1ère Chambre
ARRÊT N°296/2017
R.G : 16/01999
Société FROIDCAM
C/
Mme [T] [K] veuve [Q]
Mme [W] [D]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 JUIN 2017
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Assesseur :Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Madame Julie DURAND, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Mai 2017
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Juin 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Société FROIDCAM
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
CAMEROUN
Représentée par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE/SINQUIN/DAUGAN/QUESNEL, postulant avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Nicolas URBAN, de L'AARPI ALMATIS, plaidant avocat au barreau de PARIS,
INTIMÉES :
Madame [T] [K] veuve [Q]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1] (CAMEROUN)
[Adresse 2]
DOUALA
CAMEROUN
Représentée par Me Stéphan SEGARULL, avocat au barreau de LORIENT
Madame [W] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentée par Me Mikaël BONTE de la SELARL A2C ATLANTIQUE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE:
L'objet du litige dont la cour est saisie est une demande présentée par la Sarl Froidcam, société dont le siège social est à Douala-Akwa (Cameroun), aux fins d'exequatur d'un jugement prononcé par le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo le 23 février 2006, qui a condamné Monsieur [M] [Q] à une sanction pénale et à des réparations civiles.
Monsieur [Q] étant décédé le [Date décès 1] 2009, l'action en exequatur est dirigée contre ses ayants-droits, Madame [W] [D], légataire universelle du défunt et Madame [T] [K], épouse de celui-ci.
***
Monsieur [Q], exploitant à Douala un commerce de boucherie en gros sous l'enseigne 'Boucherie du Littoral', avait en effet loué des locaux à la Sarl Froidcam selon un acte authentique du 3 mars 1981, suivi d'un avenant conclu le 11 juin 1986, ce pour une durée de vingt ans à compter du 1er septembre 1980.
Il était stipulé au bail commercial que la propriété de tous les embellissements et constructions nouvelles serait de plein droit transférée à la société Froidcam à l'expiration du bail.
Or, les relations entre le bailleur et le preneur s'étant détériorées, la société Froidcam a, le 23 novembre 1999, mis en demeure Monsieur [Q] de quitter les lieux pour le 31 août 2000, ce que ce dernier a fait, mais en démontant les constructions et installations de chambres froides réalisées par lui en cours de bail.
Diverses procédures ont alors été engagées devant les juridictions de Douala, parmi lesquelles une citation directe contre Monsieur [Q], en matière pénale, sur laquelle le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo a, par un jugement du 9 janvier 2003, prononcé par défaut à son égard, déclaré celui-ci coupable de destruction de biens, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et une peine d'amende de 20 000 francs CFA, ainsi en outre qu'à payer à la société Froidcam la somme de 30 millions de francs CFA à titre de dommages-intérêts.
La société Froidcam a interjeté appel de ce jugement.
Mais Monsieur [Q] ayant formé opposition contre le jugement le 5 octobre 2004, la cour d'appel du Littoral a, le 24 mai 2005, renvoyé l'affaire devant le tribunal de première instance pour qu'il soit statué sur les mérites de l'opposition.
Par un jugement réputé contradictoire rendu le 23 février 2006, le tribunal de Douala-Bonanjo a :
déclaré l'opposition non avenue,
confirmé la décision querellée sur la déclaration de culpabilité,
reçu la société Froidcam en sa 'reconstitution de partie civile',
condamné Monsieur [Q] à payer à la société Froidcam la somme de 220 000 000 francs CFA à titre de dommages et intérêts ventilée comme suit:
préjudice matériel : 136 480 000 francs CFA,
manque à gagner : 83 520 000 francs CFA,
condamné Monsieur [Q] au remboursement de tous les dépens liquidés à la somme de 12 503 000 francs CFA.
La société Froidcam s'est fait délivrer le 2 novembre 2006 par le greffe du tribunal un certificat de non appel et, par acte du 29 janvier 2007, a fait assigner Monsieur [Q] devant le tribunal de grande instance de Lorient pour voir prononcer l'exequatur de ce jugement, afin de pouvoir faire exécuter les condamnations indemnitaires sur les biens appartenant à Monsieur [Q] en France, et notamment un immeuble situé à [Adresse 4] (Morbihan).
Affirmant que c'est alors seulement qu'il avait appris l'existence du jugement du tribunal de première instance de Douala en date du 23 février 2006, Monsieur [Q] a interjeté appel de ce jugement le 16 février 2007.
La société Froidcam a sollicité et obtenu du juge de l'exécution, le 6 août 2007, l'autorisation de faire inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble de [Adresse 4].
Par jugement du 25 mars 2008 le tribunal de grande instance de Lorient a sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel du Littoral.
Monsieur [Q] est, comme il a été dit, décédé le [Date décès 1] 2009, laissant pour lui succéder sa concubine Madame [W] [D], qu'il avait désignée par testament authentique du 13 février 2009 légataire à titre universel de la propriété des trois quarts de son patrimoine, ainsi que son épouse, Madame [T] [K], dont il vivait séparé depuis longtemps, bénéficiaire de droit du quart de sa succession conformément à l'article 914-1 du Code civil.
Toutefois, la cour d'appel du Littoral a, par un arrêt du 15 octobre 2009:
donné acte à la société Froidcam de son désistement d'appel contre le jugement du 9 janvier 2003,
déclaré irrecevable l'appel formé par Monsieur [Q] contre le jugement du 23 février 2006,
condamné celui-ci aux dépens,
et décerné contre lui mandat d'incarcération.
Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt devant la Cour suprême du Cameroun, pour Monsieur [Q], par Maître Béatrice Adjovi, avocat à Douala, le 16 octobre 2009.
Par actes du 20 janvier 2010, puis du 18 juillet 2011, la société Froidcam a fait assigner Madame [D] et Madame [K], en leur qualité d'ayants-droits de Monsieur [Q], devant le tribunal de grande instance de Lorient pour obtenir l'exequatur du jugement du 23 février 2006 ; les instances ont été jointes.
Alors que le pourvoi formé le 16 octobre 2009 a été déclaré irrecevable par décision de la Cour suprême du Cameroun en date du 21 juillet 2011, un nouveau pourvoi a été inscrit le 27 avril 2012 par Maître Béatrice Adjovi, avocat à Douala, agissant cette fois au nom et pour le compte de Madame [D] en qualité d'ayant-droit de Monsieur [Q] contre l'arrêt de la cour d'appel du Littoral du 15 octobre 2009.
Par jugement du 7 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Lorient a:
sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour suprême du Cameroun,
en tant que de besoin, rappelé au demandeur la nécessité de s'assurer du respect des dispositions de l'article 38 de l'accord de coopération franco-camerounais du 21 février 1974 en matière de justice, tenant aux vérifications relatives à la régularité de la citation, de la représentation ou de la déclaration de défaillance des parties, et de procluire conformément à l'article 39 les originaux des exploits de signification de la décision pour laquelle il est demandé exequatur, ainsi que, puisqu'il y a eu appel et pourvoi, l'ensemble de ses significations,
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
ordonné la radiation de l'affaire du rôle jusqu'à rétablissement après décision de la Cour suprême du Cameroun.
La décision de sursis à statuer et de radiation a été renouvelée par une ordonnance du juge de la mise en état en date du 20 juin 2014.
La Cour suprême du Cameroun a, par un nouvel arrêt du 15 mai 2014, rejeté le pourvoi formé par Maître Adjovi contre 1'arrêt de la Cour d'appel du Littoral du 15 octobre 2009.
***
Par le jugement du 17 février 2016 dont appel, le tribunal de grande instance de Lorient a:
constaté que la cause du sursis à statuer prononcé le 7 novembre 2012 a disparu, et révoqué le sursis,
débouté la société Froidcam de l'ensemble de ses demandes,
condamné celle-ci à payer à Madame [D] et à Madame [K], chacune, la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
condamné celle-ci aux dépens, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
La société Froidcam a interjeté appel de ce jugement le 10 mars 2016.
Par conclusions du 3 mai 2017, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, elle demande à la cour:
d'infirmer le jugement déféré,
de prononcer l'exequatur du jugement n° 1211/CD/CCR rendu le 23 février 2006 par le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo contre Madame [D] et Madame [K], en leur qualité d'ayants-droits de Monsieur [Q],
de dire que cette décision pourra être exécutée à l'encontre de celles-ci sur l'ensemble du territoire français, y compris dans les départements et territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Corse et de Mayotte, comme prononcée par une juridiction française, en ses dispositions uniquement relatives à l'action civile, dans les termes suivants:
reçoit la société Froidcam en sa 'reconstitution de partie civile',
condamné Monsieur [Q] à payer à la société Froidcam la somme de 220 000 000 F CFA à titre de dommages-intérêts ventilée comme suit:
préjudice matériel: 136 480 000 F CFA,
manque à gagner: 83 520 000 CFA,
le déboute du surplus de sa demande comme non fondée,
condamne Monsieur [Q] aux dépens,
le condamne au remboursement de tous les dépens liquidés quant à présent à la somme de 12 503 000 F CFA,
de dire que toutes les condamnations pécunaires libellées en devises étrangères seront payées en euros selon le cours du jour ouvrable précédant le paiement effectif, dans la mesure où celui-ci interviendra sur le territoire français,
de dire que l'arrêt à intervenir pourra faire l'objet d'une publication en marge du relevé hypothécaire à la conservation des hypothèques dont dépend l'immeuble appartenant à Madame [D],
de débouter Madame [D] et Madame [K] de toutes leurs demandes,
de les condamner solidairement à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
de les condamner de même aux entiers dépens.
Par conclusions du 28 avril 2017, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, Madame [D] demande à la cour:
de confirmer le jugement déféré,
y ajoutant, de condamner la société Froidcam à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
de la condamner en tous les dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Par conclusions du 21 avril 2017, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, Madame [K] demande à la cour:
de confirmer le jugement déféré,
y ajoutant, de condamner la société Froidcam à lui payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
de la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions de procédure du 9 mai 2017, Madame [D] a demandé à la cour de constater que la signification par la société Froidcam de conclusions le 4 mai 2017 et la communication par celle-ci de pièces les 3, 5 et 9 mai 2017 violaient le principe de la contradiction, et en conséquence d'écarter lesdites conclusions et pièces des débats.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 9 mai 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:
1/: - Sur l'incident de procédure:
S'agissant des conclusions signifiées et déposées par la société Froidcam le 3 mai 2017, non le 4 mai 2017, Madame [D] ne justifie pas en quoi elle n'a pas été en mesure d'y répondre avant la clôture de l'instruction, reportée à l'audience de plaidoirie le 9 mai 2017, soit six jours plus tard.
Elle n'établit pas davantage en quoi elle n'a pas pu discuter utilement les pièces communiquées par la société Froidcam et visées au bordereau annexé à ces conclusions sous les n°s 34 et 35, à savoir un extrait du Code d'instruction criminelle et un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 3 décembre 2012.
Toutes autres pièces communiquées postérieurement, non visées au dit bordereau, doivent être écartées des débats comme n'ayant pas été régulièrement communiquées en temps utile au sens des dispositions des articles 15 et 135 du Code de procédure civile et n'ayant pu ainsi être soumises au débat contradictoire, compte étant notamment tenu de ce que le lundi 8 mai 2017 était un jour férié.
2/: - Au fond:
L'exequatur vise à recevoir et intégrer un jugement étranger dans l'ordre juridique national, non seulement en lui reconnaissant l'autorité de chose jugée, mais encore en lui conférant force exécutoire sur le territoire national.
Selon l'article 509 du Code de procédure civile, les jugements rendus par les tribunaux étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi.
Celle-ci a été interprétée par la Cour de cassation, qui en a dégagé les principes fondamentaux dans les arrêts Munzer (Civ. 1ère, 7 janvier 1964) et [O] (Civ. 1ère, 20 février 2007) dont il résulte qu'en dehors de toute convention internationale, le juge français doit, pour accorder l'exequatur, s'assurer de ce que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure, et l'absence de fraude à la loi.
En l'espèce, il existe une convention liant les Etats français et camerounais en la matière, l'accord de coopération en matière de justice du 21 février 1974, publié par le décret n° 75-1154 du 8 décembre 1975.
Aux termes de l'article 35 de cet accord, les décisions rendues en matière civile et commerciale par une juridiction siégeant dans l'un des Etats ne peuvent donner lieu à aucune exécution forcée dans l'autre Etat qu'après y avoir été déclarées exécutoires.
L'article 36 précise que l'exequatur est accordé par l'autorité compétente d'après la loi de l'Etat où il est requis, et selon la procédure régie par cette loi.
Cette autorité se borne, selon l'article 38, à vérifier si la décision dont l'exequatur est demandé remplit les conditions prévues à l'article 34, mais elle procède d'office à cet examen.
Le dit article 34 dispose, s'agissant des décisions, qu'elles sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre si elles réunissent un certain nombre de conditions, dont celles que les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes, que la décision, d'après la loi de l'Etat où elle a été rendue, ne peut plus faire l'objet d'un recours ordinaire ou d'un pourvoi en cassation, et qu'elle ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée.
L'application de ces dispositions en vue de l'exequatur doit se faire sous l'éclairage des principes fondamentaux du procès équitable de l'article 6§1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, comme l'exige la Cour européenne des droits de l'Homme (20 juillet 2001, Dame Pellegrini c. Italie).
La discussion porte en l'occurrence essentiellement sur le respect des droits de la défense de Monsieur [Q] ou de ses ayants-droits, que ce soit au niveau de l'introduction de l'instance au Cameroun ayant conduit à la condamnation de Monsieur [Q], ou au niveau des suites du jugement de condamnation et du droit à exercer utilement une voie de recours, c'est-à-dire la question de la régularité de la signification du jugement.
S'agissant du premier point, le Code d'instruction criminelle camerounais alors applicable prévoyait en son article 188 que 'L'opposition emportera de droit citation à la première audience' après l'expiration d'un délai de quinze jours, et que 'Elle sera non avenue si l'opposant (ou son avocat) n'y comparaît pas'.
Or selon les pièces régulièrement produites aux débats, lorsque Monsieur [Q] a, le 5 octobre 2004, déclaré au greffe du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo former opposition au jugement prononcé contre lui, par défaut, le 9 janvier 2003, il lui a été remis un procès-verbal l'informant de ce que l'affaire serait appelée à l'audience du 24 février 2005.
Il n'est pas justifié de ce que l'affaire a effectivement été examinée à la dite audience, ni à aucune autre avant celle du 26 janvier 2006, à laquelle, selon le jugement du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo en date du 23 février 2006, elle a été appelée 'suivant déclaration d'opposition... du 5 octobre 2004" et 'le prévenu et son conseil n'ont pas cru devoir comparaître à la suite de leur opposition'.
Il certain en revanche que, postérieurement à l'audience du 24 février 2005, la cour d'appel du Littoral, saisie de l'appel formé par la société Froidcam contre le jugement du 9 janvier 2003, a, par son arrêt du 24 mai 2005, renvoyé le dossier de la procédure devant le tribunal de première instance pour qu'il soit statué d'abord sur le mérite de l'opposition, sans précision de date.
Rien ne permet donc de s'assurer de ce que Monsieur [Q] a été informé de la date de l'audience qu'a tenue ce tribunal le 26 janvier 2006, à la suite de laquelle celui-ci a rendu le jugement du 23 février 2006 qui non seulement a dit son opposition non avenue, mais a porté, sur l'action civile de la société Froidcam, les dommages-intérêts auxquels il a été condamné de 30 000 000 F CFA à 220 000 000 F CFA.
Une telle incertitude est d'ailleurs confortée par le fait que, selon un commentaire de doctrine au Code d'instruction criminelle et à la pratique judiciaire camerounaise, produit par Madame [K], il est habituel, nonobstant les dispositions de l'article 188 du dit code, que le ministère public fasse citer l'opposant car, selon l'auteur, les parties ignorent généralement les dates d'audience.
Elle n'est pas levée par les recours exercés contre le jugement du 23 février 2006.
En effet, la cour d'appel du Littoral, statuant par son arrêt du 15 octobre 2009 sur les appels formés contre le jugement du 9 janvier 2003 par la société Froidcam et contre le jugement du 23 février 2006 par Monsieur [Q], a constaté le désistement de la première, et déclaré irrecevable comme étant tardif l'appel du second, et ne s'est donc ainsi pas prononcée sur la régularité de la procédure poursuivie devant le premier juge.
Et la Cour suprême du Cameroun, saisie du premier pourvoi inscrit le 16 octobre 2009 contre cet arrêt pour le compte de Monsieur [Q], a, le 21 juillet 2011, déclaré ce pourvoi irrecevable.
Quant au second pourvoi, formé contre le même arrêt le 27 avril 2012 pour le compte de Madame [D], ès qualités d'ayant-droit de Monsieur [Q], la Cour l'a rejeté en écartant les trois moyens de cassation qui étaient soulevés aux motifs d'une part de l'irrégularité des modalités de signification en France du jugement, qui empêchait, selon l'auteur du pourvoi, de faire courir le délai d'appel, d'autre part du défaut de réponse par la cour d'appel aux conclusions faisant état du décès de Monsieur [Q], enfin de la violation par la cour d'appel des dispositions légales selon lesquelles l'action publique s'éteint par la mort du prévenu.
Ainsi, la discussion sur le caractère contradictoire de la procédure ayant conduit au jugement dont l'exequatur est demandé n'était pas soumise à la Cour suprême, qui ne s'est donc pas davantage prononcée sur ce point.
Il résulte de ce qui précède que les conditions, prévues aux articles 34 et 38 de l'accord de coopération en matière de justice du 21 février 1974, selon lesquelles le juge de l'exequatur s'assure de ce que les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes, ce dont il résulte que le juge de l'Etat français, engagé par les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, vérifie que soient assurées les garanties des droits de la défense, ne sont pas, en l'espèce, remplies.
Pour ce motif, qui suffit, la société Froidcam doit être déboutée de ses demandes et le jugement du tribunal de grande instance de Lorient qui a rejeté la demande d'exequatur du jugement du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo du 23 février 2006, confirmé.
S'agissant de l'instance d'appel, il y a lieu de condamner la société Froidcam aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi en outre qu'à payer à chacune des intimées la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Après rapport fait à l'audience ;
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées et déposées par la Sarl Froidcam le 3 mai 2017 et les pièces communiquées par elle et visées au bordereau annexé à ces conclusions sous les n°s 34 et 35;
Ecarte des débats toutes autres pièces communiquées postérieurement à la signification de ces conclusions, non visées au dit bordereau;
Déboute la Sarl Froidcam de l'ensemble de ses demandes;
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant, condamne la Sarl Froidcam à payer à Madame [W] [D] et Madame [T] [K], chacune, la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sarl Froidcam aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
LE GREFFIERPOURLE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ, LE CONSEILLER Marc JANIN