existence d'un bail rural sur la parcelle litigieuse étant indifférente dès lors qu'elle ne les privait pas du droit de contester l'empiétement.
Les consorts X... ont fait appel de cette décision le 13 janvier 2017.
Mme Gisèle G... veuve X... est décédée le [...] , laissant pour lui succéder ses quatre enfants, Frédéric, Pascal et Michel X... et Françoise X... épouse H..., lesquels étaient déjà parties à la procédure.
M. Jean-Claude X..., Mme Marie Josée X... veuve B..., M.LoïcZ..., Mme Gwénaëlle Z... épouse Y..., M. Frédéric X..., MmeFrançoise X... épouse H..., M. Pascal X... et M. Michel X... demandent à la cour de :
les recevoir en leur appel,
leur décerner acte du décès de Mme Gisèle G... veuve X... et de la poursuite de l'action par ses quatre héritiers M. Frédéric X..., MmeFrançoise X... épouse H..., M. Pascal X... et M. Michel X... déjà appelants ;
confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux de Brest et en ce qu'il a jugé que leur action constituait une action réelle immobilière soumise à la prescription de l'article 2227 du codecivil,
le réformer pour le surplus,
statuant à nouveau,
juger que le point de départ de la prescription trentenaire de l'action en démolition des ouvrages est constitué par l'acte de résiliation amiable du bail rural du 29 décembre 2011 à titre principal et par l'acte de cession du bail rural du 3 octobre 1996 à titre subsidiaire et que l'action est recevable et non atteinte de prescription,
ordonner la démolition de la stabulation laitière, de la fosse à lisier, du silo couloir, des dallages béton existant entre ces ouvrages et plus généralement, de l'ensemble des ouvrages empiétant sur la parcelle [...] aux frais de M. et Mme Jean-Pierre F... et sous astreinte de 100€ par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,
condamner M. et Mme F... à leur verser une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts,
les condamner aux dépens et à leur payer une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme Jean-Pierre F... demandent à la cour de :
les recevoir en leur appel incident,
réformer le jugement dont appel,
à titre principal,
juger que le tribunal paritaire des baux ruraux devait se déclarer matériellement incompétent pour connaître de la demande réelle immobilière des consortsX... au profit du tribunal de grande instance de Brest,
renvoyer les consorts X... à mieux se pourvoir,
à titre subsidiaire,
juger prescrite leur action tant sur le fondement du bail rural que de l'action réelle immobilière,
à titre encore plus subsidiaire,
les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
en toute hypothèse,
les condamner à leur payer, en cause d'appel, la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
les condamner aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières écritures déposées le 30 mars 2018 par les appelants et le 4 avril 2018 par les intimés, lesquelles ont été développées oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
1. M. et Mme F... relèvent que les consorts X... indiquent exercer une action réelle immobilière tendant à la suppression d'un empiétement et une action en revendication fondées sur les dispositions des articles 545 et 555 du code civil et reconnaissent donc que le fondement de leur action n'est plus le bail rural ayant lié les parties. Ils en déduisent que la connaissance de cette action non fondée sur le bail rural relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Brest en vertu des dispositions d'ordre public de l'article R. 211-4 du code de l'organisation judiciaire.
Les consorts X... rétorquent que la spécificité du litige est que les constructions agricoles litigieuses ont été édifiées à l'occasion d'un bail rural, que le débat porte sur la question de savoir si ces constructions étaient autorisées ou pas par le bailleur et pouvaient ou non être détruites de sorte que le tribunal paritaire des baux ruraux est nécessairement compétent en application des dispositions de l'article L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime.
Le tribunal paritaire des baux ruraux est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux relatives à l'application du titreI à VI et VIII du livre IV du code rural et de la pêche maritime.
Les consorts X... invoquent les dispositions de l'article 850 de l'ancien coderural aux termes desquelles les travaux d'amélioration devaient être soient prévus par le bail soit faire l'objet d'une autorisation préalable du bailleur et ce, dans les mêmes termes que les dispositions actuellement prévues par l'article L. 411-73 1 2ème du coderural et de la pêche maritime pour en déduire que les constructions réalisées sans autorisation doivent être démolies.
Les premiers juges en ont exactement déduit que le tribunal paritaire des baux ruraux était matériellement compétent pour statuer sur cette contestation entre bailleurs et preneurs quant à l'exécution du bail rural du 25 octobre 1970 renouvelé jusqu'au 29décembre 2011.
2. Les consorts X... demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que leur action relevait des dispositions de l'article 2277 du code civil et de l'infirmer en ce qu'il a déclaré cette action prescrite.
Ils soutiennent que leur action qui tend à la destruction des constructions réalisées en cours de bail sans autorisation est non pas une action personnelle et mobilière mais une action en revendication de leur droit de propriété sur la parcelle [...] imprescriptible ou subsidiairement, une action réelle immobilière qui se prescrit dans le délai de prescription trentenaire de l'article 2227 du code civil.
Ils font valoir que leur action en démolition n'est pas justifiée par le fait que les constructions ont été édifiées sur le sol d'autrui mais par le fait qu'elles n'ont pas donné lieu à une autorisation préalable et que n'étant copropriétaires que depuis 1981, le délai de prescription de leur action n'a commencé à courir qu'à la date de fin du bail rural soit le 29 décembre 2011 ou, à titre subsidiaire, à la date où les époux F... , constructeurs des ouvrages litigieux ont cédé leur bail à leur fils Loïc soit le 3 octobre 1996.
M. et Mme F... considèrent que l'action des consorts X... est une action réelle et mobilière tirée du contrat de bail rural soumise aux dispositions de l'article2224 du code civil et qu'ayant cédé leur bail le 3 octobre 1996, aucune action ne pouvait être intentée après le 19 juin 2013 par application combinée des articles 2262 ancien du code civil et 2224 et 2222 du code civil dans sa rédaction issue de la loin°2008-561 du 17 juin 2008. Subsidiairement si la cour confirmait que l'action est une action réelle immobilière, ils font valoir que le point de départ du délai de prescription est la date des travaux soit 1976, date où M. Jean-Pierre X..., dont les consorts X... sont les ayants droit, a connu ou aurait dû connaître l'empiétement ou subsidiairement, le 20 mars 1981, date du décès de M. Jean-Pierre X....
Comme les consorts X..., le mentionnent dans leur acte de saisine du tribunal paritaire des baux ruraux, l'ensemble des dispositions de l'acte de cession du bail rural relatives à la question de la cession des améliorations ont été rayées de sorte que les améliorations n'ont pas été transmises à M. Loïc F... et sont restées appartenir aux preneurs d'origine, M. et Mme Jean-Pierre F... . Ils soutiennent, par ailleurs, que leur action en démolition est justifiée par le fait que les constructions litigieuses n'ont pas donné lieu à une autorisation préalable en contravention avec les règles du statut du fermage, ce qui a fondé leurs saisine du tribunal paritaire des baux ruraux. Cette action est donc une action personnelle.
L'ancien article 2262 prévoyait que les actions tant réelles que personnelles se prescrivaient par trente ans. L'article 2224 du code civil issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile prévoit désormais que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article 2222 dispose qu'en cas de réduction de la durée de prescription du délai, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Le point de départ du délai de prescription de l'action des consorts X... ne peut excéder le 3 octobre 1996, date de la cession de leur bail par les époux F... à leur fils sans cession des améliorations puisque les mentions du bail à ce titre ont été rayées, laquelle cession de bail est intervenue avec l'agrément des consorts X....
La loi nouvelle est entrée en vigueur le 18 juin 2008. En conséquence, le délai réduit de cinq ans applicable à compter de cette date a nécessairement expiré le 18janvier 2013 et l'action doit être déclarée prescrite et le jugement confirmé sur ce point, par substitution de motifs.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Décerne acte à M. Frédéric X..., Mme Françoise X... épouse H..., M.Pascal X... et M. Michel X... de leur poursuite de l'action, en leur qualité d'héritiers de Mme Gisèle G... veuve X... ;
Confirme le jugement ;
Condamne M. Jean-Claude X..., Mme Marie Josée X... veuve B..., M.Loïc Z..., Mme Gwénaëlle Z... épouse Y..., M. Frédéric X..., MmeFrançoise X... épouse H..., M. Pascal X... et M. Michel X... aux dépens ;
Condamne M. Jean-Claude X..., Mme Marie Josée X... veuve B..., M.Loïc Z..., Mme Gwénaëlle Z... épouse Y..., M. Frédéric X..., MmeFrançoise X... épouse H..., M. Pascal X... et M. Michel X... à payer à M. Jean-Pierre F... et Mme Yvette C... épouse F... la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT