Chambre des Baux Ruraux
ARRÊT N° 67
R.G : 16/04089
Mme [G] [H] NÉE [Q]
C/
Mme [H] [N] épouse [O]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Dervillers ([Localité 1])
Me De Menou ([Localité 1])
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2017
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Maurice LACHAL, Président,
Assesseur : Madame Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Conseiller,
Assesseur : Madame Geneviève SOCHACKI, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Virginie SERVOUZE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Octobre 2017
devant Monsieur Maurice LACHAL, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Décembre 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE :
Madame [G] [Q]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Julien DERVILLERS de la SELARL PROXIMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [H] [N] épouse [O]
née le [Date naissance 1] 1957 à[Localité 1]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-Laure DE MENOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
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Faits et procédure :
Suivant acte sous-seing-privé des 30 septembre et 30 octobre 1994, M. [C] [N] a donné à bail rural à Mme [G] [Q] une ferme située à [Localité 2] consistant en des bâtiments d'habitation, des bâtiments d'exploitation et des terres d'une surface de 34 ha 27 a 45 ca. Le bail a pris effet le 29 septembre 1993 pour une durée de neuf ans. Le dernier renouvellement a eu lieu le 29 septembre 2011.
Le 13 juin 2014, Mme [G] [Q] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Rennes pour obtenir la réalisation de travaux sur les bâtiments d'exploitation et d'habitation, à défaut la réalisation d'une expertise pour évaluer les travaux à la charge du bailleur et leur coût.
Par acte du 3 juillet 2014, Mme [H] [N] épouse [O], venant aux droits de son père, a fait délivrer un congé à Mme [G] [Q] pour le 29 septembre 2017.
Le 8 août 2014, Mme [G] [Q] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Rennes pour obtenir l'annulation du congé donné le 3 juillet 2014.
Après tentative infructueuse de conciliation, l'affaire a été renvoyée en audience de jugement.
Par acte d'huissier de justice en date du 21 mars 2016, Mme [G] [Q] a fait assigner en référé Mme [H] [N] épouse [O] devant le président du tribunal paritaire des baux ruraux de Rennes pour obtenir la réalisation de travaux sous astreinte.
À l'audience du 29 mars 2016, les trois dossiers ont fait l'objet d'une jonction par mention aux dossiers. Il a cependant été répondu par une ordonnance sur la demande en référé.
Par jugement en date du 29 avril 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux de Rennes a :
condamné Mme [H] [N] épouse [O] à faire réaliser des travaux de mise aux normes de l'assainissement individuel et de remplacement des sanitaires, sous astreinte de 200 € passé un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision ;
condamné Mme [H] [N] épouse [O] à faire installer un éclairage électrique dans la grange située à l'est de la ferme et le grenier situé au-dessus de l'habitation, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé un délai de 90 jours à compter de la signification de la décision ;
dit que Mme [G] [Q] ne devra mettre aucun obstacle à la venue de l'entreprise et s'organiser pour permettre l'accès aux parties de l'immeuble d'habitation utiles aux travaux, selon les dates décidées par les entreprises ;
constaté la validité du congé donné le 3 juillet 2014 par Mme [H] [N] épouse [O] à Mme [G] [Q] avec effet au 29 septembre 2017 ;
dit en conséquence que Mme [G] [Q] devrait quitter les lieux au plus tard le 29 septembre 2017, sous réserve des dispositions de l'article L. 411 ' 64 alinéa 7 du code rural et de la pêche maritime ;
débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires ;
condamné Mme [G] [Q] et Mme [H] [N] épouse [O] aux dépens de la procédure dans la proportion respective d'un tiers et de deux tiers ;
condamné Mme [H] [N] épouse [O] à verser à Mme [G] [Q] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Moyens et prétentions des parties :
Mme [G] [Q] a fait appel de la décision et demande à la Cour de :
réformer le jugement déféré ;
dire et juger que le congé délivré le 3 juillet 2014 est irrégulier ;
dire et juger que Mme [H] [N] épouse [O] ne satisfait pas aux obligations visées à l'article L. 411 ' 59 du code rural ;
annuler en conséquence le congé délivré le 3 juillet 2014 ;
à supposer que le congé ait été délivré en raison de l'âge du preneur, dire et juger que Mme [G] [Q] peut se prévaloir de l'application des dispositions de l'alinéa 2nd de l'article L. 411 ' 64 du code rural ;
reporter en conséquence la date d'effet du congé à la fin de l'année culturale 2022 ;
condamner Mme [H] [N] épouse [O] à verser à Mme [G] [Q] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait des manquements de Mme [H] [N] épouse [O] à son obligation d'entretien pendant le cours du bail ;
subsidiairement, désigner un expert pour chiffrer le montant de l'indemnité d'amélioration revenant au fermier en application des dispositions des articles L. 411 ' 69 et suivants du code rural ;
ordonner de manière subséquente le maintien dans les lieux dans l'attente du paiement à Mme [G] [Q] de l'indemnité pour amélioration lui revenant en sa qualité de preneur sortant ;
condamner Mme [H] [N] épouse [O] aux dépens et à verser à Mme [G] [Q] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Mme [G] [Q] fait valoir que le congé délivré le 3 juillet 2014 est irrégulier sur la forme en raison des inexactitudes de motifs dans l'acte, source de confusion dans l'esprit du preneur. Elle ajoute que de toutes manières, Mme [H] [N] épouse [O], n'ayant notamment aucune capacité agricole, ne remplit pas les conditions pour reprendre une exploitation. Elle signale qu'elle est susceptible de demander le report de plein droit de la date d'effet du congé à la fin de l'année culturale où elle aura atteint l'âge permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein, c'est-à-dire lorsqu'elle aura atteint l'âge de 67 ans. Elle souligne que le propriétaire bailleur n'a jamais donné de réponses positives à ses demandes de travaux, la maison ne répondant plus aux conditions minimales de décence et d'habitabilité. Elle soutient que les travaux n'ont jamais été réalisés comme cela ressort d'un procès-verbal de constat établi le 7 janvier 2016. Elle sollicite une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts. Subsidiairement si par extraordinaire la cour devait valider le congé, elle sollicite la désignation d'un expert pour chiffrer le montant de l'indemnité d'amélioration revenant au fermier.
En réponse, Mme [H] [N] épouse [O] demande à la cour de :
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a validé le congé donné le 3 juillet 2014 à Mme [G] [Q] avec effet au 29 septembre 2017 ;
en conséquence, ordonner à Mme [G] [Q] d'avoir à quitter les lieux loués dans le mois qui suivra la signification de l'arrêt à intervenir ;
condamner Mme [G] [Q] à verser à Mme [H] [N] épouse [O] la somme de 2 000 € pour appel abusif et la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Mme [H] [N] épouse [O] expose qu'il n'existe aucune ambiguïté sur le motif du congé qui explicite clairement être donné en raison et au seul motif d'un âge à la retraite atteint à l'expiration de la deuxième période triennale du bail renouvelé. Elle rappelle qu'en vertu de la loi de 2010, l'âge légal de la retraite des exploitants agricoles est porté à 62 ans et pour les personnes nées au cours de l'année 1955, l'âge légal de la retraite est de 61 ans et 8 mois, âge atteint par Mme [G] [Q] le 7 novembre 2016. Elle souligne que la loi du 13 octobre 2014 ne s'applique pas aux congés délivrés avant sa publication. Elle mentionne que l'appel de Mme [G] [Q] a été inscrit dans le seul but de gagner du temps pour rester dans les lieux, le loyer de la maison étant d'un montant mensuel de 87, 50 €. Elle ajoute que la demande d'expertise n'a pas été formulée en première instance et n'est assortie d'aucune pièce permettant de la justifier. Elle souligne que les travaux de mise aux normes ont été effectués. Elle indique que la demande pour préjudice moral est une demande nouvelle et que Mme [G] [Q] n'habite pas dans les lieux où elle vient seulement pour soigner ses moutons.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience.
Sur quoi, la cour
1. En ce qui concerne la validité du congé en date du 3 juillet 2014, par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a procédé à une analyse exacte de la situation et en a justement déduit, au vu des moyens des parties et par des réponses appropriées, les conséquences juridiques qui s'imposaient. En effet, seule la mention du titre du congé fait référence à une reprise alors que le corps de cet acte extrajudiciaire développe le motif lié à l'âge du preneur et reprend les dispositions de l'article L. 411 ' 64 du code rural et de la pêche maritime qui s'y rapporte. En conséquence, l'inexactitude n'est pas de nature à induire le preneur en erreur et ne peut alors entraîner la nullité du congé conformément à l'article L. 411 ' 47 du même code. Ensuite, comme l'a rappelé le jugement déféré les dispositions introduites par la loi nº 2014 ' 1170 du 13 octobre 2014 ne sont applicables qu'aux congés notifiés postérieurement à la publication de la loi. Il ne peut donc être fait application à l'espèce de la possibilité de report du congé pour permettre au preneur de continuer d'exploiter jusqu'à la date où il bénéficiera d'une retraite à taux plein. Il ya lieu à confirmation du jugement qui a validé le congé pour la date du 29 septembre 2017.
2. En ce qui concerne les travaux de mise aux normes de l'assainissement individuel, de remplacement des sanitaires et d'électricité, il ressort des pièces versées aux débats que les travaux ont été effectués par le bailleur. Il convient de le constater.
3. Mme [G] [Q] réclame des dommages-intérêts. Cette demande est nouvelle en appel mais cependant recevable pour être l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes soumises au premier juge au titre des travaux à effectuer par le bailleur et ce, conformément à l'article 566 du code de procédure civile. Néanmoins, il ressort des débats et des pièces produites que Mme [G] [Q] n' habitait pas les lieux. En effet, à sa demande, la chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine a fait une visite des lieux le 26 mars 1993 dont il ressort que les bâtiments d'habitation ne comportaient même pas une cuisine ce qui justifie la modique somme demandée à titre de loyer pour la partie habitation. Dès lors, la demande de dommages et intérêts n'est pas fondée et sera rejetée.
4. Mme [G] [Q] sollicite la désignation d'un expert pour chiffrer l'indemnité au preneur sortant. Mme [H] [N] épouse [O] s'oppose à cette demande en l'absence de justificatifs.
Si en vertu de l'article L. 411 ' 69 du code rural et de la pêche maritime, le preneur qui a, par son travail ou par ces investissements, apporté des améliorations au fonds a droit, l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail, il n'en demeure pas moins que le preneur qui revendique une expertise pour chiffrer cette indemnité doit apporter des éléments permettant de démontrer qu'une indemnité est susceptible d'être accordée. Or, Mme [G] [Q] n'apporte aucun élément pour justifier d'une telle demande qui sera rejetée.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [G] [Q], partie perdante en appel, sera condamnée aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a validité le congé donné à Mme [G] [Q] par Mme [H] [N] épouse [O] ainsi que sur les frais et dépens ;
Constate que les travaux ordonnés par le jugement déféré ont été exécutés ;
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée par Mme [G] [Q] et, au fond, la rejette ;
Rejette la demande d'expertise formée par Mme [G] [Q] ;
Condamne Mme [G] [Q] aux dépens d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,