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28/06/2018 | FRANCE | N°16/01020

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 28 juin 2018, 16/01020


4ème Chambre








ARRÊT N°259





N° RG 16/01020








LDH/FD


























Copie exécutoire délivrée





le :





à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 28 JUIN 2018








COMPOSITION DE

LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:





Président : Monsieur Louis-Denis HUBERT, Président de chambre,


Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseiller,


Assesseur : Madame Catherine PELTIER-MENARDAIS, Conseiller,





GREFFIER :





Mme Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé








DÉBATS :





A l'audience publique du 24 Mai 2018



...

4ème Chambre

ARRÊT N°259

N° RG 16/01020

LDH/FD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 JUIN 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Louis-Denis HUBERT, Président de chambre,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseiller,

Assesseur : Madame Catherine PELTIER-MENARDAIS, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Mai 2018

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Juin 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

Groupement SOCIETE BRESTOISE DE STOCKAGE - SOBRESTOCK Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Emmanuel CUIEC de la SCP CUIEC, Plaidant, avocat au barreau de BREST

Représentée par Me Jean-paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

SAS UNION ARMORICAINE DE TRANSPORTS (UAT - RAILLARD) Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...] de Commerce

[...]

Représentée par Me Emmanuel CUIEC de la SCP CUIEC, Plaidant, avocat au barreau de BREST

Représentée par Me Jean-paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

SAS ENTREPRISE BIHANNIC

Représentée par son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de BREST

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

SA ETABLISSEMENT TANGUY

[...]

Représentée par la SCPA BALON, Plaidant, avocats au barreau de PARIS

Représentée par Me Bruno X... de la SELARL OCEAJURIS AVOCATS - CABINET D... X..., Postulant, avocat au barreau de BREST

MMA IARD

[...]

Représentée par la SCPA BALON, Plaidant, avocats au barreau de PARIS

Représentée par Me Bruno X... de la SELARL OCEAJURIS AVOCATS - CABINET D... X..., Postulant, avocat au barreau de BREST

***

FAITS ET PROCÉDURE

La société anonyme à capital variable d'intérêt collectif agricole des SILOS BRESTOIS (SICA SILO) a pour objet l'importation et de stockage de céréales et autres produits agricoles et notamment de tourteaux de soja destinés à l'alimentation animale. Elle est propriétaire d'un bâtiment destiné au stockage de ces produits sur le port de commerce de BREST.

Par contrat en date du 07 novembre 2000, elle a confié à la société LE BÂTIMENT CLEF EN MAIN (ci après société BCM), la rénovation de la couverture de ce bâtiment de stockage, dont elle a confié la maîtrise d'oeuvre à la société INGÉNIERIE CONCEPT CONSTRUCTION (ICC).

La pose des plaques de couverture en fibre ciment a été sous-traitée à la société BIHANNIC, qui s'est approvisionnée auprès de la société ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE (ci après la société TANGUY & CIE), assurée auprès de la compagnie MMA IARD et, qui s'est elle même fourni auprès de la société INTERFER.

Les travaux ont été réceptionnées sans réserve le 29 juin 2001.

Les 10 et 11 mai 2007, plusieurs plaques de couvertures se sont envolées lors d'une tempête, et des fissures ont été révélées sur certaines d'entre elles restées en place.

Suite à expertise amiable diligentée par l'assureur de la société BIAHNNIC, un devis de réfection totale de la toiture a été établi par cette société pour un montant de 218.598,27 € HT.

Le 4 juillet 2007, la société SICA SILO a fait assigner en référé expertise la société BCM ainsi que les sociétés BIHANNIC, TANGUY & CIE et ICC. La compagnie MMA, assureur de la société TANGUY & CIE est intervenue volontairement à la procédure de référé expertise.

Par ordonnance du juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Brest, en date du 24 juillet 2007, une mesure d'expertise judiciaire a été ordonnée et M. F... a été désigné pour y procéder.

Le 7 décembre 2007, la société SICA SILO a fait assigner en ordonnance commune la société SOBRESTOCK, locataire exploitant du hangar litigieux lui appartenant permettant de stocker 15'000 t en ce trois cellules.

Par ordonnance rendue le 21 janvier 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest a déclaré les opérations d'expertise confiée à Monsieur F... communes et opposables à la société SOBRESTOCK.

Le 24 juillet 2008, la société SOBRESTOCK a fait assigner en ordonnance commune la société ARMORICAINE DE TRANSPORT (UAT), chargée des opérations de manutention.

Par ordonnance rendue le 5 août 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest a déclaré les opérations d'expertise communes et opposables à la société UAT.

Le 17 novembre 2009, la société SICA SILO a fait assigner la société BCM en référé-provision devant le juge des référés du tribunal de commerce de Quimper.

Dans le cadre de cette procédure de référé, le 25 novembre 2009, la société BCM a fait assigner en garantie les sociétés BIHANNIC et TANGUY & CIE.

Par ordonnance rendue le 10 décembre 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Quimper a condamné à titre provisionnel la société BCM à payer à la société SICA SILO la somme de 223'717,61 euros et la société TANGUY & CIE à la garantir de cette condamnation par substitution.

Après s'être entouré de l'avis d'un sapiteur, Monsieur Alain Y..., pour le chiffrage des préjudices des sociétés SOBRESTOCK et UAT, Monsieur F... a déposé son rapport le 14 juin 2013.

Par acte d'huissier en date des 17 et 22 septembre 2014, le GIE SOBRESTOCK et la société UAT ont fait assigner la société BIHANNIC et la société TANGUY ET CIE, et son assureur la MMA IARD devant le Tribunal de Commerce de Brest afin de les voir notamment condamner à la réparation de leurs préjudices.

Par jugement en date du 18 décembre 2015, le Tribunal de commerce de Brest :

- S'est déclaré compétent,

- a déclaré prescrites les actions de la société BRESTOISE DE STOCKAGE (GIE SOBRESTOCK) et de la société UNION ARMORICAINE DE TRANSPORTS - UAT RAILLARD à l'encontre des sociétés ENTREPRISES BIHANNIC, ETABLISSEMENTS TANGUY ET CIE et MMA IARD ;

- a condamné in solidum LA SOCIETE BRESTOISE DE STOCKAGE, et de la société UNION ARMORICAINE DE TRANSPORT UAT RAILLARD à payer:

- à la société ENTRPRISE BIHANNIC une somme de 1 000€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- à la société ETABLISSEMENTS TANGUY ET CIE et à la société MMA IARD une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- a condamné in solidum LA SOCIETE BRESTOISE DE STOCKAGE, et de la société UNION ARMORICAINE DE TRASPORT UAT RAILLARD aux entiers dépens;

- a liquidé au titre des dépens les frais de greffe à la somme de 151.32 € TTC

Le 04 février 2016, la société SOBRESTOCK et la société UAT ont interjeté appel de ce jugement.

Les parties ont conclu;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 avril 2018.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 25 juillet 2016, pour la société SOBRESTOCK et la société UAT, qui demandent à la Cour de :

Vu les articles 100 et 101 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 1382, 1383, 1384, 1792 et suivants, 2224, 2239, 2241, 2270-2 du Code Civil,

Vu l'article 26 de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008;

- Réformer le jugement du Tribunal de commerce de BREST du 18 décembre 2015, en ce qu'il a déclaré prescrites les actions de la société brestoise de stockage (GIE SOBRESTOCK) et de la société UNION ARMORICAINE DE TRANSPORTS - UAT RAILLARD à l'encontre des sociétés ENTREPRISE BIHANNIC, ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE et MMA IARD SA;

-Le réformer en ce qu'il a condamné le GIE SOBRESTOCK et la société UAT RAILLARD au paiement de frais irrépétibles;

-Rejeter l'exception de connexité soulevée par la société ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE et la société MMA IARD ;

-Dire et juger ni avoir lieu de renvoyer l'examen du litige devant le Tribunal de commerce de QUIMPER;

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de BREST du 18 décembre 2015 en ce que le Tribunal de commerce de BREST s'est déc1aré compétent;

-Débouter la société BIHANNIC, la société ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE et la société MMA IARD de leur moyen d'irrecevabilité et de prescription;

- Dire et juger recevable et non prescrite l'action engagée par le GIE SOBRESTOCK et par la société UAT RAILLARD;

- Débouter les sociétés BIHANNIC, ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE

et MMA IARD de toutes leurs demandes, fins et conclusions;

- Dire et juger les sociétés BIHANNIC et ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE responsables des dommages occasionnés an GIE SOBRESTOCK et a la société UAT RAILLARD;

- Condamner in solidum les sociétés BIHANNIC, ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE et la compagnie d'assurance MMA IARD à réparation intégrale de leur préjudice;

- Condamner en conséquence in solidum les sociétés BIHANNIC, ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE et la compagnie d'assurance MMA IARD à verser au GIE SOBRESTOCK, au titre de la perte de marge, la somme de 71 415 € ;

- Condamner in solidum les sociétés BIHANNIC, ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE et la compagnie d'assurance MMA IARD à verser à la société UAT la somme de 107 688 € en réparation de ses préjudices;

- Dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal a compter du 11 mai 2007, date du sinistre, ou subsidiairement à compter du 14 juin 2013, date du rapport d'expertise;

- Condamner in solidum les sociétés BIHANNIC, ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE et MMA IARD à verser au GIE SOBRESTOCK la somme de 6 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel;

- Condamner in solidum les sociétés BIHANNIC, ETABLISSEMENTS TANGUY ET COMPAGNIE et la compagnie d'assurance MMA IARD à verser à la société UAT la somme de 6000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- Condamner in solidum les intimées aux entiers dépens qui comprendront ceux de l'instance en référé et de l'expertise judiciaire, les frais d'exécution et ceux de l'article 10 du tarif des huissiers de justice et qui seront recouvres pour ceux d'appe1 par la SCP GUILLOU ET RENAUDIN, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'argumentation des société SOBRESTOCK et UAT est essentiellement la suivante:

* Sur l'exception de connexité,

- l'exception de connexité devra être rejetée, l'instance en cours devant le tribunal de Grande Instance de QUIMPER ne concernant pas les mêmes parties, ayant été initiée par la société SICA SILO contre la société BCM, toute deux non parties à la présente instance ;

- l'objet de l'instance n'est pas le même ;

* Sur l'irrecevabilité des demandes et sur la prescription,

- l'action a bien été introduite avant le 21 juin 2011 contre la société BIHANNIC par l'assignation en référé qui lui a été délivrée le 04 juillet 2007, qui a bien interrompu le délai de prescription ;

- l'assignation en référé aux fins d'expertise interrompt la prescription et fait courir un nouveau délai de même durée;

- conformément à l'article 2239 du Code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, et recommence ensuite à courir pour un délai qui ne peut être inférieur à 6 mois;

- c'est à tort que le tribunal a accueilli l'argumentation de la société TANGUY ET CIE et de son assureur MMA IARD au motif que l'action fondée sur l'article 1341 du Code civil se prescrit pas 5 ans, le litige ayant été introduit avant la loi de 2008 portant réforme de la prescription, et il est donc régi par le droit antérieur, et les sociétés SOBRESTOCK et UAT disposaient bien d'un délai de 10 ans à compter de l'apparition du dommage en 2007, l'assignation du 17 septembre 2014 n'est donc pas tardive;

* Sur le rapport d'expertise et les responsabilités;

- l'expert a confirmé que l'envol des plaques a pour cause leur extrême fragilité se manifestant par de nombreuses fissurations ; il a confirmé qu's'agit d'un désordre sériel et national;

- il ressort du rapport d'expertise que les désordres résultent d'un vice du matériau n'apparaissant qu'après la mise en oeuvre des plaques fibro-ciment et portant atteinte à la solidité et l'étanchéité de la toiture;

- l'expert a également indiqué que la responsabilité du fabriquant, CEMBRIT, et celle du concepteur DANSK ETERNIT FABRIK 1994 pouvaient être recherchées;

* Sur les préjudices du GIE SOBRESTOCK,

- l'expert a retenu un préjudice de 71 415 € pour le GIE SOBRESTOCK, correspondant à la perte de marge subie,

- la société SOBRESTOCK ne conteste pas le chiffrage de l'expert, en précisant qu'il n'y a pas lieu de retenir une quelconque somme au titre des loyers économisés puisqu'elle justifie avoir payé tous les loyers à la société SICA SILO pendant la période d'indisponibilité du hangar ;

* Sur les préjudices de la société UAT;

- la perte à hauteur de 38'410 € due à l'impossibilité de récupérer la cargaison du MV A... n'est pas discutée ;

- en revanche, il est demandé à la Cour de ne pas homologuer le rapport qui conclut à l'absence de préjudice subit du fait de l'impossibilité de réceptionner la cargaison du GRAN C... B... ; en effet, contrairement à l'estimation du sapiteur M. Y..., la société UAT rapporte la preuve qu'il était possible, et prévu, d'accueillir successivement les deux navires ; au vu des tableau des capacités de stockage, du temps de déchargement, et des livraisons prévues en cours de déchargement, les deux cargaisons pouvaient être déchargées sans problèmes si tous les silos étaient utilisables, et il a bien été démontré que c'était précisément l'absence de disponibilité du silo objet du litige qui n'a pas permis cet accueil;

- le préjudice pour perte de marge de la société UAT s'établit à 69 278 € pour le déchargement du GRAND C... B..., et à 38 410 € pour celui du MV A..., soit un total de 107 688 € ;

Vu les conclusions en date du 31 mai 2016, pour la société ENTREPRISE BIHANNIC, qui demande à la Cour de:

A titre principal :

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevables le GIE SOBRESTOCK et la société UAT en leurs demandes;

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que le préjudice du GIE SOBRESTOCK doit être limité à la somme de 25 500 €;

- Dire et juger que le préjudice de la société UAT doit être déterminé à la somme de 19 205 €;

- Débouter les appelants de toutes leurs autres prétentions;

- Condamner la société ETABLISSEMENTS TANGUY à garantir intégralement la société BIHANNIC de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre;

En toutes hypothèses :

- Condamner in solidum le GIE SOBRESTOCK et la société UAT à payer à la société BIHANNIC une somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

- Condamner in solidum le GIE SOBRESTOCK et la société UAT aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF en application de I'article 699 du code de procédure civile.

L'argumentation de la société BIHANNIC est essentiellement la suivante:

* Sur l'irrecevabilité de l'action dirigée contre la société BIHANNIC,

- la réception ayant été prononcée le 29 juin 2001, le délai de 10 ans durant lequel une action pouvait être exercée conformément à l'article 1792-4-2 dans sa rédaction issue du 8 juin 2005, a expiré le 29 juin 2011;

- l'article 2244 du Code civil précise que pour être interruptif de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire ;

- c'est donc à tort que les sociétés GIE SOBRESTOCK et UAT prétendent que les citations en justice aux fins de leurs rendre opposables les opérations d'expertises sont interruptives de prescription, alors que la société BIHANNIC n'était pas partie à la procédure;

- le délai de 10 ans qui commence à courir à compter de la réception en matière de construction est un délai de forclusion, et non un délai de prescription susceptible de suspension ;

Subsidiairement, sur le préjudice invoqué,

* Par le GIE SOBRESTOCK,

- après avoir choisi de ne pas payer les loyers à son propriétaire, la SICA SILO, du fait de l'impossibilité de disposer du bâtiment de stockage, la société SOBRESTOCK a finalement décidé de les lui régler en intégralité pendant la procédure, trois ans après les faits;

- alors qu'elle pouvait le faire avant 30 juin 2017, la société SOBRESTOCK s'est abstenue de dénoncer la convention qu'elle avait passée avec SICA SILO, préférant régler les loyers pour un silo inutilisable;

- le GIE SOBRESTOCK a donc fait le choix d'aggraver son propre préjudice, sans y avoir été contrainte ;

- le GIE SOBRESTOCK n'explique pas en quoi les conclusions du sapiteur sont erronées pour demander l'indemnisation d'un préjudice à hauteur de 71 415 €, et en cas de condamnation, seule la perte de marge calculée par l'expert à 25 500€ pourra être retenue;

* Par la société UAT;

- comme le souligne le sapiteur au vu des éléments de fait, la réception de la cargaison du navire GRAN C... B... n'apparaissait pas réalisable ;

- par ailleurs, seule la perte de chance de réaliser une marge sur la cargaison du M/V A... peut être indemnisée; cette perte de chance de générer une marge de 38410 € est admise par l'expert, mais elle ne saurait être indemnisée à hauteur de la totalité du préjudice ; la Cour ne pourra l'indemniser qu'à hauteur de la somme de 19'205 € pour une perte de chance de 50 % de réaliser la marge prévue €sur le déchargement de la cargaison du M/V A... ;

* Sur la garantie de la société ETABLISSEMENTS TANGUY,

- dès lors que le dommage est survenu à cause d'un vice interne des matériaux fournis par la société ETABLISSEMENTS TANGUY, cette dernière sera condamnée à garantir la société BIHANNIC de toute condamnation prononcée à son encontre ;

Vu les conclusions en date du 27 mai 2016, pour la société ETABLISSEMENTS TANGUY ET CIE, qui demande à la Cour de :

Vu les dispositions de l'article 2224 du Code Civil,

A titre principal sur l'irrecevabilité :

- Confirmer le jugement dont appel en ce les sociétés SOBRESTOCK et UAT ont été jugées irrecevables à agir à l'encontre de la société les ETABLISSEMENTS TANGUY et son assureur, MMA IARD SA;

Subsidiairement, sur le mal fondé :

- Juger qu'aucune condamnation ne saurait excéder l'estimation faite par les experts des préjudices des sociétés SOBRESTOCK et UAT, les intérêts n'ayant pu en tout état de cause courir qu'à compter du dépôt du rapport;

En toutes hypothèses,

- Condamner les sociétés SOBRESTOCK et UAT ou tout succombant à payer

respectivement à la société les ETABLISSEMENTS TANGUY et à MMA IARD SA une somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise;

L'argumentation de la société ETABLISSEMENTS TANGUY est essentiellement la suivante:

* Sur l'irrecevabilité des demandes de la société SOBRESTOCK et de la société UAT,

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'assignation au fond devant le Tribunal de Commerce de Brest du 17 septembre 2014 était tardive;

- l'action est fondée sur les dispositions de l'article 1382 Code civil ; le délai de prescription court à compter du dommage, soit le 11 mai 2007 ; la loi du 17 juin 2008 ayant ramené ce délai à 5 ans, l'action ne pouvait être exercée que jusqu'au 17 juin 2013 ;

- la mise en cause, dans le cadre des opérations d'expertise, de la société TANGUY & CIE l'a été à l'initiative de la société SICA SILO, maître de l'ouvrage, et non par les société SOBRESTOCK et UAT, la prescription n'a donc nullement été interrompue par les sociétés SOBRESTOCK et UAT à l'égard de la société TANGUY;

- les dispositions transitoires de la loi de 2008 ont été parfaitement appliquées par le tribunal, ces conditions ; il ne saurait être accordé aux sociétés SOBRESTOCK et UAT un délai de prescription de 10 ans à compter de la survenance du dommage;

Subsidiairement au fond,

- la Cour ne pourra que constater le caractère tardif des discussions des parties sur leur préjudices, remettant en cause le rapport d'expertise;

- toute demande excédant les conclusions du rapport d'expertise ne pourra être accueillie;

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des articles, 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Devant la cour, la société TANGUY & COMPAGNIE et son assureur, la compagnie MMA IARD , ne reprennent pas leur argumentation relative à l'incompétence du tribunal de commerce de Brest en raison de la connexité avec l'instance pendante devant le tribunal de commerce de Quimper.

Les parties ne contestent ni les constatations, ni les conclusions de Monsieur F... qui impute l'extrême fragilité, la fissuration et le détachement de certaines plaques de couverture en fibrociment lors de la tempête des 10 et 11 mai 2007 à un vice du matériau qui a été mis en 'uvre par la société BIHANNIC dans le cadre d'un contrat de sous-traitance conclu avec la société BCM, et qui a été fourni par la société TANGUY & COMPAGNIE.

Les parties n'opposent aucune argumentation contraire aux conclusions de l'expert judiciaire selon lequel les désordres portent atteinte à la solidité et à l'étanchéité de la toiture, qu'ils n'étaient pas apparents lors de la réception sans réserves du 29 juin 2001 et qu'ils revêtent une gravité physique décennale.

1 Sur la recevabilité de l'action indemnitaire dirigée à l'encontre des sociétés BIHANNIC, TANGUY & COMPAGNIE et MMA

Le GIE SOBRESTOCK et la société UAT SAS fondent leur action indemnitaire à l'encontre des sociétés BIHANNIC et TANGUY & Cie sur leur responsabilité délictuelle en application des articles 1382 et suivants du Code civil.

Les sociétés intimées soulèvent la prescription de l'action.

1.1 Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de la société BIHANNIC

La société BIHANNIC soutient qu'en sa qualité de sous-traitante, l'article 2270-2 du code civil issu de la loi du 8 juin 2005 est applicable et que les sociétés appelantes sont forcloses pour ne l'avoir assignée que le 22 septembre 2014, c'est-à-dire postérieurement à l'expiration du délai de 10 ans à compter de la réception.

La qualité de sous-traitant de la société BIHANNIC n'est pas contestée.

Avant l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, les actions en responsabilité contre un sous-traitant se prescrivaient par 30 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation en application de l'article 2270-1 ancien du Code civil issu de la loi 85-677 du 5 juillet 1985, et en 10 ans par application de l'article L.110-4 I du code de commerce si l'une des parties avait la qualité de commerçant.

L'article 2 de l'ordonnance du 8 juin 2005 a ajouté dans le Code civil un article 2270-2 transféré ensuite à l'article 1792-4-2 du même code par la loi 2008-561 du 17 juin 2008 ainsi rédigé : « Les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison des dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par 10 ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionné à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception. »

En l'espèce, les dommages se sont manifestés les 10 et 11 mai 2007, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 et, en raison de la qualité de commerçant d'une partie au litige, le délai décennal de la prescription est demeuré inchangé lors de l'entrée en vigueur de cette ordonnance et de la loi du 17 juin 2008.

Ainsi, en application de l'article 2270-1 du code civil, le délai décennal n'avait pas démarré lorsqu'est entrée en vigueur l'ordonnance du 8 juin 2005. L'application immédiate de cette ordonnance conduit donc à faire partir la prescription décennale à la date qu'elle fixe, c'est-à-dire à compter de la réception des travaux, soit, en l'espèce, à compter du 29 juin 2001.

Le délai décennal étant un délai de forclusion, il n'est pas susceptible de suspension en application de l'article 2239 du Code civil mais seulement d'interruption en application de l'article 2244 du même code issu de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article 2241 issu de la loi du 17 juin 2008.

Cependant, en dehors des cas d'interruption propres à la matière des assurances et prévus par l'article L.114-2 du code des assurances, l'assignation n'interrompt la prescription que si elle a été signifiée par le créancier au débiteur que ce dernier veut empêcher de prescrire et elle ne profite qu'à celui qui diligente l'action.

L'ordonnance de référé déclarant commune à d'autre parties une mesure d'expertise précédemment ordonnée n'a donc pas d'effet interruptif de prescription ou de forclusion à l'égard de celles qui n'étaient parties qu'à l'ordonnance initiale.

En conséquence, ni l'assignation en ordonnance commune du 7 décembre 2007 délivrée par la SICA SILO au GIE SOBRESTOCK ni l'assignation en ordonnance commune du 24 juillet 2008 délivrée par le GIE SOBRESTOCK à la société UAT n'ont eu pour effet d'interrompre le délai décennal de forclusion courant depuis le 29 juin 2001 au profit des sociétés BIHANNIC et TANGUY & Cie déjà parties aux opérations d'expertises et auxquelles elles n'étaient pas adressées. En outre, ces deux assignations en ordonnance commune n'avaient pas le même objet que l'assignation en référé-expertise que leur avait délivrée antérieurement la SICA SILO le 4 juillet 2007.

La cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action indemnitaire du GIE SOBRESTOCK et de la société UAT à l'encontre de la société BIHANNIC.

1.2 Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de la société TANGUY & CIE et de son assureur, la compagnie MMA

La société TANGUY & CIE et son assureur soutiennent que l'action indemnitaire sur le fondement quasi délictuel est prescrite pour avoir été engagée postérieurement au 17 juin 2013.

La loi n°2008-561 du 17 juin 2008 a réduit de 10 ans à 5ans le délai de prescription des actions en responsabilité civile quasi délictuelle.

L'article 26 II de cette loi est ainsi libellé : « les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'action indemnitaire engagée par le GIE SOBRESTOCK et la société UAT par assignation délivrée les 17 et 22 septembre 2014 est prescrite pour avoir été engagée postérieurement au 17 juin 2013.

Comme indiqué précédemment, les assignations en ordonnance commune du 7 décembre 2007 et du 24 juillet 2008 non dirigées contre les sociétés BIHANNIC et TANGUY & CIE sont dépourvues de tout effet interruptif ou suspensif.

Sur les autres demandes

Eu égard à la teneur du présent arrêt confirmatif, la cour confirmera aussi les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, et à l'article 700.

Parties perdantes en cause d'appel, le GIE SOBRESTOCK et la société UAT seront condamnées in solidum aux dépens de cette procédure ainsi qu'à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3000 €, à chacune des sociétés intimées : la société BIHANNIC, la société ÉTABLISSEMENTS TANGUY & COMPAGNIE, et à la compagnie MMA IARD .

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement rendu le 18 décembre 2015 par le tribunal de commerce de Brest ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la SOCIÉTÉ BRESTOISE DE STOCKAGE (SOBRESTOCK) GIE et la société UNION ARMORICAINE DE TRANSPORTS (UAT RAILLARD) à payer la somme de 3000 € au titre de leurs frais non répétibles de procédure d'appel, à chacune des sociétés intimées :la société ENTREPRISE BIHANNIC, la société ÉTABLISSEMENTS TANGUY & COMPAGNIE, et à la compagnie MMA IARD ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE in solidum la SOCIÉTÉ BRESTOISE DE STOCKAGE (SOBRESTOCK) GIE et la société UNION ARMORICAINE DE TRANSPORTS (UAT RAILLARD) au paiement des entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de la société ENTREPRISE BIHANNIC qui en présente la demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16/01020
Date de la décision : 28/06/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 04, arrêt n°16/01020 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-28;16.01020 ?
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