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12/06/2018 | FRANCE | N°16/08272

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 12 juin 2018, 16/08272


1ère Chambre





ARRÊT N°261/2018



R.G : 16/08272













SCEA LA PIÈCE D'HYPPOCRENE



C/



Mme Marie-Christine X... épouse Y...



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée













Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU

NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2018





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:



Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Marie-Claud...

1ère Chambre

ARRÊT N°261/2018

R.G : 16/08272

SCEA LA PIÈCE D'HYPPOCRENE

C/

Mme Marie-Christine X... épouse Y...

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUIN 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Avril 2018 devant Monsieur Marc JANIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Juin 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SCEA LA PIÈCE D'HYPPOCRENE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me D... E... de la SCP PHILIPPE COLLEU, D... E..., Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Cyril DUBREIL de la SCP OUEST AVCOATS CONSEILS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

Madame Marie-Christine X... épouse Y...

née le [...] à VERTOU (44120)

[...]

[...]

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Mathieu BARON, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE:

Madame Laure Z..., propriétaire d'un terrain aux Sorinières (Loire-Atlantique), a, courant mai 2007, pris contact avec les propriétaires des parcelles voisines en vue de les prendre à bail pour exercer sur l'ensemble foncier une activité d'élevage de chevaux.

Elle a ainsi notamment adressé, le 27 mai 2007, un courrier à Madame Marie-Christine X..., épouse Y..., propriétaire de la parcelle cadastrée section [...], puis à nouveau le 24 juillet 2007.

Madame Z... a créé la Scea la Pièce d'Hyppocrène, structure d'exploitation de l'activité d'élevage inscrite le 1er novembre 2007 auprès de la Mutualité sociale agricole, et, au nom de la société, a déposé à la préfecture de la Loire-Atlantique une demande d'autorisation d'exploiter concernant cette parcelle [...] et adressé à Madame Y... la lettre d'information prévue par l'article R. 331-4 du Code rural et de la pêche maritime pour aviser le propriétaire de la demande d'autorisation d'exploiter.

Elle a, le 1er novembre 2007 également, conclu avec un autre de ses voisins, Monsieur Hubert A... un bail rural portant sur des parcelles appartenant à celui-ci.

L'autorisation préfectorale d'exploiter, y compris la parcelle [...], a été délivrée le 22 janvier 2008.

Le 2 mars 2012, Madame Y... a adressé à Madame Z... un projet de convention de prêt à usage pour la parcelle [...] rédigé par un notaire, en précisant qu'à défaut pour Madame Z... de signer cette convention, elle prendrait les 'dispositions nécessaires à la sauvegarde de (ses) intérêts'.

Madame Z... n'a toutefois pas accepté de conclure une telle convention qu'elle estimait, en raison de la précarité du statut proposé, moins protectrice des droits de la Scea la Pièce d'Hyppocrène que le bail rural qu'elle soutenait lui avoir été consenti en 2007 par Monsieur B... C..., représentant Madame Y....

Après signification le 16 avril 2012 d'une sommation d'avoir à libérer la parcelle [...], Madame Y... a fait assigner la Scea la Pièce d'Hyppocrène devant le tribunal de grande instance de Nantes pour voir constater l'occupation par celle-ci de la dite parcelle sans droit ni titre et obtenir son expulsion.

Par jugement du 16 septembre 2016, le tribunal a:

constaté que la Scea la Pièce d'Hyppocrène n'est titulaire d'aucun bail rural ayant pour objet la location de la parcelle en cause appartenant à Madame Y..., et en conséquence, constaté l'occupation sans droit ni titre de cette parcelle par la Scea la Pièce d'Hyppocrène,

ordonné l'expulsion du terrain de la Scea la Pièce d'Hyppocrène et de tous occupants, outre les effets matériels, aménagements et animaux, de son chef, sous peine d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du jugement,

condamné la Scea la Pièce d'Hyppocrène à payer à Madame Y... la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamné la Scea la Pièce d'Hyppocrène aux entiers dépens, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,

rejeté les demandes de la Scea la Pièce d'Hyppocrène aux mêmes titres,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

La Scea la Pièce d'Hyppocrène a interjeté appel de ce jugement le 31 octobre 2016.

Par conclusions du 19 mai 2017, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, elle demande à la cour:

d'infirmer le jugement déféré,

de dire que le contrat conclu entre Monsieur C... et Madame Z... est un bail rural et qu'elle dispose d'un droit légitime d'exploiter,

de débouter Madame Y... de toutes ses demandes,

de la condamner à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de la condamner aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Par conclusions du 24 mars 2017, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, Madame Y... demande à la cour:

de confirmer le jugement déféré,

y ajoutant, d'ordonner l'expulsion prononcée sous astreinte de 500 € par jour à compter de l'arrêt à intervenir,

de condamner la Scea la Pièce d'Hyppocrène à lui payer une somme de 10 000€ à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

de la condamner à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

d'ordonner l'exécution provisoire,

de condamner la Scea la Pièce d'Hyppocrène aux entiers dépens de l'instance, comprenant les frais de procès-verbal de constat et de sommation, avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 20 mars 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:

Madame Z... se prévaut d'un bail rural que lui aurait consenti, le 1er novembre 2007, Madame Y... représentée par son mandataire, Monsieur C..., sur la parcelle [...] qu'elle aurait mise à disposition de la Scea la Pièce d'Hyppocrène comme le lui permet l'article L. 411-37 du Code rural et de la pêche maritime.

Elle fait état pour cela d'une convention en date du 1er novembre 2007 ainsi rédigée: 'Je soussigné Mr C... B... autorise Mlle Z... Laure à prendre le terrain [...] en accord avec ma belle-soeur pour y faire pâturer ses chevaux, pour la somme de 300 €/an', et signée de Monsieur C..., selon elle, ainsi que d'elle-même.

Aux termes de l'article L. 411-1 du Code rural et de la pêche maritime, 'Toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public... La preuve de l'existence des contrats visés dans le présent article peut être apportée par tous moyens'.

S'il n'est pas discuté entre les parties que la parcelle [...] appartenant à Madame Y... est un immeuble à usage agricole, et que le pâturage des chevaux de la Scea la Pièce d'Hyppocrène est une activité agricole telle que prévue à l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime, Madame Y... conteste en revanche d'une part que, propriétaire de la parcelle, elle a entendu la mettre à disposition de Madame Z... ou de la Scea la Pièce d'Hyppocrène, et d'autre part, que l'exploitation assurée de fait par celles-ci le soit à titre onéreux.

Il est constant que Madame Y... n'a signé elle-même aucun document écrit de nature à établir une convention de bail rural au bénéfice de Madame Z... ou de la Scea la Pièce d'Hyppocrène.

S'agissant de la convention du 1er novembre 2007, Monsieur C... a attesté, le 27 juin 2012, dans les formes légales de ce qu'il n'avait ni écrit ni signé celle-ci.

La signature figurant sur cette convention sous le nom de Monsieur C... apparaît manifestement de la même main que celle qui est portée, au titre du demandeur, sur la lettre d'information prévue par l'article R. 331-4 du Code rural et de la pêche maritime, lequel demandeur était la Scea la Pièce d'Hyppocrène représentée par sa gérante, Madame Z....

Elle ne paraît pas en revanche identique à la signature portée sur la copie de la carte nationale d'identité de Monsieur C..., pourtant produite par Madame Z... au soutien de sa démonstration.

Mais en toute hypothèse, faudrait-il encore qu'il soit établi que Monsieur C..., s'il était effectivement le signataire de cette convention, avait pouvoir de représenter Madame Y... pour engager celle-ci.

Le mandant est, selon l'article 1998 du Code civil, tenu d'exécuter les engagements contractés par son mandataire; et il peut l'être sur le fondement d'un mandat apparent, même sans faute de sa part, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, c'est-à-dire si les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier l'existence et les limites de ces pouvoirs.

Or en l'occurrence, il est avéré que Madame Z... avait, le 27 mai 2007, sollicité Madame Y... par courrier, et à nouveau le 24 juillet 2007, pour obtenir l'accord de celle-ci pour l'exploitation de sa parcelle [...], et que c'est entre Madame Y... et Madame Z... qu'a été discutée, en 2011 et 2012, la conclusion d'un prêt à usage, Monsieur C... n'intervenant en aucune manière à ces occasions.

Et l'attestation de Monsieur Hubert A..., qui se borne à certifier avoir été présent le 1er novembre 2007 lors de la signature du bail entre Monsieur C... et Madame Z..., ne dit rien de ce qui pouvait convaincre que Monsieur C... représentait valablement Madame Y....

Madame Z... ne justifie aucunement de circonstances de nature à l'autoriser à considérer que Monsieur C... était habilité par Madame Y... à lui consentir un bail.

Et au surplus encore, la qualification de bail rural suppose que la mise à disposition de la parcelle [...] ait présenté un caractère onéreux.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, les factures présentées par Madame Z... pour soutenir qu'elle a fait réaliser des travaux d'aménagement et d'entretien de la parcelle [...] constituant la contrepartie de la mise de celle-ci à sa disposition, ne suffisent pas, en raison de leur imprécision, à démontrer que ces investissements ont profité à la dite parcelle.

En outre, à supposer que tel a été le cas et en excluant la facture qui concerne le tracteur acquis à une date ignorée et qui ne peut l'avoir été seulement pour exploiter cette parcelle, les factures pouvant se rapporter à l'installation d'une clôture, dont le total n'excède pas 1 600 €, ne représentent que cinq années du loyer mentionné à la convention du 1er novembre 2007, et Madame Z... ne justifie aucunement du versement, postérieurement au 1er novembre 2012, de ce loyer.

C'est pourquoi c'est à juste titre que le tribunal a constaté que parcelle [...] n'était grevée d'aucun bail rural, et a constaté son occupation sans droit ni titre par la Scea la Pièce d'Hyppocrène dont il a justement ordonné l'expulsion, l'astreinte prononcée ne pouvant cependant courir qu'à compter de la signification du présent arrêt, le jugement étant confirmé pour le reste.

S'agissant de la demande de dommages-intérêts formée par Madame Y..., force est de constater que, par un arrêt du 7 janvier 2016, la cour d'appel de Rennes avait déjà, dans un litige opposant alors la Scea la Pièce d'Hyppocrène à un autre propriétaire de parcelles sur lesquelles celle-ci prétendait avoir des droits au titre d'un bail rural, rappelé expressément qu'un tel bail revêtait nécessairement un caractère onéreux, ce que ne caractérisait pas en l'occurrence la seule contrepartie du nettoiement et du maintien en parfait état de la parcelle.

Ainsi, en poursuivant vainement, pour les motifs qui précèdent, un contentieux dont les éléments juridiques lui avaient déjà été récemment précisés par la cour, la Scea la Pièce d'Hyppocrène a abusé de son droit de faire appel, et elle sera condamnée à verser à Madame Y..., en réparation du préjudice causé à cette dernière par cet abus, une somme de 5 000 €.

La Scea la Pièce d'Hyppocrène sera condamnée en outre à payer à Madame Y... une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

L'arrêt de la cour est exécutoire de droit par application des articles 500, 501 et 579 du Code de procédure civile; la demande tendant à voir ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt, sans objet, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Après rapport fait à l'audience;

Confirme le jugement déféré, sauf à dire que l'astreinte prononcée ne courra qu'à compter de la signification du présent arrêt;

Y ajoutant, condamne la Scea la Pièce d'Hyppocrène à payer à Madame Marie-Christine X..., épouse Y...:

une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts,

une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Rejette toutes autres demandes;

Condamne la Scea la Pièce d'Hyppocrène aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16/08272
Date de la décision : 12/06/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°16/08272 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-12;16.08272 ?
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