1ère Chambre
ARRÊT N°250/2018
R.G : 16/08037
M. X... - Julien Y...
Mme Monique Mauricette Pierrette Z... épouse Y...
C/
Mme Yvonne Marie A... H...
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 JUIN 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,
Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Avril 2018 devant Madame Françoise COCCHIELLO, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juin 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur X... - Julien Y...
né le [...] à STAFFELFELDEN (68)
Le Roze
[...]
Représenté par Me Stéphanie B... de la SELARL BAZILLE, TESSIER, B..., avocat au barreau de RENNES
Madame Monique Mauricette Pierrette Z... épouse Y...
née le [...] à LORIENT (56)
Le Roze
[...]
Représentée par Me Stéphanie B... de la SELARL BAZILLE, TESSIER, B..., avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame Yvonne Marie A... H...
née le [...] à QUEVEN
La Roze
[...]
représentée par l'ATI, prise en qualité d'administrateur ad-hoc, suivant ordonnance du 13 Janvier 2015, dont le siège social est situé [...], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
née le [...] à QUEVEN
Représentée par Me Sébastien D... de la SELARL BEAUVOIS Y.BEAUVOIS P.D... S., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
Le 23 mars 2013, un compromis de vente a été signé entre Mme Yvonne H... et les époux X... Y... et Monique Z..., aux termes duquel la première s'engageait à vendre aux seconds une parcelle agricole de 2158 m2 à détacher de la parcelle [...] d'une contenance de 4 ha 22 a, située à Queven, lieu-dit Le Roze. Le prix était fixé à 500 Euros.
Invitée par lettre recommandée à régulariser l'acte, Mme H... ne s'est pas présentée à l'étude pour réitérer l'acte et a par la suite refusé de signer l'acte authentique. Un procès-verbal de carence a été établi par Maître I....
Le 18 novembre 2013, les époux Y... l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Lorient.
Mme H... a été représentée par l'ATI, désignée le 13 janvier 2015 en qualité d'administrateur ad hoc pour cette procédure. Un expert a été commis et a déposé un rapport.
Par jugement du 21 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Lorient a :
-annulé le compromis de vente du 23 mars 2013 conclu entre Mme Yvonne H...
et M. X... et Mme Monique Y... portant sur une parcelle agricole de 2.158 rn2 environ à détacher de la parcelle cadastrée section [...], d'une contenance de 4 ha 22 a, située au [...] ;
Par conséquent,
-rejeté la demande de réitération dudit compromis de vente formulée par M. X... Y... et Madame Monique Y... ;
-rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par M. X... Y..., et Mme Monique Y... ;
-condamné M. X... Y... et Mme Monique Y... à payer à 1' ATI, en qualité d'administrateur ad hoc de Mme Yvonne H..., la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné M. X... Y... et Mme Monique Y... aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
-dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire.
Les époux Y... ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 12 mai 2017, ils demandent à la cour de :
Vu les articles 1134, 1287, 1589 et suivant du Code civil,
Vu les pièces produites aux débats,
-Déclarer M. et Mme Y... recevables et bien fondés en leur appel du jugement du tribunal de grande instance de Lorient en date du 21 septembre 2016,
-Infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
-Dire et juger que la vente de la parcelle de 2 158 mètres carrés environ cadastrée ZH, numéro 0109, lieudit Le Refuge des Oiseaux conclue entre M. et Mme Y..., acheteurs, et Mme H..., venderesse est parfaite depuis le 23 mars 2013,
En conséquence :
-Condamner Mme H... aux fins de réitération de l'acte de cession de la parcelle de 2 158 mètres carrés environ cadastrée ZH, numéro 0109, lieudit Le Refuge des Oiseaux conclu avec M. et Mme Y..., sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
-Débouter Mme H... de l'intégralité de ses demandes,
-Condamner Mme H... à verser à M. et Mme Y... une somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles,
-Condamner Mme H... aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par la E..., avocat, par application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 14 mars 2017, Mme H... représentée par l'ATI, administrateur ad hoc, demande à la cour de :
Vu l'article 1108 ancien du Code civil,
Vu l'article 1129 nouveau du Code civil,
Vu l'article 414-1 du Code civil,
Vu le rapport d'expertise,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lorient en ce qu'il a prononcé la nullité du compromis de vente signé le 23 mars 2013 conclu entre Mme H... et les époux Y... portant sur une parcelle de 2158 m², prise dans la parcelle section [...] au [...] en raison de l'existence de troubles altérant ses capacités de discernement, y compris au titre des frais irrépétibles et des dépens,
-A titre infiniment subsidiaire, constater la caducité du compromis de vente signé le 23 mars 2013,
-Condamner in solidum les époux Y... à la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-Les condamner in solidum aux entiers dépens d'appel.
MOTIFS :
Considérant que M. et Mme Y... exposent principalement que la vente était parfaite dès la signature du compromis le 23 mars 2013, que l'annulation en application de l'article 414-1 du Code civil n'est pas justifiée alors que la preuve de l'insanité d'esprit de Mme H... n'est pas établie au moment de la signature de l'acte, qu'ils soulignent que le rapport de M. F... a été établi sur pièces sans rencontrer Mme H... ; que de nombreux éléments permettent de dire que Mme H... ne souffrait pas, lors de la signature du compromis, d'un trouble mental ; qu'ils rappellent que Mme H... était accompagnée de son frère le jour du compromis, que le notaire n'a pas remarqué qu'elle avait des difficultés de compréhension, que Mme H... vivait seule à l'époque et que sa famille n'avait pas estimé qu'elle avait besoin de protection ; qu'ils ajoutent que la condition suspensive insérée dans le compromis ne peut être invoquée alors qu'ils ont renoncé à son bénéfice ; que leur préjudice matériel et moral est établi et doit être réparé,
Que subsidiairement, le terme fixé dans le compromis n'était pas assorti d'une sanction de sorte que la caducité ne peut être utilement invoquée,
Considérant que Mme H... conclut principalement en l'annulation du compromis en application des articles 414-1, 1108 et 1129 du Code civil, qu'elle expose être traitée pour des troubles cognitifs importants ne lui permettant pas de gérer ses biens depuis 2011, qu'elle estime justifier par de nombreuses pièces que son consentement était altéré au moment de la signature du compromis dont elle n'a compris ni la portée ni les obligations qui étaient les siennes, notamment quant à la prise en charge de l'indemnité d'éviction ; que les certificats établis par son médecin traitant le docteur J... en attestent, que le rapport du Docteur F... précise qu'elle 'présentait un discernement altéré et n'était pas en état de comprendre l'acte qu'elle a signé',
Considérant subsidiairement qu'elle estime que le compromis avait un terme fixe et est devenu caduc le 14 septembre 2013,
Mais considérant que Mme H... souffre, selon le docteur F... qui a examiné son dossier médical sur plusieurs années, d'une maladie d'Alzheimer évoluant depuis plusieurs années puisqu'en novembre 2011, dix-huit mois avant la signature du compromis, elle était au stade avéré de maladie d'Alzheimer", qu'il rappelle qu'il s'agit d'une "maladie dégénérative évolutive, caractérisée par des troubles de la mémoire immédiate qui retentissent sur les activités du quotidien, qu'elle s'installe insidieusement", ..., que "l'évolution de Mme H... montre que l'évolution de la maladie se fait progressivement vers l'aggravation"..., qu'"au moment des faits (23 mars 2013), lors de la signature du compromis de vente, Mme H... ne présentait pas un état cognitif suffisamment normal pour signer. Elle présentait des troubles de la mémoire importants et des troubles du jugement et était incapable d'apprécier son engagement dans l'achat d'une parcelle. .." ; que ces conclusions rejoignent celles qu'avait faites le docteur G... dans un compte rendu adressé au docteur J..., médecin traitant de Mme H... le 16 novembre 2011 et qui indiquait que le raisonnement était altéré,
Considérant que les appelants contesteront peu sérieusement la réalisation de l'expertise sur pièces médicales faite par le docteur F... dès lors qu'il s'agit d'évaluer l'état d'une patiente plusieurs années avant la mission d'expertise, sauf à exposer à la cour quelle méthode utiliser ; que le travail de l'expert est précis et complet ; que ses conclusions sont dénuées de toute ambiguïté : Mme H... présentait des troubles du jugement qui ne lui permettaient pas au moment de la signature du compromis d'apprécier son engagement et "son discernement était altéré";
Que la cour constate, contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, que le compromis n'a pas la forme d'acte authentique et que la présence du notaire pour sa réalisation n'est pas rapportée ; que de même, rien n'établit l'existence d'entretiens de Mme H... à plusieurs reprises avec le notaire, Maître I..., avant la signature de l'acte ; qu'enfin, rien n'établit la présence du frère de Mme H... le jour de la signature du compromis ; que les appelants ne font qu'alléguer sans la moindre pièce à l'appui de leurs dires,
Que Mme H... est restée chez elle en dépit de sa maladie jusqu'en 2015, entourée de plusieurs personnes, infirmières, agents de service de portage à domicile, qui ont permis son maintien à domicile et l'inutilité d'un régime juridique de protection à la personne pour la vie quotidienne ; qu'il en saurait en être déduit quoi que ce soit sur l'état de santé de Mme H... qui contredirait les conclusions du Docteur F...,
Considérant que la preuve est faite au regard des dispositions de l'article 414-1 du Code civil, que le jour de la signature du compromis, Mme H... avait un discernement altéré, que le compromis est nul,
Considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions,
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne in solidum M. X... Y... et Mme Monique Z... épouse Y... à verser à Mme Yvonne H... représentée par l'ATI, administrateur ad hoc, la somme de 3000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
Condamne M. X... Y... et Mme Monique Z... épouse Y... aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT