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30/05/2018 | FRANCE | N°16/04700

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 30 mai 2018, 16/04700


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRET N°214



R.G : 16/04700













C...



C/



L'URSSAF BRETAGNE

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


>COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MAI 2018



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:



Président : Monsieur Patrice LABEY, Président,

Assesseur : M. Pascal PEDRON, Conseiller,

Assesseur : Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé,...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRET N°214

R.G : 16/04700

C...

C/

L'URSSAF BRETAGNE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 MAI 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Monsieur Patrice LABEY, Président,

Assesseur : M. Pascal PEDRON, Conseiller,

Assesseur : Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Avril 2018

devant M. Pascal PEDRON, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Mai 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats,

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 06 Juin 2016

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VANNES

****

APPELANTE :

C... représentée par son Président, Monsieur Philippe X..., domicilié [...]

Représentée par Me Michel Y..., avocat au barreau de VANNES substitué par Me Graziella Z..., avocat au barreau de VANNES

INTIMÉE :

L'URSSAF BRETAGNE venant aux droits de l'URSSAF du MORBIHAN Quartier Beauregard

[...]

Représentée par Mme Venise A... (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Société Bretonne de Canalisation d'Eaux et d'Assainissement - J. B... et CIE (D... B...), ayant son siège à Plumuliau, a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette de la part des services de l'URSSAF du Morbihan pour la période du 1er juin 2008 au 31 décembre 2010.

Par lettre d'observations du 22 février 2011, l'inspecteur lui a notifié huit chefs de redressement, pour un montant total de 86 705 € en principal.

Par courrier du 1er avril 2011, la D... B... a fait parvenir ses observations et contestations. Par lettre recommandée du 11 mai 2011, l'inspecteur annulait un chef de redressement et maintenait les autres.

Une mise en demeure pour le montant total de 67 875 €, dont 60 257 € en principal, était adressée à la société le 22 septembre 2011 par les services de l'URSSAF.

Saisie par la société D... B..., la commission de recours amiable a, par décision du 30 novembre 2012 notifiée le 12 février 2013, confirmé en tous points les différents redressements.

Par déclaration au greffe du 14 mars 2013, la société a porté sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan qui, par jugement du 06 juin 2016 l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer à l'URSSAF de Bretagne, venant aux droits de l'URSSAF du Morbihan, la somme de 2 610 € correspondant aux chefs de redressement non contestés, et 67 875 € (60 257 € de cotisations outre 7 618 € de majorations) au titre des chefs de redressement contestés, outre les majorations de retard à échoir, ainsi que 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

Pour statuer ainsi, le tribunal des affaires de sécurité sociale a apprécié :

-que la déduction de l'assiette de cotisation de la prime de salissure ne pouvait s'opérer dès lors que cette prime ne relevait pas des frais d'entreprise en l'absence de justification des dépenses réellement engagées et en raison de l'attribution de cette indemnité à la quasi-totalité du personnel sans considération des fonctions;

-s'agissant des indemnités de grands déplacement, que la société ne justifiait pas de l'engagement de frais supplémentaires de logement ou de nourriture du salarié et ne pouvait, dès lors, bénéficier de la déduction de ces frais ;

-que la société versait des primes de panier pour la journée du vendredi à des salariés de l'entreprise pour lesquels elle pratiquait la déduction forfaitaire spécifique alors même que ces derniers rentraient chez eux le vendredi soir et ne pouvaient pas bénéficier d'une indemnité de grand déplacement, correspondant uniquement à des indemnités de découcher incluant la nuit et le petit-déjeuner;

-sur les autres frais professionnels, que la société ne produisait aucune facture permettant de s'assurer de l'utilisation conforme des sommes remboursées ;

-que la société ne rapportait pas la preuve de l'existence d'une décision implicite de l'URSSAF emportant accord tacite des pratiques vérifiées lors d'un précédent contrôle, ce que l'absence d'observation lors du précédent contrôle ne suffit pas à établir.

La société D... B... a frappé d'appel cette décision le 16 juin 2016.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses conclusions auxquelles s'est rapporté et qu'a développées son conseil à l'audience, la société D... B... demande à la cour de :

-constater que les conditions d'exonération de la prime de salissure sont remplies et que la régularisation n'est pas applicable ;

-constater que, pour les indemnités de grands déplacements, les conditions de règlement étaient justifiées et que le redressement ne peut être maintenu ;

-constater que concernant les frais professionnels et panier, la Société applique parfaitement la législation et que le redressement ne peut être maintenu ;

-constater que les frais professionnels remboursés au réel le sont conformément à la réalité et ne sauraient faire l'objet d'un redressement ;

-annuler le redressement notifié par l'URSSAF à la suite du contrôle effectué le 22 février 2011 ;

-condamner l'URSSAF de Bretagne à la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Elle fait valoir en substance que :

-il est possible de cumuler la déduction forfaitaire spécifique (abattement de 10% sur le salaire brut) et l'exclusion de l'assiette des cotisations des sommes versées au titre des frais d'entreprise, relatifs aux dépenses engagées par le salarié pour le compte de l'entreprise.

-l'entretien des tenues de travail doit être pris en charge par l'employeur dès lors que le port d'une tenue de travail est obligatoire en vertu d'une disposition conventionnelle ou d'une réglementation interne à l'entreprise, inhérent à l'emploi des salariés concernés, que les tenues demeurent la propriété de l'entreprise et qu'elles ne sont pas portées en dehors de l'activité professionnelle. Lorsque ces conditions sont remplies, le remboursement des frais d'entretien (dont le calcul est indépendant du salaire de chaque salarié) entre dans le cadre des frais d'entreprise lesquels sont déductibles de l'assiette des cotisations et cumulables avec la déduction forfaitaire spécifique.

-lorsque le salarié est empêché de regagner sa résidence habituelle en raison de ses conditions de travail, il est amené à engager des frais supplémentaires de nourriture et de logement. Dans ce cas, il bénéficie d'une indemnité de grand déplacement, en l'occurrence allouée aux ouvriers du bâtiment, exonérée de cotisations. Les deux conditions exigées pour l'exonération (trajet de plus de 50 kms du domicile et plus d'une heure et demie de trajet par les transports en commun), d'ailleurs non contestées par l'URSSAF, sont réunies, entrainant présomption de l'usage conforme à son objet de l'allocation forfaitaire versée aux salariés; par le jeu de la présomption, elle n'a pas à produire les justificatifs du montant des dépenses réellement engagées par le salarié; l'URSSAF ne démontre pas par ailleurs la preuve contraire, à savoir que les salariés ont regagné en fait leur domicile tous les soirs. La situation de grand déplacement est donc établie, entrainant déduction du remboursement opéré en l'espèce sur la base d'une allocation forfaitaire dont le montant est inférieur aux limites d'exonération.

-la société a déjà fait l'objet d'opérations de contrôle en 1999, 2003 et 2017 qui n'ont pas sanctionné des méthodes de gestion identiques; il n'y a pas eu d' observations de la part des services de l'URSSAF alors que le redressement litigieux porte sur les mêmes éléments de contrôle. Plus particulièrement, dès 2003, les services de l'URSSAF s'étaient penchés sur la question du respect par la société des principes généraux relatifs aux frais professionnels et ne pouvaient, en conséquence, ignorer les pratiques mises en place par la société. De plus, elle a fait l'objet d'un nouveau contrôle le 09 janvier 2017 pour la période 2014-2015 et l'inspecteur a «constaté», au vu des mêmes types de documents sollicités et fournis (fiches de chantier), la situation de grand déplacement, circonstance confirmant la thèse qu'elle soutient depuis le départ.

-elle s'est conformée aux préconisations de la Fédération Nationale des Travaux Publics aux termes desquelles 'l'employeur n'a pas à produire les justificatifs du montant des dépenses réellement engagées par le salarié; par contre il doit justifier que les circonstances de fait - le grand déplacement - qui ont conduit le salarié à exposer des frais supplémentaires sont établis'.

-l'article 8.11 de la Convention collective nationale des ouvriers de travaux publics du 15 décembre 1992 prévoit que l'indemnité de grand déplacement recouvre les frais liés au logement et à la nourriture (petit-déjeuner, déjeuner et dîner). Les frais de grand déplacement étant versés par nuitée et les salariés regagnant leur domicile le vendredi soir, il est octroyé à chaque salarié une indemnité couvrant les frais engagés pour 4 nuitées. Ne pouvant se voir allouer une indemnité de grand déplacement pour le vendredi, les salariés doivent bénéficier d'une prime de panier compensant les frais de nourriture engagés pour le repas du midi puisqu'ils demeurent toujours dans l'impossibilité de regagner leur domicile situé à plus d'une heure et demie du chantier.

-les frais engagés par le salarié dans l'intérêt de l'entreprise tels que les déjeuners d'affaires ou consommations prises lors de rendez-vous de chantier avec les clients correspondent à des frais d'entreprise déductibles; ces frais exceptionnels sont parfaitement justifiés et certains tickets comportent la mention des personnes présentes; les factures avaient été versées aux débats contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par ses écritures auxquelles s'est rapportée et qu'a développées sa représentante à l'audience, l'URSSAF de Bretagne demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la C... à lui régler, au titre des 04 chefs de redressement contestés, la somme de 67 875 €, dont 60 257 € en principal, sous réserve du calcul des majorations de retard complémentaire, outre la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

L'URSSAF de Bretagne fait valoir pour l'essentiel que :

-s'agissant de la prime de salissure, la société ne rapporte pas la preuve que les frais d'entreprise engagés pour des questions de sécurité et d'hygiène correspondent aux dépenses réellement engagées par les salariés puisqu'elle se borne à produire un tableau d'amortissement estimatif, 6 factures établies par son fournisseur de vêtements de protection individuelle et des déclarations sur l'honneur de salariés. Dans la mesure où la société verse mensuellement à chaque salarié (hors périodes de congés) des primes forfaitaires alors qu'elle pratique la déduction forfaitaire spécifique et en l'absence de justification des dépenses réellement engagées, ce chef de redressement doit être validé. L'obligation pour les salariés de se protéger ne justifie en rien qu'ils aient engagés des frais; ce n'est pas parce que l'activité est reconnue comme potentiellement salissante que la société est déchargée de rapporter la preuve de l'utilisation de la prime, et donc que les salariés ont des frais de lavage.

-s'agissant de l'indemnité de grand déplacement, il n'est pas contesté que les salariés se rendaient sur des chantiers éloignés. Cependant, la société ne rapporte pas la preuve de la situation d'exonération dont elle se prévaut, à savoir que les salariés sont restés sur place ni de l'engagement réel des frais supplémentaires par ces derniers: aucun justificatif de frais supplémentaires engagés par le salarié du fait de l'impossibilité de rentrer chez lui ou au siège de l'entreprise n'est produit. Si la société se prévaut d'une décision de l'URSSAF prise suite à une autre opération de contrôle ayant donné lieu à une lettre d'observations en date du 09 janvier 2017 reconnaissant l'existence d'une situation de grand déplacement, le chef de redressement n'était pas identique à celui mentionné dans la lettre d'observations du 22 février 2011. Surtout, lors du contrôle réalisé en 2017, l'inspecteur a été en mesure de conclure que les éléments justificatifs fournis par la société permettaient de constater la situation de grand déplacement. Après échange avec la société dans le cadre de la période contradictoire, le chef de redressement a été annulé compte tenu du faible montant calculé.

-s'agissant de la prime de panier, elle correspond à des frais de nourriture engagés par des salariés en grand déplacement le vendredi midi. Or, les sommes versées doivent être réintégrées dans l'assiette de cotisations, car ces sommes ne sont pas visées par la définition de l'indemnité de grand déplacement (indemnités de découcher incluant la nuit et le petit déjeuner) mais correspondent à des indemnités de repas versées à des salariés pour lesquels la société pratique la déduction forfaitaire spécifique.

-s'agissant des remboursements au réel de facture de repas et de consommations pour lesquels l'entreprise pratique la DFS, ils doivent être réintégrés dans l'assiette de cotisations, car les justificatifs produits pas la société ne permettent pas de s'assurer de l'utilisation conforme des sommes remboursées, le nom des personnes présentes n'étant pas mentionnés au dos de ces justificatifs.

-s'agissant des précédentes vérifications, le silence gardé par l'URSSAF lors d'un précédent contrôle ne peut, à lui seul, être assimilé à une acceptation implicite de la pratique suivie par l'employeur. Or, la société D... B... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une décision implicite d'acceptation admettant la validité de la pratique en cause ni aucun élément quant à une identité de situation lors des précédents contrôles.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la prime de salissure

Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes représentatives de frais professionnels dans les conditions fixées par arrêté ministériel.

Que les dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002 prévoient que:

'L'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6,7 et 8 ( 3° , 4°, et 5°) ;

2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet . Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3 , 4 , 5, 8 et 9".

Qu'il résulte de ces dispositions que la déduction des allocations forfaitaires est subordonnée à leur utilisation effective conformément à leur objet, ce que l'employeur a la charge de prouver par tous moyens.

Que, s'il n'est pas tenu de justifier du montant exact des frais réels exposés par ses salariés, il doit toutefois rapporter la preuve de l'engagement par ceux-ci d'une dépense effective conforme à l'objet de l'allocation forfaitaire versée.

Que le seul fait que l'activité soit reconnue comme potentiellement salissante ne prouve pas l'utilisation de la prime conformément à son objet

Considérant que la société D... B... invoque le jeu d'une double présomption :

1) présomption de l'engagement de frais d'entreprise puisque le vêtement demeure la propriété de l'employeur, que le port de ce vêtement est obligatoire et que les dépenses d'entretien sont justifiées en vertu de dispositions conventionnelles ou d'une réglementation interne à l'entreprise.

2) présomption de l'utilisation conforme de la prime de salissure puisque la méthode de calcul démontre que l'employeur a tenté de rembourser au mieux les salariés des dépenses réellement engagées.

Qu'en l'espèce, le calcul développé dans les écritures de la société, ainsi qu'à sa pièce n°15, tient compte de l'amortissement de la machine à laver et du sèche-linge, du coût de la lessive et de l'électricité. Que cependant, ce calcul retient un prix d'achat d'un sèche-linge, sans qu'il soit avéré que tous les salariés en possèdent, un amortissement quasi intégral du prix d'achat de la machine à laver alors que les salariés disposent nécessairement déjà d'une telle machine pour l'entretien de leur linge personnel. Que ce décompte théorique présenté pour justifier l'utilisation conforme, appliqué uniformément à chacun des salariés pour un coût de 2,68 €/semaine sur une base de 2 lavages estimés, ne peut être retenu.

Considérant, par ailleurs, que la société verse aux débats en pièce n°14 de ses productions 39 attestations rédigées par ses salariés, indiquant chacune : 'l'indemnité de lavage que je perçois tous les mois est une compensation du fait que je nettoie mes vêtements de travail'. Que par le contenu stéréotypé desdites attestations, lesquelles ne sont pas individuellement circonstanciées, la société n'établit pas pour chaque salarié soumis au port d'une tenue, l'utilisation de la prime de salissure conforme à son objet .

Considérant que la société D... B... rappelle que les salariés sont dans l'obligation en vertu d'une note de service de procéder à l'entretien de leurs vêtements de travail dont elle reste propriétaire. Qu'elle ne démontre cependant nullement que les salariés se présentent à leur poste de travail avec une tenue nettoyée et propre, que des contrôles sont effectués régulièrement et qu'elle est contrainte de prononcer une sanction en cas de non-respect de cette obligation.

Considérant que l'arrêté du 20 décembre 2002 définit les frais professionnels comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions. Que la société se borne à affirmer que la prime ne concerne que les salariés pour lesquels le port du vêtement est obligatoire sans produire d'éléments probants tels que les bulletins de salaire de salariés non soumis à cette obligation. Que comme l'a justement énoncé le tribunal, les primes de salissure bénéficient à la quasi-totalité du personnel sans considération des fonctions.

Que la société n'apportant aucun justificatif des dépenses de nettoyage exposées par les salariés et donc la preuve d'une utilisation conforme à leur objet, le redressement opéré à ce titre en point 3 de la lettre d'observations est justifié; que le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

Sur la prime de grand déplacement (redressement de 40 940 €)

Considérant que l'article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002 définit en son 1° la situation de grand déplacement en métropole comme celle où le salarié est empêché de regagner chaque jour sa résidence habituelle. Qu'il précise que 'Le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner chaque jour sa résidence habituelle lorsque la distance séparant son lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 km (trajet aller) et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30 (trajet aller)'.

Qu'au regard des dispositions susvisées et celles de l'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002 susmentionnées, la société D... B... invoque une nouvelle fois le jeu d'une double présomption :

- présomption de l'engagement de frais professionnels dès lors qu'il est satisfait aux deux conditions de distance et de temps de trajet,

- présomption de l'utilisation conforme des indemnités versées lorsque celles-ci sont inférieures ou égales au montant fixé par arrêté.

Que dès lors, elle invoque que le redressement ne peut être pratiqué au titre d'indemnités dont il est justifié qu'elles sont versées au profit de salariés en situation de grand déplacement (non contestée par l'URSSAF) et pour un montant inférieur au seuil réglementaire.

Qu'en conséquence, elle entend voir juger qu'elle n'avait pas à apporter d'autre justification que celles ci-dessus énoncées.

Que l'URSSAF sollicite la confirmation de ce chef de redressement au motif que la société D... B... ne produit aucun élément probant sur l'engagement effectif de frais supplémentaires.

Considérant qu'en application de l'article 5, 1°, de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, pour bénéficier d'une telle déduction sur les indemnités forfaitaires versées à ses salariés en mission en métropole, l'employeur doit justifier que ces indemnités sont destinées à compenser des dépenses supplémentaires de repas et de logement, la présomption d'utilisation conforme dans les limites fixées par l'arrêté ne pouvant jouer qu'une fois cette preuve apportée;

Qu'ainsi, même si les deux conditions cumulatives de distance et de temps de trajet sont en l'espèce réunies et que la société a opté pour le versement d'allocations forfaitaires et non le remboursement des dépenses réellement engagées, il appartient à la société de justifier de l'engagement effectif par ses salariés de frais supplémentaires liés à la mission pour bénéficier du jeu de la présomption.

Que force est de constater que la société ne justifie pas par ses productions de l'engagement effectif par ses salariés de frais supplémentaires liés à leurs déplacements sur les chantiers de Sarzeau ou la Roche-Bernard.

Que les indemnités versées aux dits salariés ne constituaient donc pas des indemnités de grand déplacement en métropole au sens de l'article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002, de sorte que leur montant devait être réintégré dans l'assiette de cotisation.

Considérant que la société se prévaut en la matière d'une décision implicite antérieure valant accord tacite.

Que l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, relatif aux modalités des contrôles d'assiette des cotisations dispose en son dernier alinéa que l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause, le redressement ne pouvant alors porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.

Que la preuve d'une décision implicite antérieure valant accord tacite par absence d'observations incombe à celui qui l'invoque.

Qu'en l'espèce la société a fait l'objet d'un précédent contrôle portant sur la période courant de juin 2000 à décembre 2002 à l'issue duquel aucun redressement n'est intervenu quant au principe des indemnités de grand déplacement aux termes de la lettre d'observations (pièce n°16 de la société); que cependant, ce document n'établit pas que l'URSSAF ait été alors en mesure d'apprécier les modalités de mise en oeuvre des indemnités de grand déplacement, dès lors que les documents consultés à l'époque diffèrent de ceux consultés lors du contrôle 2008-2010, la lettre d'observations du 21 mars 2003 ne mentionnant nullement au titre des pièces consultées les «pièces justificatives de frais de déplacements», contrairement à la lettre d'observations du 22 février 2011. Que par ailleurs aucune pièce relative à un contrôle de 1999 n'est versée aux débats par la société.

Que dans ces conditions la société est mal fondée à se prévaloir en la matière d'une décision implicite antérieure valant accord tacite.

Qu'enfin c'est en fonction des pièces qui lui ont été transmises par la société à l'occasion d'un contrôle postérieur portant sur les années 2014-2015 qu'un inspecteur de l'URSSAF a constaté qu'une situation de grand déplacement était alors caractérisée par la société (pièce n°18 de la société). Que ce constat tiré de l'examen des pièces présentées et portant d'ailleurs sur une période postérieure à celle objet du présent redressement, ne saurait par lui-même remettre en cause l'appréciation de la situation observée au titre des années 2008-2010 relevant l'absence de preuve de frais supplémentaires effectifs liés aux déplacements.

Que le redressement opéré à ce titre en point 9 de la lettre d'observations est justifié; que le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

Sur la prime de panier

Considérant que l'inspecteur du recouvrement a constaté à la lettre d'observations (pièce n°4 de la société) que des primes de paniers avaient été exclues de l'assiette de cotisations alors que les ouvriers bénéficiaient de la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels, lesdits remboursement devant dès lors être réintégrés dans l'assiette de cotisations en application de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002.

Que les salariés de la société D... B... envoyés sur les chantiers de Sarzeau ou La Roche-Bernard regagnaient leur domicile le vendredi soir. Que l'employeur fait valoir que la Convention collective des ouvriers de travaux publics prévoit que l'indemnité de grand déplacement recouvre les frais liés au logement et à la nourriture (petit-déjeuner, déjeuner et dîner), mais que ne pouvant se voir allouer une indemnité de grand déplacement pour le vendredi, les salariés doivent bénéficier d'une prime de panier compensant les frais de nourriture engagés pour le repas du midi puisqu'ils demeurent toujours dans l'impossibilité de regagner leur domicile situé à plus d'une heure et demie du chantier.

Considérant qu'il apparaît en tout état de cause que lesdits frais correspondent à des indemnités de repas (hors frais de grands déplacements) versées à des salariés pour lesquels la société pratiquait la DFS; que de plus, la société ne justifie pas par ses pièces de l'engagement effectif par ses salariés de frais supplémentaires de repas liés à leurs déplacements sur les chantiers de Sarzeau ou la Roche-Bernard le vendredi.

Que le redressement opéré à ce titre en point 5 de la lettre d'observations (avec réintégration des paniers de chantiers pour leur montant brut avec application de l'abattement de 10%) est justifié; que le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

Sur le remboursement de frais au réel

Considérant qu'en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont soumises à cotisations toutes les sommes versées et les avantages accordés en contrepartie ou à l'occasion du travail.

Que l'employeur peut toutefois être conduit à rembourser des dépenses engagées par le salarié ou à mettre à sa disposition des biens ou des services, sans qu'il s'agisse pour autant d'un élément de rémunération ou d'un avantage en nature, lorsqu'elles correspondent à des frais d'entreprise.

Que constituent des frais d'entreprise, au sens de l'article susvisé, les sommes versées au salarié en remboursement des dépenses, ne découlant pas de son activité, qu'il a exposées à titre exceptionnel et dans l'intérêt de son employeur; que constituent notamment comme frais d'entreprise les dépenses engagées par le salarié ou prises en charge directement par l'employeur à l'occasion de repas d'affaire, sauf abus manifeste.

Qu'il résulte des constatations faites par l'inspecteur (lettre d'observations en pièce n°4 de la société; point n°8 )que la société D... B... a remboursé, en franchise de cotisations, diverses factures de repas ou de consommations réglées par des salariés pour lesquels l'entreprise pratique la déduction forfaitaire spécifique.

Que la société fait valoir que le redressement opéré par l'Urssaf n'est pas fondé et que les dépenses litigieuses ont été engagées non pas en contrepartie ou à l'occasion du travail mais pour le compte de l'activité de l'entreprise et qu'ils peuvent bénéficier de la réglementation liée aux frais d'entreprise car revêtant un caractère exceptionnel, étant exposés en dehors de l'activité normale du salarié et pris dans l'intérêt de l'entreprise.

Que la société a pris en charge des notes de restaurant alors même que les notes ne précisaient pas le nom des bénéficiaires et que certains repas ont été pris individuellement.

Que l'absence de mention des bénéficiaires ne permet pas à l'URSSAF de vérifier que les dépenses ont bien été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et qu'elles correspondent à des frais exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité du salarié.

Que, faute pour la société de rapporter par ses productions, notamment en pièce n°13 (relevés de dépenses et factures) la preuve de la réalité des repas d'affaires et de la qualité des personnes qui y ont participé, l'URSSAF est bien fondée à réintégrer ces dépenses dans l'assiette de cotisations.

Que le jugement sera là encore confirmé.

Sur les autres demandes

Que l'URSSAF sera déboutée de sa demande de frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire remis au greffe,

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ADDITANT

-Déboute la société D... B... de sa demande en frais irrépétibles.

-Déboute l'URSSAF de Bretagne de sa demande en frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 16/04700
Date de la décision : 30/05/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes SS, arrêt n°16/04700 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-30;16.04700 ?
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