2ème Chambre
ARRÊT N°333
R.G : 15/03679
M. Jean-François A...
C/
SA LE CREDIT FONCIER DE FRANCE
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Z... B...
Me Gilles X...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 8 JUIN 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, rédacteur,
Assesseur : Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Marlène ANGER, lors des débats, et Monsieur Régis Y..., lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 avril 2018
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 8 juin 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur Jean-François A...
né le [...] à PONT L'ABBÉ
[...]
Représenté par Me Z... B... de la SCP PHILIPPE COLLEU, Z... B... , Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Pierre NIZART, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉE :
La S.A. CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
dont le siège social est [...]
Représentée par Me Gilles X... de la SCP DEPASSE, X..., QUESNEL, DEMAY, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
En vue de financer, dans le cadre d'un investissement locatif, l'acquisition d'une chambre dans une résidence médicalisée pour personnes âgées immeuble à construire, le Crédit foncier de France (le Crédit foncier) a, selon offre acceptée le 19 janvier 2006 réitérée par acte authentique du 30 juin 2006, consenti à M. A... un prêt de 164993 euros à taux révisable, remboursable en une période de différé d'amortissement de 180 mensualités de 476,04 euros puis en 120 mensualités de 1755,25 euros, assurance emprunteur comprise.
Ce prêt était notamment garanti par la délégation d'un contrat d'assurance vie alimenté par un versement initial de 48000 euros puis des versements mensuels de 320 euros durant la période de différé d'amortissement du prêt, les parties étant convenues que, sauf demande contraire de l'emprunteur, ce contrat d'assurance vie serait racheté par le prêteur à l'issue de la période de différé d'amortissement et sa valeur liquidative affectée au remboursement total ou partiel du prêt par anticipation.
Prétendant que les caractéristiques du prêt et de l'investissement n'étaient pas adaptées à sa situation, M. A... a, par acte du 19 septembre 2012, fait assigner le Crédit foncier devant le tribunal de grande instance de Quimper en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque à ses devoirs d'information précontractuelle, de mise en garde et de conseil.
Par jugement du 24 mars 2015, les premiers juges ont:
débouté M. A... de ses demandes,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
condamné M. A... au paiement d'une indemnité de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. A... a relevé appel de cette décision le 11 mai 2015, en demandant à la cour de:
condamner le Crédit foncier au paiement d'une somme de 164993 euros en réparation de sa perte de chance de ne pas contracter, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
ordonner la compensation de cette somme avec le montant du prêt,
débouter le Crédit foncer de ses demandes,
condamner le Crédit foncier au paiement d'une indemnité de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Le Crédit foncier conclut quant à lui à la confirmation de la décision attaquée et sollicite en outre la condamnation de M. A... au paiement d'une indemnité de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. A... le 21 août 2017, et pour le Crédit foncier le 10 septembre 2015, l'ordonnance de clôture étant du 8 février 2018.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'appelant fait grief au Crédit foncier d'avoir manqué à 'son obligation de mise en garde, d'information précontractuelle et de conseil'.
M. A... a réalisé l'investissement locatif litigieux et présenté au prêteur sa demande de financement par l'intermédiaire d'une société Nevot Finance, le Crédit foncier n'étant ainsi intervenu que comme dispensateur de crédit et non comme conseil en investissements financiers.
Celui-ci n'était donc tenu d'aucun devoir de conseil à l'égard de M. A... sur la rentabilité, les chances de succès ou les avantages fiscaux de l'opération financée au regard de la situation de l'investisseur.
Le Crédit foncier s'est par ailleurs acquitté de son obligation d'information en soumettant à l'emprunteur une offre préalable de crédit immobilier conforme aux dispositions des articles L.312-1 et suivants du code de la consommation alors applicables.
En outre, il a communiqué à l'emprunteur une information loyale et complète en lui soumettant un tableau d'amortissement faisant apparaître la perspective la moins favorable de la poursuite de l'amortissement du prêt avec une charge mensuelle de remboursement de 1755,25 euros entre la quinzième et la vingt-cinquième année en cas de non-rachat du contrat d'assurance vie ou de la perte totale de valeur des placements effectués sur celui-ci à l'issue de la période de différé d'amortissement de 15 ans.
Il est néanmoins exact que l'établissement dispensateur de crédit est tenu, à l'égard d'un emprunteur non averti, d'un devoir de mise en garde sur les risques nés d'un endettement excessif ou inadapté à la situation financière de l'emprunteur.
À cet égard, le Crédit foncier, auquel incombe la charge de cette preuve, ne démontre pas que M. A... , électricien salarié, était un emprunteur averti, la circonstance qu'il ait précédemment réalisé deux autres acquisitions de biens immobiliers destinés à la location étant insuffisante.
Le prêteur fait en revanche valoir avec raison que le prêt litigieux n'était, au regard des renseignements recueillis au moment de l'octroi du prêt, pas inadapté aux capacités de remboursement de l'emprunteur, de sorte qu'il n'était pas tenu de le mettre en garde.
Il ressort en effet de la demande de financement soumise au Crédit foncier que M. A... , salarié en contrat à durée indéterminé, déclarait alors bénéficier un revenu salarial de 25684 euros par an et d'un revenu locatif de 12568 euros par an, auquel devait s'ajouter les loyers à percevoir à la mise en location du bien immobilier financé évalués à 6319 euros par an, ce qui faisait ressortir son revenu mensuel à 3714 euros dont il convenait de déduire une charge de remboursement d'un emprunt antérieur de 557 euros, l'autre emprunt en cours de remboursement venant à son terme contractuel en juin 2006 avant le début de l'amortissement du prêt litigieux, soit un revenu net d'encours de crédits antérieurs de 3157 euros.
Il ressortait aussi de cette demande de financement que M. A... était bénéficiaire de contrats d'assurance vie d'une valeur globale de 122616 euros et était en outre déjà propriétaire de deux biens immobiliers à usage locatif d'un valeur totale de 275000 euros, dont il convenait de déduire la somme de 54000 euros correspondant au capital restant dû sur les emprunts immobiliers contractés en vue d'en financer l'acquisition, soit une valeur nette de 221000 euros.
M. A... fait grief au prêteur de ne pas avoir anticipé sur des baisses de revenus, ni tenu compte du risque locatif, et d'avoir omis de vérifier l'adéquation de ses capacités de remboursement au niveau des charges de remboursement du prêt à compter de 2021 après la période de différé d'amortissement.
Le Crédit foncier n'avait cependant pas, sauf anomalie apparente, à vérifier l'exactitude des déclarations de M. A... qui, s'engageant à l'âge de 37 ans sur une durée de 15 à 25 ans, n'avait pas laissé paraître que ces revenus devaient baisser.
D'autre part, même en tenant compte de l'aléa de défaillance des locataires et de la perspective la moins favorable pour l'emprunteur de perte totale de valeur du contrat d'assurance vie devant être racheté par le prêteur à l'issue de la période de différé d'amortissement de 15 ans, il demeure qu'au regard des éléments connus au moment de l'octroi du prêt, les revenus et le patrimoine immobilier de M. A... étaient de nature à lui permettre d'assumer à compter de 2021 une charge de remboursement de 1755,25 euros par mois.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en tous points.
Et, il serait en outre inéquitable de laisser à la charge du Crédit foncier l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 24 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Quimper en toutes ses dispositions;
Condamne M. A... à payer au Crédit foncier de France une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. A... aux dépens d'appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT