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02/05/2017 | FRANCE | N°15/01105

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 02 mai 2017, 15/01105


1ère Chambre





ARRÊT N°204/2017



R.G : 15/01105













Mme [P] [T] épouse [P]

M. [W] [P]



C/



SCI DONALOSA

COMMUNE D'[Localité 1]

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
r>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 MAI 2017





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : M. Xavier BEUZIT, Président,

Assesseur : M. Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des déb...

1ère Chambre

ARRÊT N°204/2017

R.G : 15/01105

Mme [P] [T] épouse [P]

M. [W] [P]

C/

SCI DONALOSA

COMMUNE D'[Localité 1]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 MAI 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : M. Xavier BEUZIT, Président,

Assesseur : M. Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Mars 2017

devant M. Marc JANIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Mai 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Mme [P] [T] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérôme GAUTIER de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES

M. [W] [P]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jérôme GAUTIER de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉES :

SCI DONALOSA, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphane CRAS de la SELAS LES JURISTES D'ARMORIQUE, avocat au barreau de LORIENT

COMMUNE D'[Localité 1], représentée par son Maire

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

FAITS ET PROCÉDURE:

M. [W] [P] et Mme [P] [T], son épouse, ont, au vu d'une annonce parue sur un site internet proposant à la vente, au prix de 850 000 €, d'une maison d'habitation située sur la commune d'[Localité 1] (Loire-Atlantique), implantée sur un terrain face à la baie de [Localité 6] avec un accès direct à la plage, signé le 24 juillet 2009 avec les vendeurs, M. [E] [O], M. [Z] [I] et Mme [H] [O] son épouse, et Mme [U] [N], un compromis de vente pour le prix de 515 000 €.

Au moment de la signature de l'acte authentique, le 6 janvier 2010, les époux [P] ont pris connaissance du contenu du plan cadastral qui faisait apparaître que la parcelle objet de la vente, référencée AD [Cadastre 1], se trouvait séparée en réalité de la plage par une bande de terrain, cadastrée AD [Cadastre 2], laquelle était située à l'intérieur du terrain clôturé qu'ils avaient visité.

Les parties s'entendaient sur un nouveau prix de cession, 465 000 €, et la vente était conclue entre elles selon un acte reçu le 26 juillet 2011 par Me [N] [C], notaire à [Localité 7] ( Loire-Atlantique); celle-ci portait sur la parcelle AD [Cadastre 1] ainsi que sur les 'droits éventuels' détenus par les vendeurs sur la parcelle AD [Cadastre 2] afin que les époux [P] puissent 'en revendiquer la propriété par toutes voies de droit'.

Ces derniers ont, le 20 février 2012, sollicité une expertise en référé et saisi au fond le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire d'une action en revendication de la propriété de la parcelle AD [Cadastre 2] dirigée contre M. [J] [F], maire de la commune d'[Localité 1].

Celle-ci est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 20 novembre 2014, le tribunal a:

reçu la commune d'[Localité 1], représentée par son maire, en son intervention volontaire,

mis M. [F] hors de cause,

débouté les époux [P] de leur demande tendant à les voir déclarer propriétaires de la parcelle AD [Cadastre 2],

débouté les époux [P] de leur demande indemnitaire et de leur demande de condamnation au rétablissement de leur clôture,

débouté les époux [P] du surplus de leurs demandes,

débouté la commune d'[Localité 1] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamné les époux [P] aux dépens, avec distraction au profit de l'avocat de la partie adverse.

Les époux [P] ont interjeté appel de ce jugement le 9 février 2015.

Par arrêt du 8 mars 2016, la cour a:

révoqué l'ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats,

avant dire droit, invité les époux [P] à mettre régulièrement en la cause le propriétaire du camping [Établissement 1],

invité en outre, les parties à conclure sur l'accomplissement des conditions de la voie de fait reprochée à la commune d'[Localité 1].

Les époux [P] ont fait assigner la Sci Donalosa, propriétaire du camping, en intervention forcée par acte délivré le 5 avril 2016.

Par dernières conclusions du 10 février 2017, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, les époux [P] demandent à la cour:

de réformer le jugement déféré,

de dire qu'ils ont la qualité de propriétaires de la parcelle AD [Cadastre 2] en vertu de l'acte d'échange signé le 1er juin 1976 entre l'Association Sainte Thérèse et Mme [N],

à titre subsidiaire, de dire qu'ils bénéficient de la prescription acquisitive abrégée de l'article 2272 du Code civil, et sont en conséquence, propriétaires de la parcelle AD [Cadastre 2],

à défaut, de dire qu'ils bénéficient de la prescription acquisitive trentenaire par la jonction des possessions de leurs auteurs et qu'en conséquence, ils sont propriétaires de la parcelle AD [Cadastre 2],

d'enjoindre en conséquence, la commune d'[Localité 1] de rétablir la clôture dans son état initial jusqu'à la plage,

de dire que la commune d'[Localité 1] devra procéder ou faire procéder à ses frais à la destruction de la clôture installée sur leur terrain ainsi qu'au rétablissement de la clôture dans son état initial jusqu'à la plage, dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 300 € par jour de retard,

de condamner la commune d'[Localité 1] au paiement de la somme de 2 000 € en indemnisation du préjudice subi par eux,

de débouter la commune d'[Localité 1] et la Sci Donalosa de leurs demandes,

de condamner la commune d'[Localité 1] au paiement de la somme de 8000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 20 septembre 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, la commune d'[Localité 1] demande à la cour:

à titre principal, de se déclarer incompétente au profit du juge administratif pour statuer sur la question de l'éventuelle domanialité publique de la parcelle cadastrée AD [Cadastre 2],

à titre subsidiaire, de prononcer un sursis à statuer sur les demandes des parties et les inviter à poser au juge administratif la question préjudicielle de l'éventuelle domanialité publique de la parcelle AD [Cadastre 2],

à titre plus subsidiaire, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [P] de leurs demandes tendant à voir reconnaître leur qualité de propriétaires sur la parcelle AD [Cadastre 2], et de leurs demandes indemnitaires au titre de l'atteinte à leur droit de propriété, ainsi que de leur demande de condamnation sous astreinte en rétablissement de la clôture,

de débouter les époux [P] de leur demande de condamnation de la commune à procéder ou faire procéder à ses frais à la destruction de la clôture installée sur la parcelle AD [Cadastre 2],

de déclarer les époux [P] irrecevables en toutes leurs demandes, fins et conclusions et subsidiairement, les en débouter,

d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et en conséquence, de condamner les époux [P] à lui payer une indemnité de 5 000 € au titre des frais non répétibles de première instance,

de les condamner à lui payer une indemnité de 6 000 € au titre des frais non répétibles d'appel,

de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 27 juin 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, la Sci Donalosa demande à la cour:

à titre principal, de dire son intervention forcée irrecevable,

de dire l'action en revendication des époux [P] irrecevable,

à titre subsidiaire, de débouter les époux [P] de leurs demandes,

de confirmer le jugement déféré,

de condamner les époux [P] solidairement, à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de les condamner solidairement, aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 14 février 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:

Le jugement doit d'abord être confirmé en ce qu'il a reçu la commune d'[Localité 1], représentée par son maire, en son intervention volontaire, et mis M. [F] hors de cause.

Le bien acquis par les époux [P] le 26 juillet 2011 est décrit à l'acte authentique comme étant, à [Adresse 4], une maison d'habitation figurant au cadastre section AD [Cadastre 1], pour une superficie de 13 a 90 ca, outre les 'droits éventuels' des consorts [O]-[N] sur la parcelle AD [Cadastre 2], 'tels qu'ils existent actuellement'.

Il est précisé à l'acte au préalable que 'les vendeurs ne sont pas titrés pour la parcelle AD [Cadastre 2] qu'ils possèdent et occupent depuis plus de trente ans', mais dont la commune d'[Localité 1] 'revendique à présent la propriété'.

Les consorts [O]-[N], vendeurs, tenaient eux-mêmes leurs droits de la donation que leur avait faite Mme [A] [Y], veuve [N], le 5 juillet 2005, d'une maison d'habitation située [Adresse 4], cadastrée section AD [Cadastre 1] pour une superficie de 13 a 90 ca.

Selon les pièces produites aux débats, cette parcelle AD [Cadastre 1] avait été constituée de la façon suivante.

Mme [A] [Y], veuve [N], avait acquis le 27 septembre 1973 de M. [B] [R], la parcelle H [Cadastre 3], d'une superficie de 11 a 78 ca; mais, selon le rapport de M. [C] [A], géomètre-expert honoraire consulté par les époux [P], cette parcelle présente une superficie d'arpentage de 11 a 25 ca, soit une différence en moins de 53 ca.

Elle avait également acquis, le 22 juillet 1974 de Mme [T] [X], la parcelle H [Cadastre 4], d'une superficie de 1 a 94 ca.

Et aux termes d'un acte de contre échange avec l'association Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus en date du 12 avril 1976, propriétaire de parcelles voisines, Mme [A] [Y], veuve [N], a:

- divisé la parcelle H [Cadastre 3] en parcelles H [Cadastre 5], d'une superficie de 7 a 13 ca, et H [Cadastre 6], d'une superficie de 4 a 65 ca,

- divisé la parcelle H [Cadastre 4] en parcelles H [Cadastre 7], d'une superficie de 48 ca, et H [Cadastre 8], d'une superficie de 1 a 46 ca,

- cédé les parcelles H [Cadastre 8] et H [Cadastre 6] à l'association Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus,

- conservé la propriété des parcelles H [Cadastre 7] et H [Cadastre 5],

- reçu la parcelle cadastrée section H [Cadastre 9], d'une contenance de 5 ares 71 ca, joignant au Nord sa propriété, à l'Ouest la plage, à l'Est et au Sud l'association Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus, laquelle parcelle provenait de la division, le 31 octobre 1974, d'une parcelle H [Cadastre 10], dont l'autre partie, cadastrée H [Cadastre 11], restait appartenir à l'association.

Il ressort donc de ces différentes acquisitions et cessions que la propriété donnée par Mme [A] [Y], veuve [N], le 5 juillet 2005, comprenait les parcelles H [Cadastre 9], H [Cadastre 7] et H [Cadastre 5], dont le total de superficies était de 13 a 32 ca, lesquelles ont été réunies en une parcelle AD [Cadastre 1].

Celle-ci a été vendue par les consorts [N] aux époux [P] pour une contenance de 13 a 90 ca.

Les 58 ca en sus ne peuvent, dès lors que les limites Nord-Ouest ([Adresse 5]), Nord, Nord-Est et Est de la parcelle AD [Cadastre 1] ne sont pas contestées, que provenir de la portion de terrain située au Sud-Ouest, où se trouve la parcelle AS [Cadastre 2], mais n'en représentent pas la totalité puisque la superficie de celle-ci est de 1 a 93 ca, de sorte qu'à tout le moins, cette parcelle serait, pour 1 a 35 ca, propriété d'un tiers qui aurait pu être, comme celle-ci le prétend au vu du relevé du cadastre, la commune d'[Localité 1] à laquelle l'association Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus avait vendu la parcelle H [Cadastre 11], ou encore le camping [Établissement 1] qui l'a acquise de la commune.

Le titre invoqué par les époux [P], l'acte du 12 avril 1976, qui mentionne que la parcelle H [Cadastre 9] venue composer la parcelle AD [Cadastre 1], joint à l'Ouest la plage, à l'Est et au Sud l'association Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus, ne permet pas d'affirmer que la jonction à la plage se fait sur l'ensemble de la façade Sud-Ouest de la parcelle AD [Cadastre 1].

Et l'acte de vente de la parcelle AD [Cadastre 1] en date du 26 juillet 2011 exclut expressément du bien vendu un titre de propriété sur la parcelle AD [Cadastre 2], seul des droits éventuels, dont la nature n'est d'ailleurs pas précisée, étant alors cédés, le tout d'ailleurs pour un prix inférieur de 50 000 € à celui qui avait été convenu avant que soit discutée la propriété de la parcelle AD [Cadastre 2].

C'est pourquoi la cour a, par son arrêt du 8 mars 2016, considéré que l'acte d'échange du 12 avril 1976 entre l'association Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus et Mme [N] n'est ainsi en lui-même pas suffisant pour asseoir la revendication de propriété par titre de la parcelle AD [Cadastre 2] faite par les époux [P].

La commune d'[Localité 1] avait soutenu, à titre principal, que la parcelle AD [Cadastre 2] pourrait être au moins pour partie la propriété de l'Etat comme relevant de son domaine maritime, ou relever du domaine communal public, de sorte qu'elle serait, en vertu de l'article L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, inaliénable et imprescriptible, ou bien encore de son domaine privé, ce qui lui interdit d'agir en revendication devant le juge judiciaire.

Mais la cour a observé, au regard des recherches et de l'analyse faite par M. [C] [A], géomètre-expert honoraire consulté par les époux [P] ainsi que du rapprochement entre le calque d'un lais de mer concédé par l'Etat à la commune d'[Localité 1] le 12 décembre 1960, en vue de créer un chemin le long du rivage de la mer, et le plan cadastral édité le 25 novembre 2013, que la parcelle litigieuse ne pouvait être incluse dans l'assiette de la concession du domaine public maritime au profit de la commune.

Et, on ne peut que constater qu'en envisageant l'hypothèse que la parcelle AD [Cadastre 2] pourrait faire partie du domaine communal public, sans d'ailleurs expliciter aucunement en quoi elle pourrait dépendre de celui-ci, ou privé, la commune d'[Localité 1] ne conteste toutefois pas qu'elle avait cédé, ce qui exclut donc la domanialité publique évoquée, les terrains lui appartenant sur lesquels elle avait implanté le camping [Établissement 1], alors municipal, à la Sci Donalosa.

C'est pourquoi la cour a considéré qu'il n'y a pas lieu à incompétence ou à renvoi préjudiciel devant la juridiction administrative.

Mais après avoir relevé que, selon le rapport de M. [A], il existait sur la parcelle AD [Cadastre 2] une bande de cupressus exactement dans l'alignement de ce qui avait été planté sur le terrain de l'association Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus, et du même âge, donnant ainsi à penser que ces arbres avaient vraisemblablement été plantés par l'association, la cour a estimé en revanche qu'on ne pouvait exclure que cette parcelle soit, en tout ou partie, devenue la propriété de la Sci Donalosa.

Elle a en conséquence, estimé qu'il convenait d'appeler celle-ci à la cause avant de statuer sur la revendication par les époux [P] au titre de la prescription.

De ce seul fait, l'intervention forcée, par application de l'article 332 du Code de procédure civile, de la Sci Donalosa, ne saurait être déclarée irrecevable comme celle-ci le sollicite, et pas davantage, l'action en revendication des époux [P].

Mais il s'avère que la Sci Donalosa, qui a conclu au fond à titre subsidiaire, ne prétend pas être propriétaire de la parcelle AD [Cadastre 2] ni même d'une partie de celle-ci.

Et il est constant qu'aux termes de l'acte de contre échange avec l'association Sainte- Thérèse de l'Enfant Jésus en date du 12 avril 1976, Mme [N] s'est trouvée en possession d'un fonds qui comprenait notamment, la parcelle cadastrée section H [Cadastre 9] joignant à l'Ouest la plage, et que c'est ce fonds qui a été cédé par ses donataires, les consorts [N], aux époux [P] pour une contenance supérieure à celle de la parcelle AD [Cadastre 1].

La possession s'est faite à titre de propriétaire, compte tenu de la mention de la plage comme limite Ouest du fonds, et de manière paisible et publique, comme en témoigne le procès-verbal dressé le 20 mai 2010 par Me [I] [M], huissier de justice, qui a constaté que la propriété des époux [P] était totalement clôturée et que la partie de clôture la fermant au Sud, constituée de poteaux de ciment avec soubassement en ciment sur lequel était fixé un grillage, datant selon l'huissier 'd'une trentaine d'années' au regard de son état général et de la présence de lichen sur les parties en ciment, était située dans la partie la plus au Sud de ce qui était figuré au plan cadastral comme étant la parcelle AD [Cadastre 2].

Cette possession s'est faite également de manière continue et non interrompue; on ne peut tirer en effet un caractère d'équivocité du courrier remis par M. [I] pour Mme [N] le 18 septembre 1998 en mairie.

L'objet de ce courrier était de protester contre la création, alors, de la parcelle AD [Cadastre 2] au regard de l'acte d'échange réalisé entre l'association Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus et Mme [N] et en faisant état de l'existence de la clôture édifiée dans la continuité de celle du terrain de camping, et il n'y était envisagé une acquisition de la parcelle AD [Cadastre 2] qu'à titre subsidiaire, en cas de rejet de la contestation.

Les époux [P] soutiennent, sans être contredits, que ce courrier n'a suscité aucune réaction de la part de la commune, de sorte que Mme [N] a pu penser de bonne foi que la possession n'avait pas été altérée et se poursuivait dans les mêmes termes, et il n'est justifié d'aucun acte susceptible de remettre en cause cette possession avant que la commune ne fasse, en tous cas postérieurement au constat du 20 mai 2010, procéder à l'enlèvement de la clôture pour la replacer en limite séparative des parcelles AD [Cadastre 1] et AD [Cadastre 2].

Dès lors, la prescription trentenaire est acquise, et le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté les époux [P] de leur demande tendant à les voir déclarer propriétaires de la parcelle AD [Cadastre 2], demande à laquelle il doit être fait droit.

S'agissant en revanche, de la demande des époux [P] de réparation de la voie de fait résultant selon eux de la destruction par la commune d'[Localité 1] de la clôture, il y a lieu de rappeler qu'en matière d'atteinte au droit de propriété immobilière, il ne peut y avoir voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, aboutissant à l'extinction de ce droit, soit a pris une décision manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative, ayant également pour effet l'extinction du droit de propriété.

En l'espèce, le déplacement de la clôture dont s'agit ne s'analyse pas en l'extinction d'un tel droit, et le juge judiciaire n'est pas compétent pour trancher le litige, qui relève de la juridiction administrative, de sorte qu'il convient, conformément aux dispositions de l'article 96 du Code de procédure civile, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la commune d'[Localité 1] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et infirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge des époux [P].

Il n'y a pas lieu à indemnité pour quiconque au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la commune d'[Localité 1].

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Après rapport fait à l'audience;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a reçu la commune d'[Localité 1], représentée par son maire, en son intervention volontaire, et mis M. [J] [F] hors de cause;

L'infirme pour le surplus;

Statuant à nouveau:

Déboute la commune d'[Localité 1] de l'exception d'incompétence soulevée par elle et de sa demande de sursis à statuer aux fins de renvoi préjudiciel devant la juridiction administrative;

Déboute la Sci Donalosa des fins de non recevoir par elle opposées à son intervention forcée et à l'action de M. [W] [P] et Mme [P] [T], épouse [P];

Dit que M. [W] [P] et Mme [P] [T], épouse [P], sont propriétaires par prescription acquisitive trentenaire de la parcelle cadastrée section AD n° [Cadastre 2] sur le territoire de la commune d'[Localité 1] (Loire-Atlantique);

Se déclare incompétente pour statuer sur les demandes de M. [W] [P] et Mme [P] [T], épouse [P], dirigées contre la commune d'[Localité 1] sur le fondement de la voie de fait, et renvoie les parties à mieux se pourvoir;

Rejette les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Condamne la commune d'[Localité 1] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/01105
Date de la décision : 02/05/2017

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°15/01105 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-02;15.01105 ?
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