4ème Chambre
ARRÊT N°282
N° RG 15/05159
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUA... FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 JUILLET 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Monsieur Louis-Denis HUBERT, Président de chambre,
Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseiller,
Assesseur : Madame Catherine PELTIER-MENARDAIS, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Mars 2018, devant Madame Catherine PELTIER-MENARDAIS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Juin 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats puis prorogé au 05 Juillet 2018
****
APPELANTE :
SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT RCS de LORIENT
ZAC du Parco, [...]
Représentée par Me C..., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
SARL SCI KERFLOCH
[...]
Représentée par Me Yann NOTHUMB de la SCP YANN NOTHUMB - EDITH PEMPTROIT, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT
Représentée par Me Jean-david CHAUDET de la X..., Postulant, avocat au barreau de RENNES
Compagnie d'assurances CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentée par Me Christophe Y... de la SELARL LE PORZOU, Y..., ERGAN, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCEDURE
Selon acte notarié en date du 7 avril 2007, la SCI KERFELOC'H a acquis une maison à usage d'habitation sise au [...]. Entreprenant la rénovation de cette maison, elle a sollicité la société ROUZIC pour la réfection de deux cheminées et M. Z... pour la réalisation de travaux de maçonnerie.
Les travaux de la société ROUZIC, confiés par devis en date du 4 avril 2008, ont été effectués courant 2008 et facturés le 7 novembre 2008. Ces travaux ont consisté en la rénovation d'une cheminée existante et la création d'une seconde cheminée.
La SCI KERFLOC'H a constaté très rapidement que ces deux cheminées 'refoulaient' et a par lettre en date du 15 avril 2010, a mis la SARL ROUZIC en demeure de solutionner les difficultés.
Ne parvenant pas à une solution amiable, par acte en date du 21 juin 2011, la SCI KERFELOC'H, a saisi le juge des référés du Tribunal de grande Instance de LORIENT au visa de l'article 145 du Code de Procédure Civile, afin de voir ordonner une expertise judiciaire au contradictoire de la société ROUZIC.
Par ordonnance en date du 13 juillet 2011, le juge des référés a fait droit à la demande de la SCI KERFELOC'H, et a désigné monsieur A... pour procéder aux opérations d'expertise.
Par courrier en date du 7 octobre 2011, la CRAMA BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE, ou société GROUPAMA, assureur décennal de la société ROUZIC, est intervenue volontairement aux opérations d'expertise.
Le rapport d'expertise a été déposée le 14 octobre 2013.
Par acte en date du 21 février 2014, la SCI KERFELOC'H a fait assigner la société ROUZIC devant le Tribunal de Grande Instance de LORIENT, sur le fondement des articles 1792 et suivants et 1134 et 1147 du Code Civil, afin d'obtenir sa condamnation au paiement du coût des travaux de reprise et à l'indemnisation de son préjudice de jouissance.
Par acte en date du 22 mai 2014, la société ROUZIC a fait assigner la société GROUPAMA devant le Tribunal de Grande Instance de LORIENT afin de la voir condamner à la garantir toutes condamnations prononcées à son encontre.
Les deux instances ont été jointes.
Par jugement en date du 23 juin 2015, le Tribunal a :
- Condamné la SARL ROUZIC CARRIERES DE GRANIT à régler à la SCI KERFLOC'H :
- 42 145,50 €1adite somme indexée sur 1e dernier indice BT01 publié
à la date du présent jugement, l'indice de référence étant le dernier publié au 14 octobre 2013 ;
- 6 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance;
- 4 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;
- Débouté la SARL ROUZIC CARRIERES DE GRANIT de sa demande en garantie;
- Débouté la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur de
42 145,50€;
- Condamné la SARL ROUZIC CARRIERES DE GRANIT aux dépens, auxquels seront joints ceux de l'instance en référé et dont distraction au profit de Maître D....
Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 1er juillet 2015, la SARL ROUZIC CARRIERES DE GRANIT a interjeté appel de ce jugement, intimant la SCI KERFLOC'H et la CRAMA.
Les parties ont conclu;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 mars 2018.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions notifiées le 3 août 2017, la SARL ROUZIC CARRIERES DE GRANIT, demande à la Cour de :
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil
Vu les dispositions des articles L 114-1 et suivants du Code des assurances
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Société ROUZIC-CARRIERES de GRANIT et fixé le montant du préjudice matériel de la SCI KERFLOC'H à 42 145,50 € ;
- Infirmer le jugement dont appel pour le surplus ;
En conséquence,
- A titre principal, débouter la SCI KERFLOC'H de ses plus amples demandes, fins et conclusions dirigées contre la Société ROUZIC-CARRIERES de GRANIT ;
- A titre subsidiaire, limiter le quantum de l'indemnité susceptible d'être allouée à la SCI KERFLOC'H au titre des préjudices de jouissance à 3 000 € ;
- Constater que la garantie décennale souscrite par la Société ROUZIC-CARRIERES de GRANIT auprès de la CAISSE REGIONALE d'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES de BRETAGNE PAYS
de LOIRE (GROUPAMA) est acquise et non prescrite ;
- Condamner la CAISSE REGIONALE d'ASSURANCE MUTUELLES AGRICOLES de BRETAGNE PAYS de LOIRE (GROUPAMA) à garantir intégralement la Société ROUZIC-CARRIERE de GRANIT de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle tant au titre du préjudice matériel que du préjudice immatériel subis par la SCI KERFLOC'H, outre les intérêts, frais irrépétibles et dépens ;
- Condamner la CAISSE REGIONALE d'ASSURANCE MUTUELLES AGRICOLES de BRETAGNE PAYS de LOIRE (GROUPAMA) en 3 500 € au titre des frais irrépétibles
- Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître C... conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile
Elle fait essentiellement valoir que :
Sur le préjudice de jouissance,
- l'existence du trouble causé par le dysfonctionnement des cheminées, moyen de chauffage de la maison, est discutable, alors que la maison litigieuse est une résidence secondaire située à près de 500 km de la résidence principale des des associés de la SCI,
- le caractère certain du préjudice n'est pas rapporté, la SCI KERFELOC'H ne démontrant pas avoir occupé la résidence pendant la période de chauffe, alors qu'au surplus, l'utilisation de chauffage d'appoint était possible,
- la seule durée des travaux de reprise ne justifie pas le montant de l'indemnité allouée;
A titre subsidiaire, le montant de l'indemnité pour un préjudice de jouissance devrait être réduit, compte tenu d'une occupation de 3 semaines durant la période hivernale et de la valeur locative du bien (estimée à 500 euros par mois ;
Sur la garantie de la CRAMA et le caractère décennal des désordres,
- les désordres revêtent les caractères de désordres de nature décennale, en ce qu'ils portent atteinte à la sécurité des occupants par le refoulement des fumées ;
la création d'une cheminée comportant un conduit maçonné, un système de ventilation et de production d'air chaud, une sortie en toiture constitue bien un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ;
Sur la couverture du sinistre,
- le contrat d'assurance décennal conclu entre la société ROUZIC et GROUPAMA prenait effet au 1er janvier 2006 et couvrait notamment ses activités de pose de cheminée;
- les travaux réalisés en 2008 étaient donc bien couverts par le contrat d'assurance décennale ;
Sur la prescription opposée par GROUPAMA,
le devoir d'information exigé par les textes et la jurisprudence, impose que l'assureur informe son assuré de l'existence du délai de prescription biennal, des causes d'interruption et de suspension de ce délai, et son point de départ;
à défaut pour l'assureur de satisfaire à cette obligation d'information, la prescription biennale ne peut être opposée à l'assuré;
- en l'espèce, les dispositions générales produites par GROUPAMA sont différentes de celles en possession de l'assurée, ces dernières ne faisant pas mention des dispositions légales;
- le délai biennal à commencé à courir le 21 juin 2011, et a été suspendu par l'ordonnance du 13 juillet 2011, il n'a recommencé à courir que le 14 octobre 2013, conformément à l'article 2239 du Code Civil ;
- la renonciation de l'assureur à se prévaloir de la prescription biennale peut être déduite de son comportement pendant les opérations d'expertise, à savoir son intervention volontaire à l'expertise, la mise en cause du fabricant, et l'absence de contestation de sa garantie avant ses conclusions du 7 novembre 2014 permettent de déduire sa volonté de renonciation à se prévaloir de la prescription biennale.
Par conclusions notifiées le 25 septembre 2015, la SCI KERFLOC'H, demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de LORIENT du 23 juin 2015 en toutes ses dispositions,
- Débouter la SARL ROUZIC CARRIERES DE GRANIT de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la SARL ROUZIC CARRIERES DE GRANIT à payer à la SCI KERFLOC'H la somme de 8.000 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC,
Condamner la SARL ROUZIC CARRIERES DE GRANIT aux entiers dépens.
Elle soutient que :
-l'indemnité pour réparation du préjudice de jouissance, seule discutée contre la SCI KERFELOC'H, est parfaitement justifiée, les deux cheminées ne fonctionnant pas depuis 2008 et constituant le seul moyen de chauffage de la maison, rendant cette dernière simplement inhabitable;
-les travaux de reprise nécessiteront un délai de 3 mois.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 17 novembre 2015, la CRAMA LOIRE BRETAGNE dite GROUPAMA, demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de LORIENT en ce qu'il a débouté la société ROUZIC de toutes ses demandes dirigées contre la CRAMA;
- Débouter toutes parties de toutes conclusions plus amples ou contraires;
Subsidiairement,
- Dire et juger que GROUPAMA est bien fondée à opposer la franchise contractuelle de son contrat qui s'élève à 10% de l'indemnité avec un minimum de 0,75 de l'indice BT01 et un maximum de 3,8 du même indice;
- Condamner toute partie succombante au paiement d'une indemnité de 2 500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
- Condamner la même aux entiers dépens qui seront recouvrés par la B..., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Elle développe l'argumentation suivante :
- les mentions relatives à la prescription biennale sont bien rappelées dans les conditions générales, et par conséquent opposables à la société ROUZIC;
- la société GROUPAMA n'était pas partie à la procédure de référé et est intervenue volontairement en cours d'expertise sans jamais avoir l'intention de renoncer à se prévaloir de la prescription biennale, comme elle l'explique dans un courrier recommandé envoyé à son assuré dès le 16 septembre 2010;
- le délai aurait pu être interrompu par l'ordonnance de référé si l'assureur avait été à la cause en qualité de partie ;
- la qualification décennale des désordres n'a d'effet que s'ils portent sur un ouvrage, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'intervention de la société ROUZIC se limitant à la fourniture et la pose de deux appareils de la marque LORFLAM, alors que les travaux de démolition du foyer, de coulage du béton et tous autres travaux de maçonnerie constituant un ouvrage ont été réalisés par l'entreprise Z...;
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des articles, 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la demande principale de la SCI KERFLOC'H à l'encontre de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT
Il est acquis qu'en cause d'appel, la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT ne discute pas le principe de sa responsabilité, ni le montant de l'indemnisation allouée à la SCI KERFLOC'H au titre des travaux de reprise.
Le jugement dont appel est confirmé de ces deux chefs à tout le moins en ce qu'il retient la responsabilité de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT et la condamne au paiement de la somme de 42 145,50 euros.
Le fondement de cette responsabilité sera examiné ci-après dans le cadre de l'appel en garantie de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT à l'encontre de son assureur la CRAMA, sous réserve que cet appel en garantie soit recevable (non prescrit).
En revanche, la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT conteste la somme de 6 000 euros allouée au titre du préjudice de jouissance.
Il convient de souligner que les désordres affectaient le seul mode de chauffage de l'immeuble de la SCI KERFLOC'H
Or, s'il est constant que l'étendue du préjudice de jouissance lié à l'impossibilité de chauffer l'immeuble est moindre pour une résidence secondaire destinée à ne pas être occupée en permanence, il n'en demeure pas moins que les maîtres d'ouvrage étaient en droit d'attendre un système de chauffage efficient leur permettant précisément d'occuper leur bien à toutes périodes de l'année.
A ce titre, force est de rappeler que les deux foyers encastrés installés par la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT constituent l'unique mode de chauffage de la maison et que les désordres constatés entraînent un refoulement de fumée à l'intérieur de la maison. L'alternative pour la SCI KERFLOC'H était de ne pas chauffer l'immeuble ou d'actionner les deux cheminées litigieuses avec une impossibilité d'occupation sans ouvrir les fenêtres.
Cette alternative conduisait à l'évidence à une impossibilité de séjourner dans la maison durant la période de chauffe (soit généralement entre la mi octobre et début mai de l'année suivante).
Les désordres sont apparus dès la fin des travaux et a minima depuis 2010, de telle sorte qu'ils ont été subis pendant au moins 5 années à la date du jugement déféré (assorti de l'exécution provisoire).
Au regard de ces seuls éléments, les premiers juges ont, à bon droit, évalué à 6000 euros le préjudice de jouissance subi par la SCI KERFLOC'H, cette évaluation correspondant à une somme de 1200 euros par année.
Le jugement dont appel est confirmé de ce chef.
2) Sur le recours de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT à l'encontre de son assureur la CRAMA BRETAGNE PAYS DE LOIRE dite GROUPAMA
Il convient à titre liminaire d'observer que la CRAMA est appelée en garantie par son assuré la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANITet que la SCI KERFLOC'H, tiers au contrat d'assurance, n'exerce aucune action directe à l'encontre de la CRAMA.
-a-sur la recevabilité du recours
-sur l'opposabilité de la prescription biennale à la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT
Il est acquis que la police d'assurance responsabilité civile décennale, souscrite par la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT avec effet le 1er janvier 2006, relève des branches 1 à 17 de l'article R 321-1 du code des assurances.
Or, aux termes de l'article R 112-1 alinéa 2 dudit code des assurances, les polices d'assurance relevant les branches 1 à 17 de l'article R 321-1 du code des assurances « doit rappeler les dispositions des titres I et II du livre 1 de la partie législative du présent code concernant la règle proportionnelle, lorsque celle-ci n'est pas inapplicable de plein droit ou écartée par une stipulation expresse, et la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance. »
Il est constant qu'il incombe à l'assureur de démontrer qu'il a satisfait à ces dispositions, notamment par la remise des conditions générales ou d'une notice, comportant expressément les informations afférentes aux délais de prescription (durée du délai, point de départ du délai et les causes d'interruption)
A défaut, le moyen tiré de la prescription biennale est inopposable à l'assuré.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que les conditions personnelles du contrat souscrit par la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT auprès de GROUPAMA avec effet au 1er janvier 2006, vise expressément les conditions générales 'modèle 207225 (CAR 01) ' ; que l'assuré déclare avoir reçu un exemplaire de ces conditions générales.
Or, l'analyse des conditions générales applicables au jour de l'entrée en vigueur du contrat, et plus précisément l'article 4/6 des dites conditions générales, démontre qu'il a été satisfait aux exigences d'information posées par l'article R 112-1 susvisé. Nonobstant les contestations élevées par la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT, les conditions générales versées aux débats par son assureur portent la référence CAR 01 et sont datées de juillet 2005, alors que celles dont elle se prévaut sont incomplètes et portent une toute autre référence que celles visées aux conditions personnelles (en l'occurrence CAR 02).
Il s'ensuit que le délai de prescription biennale est opposable à la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT .
-sur la recevabilité de l'action de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT à l'encontre de la CRAMA
En l'espèce il n'est pas discuté que la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT a déclaré le sinistre conformément aux dispositions contractuelles ; pour mémoire cette déclaration est intervenue le 12 septembre 2010 et la CRAMA en a accusé réception par courrier en date du 16 septembre 2010, courrier aux termes duquel elle a informé son assuré de l'ouverture d'un dossier de sinistre sans toutefois prendre position sur la garantie.
Il n'est pas davantage discuté que l'assureur, la CRAMA, n'était pas partie à l' instance en référé introduite par la SCI KERFLOC'H le 21 juin 2011.
*sur le point de départ du délai de prescription de l'action de l'assuré
En application de l'article L 114-1 du code des assurances :
alinéa 1 : 'toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.'
Alinéa 3 : ' quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.'
Conformément à ces dispositions, il n'est pas discuté qu'en l'espèce, le point de départ du délai de prescription biennale est fixé au 21 juin 2011, date à laquelle la SCI KERFLOC'H a fait assigner la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT devant le juge des référés du tribunal de grande instance de LORIENT aux fins d'obtenir la désignation d'un expert.
*sur l'interruption ou la suspension du délai de prescription
En application de l'article L 114-2 du code des assurances : ' la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.'
À ce titre, il est constant que la prescription de l'action engagée entre un assuré est un assureur est interrompue à l'égard des parties à une mesure d'expertise.
En l'espèce, la CRAMA non partie à l'instance de référé, est intervenue volontairement au cours des opérations d'expertise, et plus précisément le 07 octobre 2011.
Cette intervention volontaire ne lui confère toutefois pas la qualité de partie à l'instance en référé.
Par ailleurs, en intervenant volontairement aux opérations d'expertise, la CRAMA n'a pas davantage renoncé à se prévaloir du moyen relatif à la prescription, la simple participation de l'assureur aux opérations d'expertise ne valant pas renonciation.
En conséquence, le délai de prescription biennale a commencé à courir à compter du 21 juin 2011 et n'a pas été interrompu ou suspendu , de telle sorte qu'il a expiré le 21 juin 2013.
Enfin la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT ne peut valablement prétendre que la CRAMA a usé de man'uvres dilatoires pour induire son assurée en erreur, alors qu'il lui était loisible de l'appeler régulièrement aux opérations d'expertise afin de conférer à la CRAMA la qualité de partie et interrompre la prescription à son égard conformément aux dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances. De surcroît, dès le 16 septembre 2010, la CRAMA avait informé son assuré qu'elle avait ouvert un dossier 'sous toutes réserves de garantie et de responsabilité'.
Or, la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT a appelé en garantie son assureur la CRAMA, par acte d'huissier délivré le 22 mai 2014, soit près d'une année après l'expiration du délai de prescription biennale.
IL s'en déduit que l'action de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT à l'encontre de la CRAMA est irrecevable pour cause de prescription.
-b-sur le bien fondé
L'action de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT à l'encontre de son assureur la CRAMA BRETAGNE PAYS DE LOIRE dite GROUPAMA étant prescrite, toute demande est irrecevable .
Sur les dépens et frais irrépétibles
Succombante en cause d'appel la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT est condamnée aux entiers dépens d'appel.
Au regard des développements précédents, il serait inéquitable de laisser à la SCI KERFLOC'H la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel, de telle sorte qu'il est justifié de lui allouer la somme de 2500 euros et de condamner la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT au paiement de cette somme.
En revanche, toutes autres demandes de ce chef, sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 23 juin 2015 par le tribunal de grande instance de LORIENT, en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative au recours en garantie de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT à l'encontre de la CRAMA BRETAGNE PAYS DE LOIRE dite GROUPAMA;
Statuant à nouveau
Juge prescrite l'action de la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT à l'encontre de la CRAMA BRETAGNE PAYS DE LOIRE dite GROUPAMA;
Y additant
Condamne la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT à payer à la SCI KERFLOC'H la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la SARL ROUZIC-CARRIERES DE GRANIT aux entiers dépens d'appel.
Le Greffier Le Président