La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2018 | FRANCE | N°15/03213

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 08 juin 2018, 15/03213


2ème Chambre








ARRÊT N°331





R.G : N° RG 15/03213




















CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE PLEYBER CHRIST





C/





Mme Jacqueline B... X...


M. Philippe X...





























Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours








r>







Copie exécutoire délivrée





le :





à : Me Yann Y...


Me Sylvain Z...














RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES


ARRÊT DU 8 JUIN 2018











COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:





Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,


Assesseur : Madame...

2ème Chambre

ARRÊT N°331

R.G : N° RG 15/03213

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE PLEYBER CHRIST

C/

Mme Jacqueline B... X...

M. Philippe X...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Yann Y...

Me Sylvain Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 8 JUIN 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,

Assesseur : Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, rédacteur,

Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 mars 2018, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, entendue en son rapport,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 8 juin 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré

****

APPELANTE :

La société coopérative de crédit à capital variable CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE PLEYBER CHRIST

dont le siège social est Centre Commercial Les Fontaines

[...]

Représentée par Me Yann Y... de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

INTIMÉS :

Madame Jacqueline

née le [...] à SAINT MICHEL DE MONTJOIE

[...]

[...]

Monsieur Philippe Paul Georges X...

né le [...] à PARIS

[...]

[...]

Représenté par Me Sylvain Z... de la A... , avocat au barreau de BREST

EXPOSE DU LITIGE

Mme Jacqueline B... épouse X... et M. Philippe X..., propriétaires d'un corps de ferme à [...], acquis en 1996, ont souscrit pour la restauration de cet immeuble, auprès de la caisse de Crédit Mutuel de Pleyber Christ (le Crédit Mutuel) :

- le 5 mars 2003, un prêt de 69 000 euros n° [...] 702 remboursable en 180 mensualités de 580,24 euros au taux de 4,8%

- le 13 novembre 2003, un prêt de 38 200 euros n° [...] 701 remboursable en 180 mensualités de 320,24 euros au taux de 4,75%

- le 10 février 2004, un prêt de 32 560 euros n° [...] 705 remboursable en 240 mensualités de 236,38 euros au taux de 5,10%,

- le 24 février 2005, un prêt de 18 300 euros n° [...] 703 remboursable en 108 mensualités de 211,84 euros au taux de 3,85%.

En août 2005, le Crédit Mutuel leur a accordé des facilités de paiement sur les prêts 701, 702 et 705 pour une durée d'une année.

Ces facilités de paiement ont été reconduites pour une nouvelle durée de 12 mois sur le prêt 702 en juillet 2006.

Le 14 avril 2007, les époux X... ont signé un compromis d'achat d'un corps de ferme à rénover à [...] et ont souscrit en juin 2007 pour cette acquisition deux prêts :

-un prêt relais [...] 706 d'un montant de 75 000 euros remboursable en 24 mensualités dont la 23ème d'un montant de 6 947,71 euros et la 24ème de 75 306,06 €,

-un prêt immobilier [...] 707 d'un montant de 75 000 euros remboursable en 180 mensualités de 675,72 euros payable un an après déblocage des fonds.

Les époux X... ont parallèlement à cette acquisition mis en vente leur bien immobilier situé à [...] pour la somme de 262 000 euros.

Ils ont saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Morlaix en avril 2010 pour obtenir la suspension de leurs obligations à l'égard du Crédit Mutuel et par ordonnance du 29 juin 2010, il a été fait droit à leur demande pour une période de 18 mois soit jusqu'en février 2012 pour les prêts 703, 705, 706 et 707.

La vente du bien de [...] a été réalisée en juillet 2011 pour la somme de 120000euros permettant de rembourser le prêt 707.

M. et Mme X... ont saisi la commission de surendettement des particuliers du Finistère en mars 2012 et un plan conventionnel de redressement, sur la base de mensualités de 793,21 euros pour une durée de 24 mois dans l'attente de la vente de l'immeuble de [...] a été mis en place à partir du 30 juin 2012. Les créances des prêts n° 701, 702, 703, 705 ont été réaménagées pour une période de 24 mois, tandis que la créance du prêt relais n°706 bénéficiait d'un moratoire de 24 mois. Ce plan conventionnel de redressement a pris fin le 9 juillet 2014.

Les époux X... ont saisi la commission de surendettement d'une nouvelle demande de traitement de leur situation le 16 juin 2014, mais par décision du 10 juillet 2014, la commission a déclaré leur demande irrecevable.

Par acte du 28 mai 2013, Mme Jacqueline B... épouse X... et M. Philippe X... avait assigné le Crédit Mutuel aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 84 432,30 euros pour manquement de la banque à son obligation de mise en garde.

Par jugement du 8 avril 2015, le tribunal a :

- dit que le Crédit Mutuel a manqué à son devoir de mise en garde lors de l'octroi des prêts 706 et 707,

- condamné le Crédit Mutuel à payer aux époux X... la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- dit que cette somme viendra en déduction des sommes dues par les époux X... au titre du prêt relais 706,

- débouté les époux X... de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné le Crédit Mutuel au paiement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné le Crédit Mutuel aux dépens.

Le Crédit Mutuel a formé appel de ce jugement ( rôle de la cour : 15/3213).

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 novembre 2014, le Crédit Mutuel a mis en demeure M. et Mme X... de régler les sommes dues au titre des prêts n°701, 702, 705 et 706, puis, par acte du 14 mars 2015, il les a assignés devant le tribunal de grande instance de Brest aux fins d'obtenir leur condamnation au paiement de sommes restant dues au titre de ces prêts.

Par jugement du 18 janvier 2017, le tribunal a :

- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande concernant le prêt relais 706,

- condamné solidairement M. et Mme X... à payer au Crédit Mutuel :

- la somme de 57877,68 euros, ce avec intéréts au taux contractuel sur 53115,52euros à compter du 7 février 2015 au titre du prêt [...],

- la somme de 25011, 90 €, ce avec intéréts au taux contractuel sur 23.081,00 euros à compter du 7 février 2015 au titre du prêt [...],

- la somme de 26954, 65 euros, ce avec intéréts au taux contractuel sur 24720,57euros à compter du 7 février 2015 au titre du prêt [...],

- la somme de 89637,94 euros, ce avec intéréts au taux contractuel sur 82.293,17euros à compter du 7 février 2015 au titre du prêt [...],

- constaté la compensation entre les sommes dues par les époux X... au Crédit Mutuel et celles à eux dues par le Crédit Mutuel au titre du jugement du 8 avril 2015 assorti de l'exécution provisoire,

- condamné solidairement M. et Mme X... aux entiers dépens, comprenant les frais d'inscription d hypothèques provisoires et définitives ainsi qu'à payer au Crédit Mutuel la somme de 1500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

M. et Mme X... ont formé appel de ce jugement ( rôle de la cour : 17/905).

Par ordonnance du 29 septembre 2017, il a été procédé à la jonction des deux instances sous le numéro 15/3213.

Par ses dernières conclusions du 24 janvier 2018, le Crédit Mutuel demande à la cour de :

Vu les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce,

S'agissant du jugement du 8 avril 2015

À titre principal,

- l'infirmer en toutes ses dispositions,

- débouter les époux X... de l'intégralité de leurs demandes,

À titre subsidiaire,

- dire que le préjudice éventuel des époux X... s'analyse en une perte de chance,

- dire que les époux X... doivent supporter une part de leur préjudice,

- dire qu'elle ne saurait être condamnée à payer une somme supérieure à 20000 euros,

- ordonner la compensation entre les sommes accordées aux époux X... au titre d'une éventuelle condamnation de et les sommes dues par les époux X... au titre des prêts 706 et 707,

S'agissant du jugement du 18 janvier 2017

- confirmer le jugement attaqué,en toutes ses dispositions,

- condamner solidairement M. et Mme X... à lui verser les sommes suivantes:

- 57877,68 euros, ce avec intérêts au taux contractuel sur 53115,52 euros à compter du 07 février 2015 au titre du prêt [...],

- 2501,90 euros, ce avec intérêts au taux contractuel sur 23.081 euros à compter du 7 février 2015 au titre du prêt [...],

- 26954,65 euros, ce avec intérêts au taux contractuel sur 24.720,57euros à compter du 7 février 2015 au titre du prêt [...],

- 89637,94 euros, ce avec intérêts au taux contractuel sur 82293,17 euros à compter du 7 février 2015 au titre du prêt [...],

- la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner solidairement M. et Mme X... à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, et dire que seront inclus dans les dépens les frais d'inscriptions d'hypothèques provisoires et définitives.

Par conclusions du 16 janvier 2018, M. et Mme X... sollicitent de la cour de :

Vu les articles L.137-2 ancien et L.331-6 du code de la consommation,

Vu les articles 1134 et 1147 ancien du code civil,

Vu le jugement du 8 avril 2015 :

- le confirmer en ce qu'il a retenu le manquement du Crédit Mutuel à ses obligations de mise en garde à leur égard,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le quantum de leur indemnisation à la somme de 60000 euros et en ce qu'il n'a pas retenu la résistance abusive de la banque,

- condamner le Crédit Mutuel à leur payer la somme principale de 84432,30 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- condamner la banque à leur payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

Vu le jugement du 18 janvier 2017 :

- le réformer,

- déclarer irrecevables comme prescrites les demandes du Crédit Mutuel s'agissant du prêt [...] 706,

- dire fautives l'affectation des sommes aux différents prêts sur la période de juillet à octobre 2014 et la déchéance du terme prononcée le 13 novembre 2014 par le Crédit Mutuel s'agissant des prêts n°[...] 701, n°[...] 702 et n°[...] 705,

- condamner la caisse à leur verser la somme de 79.781,52 euros, à titre de dommages et intérêts,

- condamner la caisse à leur verser la somme de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts,

- lui enjoindre d'affecter les sommes prélevées sur leur compte courant les 5 et 8 juillet et 30 octobre 2014 au paiement des échéances de remboursement mensuel des prêts n°701, 702 et 705,

- débouter la caisse de ses demandes tendant à l'application de la clause d'exigibilité anticipée et des intérêts moratoires,

En tout état de cause :

- constater la compensation entre les sommes dues par eux au Crédit Mutuel et celles à eux dues par cette dernière,

- condamner le Crédit Mutuel à leur verser la somme de 6000 euros, à titre d'indemnité pour frais irrépétibles, et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est du 8 février 2008.

MOTIFS

Sur la demande en responsabilité des époux X...

Pour engager la responsabilité contractuelle de la banque pour manquement à ses obligations de mise en garde et de conseil, M. et Mme X... soutiennent que la souscription des deux prêts immobiliers en 2007, présentait un risque d'endettement excessif au vu des mensualités des prêts déjà en cours, des risques liés à l'allongement des délais de vente et de la baisse des prix dans l'immobilier.

S'il est exact que la banque est tenue, à l'égard d'un emprunteur non averti, d'un devoir de mise en garde sur les risques nés de l'endettement, c'est lorsque le crédit consenti est excessif ou inadapté aux patrimoine et revenus des emprunteurs, et, s'agissant d'un prêt relais consenti dans l'attente de la vente d'un immeuble appartenant déjà à l'emprunteur, la capacité de remboursement devait être appréciée au regard de la valeur de ce bien.

Il résulte des déclarations de patrimoine signées par Mme B... X... et par M. X... le 21 avril 2007, qu'au moment de l'octroi des prêts 706 et 707, leur situation était la suivante :

- revenus annuels : 46 395 euros ( 31277 pour Mme X... et 15 118 pour M. X...) soit une moyenne mensuelle de 3 866,35 euros ;

- leur patrimoine immobilier était composé à l'actif de la maison de [...] d'une valeur estimée de 245 000 à 255 000 et non hypothéquée, et au passif des capitaux restant dus au titre des prêts, soit 148 826 euros.

Les mensualités des prêts souscrits de 2003 à 2005 pour financer des travaux de restauration sur la maison de [...] dont ils étaient propriétaires depuis1996 étaient de : prêt 702 580,24

prêt 701 320,24

prêt 705 236,38

prêt 703 211,84

1348,70 euros.

Pour financer l'acquisition d'un immeuble à [...] et dans l'attente de la vente de la maison de [...], M. et Mme X... ont souscrit auprès du Crédit Mutuel :

-un prêt relais [...] 706 d'un montant de 75 000 euros remboursable en 24 mensualités dont la 23ème d'un montant de 6 947,71 euros et la 24ème de 75 306,06 €,

-un prêt immobilier [...] 707 d'un montant de 75 000 euros remboursable en 180 mensualités de 675,72 euros payable un an après déblocage des fonds.

Cette opération qui n'était pas complexe correspondait au souhait des emprunteurs, dans la perspective d'adapter leur endettement à leur baisse de revenus à venir, résultant du départ à la retraite de Mme B... X... en 2019, et les prêts accordés devaient permettre après la vente de la maison de [...] de rembourser tous les prêts antérieurs de telle sorte qu'ensuite, la seule mensualité de crédit à rembourser aurait été celle du prêt 707, soit 675,72 euros par mois au lieu de 1348,70 euros.

La cause du mauvais déroulement de cette opération est l'absence de vente de la maison de [...].

Les époux X... reprochent à la banque de ne pas avoir anticipé cette mévente et de leur avoir conseillé cette opération.

Mais, la banque n'est pas responsable de la mévente du bien et, à défaut d'anomalies apparentes dans les renseignements fournis par l'emprunteur, de vérifier la pertinence de ceux-ci.

Or, conformément à leur déclaration sur la fiche de renseignements patrimoniaux, les époux X... ont fourni l'attestation d'un agent immobilier du 2 octobre 2006 estimant la valeur de leur propriété de [...] dans une fourchette de 245 000 à 255 000 euros.

Au demeurant, les époux X... indiquent avoir mis cette maison en vente 262000 euros, soit au dessus du prix de l'évaluation, tout en soutenant qu'en 2007 les prix de l'immobilier avaient commencé de baisser.

Par ailleurs, l'octoi des prêts consentis en 2007 était conforme à l'intérêt des époux X... puisqu'ils étaient destinés après vente de la maison de [...] à réduire leur charge de remboursement mensuelle et de l'adapter à leur diminution de ressources à la suite du départ à la retraite de Mme B... prévu en 2009.

La banque n'est pas responsable de la mévente de la maison de [...] puis du choix des époux X... de vendre la maison de [...] plutôt que cette propriété dont ils sont toujours propriétaires et qui constitue leur résidence principale.

Et, le financement accordé en 2007 était adapté à la situation des époux X....

En conséquence, le Crédit mutuel n'était débiteur d'aucun devoir de mise en garde et les demandes des époux X... doivent en conséquence être rejetées après réformation du jugement du 8 avril 2015.

Sur les créances de la banque

En appel, M. et Mme X... maintiennent la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement du prêt 706 en faisant valoir d'une part que le délai n'a pas été suspendu pendant les deux ans d'exécution du plan conventionnel du 20 mars 2012, la seule cause d'interruption étant la demande de plan, et d'autre part, que leur seconde demande de traitement de leur situation de surendettement du 14 juin 2014 n'est pas interruptive de prescription, et qu'en toute hypothèse la décision d'irrecevabilité prise par la commission de surendettement a rendue non avenue cette demande.

Le Crédit Mutuel réplique que la demande du 14 juin 2014 qui contient reconnaissance des époux X... de leur dette à son égard a interrompu la prescription.

Par une ordonnance du juge d'instance du 29 juin 2010, les époux X... avaient obtenu la suspension de leurs obligations résultant des prêts 703, 705, 706 et 707, pour une période de 18 mois, soit jusqu'en février 2012

Ils ont ensuite déposé un dossier de surendettement le 20 mars 2012 et selon un plan conventionnel du 30 juin 2012, leur capacité de remboursement a été fixée à 729,31 euros, et les créances du Crédit Mutuel résultant des prêts 701 702 703 et 705 ont été réaménagées sur 24 mois et le paiement du prêt 706 a été suspendu pendant 24 mois, dans l'attente de la vente [...].

Durant cette période, les époux X... ont, par acte du 28 mai 2013, assigné le Crédit Mutuel aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 84 432,30 euros pour manquement de la banque à son obligation de mise en garde lors de l'octroi du prêt 706.

Dans cette instance, le Crédit Mutuel a conclu au rejet de la demande indemnitaire sans former de demande reconventionnelle en paiement des sommes dues au titre des prêts, lesquels étaient soumis au plan conventionnel.

À l'issue du plan, M. et Mme X... ont saisi la commission de surendettement par déclaration du 16 juin 2014 d'une nouvelle demande de traitement de leur situation de surendettement en déclarant au titre de leurs dettes les sommes dues au titre des prêts Crédit Mutuel n° 701, 702 705 et 706.

Le 10 juillet 2014, la commission de surendettement des particuliers du Finistère a déclaré leur demande irrecevable, pour absence de surendettement.

L'action en paiement du Crédit Mutuel est soumise au délai biennal de l'article L.137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, ce délai étant un délai de prescription et non de forclusion.

En acceptant le plan conventionnel de redressement définitif, approuvé par la commission le 29 mai 2012, les époux X... ont reconnu devoir les sommes arrêtées par le plan au Crédit Mutuel, lequel est l'unique créancier déclaré par eux dans la procédure de surendettement. Ils ont d'ailleurs exécuté les mesures de ce plan en ce qui concerne le paiement des mensualités prévues, mais pas s'agissant de la vente de la maison, vente qui était pourtant une obligation du plan conventionnel.

À cet égard, il faut constater qu'ils ne fournissent pas de mandat de vente de l'immeuble de [...] et qu'au demeurant ils l'ont conservée et en sont toujours propriétaires.

Lorsqu'après la période d'exécution du plan, ils ont saisi la commission de surendettement, en juin 2014, ils ont déclaré au titre de leur passif les créances du Crédit Mutuel, objets du plan conventionnel de redressement définitif.

Il y a lieu de retenir que la demande des débiteurs tendant à l'obtention de nouvelles mesures d'aménagement de leur dettes à l'égard du Crédit Mutuel, les mêmes que celles déclarées et non contestées lors du plan de 2012, constitue une reconnaissance de dette interruptive de prescription par application de l'article 2240 du code civil.

Par ailleurs, les époux X... invoquent à tort la décision d'irrecevabilité de la commission de surendettement et le principe selon lequel l'effet interruptif de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable, alors que la cause d'interruption provient de la saisine de la commission aux fins d'obtenir des mesures de désendettement, constituant une reconnaissance de dette prévue par l'article 2240 du code civil et non une demande en justice au sens de l'article 2241 du même code.

En conséquence, la demande de traitement de leur situation de surendettement présentée par les époux X... le 16 juin 2014 en déclarant notamment les dettes résultant des prêts octroyés par le Crédit Mutuel a interrompu la prescription biennale de l'action en paiement de la banque, laquelle, engagée le 14 mars 2015, n'est donc pas prescrite.

Par ailleurs, ils opposent à la demande en paiement du Crédit Mutuel, la faute de la banque lors du prononcé de la déchéance du terme, le 13 novembre 2014, en considérant qu'à l'expiration du plan conventionnel de règlement, le 9 juillet 2014, ils étaient tenus de reprendre le paiement des mensualités des prêts 701 702 et 705, ce qu'ils avaient prévu de faire en laissant les sommes suffisantes sur leur compte, mais que le Crédit Mutuel a procédé au prélèvement de cette somme pour l'affecter au prêt 706 et ce qu'elle n'aurait pas dû faire s'agissant d'une créance prescrite, et alors qu'ils avaient plus intérêts à ce que les sommes soient affectées au paiement des prêts 701, 702 et 705.

Mais, la thèse des époux X... au sujet du possible respect par eux de la poursuite des mensualités contractuelles et de l'absence d'exigibilité des sommes restant dues au titre des prêts est totalement contredite par leur saisine dés le 14 juin 2014 de la commission de surendettement en déclarant pour caractériser leur endettement toutes les sommes dues en exécution des quatre prêts.

De plus, le plan conventionnel prévoyait le redressement définitif de la situation des époux X..., ce qui est différent d'une mesure de suspension des prêts à l'issue de laquelle l'emprunteur reprend le paiement des mensualités selon les prévisions contractuelles.

Et, à l'expiration de la période de deux ans des mesures du plan, la banque était fondée à réclamer la totalité des sommes dues en exécution des prêts, étant rappelé que de leur coté, M. et Mme X... qui n'avait pas respecté la mesure préconisant la vente de la maison de [...], ce qui a justifié la décision d'irrecevabilité pour absence de surendettement de la commission, prétendent à tort qu'après les mesures du plan, ils devaient seulement reprendre le paiement des échéances contractuelles.

Faute de caractériser une faute de la banque dans le recouvrement des sommes dues au titre des prêts, M. et Mme X... doivent être déboutés de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Au vu des pièces versées aux débats par la banque, il y a lieu également de confirmer le jugement s'agissant des condamnations à paiement prononcées à l'encontre des époux X....

Les dispositions du jugement du 18 janvier 2017 relatives aux dépens et à l'ppli de l'article 700 du code de procédure civile étaient justifiés et seront maintenues.

En appel, les époux X... partie perdante, supporteront les dépens et seront condamnés à payer au Crédit Mutuel la somme de 2 000 euros au titre des frais non taxables.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 8 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Brest ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. et Mme X... de toutes leurs demandes ;

Confirme le jugement rendu le 18 janvier 2017 par le tribunal de grande instance de Brest ;

Condamne M. Philippe X... et Mme Jacqueline B... X... à payer à la caisse de Crédit Mutuel de Pleyber-Christ la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en appel;

Condamne M. Philippe X... et Mme Jacqueline B... X... aux entiers dépens de premières instances et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15/03213
Date de la décision : 08/06/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 1B, arrêt n°15/03213 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-08;15.03213 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award