1ère Chambre
ARRÊT N°95/2017
R.G : 15/05311
DIRECTION RÉGIONALE DES DOUANES & DROITS INDIRECTS
C/
SA GROUPE ROYER
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2017
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Xavier BEUZIT, Président,
Assesseur :M. Marc JANIN, Conseiller,
Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport
GREFFIER :
Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Janvier 2017
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Février 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
L'Administration des Douanes et Droits Indirects, représentée par son Directeur Général, agissant par M. Le Directeur Régional des Douanes de Bretagne
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jean DI FRANCESCO, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SA GROUPE ROYER
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Adresse 6]
Représentée par Me Francis POIRIER, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Marguerite TRZASKA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les demandes d'annulation des procès-verbaux d'infraction du 08 août 2008 et du 11 septembre 2009 :
Selon les conclusions de la société Royer, page 3 paragraphe C « la présente instance concerne la contestation du 2ème procès verbal de notification d'infraction notifié le 11 septembre 2009 ».
Dès lors, la demande d'annulation du procès-verbal du 08 août 2008 est sans objet dans la mesure où il est étranger au litige et a conduit à la rédaction d'un avis de mise en recouvrement jamais contesté et entièrement payé par la société Royer qui a assigné l'administration des douanes aux seules fins d'annulation d'un procès-verbal postérieur et de l'AMR n°946/09/656 subséquent, qui n'est donc pas basé sur le procès-verbal du 08 août 2008.
D'autre part, les conclusions de la société Royer ne contiennent aucun grief argumenté contre ce procès-verbal, l'ensemble des contestations visant celui du 11 septembre 2009.
Par conséquent, il n'y a pas lieu à annulation du procès-verbal du 08 août 2008.
Le procès-verbal de notification du 11 septembre 2009 est celui fondant l'avis de mise en recouvrement qui fait l'objet du présent litige.
Ce procès-verbal est intervenu après 26 mois d'enquête durant lesquels la société Royer a été interrogée à plusieurs reprises. Il est exact, à l'examen des procès-verbaux contradictoires revendiqués par l'administration des douanes, que jusqu'à celui du 11 septembre 2009 (hormis pour celui du 08 août 2008 sans lien avec le litige), les procès-verbaux n'ont porté que sur des demandes ou des saisies de pièces, des demandes de précisions, des demandes d'explications au regard de telle ou telle données, sans que jamais l'administration des douanes ne révèle sa position sur l'interprétation qu'elle entendait donner à telle ou telle constatation.
Il était toutefois possible à la société Royer d'en déduire depuis plusieurs mois que l'administration des douanes s'interrogeait sur les conséquences à attacher aux contrats de licence qu'elle avait conclu avec diverses sociétés, en raison notamment du fait que, par procès-verbal du 24 juin 2008, l'administration avait rappelé expressément au représentant de la société Royer les textes prévoyant l'intégration des droits de licence dans la valeur en douane.
Il est cependant exact que le procès-verbal d'infractions du 11 septembre 2009 est la première pièce dans laquelle l'administration, en reprenant les textes applicables, a exposé au regard de ses constatations les éléments de droit et de fait la conduisant à notifier un certain nombre d'infractions, ceci aux termes de quatorze pages de motifs et de vingt et une pages de tableaux.
L'avis de mise en recouvrement a été émis exactement 14 jours après.
Compte-tenu de la qualité de professionnel recourant habituellement à l'importation de la société Royer, un tel délai ne rendait pas impossible ou excessivement difficile les droits de la défense, la société Royer devant au demeurant, être en mesure de justifier en fin de contrôle de la régularité de l'ensemble des opérations qu'elle avait réalisées.
Par la suite, la société Royer a pu, le 04 novembre 2009, contester l'avis de mise en recouvrement et saisir la Commission de Conciliation et d'expertise Douanière, puis se voir apporter une réponse par l'administration des douanes par courrier du 29 février 2012.
Il s'ensuit qu'elle ne peut prétendre que ses droits d'être entendue n'aient pas été respectés.
Sur la portée à attacher au procès-verbal de constatations d'infractions du 08 août 2008 :
La société Royer conclut qu'en notifiant le 08 août 2008 un procès-verbal de notification d'infraction, l'administration des douanes a nécessairement clos son contrôle et qu'elle ne pouvait plusieurs mois plus tard notifier de nouvelles infractions au regard de documents lui ayant été transmis antérieurement à la notification.
Une telle analyse relève de sa seule interprétation, aucune mention du procès-verbal du 08 août 2008 ne signifiant qu'il mettait fin au contrôle initié le 24 juillet 2007 et aucune disposition légale n'interdisant à l'administration des douanes de poursuivre ses investigations après avoir notifié de premières infractions.
D'autre part, le procès-verbal d'infraction du 11 septembre 2009 constate des infractions commises au cours des années 2004, 2005 et 2006, c'est-à-dire sur lesquelles le procès-verbal du mois d'août 2008 ne pouvait avoir aucune influence, la société Royer ne pouvant utilement plaider la confiance légitime qu'elle aurait fait reposer sur cet acte pour justifier des comportements commis antérieurement.
Ensuite, il ne résulte d'aucun texte que les vérifications effectuées par l'administration des douanes, lorsqu'elle accorde le bénéfice des procédures de dédouanement unique ou de dédouanement à domicile, lui interdisent de réaliser par la suite des contrôles à postériori au seul motif que les vérifications réalisées ex-ante valideraient tous les procès ultérieurs.
A cet égard, la société Royer ne justifie pas avoir spécifiquement posé à l'administration des douanes la question de l'intégration des droits de licence dans la valeur en douane et ne peut donc se prévaloir d'une quelconque confiance légitime en une réponse jamais intervenue suite à une question qu'elle n'a jamais posé.
Enfin, si la société Royer prétend avoir fait l'objet en 2003 et 2005 d'un contrôle de son activité par l'administration des Douanes de [Localité 1], elle ne verse pas aux débats la moindre pièce y afférent et ne permet donc pas à la Cour de vérifier dans quelle mesure ceux-ci ont un lien avec le présent litige.
Par conséquent, les prétentions de la société Royer à bénéficier d'une remise de ses droits, recevables dans la mesure où le délai prévu par les dispositions de l'article 236 du code des douanes n'est pas opposable aux juridictions, sont infondées et doivent être rejetées.
Sur le bien fondé des infractions retenues :
Sur l'application aux ventes des années 2005 et 2006 du contrat conclu le 1er Janvier 2001 :
Le contrat conclu le 1er janvier 2001 avait comme date d'échéance le 31 décembre 2004.
Pour autant, le représentant de la société Royer a exposé, lors du procès-verbal du 18 juin 2009, que « il n'y a pas de contrat pour la période 2005-2006 car la société Converse a été rachetée par la société NIKE et que nous étions en renégociations. Les procédures étaient celles du contrat 2001-2004, mais en pratique, nous avons élargi le domaine du contrat à d'autres fournisseurs pendant cette période ».
D'autre part, la société Royer n'explique pas sur quel autre fondement contractuel les redevances ont continué à être payées en 2005 et 2006.
Par conséquent, ce contrat a indiscutablement été applicable jusqu'à la signature du suivant, intervenu le 1er janvier 2007.
Sur l'intégration de la redevance payée à la société Converse dans la valeur en douane :
Aux termes des dispositions de l'article 29-1 du code des douanes communautaires, la valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c'est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu'elles sont vendues pour l'exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33.
Selon l'article 32-1 du même code, pour déterminer la valeur en douane par application de l'article 29, on ajoute au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées « les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer que l'acheteur est tenu d'acquitter soit directement soit indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer, dans la mesure où ces redevances et droits de licence n'ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer ».
Aux termes des articles 157 et 32, on entend par redevances et droits de licence le paiement pour l'usage de droits se rapportant à la fabrication de la marchandise importée, à la vente pour l'exportation de la marchandise importée, à l'utilisation ou à la revente de la marchandise importée.
Il est précisé que la redevance ou le droit de licence n'est à ajouter au prix effectivement payé ou à payer que si ce paiement est en relation avec la marchandise à évaluer et constitue une condition de sa vente.
Aux termes de l'article 159, la redevance ou le droit de licence relatif au droit d'utiliser une marque de fabrique ou de commerce n'est à ajouter au prix payer ou à payer pour la marchandise importée que :
- si la redevance ou le droit de licence concerne des marchandises revendues en l'état ou ayant fait l'objet d'une opération mineure après importation, ou si ces marchandises sont commercialisées sous la marque apposée avant ou après l'importation pour laquelle la redevance ou le droit de licence est payé,
et :
- si l'acheteur n'est pas libre de se procurer de telles marchandises auprès d'autres fournisseurs non liés au vendeur.
Enfin, l'article 160 prévoit que lorsque l'acheteur verse une redevance ou un droit de licence à un tiers, les conditions visées à l'article 157 paragraphe 2 ne sont considérées comme remplies que si le vendeur ou une personne qui lui est liée requiert de l'acheteur d'effectuer ce paiement.
Le contrat conclu entre la société Royer et la société Converse est un contrat de cession de licence, aux termes duquel la société Converse concède au concessionnaire le droit de « fabriquer, de faire de la publicité et de la promotion et de vendre des articles sous licence à ses détaillants et grossistes »
La société Royer conclut néanmoins, que les redevances et droits de licence versés à la société Converse ne se rapporteraient pas aux marchandises à évaluer en ce qu'ils ne rémunéreraient que les prestations de service offertes par la société Converse, telle la protection, la promotion, le marketing, le développement de l'image de la marque.
L'examen du contrat conclu le 1er Janvier 2001 démontre que le montant des redevances à payer est totalement indépendant des prestations de service effectivement réalisées par la société Converse dans la mesure où il est exclusivement calculé comme un étant un pourcentage des ventes nettes d'articles sous licence effectué par la société Royer, avec un minimum garanti pour la société Converse. Au surplus, la société Royer se doit de garantir un volume minimum de vente.
S'agissant des obligations de la société Converse et des prestations de service qui seraient la contrepartie des redevances perçues, celles-ci sont définies de manière particulièrement floue par le chapitre IV paragraphe 12 du contrat :
« Fournir ou faire fournir au concessionnaire toute information ou conseil qui serait utile à la mise en 'uvre du contrat. Ces informations et conseils pourront concerner, mais pas exclusivement, les dessins et spécificités des articles sous licence, les noms et adresses des fournisseurs de matière, des exemplaires de support publicitaire et promotionnel ou tout autre information nécessaire au bon développement de cet accord. Le concessionnaire devra régler à réception de facture Converse pour la réception de tout article défini aux paragraphes 12 et 18,
décider d'autoriser les représentants du concessionnaire à assister, aux frais de ce dernier, aux conférences sur les ventes ou à tout autre événement commercial sponsorisé par Converse ou auquel les représentants de Converse participeraient,
permettre aux représentants du concessionnaire, à leurs frais de visite une ou plusieurs des usines où des produits similaires aux produits sous licence sont fabriqués par ou pour Converse et portant la marque pour leur permettre d'étudier les méthodes de fabrication et tout ce qui s'y attache ».
Il en résulte l'absence de toute prestation de service réellement définie pouvant être une contrepartie réelle aux redevances et droits de licence payés, ce dont il se déduit que la présomption créée par l'assiette de la redevance sur les ventes de produits n'est pas utilement combattue.
Le paiement de la redevance est donc en relation avec la marchandise à évaluer.
La société Royer conteste ensuite que le paiement des redevances soit une des conditions de la vente, l'administration des douanes ne démontrant pas que la société Converse exercerait un contrôle sur ses fabrications et cette dernière n'exerçant en tout état de cause aucun contrôle indirect en fait comme en droit sur les fabricants de la société Royer.
A l'examen des dispositions contractuelles, il est pourtant difficilement contestable que la société Converse exerce en droit un contrôle sur la fabrication des produits sous licence puisqu'il est indiqué à l'article 9 a que « le concessionnaire devra utiliser les usines Converse pour la fabrication des produits sous licence conformes et des originaux. Il soumettra les commandes achats de ces produits pour approbation au département production du siège social ainsi qu'à l'Acheteur de la marque ou tout autre acheteur désigné par Converse avant de faire parvenir ces commandes aux usines listées ci-dessous » et suivent les coordonnées de la société Twin Dragons de Guandong.
Il est aussi prévu que si « en raison de prix prohibitifs » pratiqués par ces usines, le concessionnaire était contraint de produire ailleurs les chaussures sous licence, « il devra obtenir l'accord préalable et écrit de Converse ». Le concessionnaire s'engage plus loin « à ne pas solliciter d'usines tiers pour la production des chaussures sous licence sauf à obtenir l'accord écrit de Converse et soumettre tous les nouveaux développements à l'Acheteur ». Dans un tel cas de figure, «ces usines pourront être visitées par la société Converse dans le but d'observer les méthodes de fabrication, la qualité des matériaux et tout autre élément pouvant être utile à la bonne application du contrat ».
Il s'en déduit, sauf à dénaturer les termes du contrat, que la société Royer n'était pas libre de choisir ses fabricants.
La société Royer conclut que dans les faits, ce contrat n'était pas appliqué dans la mesure où elle a pu faire fabriquer des produits sous licence Converse chez une trentaine de fournisseurs différents situés en Asie.
Les constatations réalisées par l'administration des douanes ont toutefois démontré (pages 10 et 11 du procès-verbal du 11 septembre 2009) que M. [F], représentant de la société Converse, ne connaissait pas les fabricants des chaussures dont la liste n'est en fait pas mentionnée dans le contrat, seule la société Twin Dragons étant citée, que M. [F] déclarait établir ses commandes « en fonction de nos besoins sans déterminer le fournisseur au départ, puis, au vu des plannings communiqués par Converse et des plannings élaborés par nos fournisseurs, nous choisissons le fournisseur apte à honorer nos commandes », que les factures de fabrications de chaussures étaient émises non par les fabricants mais par des sociétés écrans établies dans des pays aux régimes fiscaux favorables mais que, quelque soit l'émetteur, elles étaient traitées dans un même compte de la société Royer, qui ne pouvait donc identifier ses fournisseurs en comptabilité, qu'enfin pour les années 2004, 2005 et 2006, des commissions avaient été reversées à Twin Dragons.
Il en résulte que, contrairement à ce qu'affirme la société Royer dans ses conclusions, le processus de fabrication des chaussures a été conforme aux dispositions contractuelles, obligeant le concessionnaire à passer par la société Twin Dragons ou par la société Converse pour faire approuver ses commandes et faire établir leur planning de mise en fabrication sans jamais être capable d'identifier le fabricant réel des biens importés.
Il s'en déduit l'absence d'autonomie du concessionnaire dans le choix des fabricants.
Par application des dispositions légales et réglementaires citées ci-dessus, la valeur des redevances et droits de licences devait donc être incluses dans la valeur de déclaration en douane et l'avis de mise en recouvrement litigieux est validé, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.
La société Royer, qui succombe, paiera à l'administration des douanes la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau :
Déclare valide l'avis de mise en recouvrement n°946/09/656 du 25 septembre 2009.
Condamne la SA Groupe Royer à payer à l'administration des douanes la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT