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10/01/2017 | FRANCE | N°15/06500

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 10 janvier 2017, 15/06500


1ère Chambre





ARRÊT N° 21/2017



R.G : 15/06500













Me [U] [D]-[R]



C/



M. [O] [V]

Mme [N] [J] épouse [V]

Mme [Z] [H]

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM D

U PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 JANVIER 2017





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : M. Xavier BEUZIT, Président,

Assesseur :M. Marc JANIN, Conseiller, entendu en son rapport

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Mme Mari...

1ère Chambre

ARRÊT N° 21/2017

R.G : 15/06500

Me [U] [D]-[R]

C/

M. [O] [V]

Mme [N] [J] épouse [V]

Mme [Z] [H]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 JANVIER 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : M. Xavier BEUZIT, Président,

Assesseur :M. Marc JANIN, Conseiller, entendu en son rapport

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Novembre 2016

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Janvier 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Me [U] [D]-[R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me Thierry CABOT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

M. [O] [V]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me Céline GRAS, Plaidant, avocate au barreau de NANTES

Mme [N] [J] épouse [V]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me Céline GRAS, Plaidant, avocate au barreau de NANTES

Mme [Z] [H]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Appelante et intimée, représentée par Me Sophie LABARRE de la SELARL MGA, avocate au barreau de SAINT-NAZAIRE

FAITS ET PROCÉDURE:

M. [O] [V] et Mme [N] [J], épouse [V], ont acquis de Mme [Z] [H] une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée ZN n° [Cadastre 1], située [Adresse 4] (Loire-Atlantique), pour le prix de 139 500 €, suivant un acte reçu par Me [U] [D]-[R], notaire à [Localité 1], le 24 mai 2011, réitérant une convention sous seing privé rédigée par le même notaire le 24 mars 2011.

L'acte rappelait, au chapitre servitudes, que les propriétaires antérieurs, les consorts [O], avaient déclaré, en un précédent acte du 7 février 1983, que la parcelle alors cadastrée D n° [Cadastre 2] et aujourd'hui D n° [Cadastre 3], voisine du terrain qu'ils vendaient était grevée en sa partie Est d'une servitude de passage pour véhicules au profit de ce terrain, qui s'exerçait depuis plus de trente ans.

Mme [R] [K], actuelle propriétaire de la parcelle D n° [Cadastre 3], a toutefois dénié l'existence d'une telle servitude et s'est opposée au passage de tout véhicule.

Faisant valoir que les recherches qu'ils ont alors effectuées avaient révélé que l'existence de la servitude invoquée ne reposait que sur les seuls dires des consorts [O] qui avaient été abusivement entérinées par les notaires, les époux [V] ont, le 19 mars 2013, fait assigner Mme [H] et Me [D]-[R] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire pour voir prononcer la nullité ou la résolution de la vente en cause, dès lors que leur consentement avait été vicié, et obtenir les restitutions et indemnités subséquentes.

Par jugement du 2 juillet 2015, le tribunal a:

dit l'action recevable,

prononcé, aux torts de la venderesse, la nullité de la vente,

ordonné la publication du jugement,

ordonné la remise de la venderesse et des acquéreurs en l'état qui était le leur,

condamné en conséquence:

Mme [H] à reverser aux époux [V] le prix reçu, soit 139 500 €,

les époux [V] à restituer à Mme [H] l'immeuble objet de la vente en contrepartie de ce versement,

rejeté la demande des époux [V] en remboursement d'impenses sur l'immeuble,

déclaré la Scp [R] - [D]-[R] responsable des préjudices subis par les parties en raison de l'annulation de l'acte,

condamné en conséquence in solidum, Mme [H] et la Scp [R] - [D]-[R] à payer aux époux [V]:

la somme de 11 000 € au titre des frais d'acte, contre remise d'une quittance subrogative permettant le reversement par le fisc de la part fiscale incluse en ces frais,

la somme de 5 539 € représentant les frais de négociation de la vente par la Scp notariale,

la somme de 11 474,96 € pour les frais d'emprunt, contre remise d'une quittance subrogative permettant le reversement au payeur par la banque en cas d'annulation du prêt,

la somme de 10 000 € en réparation du préjudice moral,

condamné la Scp [R] - [D]-[R] à supporter la charge finale de ces condamnations in solidum,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné la Scp [R] - [D]-[R] à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 2 000 € aux époux [V], et la somme de 2 000 € à Mme [H],

mis les dépens à la charge de la Scp [R] - [D]-[R], avec faculté de recouvrement direct comme prévu à l'article 699 du même code.

Me [D]-[R] a interjeté appel de ce jugement le 12 août 2015.

Mme [H] en a interjeté appel le 17 août 2015.

Les instances ont été jointes par ordonnance du 10 novembre 2015.

Par conclusions du 26 janvier 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, Me [D]-[R] demande à la cour:

de réformer le jugement déféré,

de débouter les époux [V] de toutes leurs demandes à son encontre,

subsidiairement, de débouter Mme [H] de sa demande en garantie à son encontre s'agissant de la restitution du prix, des frais et des impenses utiles,

de déclarer irrecevable et mal fondée la demande de Mme [H] tendant à la voir condamner à lui verser une somme de 235 000€ à titre de dommages et intérêts,

de condamner les époux [V] à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de la condamner en tous les dépens, avec faculté de recouvrement direct comme prévu à l'article 699 du même code.

Par conclusions du 2 novembre 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, Mme [H] demande à la cour:

de réformer le jugement déféré,

de dire irrecevable l'action engagée contre elle,

de débouter les époux [V] de toutes leurs demandes dirigées contre elle,

subsidiairement, de renvoyer les époux [V] à mettre en cause Mme [K] aux fins de faire juger l'existence d'une servitude légale d'enclave grevant le fonds de celle-ci au profit du leur,

plus subsidiairement, en cas d'annulation ou de résolution de la vente, de condamner, en application de l'article 1147 du Code civil, Me [D]-[R] à la garantir de toutes sommes, en principal, intérêts et frais, qui pourraient être mises à sa charge,

encore plus subsidiairement, de condamner, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, Me [D]-[R] à lui verser la somme de 235 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des conséquences de la faute commise,

de débouter en ce cas les époux [V] de leurs demandes au titre du préjudice moral, des frais et impenses utiles, des frais, intérêts et accessoires du contrat de prêt,

en tout état de cause, de condamner les époux [V] à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de les condamner en tous les dépens.

Par conclusions du 28 octobre 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, les époux [V] demandent à la cour:

de débouter Me [D]-[R] et Mme [H] de leurs appels respectifs,

de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte de vente du 24 mai 2011,

subsidiairement, de prononcer la résolution de la vente,

de réformer le jugement en ce qu'il a écarté la condamnation du notaire in solidum à restituer le prix de vente, en ce qu'il a rejeté les demandes de remboursement des dépenses effectuées et en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués,

de condamner in solidum Mme [H] et Me [D]-[R], ou subsidiairement l'un à défaut de l'autre, à leur payer la somme totale de 214 497,59 € représentant le montant du prix de vente pour 139 500 € et les frais exposés pour le surplus,

de condamner in solidum Mme [H] et Me [D]-[R] à leur payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

de condamner in solidum Mme [H] et Me [D]-[R] à leur payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

de condamner les appelantes in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 8 novembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:

1/: - Sur la demande en nullité de la vente:

L'acte de vente par Mme [H] aux époux [V] en date du 24 mai 2011, rédigé par Me [D]-[R], contenait la mention suivante au titre des servitudes:

'Suivant acte reçu par Me [K] (homonyme de Mme [K]), notaire à [Localité 5], le 7 février 1983, dont une copie authentique a été publiée..., il a été créé la servitude ci-après rapportée:

«Les consorts [O]... précisent également que la partie est de la parcelle section D n° [Cadastre 2] est grevée d'une servitude de passage pour véhicule au profit de l'immeuble présentement vendu et que cette servitude s'exerce depuis plus de trente ans le long de la limite nord».

L'acquéreur se trouve subrogé dans les droits et obligations du vendeur pouvant résulter de ces servitudes.'

Pour contester la mise en cause de la responsabilité du notaire et l'annulation de la vente, Me [D]-[R] et Mme [H] font valoir que s'il n'existe en effet pas de servitude conventionnelle grevant la parcelle D n° [Cadastre 2], aujourd'hui D n° [Cadastre 3], appartenant à Mme [K], les époux [V] sont en droit de faire valoir que leur fonds bénéficie d'une servitude légale d'enclave au sens de l'article 682 du Code civil afin d'assurer une issue suffisante sur la voie publique pour l'exploitation normale du bâtiment annexe à usage de dépendance contigu à leur maison d'habitation et situé à l'arrière de celle-ci, et notamment, pour stationner dans ce bâtiment, si telle est leur intention, un ou des véhicules.

Me [D]-[R] expose à cet égard que c'est bien un tel droit de passage légal qui était décrit dans l'acte du 7 février 1983 et qu'elle a rapporté dans l'acte du 24 mai 2011 qu'elle a reçu, la référence à l'usage trentenaire ne concernant selon elle que l'assiette de ce droit.

Elle soutient que la demande d'annulation de la vente ne pourrait être examinée que dans le cas où il serait jugé de l'inexistence d'un droit de passage légal pour enclavement.

Mais, il n'est pas établi que l'usage du bâtiment annexe, contigu à la maison d'habitation des époux [V], laquelle ouvre sur la rue du [Localité 6], nécessite un accès indépendant pour des véhicules, et il résulte des pièces produites que Mme [K] n'a pas contesté un passage piétonnier dans sa cour au profit des époux [V].

La configuration des lieux rend hautement discutable l'état d'enclave allégué; il est exclu pour la cour de statuer sur un droit fondé sur un tel état, droit dont la reconnaissance aurait pour effet de porter atteinte à la libre jouissance du fonds prétendument servant par son propriétaire, Mme [K], alors que celle-ci n'a été appelée à la cause ni en première instance ni en appel pour en débattre, et il n'y a nullement lieu de renvoyer l'affaire pour une mise en cause de Mme [K], à laquelle les parties avaient tout loisir de procéder si elles y avaient intérêt, les termes du litige étant depuis longtemps circonscrits.

Les époux [V] sont recevables à invoquer le vice de leur consentement à l'acquisition sur le fondement des articles 1109 et 1110 du Code civil (ancien), qui affecte la formation même du contrat, nonobstant la clause d'exclusion de garantie des vices cachés de la chose acquise contenue à l'acte du 24 mai 2011.

Les époux [V] avaient fait de l'existence d'une servitude de passage pour véhicules un élément déterminant de leur consentement à l'acquisition de la propriété vendue par Mme [H], et celle-ci comme Me [D]-[R] le savaient pertinemment puisque dans l'acte sous seing privé rédigé par le notaire le 24 mars 2011, les parties avaient convenu d'une condition suspensive de la réalisation de la vente tenant au rétablissement effectif d'une servitude de passage pour véhicule dont la configuration, alors, des lieux ne permettait pas l'exercice.

Mme [K] avait en effet fait poser des pierres sur son fonds, le long de la rue du [Localité 6] qui, laissant le passage aux piétons, l'interdisaient aux véhicules; Me [D]-[R] a, au terme d'échanges de correspondances avec Mme [K] courant avril 2011, obtenu de celle-ci qu'elle procède à l'enlèvement de ces pierres dans un esprit de conciliation; pour autant, elle n'a pas consenti par là la constitution d'une servitude de passage pour véhicule.

Or, l'existence d'une telle servitude était bien une qualité substantielle de la propriété que les époux [V] entendaient acquérir et, cette qualité s'étant révélée faire défaut, leur demande d'annulation de la vente pour vice du consentement est bien fondée.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de cette vente, et ordonné la publication de cette décision au service de la publicité foncière.

Il n'y avait en revanche pas lieu de prononcer la nullité aux torts de Mme [H].

Le titre de propriété de celle-ci n'est pas produit; mais on sait par le rappel d'antériorité à l'acte de la vente annulée que Mme [H] avait acquis la maison litigieuse le 27 décembre 2003 de Mme [S] [O], laquelle la tenait de Mme [Y] [Y], qui l'avait elle-même achetée aux consorts [O] en vertu de l'acte du 7 février 1983 dont l'extrait relatif aux servitudes a été reproduit à l'acte du 24 mai 2011 rédigé par Me [D]-[R] dans les conditions précitées.

Mme [H] a déclaré à cet acte qu'il n'existait à sa connaissance aucune autre servitude que celle qui était ainsi relatée.

Elle avait, le 15 novembre 2010, reçu un courrier de Mme [K] qui indiquait textuellement que sa maison bénéficiait '(vraisemblablement par prescription) d'une servitude de passage sur la cour de [Localité 7] (propriété de Mme [K]) pour accéder à la route; il s'agit d'une servitude de passage et seulement de passage pour accéder aux cours... et aux jardins'.

Mme [H] était infirmière et non juriste, et il est parfaitement admissible qu'elle n'ait su distinguer entre servitude conventionnelle et légale, droit et assiette du droit, et n'ait pu apprécier la nature et l'étendue des droits évoqués par Mme [K] dans ce courrier.

Elle n'apparaît ainsi pas de mauvaise foi, et ne peut être tenue pour fautive au regard de la cause de la nullité de la vente.

2/: - Sur la responsabilité du notaire:

Me [D]-[R], négociatrice de la vente, rédactrice de l'acte sous seing privé du 24 mars 2011 pour l'élaboration duquel elle avait reçu mandat, et de l'acte authentique du 24 mai 2011, s'est, ainsi que l'a relevé le tribunal, bornée à reproduire une déclaration unilatérale des consorts [O] contenue à l'acte du 7 février 1983 sans s'assurer de l'existence en droit de la servitude alléguée grevant le fonds appartenant à Mme [K].

Le notaire savait pourtant l'importance que les acquéreurs de la propriété de Mme [H] y attachaient, et, par ses échanges de correspondance avec Mme [K] avant la signature de l'acte authentique, qu'il existait pour le moins une difficulté relativement au passage de véhicules dans la cour de celle-ci.

Me [D]-[R] a ainsi manqué à ses obligations d'information et de rédaction d'un acte doté de l'efficacité attendue par les parties, et engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1147, s'agissant de l'acte sous seing privé, et 1382, s'agissant de l'acte authentique, du Code civil (ancien).

3/: - Sur les conséquences de la nullité de la vente:

A/: - Restitutions:

La nullité de la vente a pour conséquence l'anéantissement du contrat et la remise des parties en l'état antérieur à celui-ci.

Il y a donc lieu pour les époux [V] de restituer à Mme [H] le bien objet des actes du 24 mars 2011 et du 24 mai 2011, et pour celle-ci de remettre aux premiers le prix de cette vente, soit 139 500 €.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Me [D]-[R] doit être, quant à elle, condamnée à restituer aux époux [V] la somme de 5 539 € correspondant aux honoraires de négociation stipulés l'acte sous seing privé du 24 mars 2011 à charge de l'acquéreur, étant observé à cet égard que contrairement à ce qu'elle soutient, il n'y a lieu ici à aucune contestation relative au montant des émoluments d'officier public, mais à restitution de la rémunération du négociateur d'une vente annulée, de sorte que la procédure de vérification de taxe n'a pas à s'appliquer.

S'agissant de la restitution du prix de vente due par Mme [H] aux époux [V], qui ne constitue pas un dommage, Me [D]-[R] ne peut être condamnée à en garantir le paiement que dans le seul cas où son versement serait définitivement compromis par l'insolvabilité de Mme [H].

Une telle insovabilité n'est pas à exclure; Mme [H], âgée de près de cinquante huit ans, infirmière retraitée, divorcée, déclarait en 2014 un revenu constitué de pensions pour un total de 10 672 €, ou 889 € par mois, et les pièces qu'elle verse aux débats montrent qu'elle ne parvient pas à régler à leur échéance toutes ses charges; elle avait au 5 janvier 2016 une épargne d'un montant total de 17 244,05 €.

Il convient en conséquence, de dire que Me [D]-[R] sera tenue de garantir la restitution du prix de vente due par Mme [H] à l'égard des époux [V] dès lors que ceux-ci auront justifié d'une tentative d'exécution contre Mme [H] demeurée infructueuse.

B/: - Indemnisation des dommages non réparés par les restitutions:

Au titre de l'indemnisation des préjudices non réparés par les restitutions, qu'ils prétendent subir du fait des fautes commises par le vendeur et le notaire, les époux [V] font état des frais d'acte notarié et de garantie, de frais liés aux prêts contractés par eux pour l'acquisition, enfin de dépenses effectuées par eux pour l'exécution de travaux d'entretien et de rénovation de la maison dont la vente est annulée, enfin d'un préjudice moral.

a): - Sur les frais d'acte notarié:

Il n'est pas contesté que le notaire a reçu la somme de 11 000 € au titre des frais de l'acte authentique du 24 mai 2011; il ressort de cet acte que dans cette somme sont compris les droits d'enregistrement et taxes à hauteur de 7 101 €.

Or, ainsi que le fait valoir Me [D]-[R], ces droits sont, selon l'article 1961 du Code général des impôts, restituables par l'administration fiscale dès lors que l'annulation de la vente est prononcée par une décision passée en force de chose jugée, ce que sera le présent arrêt à son prononcé.

Le préjudice constitué de manière actuelle et certaine est en conséquence du solde, soit 3 899 €.

b): - Sur les frais liés aux prêts:

Les époux [V] justifient de ce qu'ils ont contracté deux emprunts auprès de la Caisse de crédit mutuel de Chantenay pour des montants respectifs de 30 000 € et 110 000 €, pour acquérir la maison.

Il ressort des tableaux d'amortissement produits que le total des intérêts payés pour les années 2011 et 2012 s'est élevé à 9 060,46 €, et que le total des cotisations d'assurance-groupe, pour ces deux mêmes années, s'est élevé à 997,50 €, sommes auxquelles s'ajoutent des frais de garantie pour 917 €, soit un montant total de frais afférents aux prêts de 10 974,96 €, dont ils demandent l'indemnisation.

Si la restitution du capital restant dû, en cas d'annulation des contrats de prêt, ne constitue pas un préjudice réparable, la perte des intérêts conventionnels et des cotisations d'assurance l'est.

Me [D]-[R] comme Mme [H] font cependant valoir que, en application de l'article L. 312-12 du Code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, le sort du contrat de prêt suit nécessairement le sort du contrat principal de vente et que dès lors, si celle-ci est annulée, les époux [V] ne seront pas tenus de rembourser les intérêts, frais et accessoires du prêt.

Mais la Caisse de crédit mutuel de Chantenay n'est pas à la cause, et la nullité des prêts ne peut être ici prononcée.

Le préjudice est, en l'état, constitué.

c): - Sur les dépenses de travaux:

Aux termes de l'article 1381 du Code civil (ancien), celui auquel la chose est restituée, doit tenir compte, même au possesseur de mauvaise foi, de toutes les dépenses nécessaires et utiles qui ont été faites pour la conservation de la chose.

Il en résulte que seules les dépenses nécessaires et les dépenses utiles peuvent donner lieu à indemnisation au profit de l'acheteur, les premières ouvrant droit à une indemnité égale au montant de la dépense, les secondes permettant à l'acheteur de prétendre être remboursé par le vendeur à hauteur du montant de la plus-value apportée au bien; les dépenses somptuaires n'ouvrent droit à aucun remboursement pour l'acheteur.

Or, les pièces produites par les époux [V], des factures d'achat au détail de divers matériels chez différents fournisseurs, ne permettent pas d'établir à quoi ont correspondu ces achats, et que les dépenses ainsi faites, pour un total réclamé de 8 853,63 €, étaient nécessaires et utiles pour la conservation de la maison.

Le coût de main-d'oeuvre invoqué pour 38 100 € ne fait quant à lui l'objet d'aucune justification.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'aucun préjudice indemnisable n'était démontré.

d): - Préjudice moral:

Il n'est pas contestable que les époux [V] ont investi également moralement dans un projet qui se trouve mis à néant par l'annulation prononcée, et que cet investissement moral n'est quant à lui pas sujet à restitution.

Il est ainsi constitué un préjudice moral qui doit être évalué, pour sa réparation, à 10 000 €.

e): - Réparation des préjudices:

Seuls les manquements de Me [D]-[R] sont la cause des dommages subis par les époux [V].

Il convient donc d'infirmer le jugement pour avoir condamné in solidum Mme [H], Me [D]-[R] et la Scp [R] - [D]-[R], laquelle n'était pas et n'est toujours pas à la cause, à indemniser les époux [V], et de condamner Me [D]-[R] à payer à ceux-ci, en réparation des préjudices tels que retenus précédemment, les sommes de 3 899 € et 10 974,96 €, soit au total 14 873,96 €, au titre du préjudice matériel, et de 10 000 € au titre du préjudice moral.

Mme [H] n'est pas fondée à réclamer la condamnation de Me [D]-[R] à lui payer la somme de 235 000 € à titre de dommages-intérêts, dans la mesure où l'obligation de restitution du prix de vente n'est pas un dommage, mais la contrepartie de la restitution réciproque de la maison dont elle n'a pas perdu la propriété et dont elle recouvre la jouissance, et où il n'est pas fait droit aux demandes indemnitaires dirigées contre elle.

4/: - Sur les frais et dépens:

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la Scp [R] - [D]-[R], laquelle n'était pas à la cause, aux dépens et à indemnités au titre des frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner Me [D]-[R] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi en outre qu'à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 3 000 € aux époux [V] et celle de 3 000 € à Mme [H].

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Après rapport fait à l'audience;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a:

dit l'action recevable,

prononcé la nullité de la vente,

ordonné la publication du jugement,

ordonné la remise de la venderesse et des acquéreurs en l'état qui était le leur,

condamné en conséquence:

Mme [Z] [H] à reverser à M. [O] [V] et Mme [N] [J], épouse [V], le prix reçu, soit 139 500 €,

M. [O] [V] et Mme [N] [J], épouse [V], à restituer à Mme [Z] [H] l'immeuble objet de la vente en contrepartie de ce versement,

rejeté la demande de M. [O] [V] et Mme [N] [J], épouse [V], en remboursement d'impenses sur l'immeuble;

L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau:

Condamne Me [U] [D]-[R] à restituer à M. [O] [V] et Mme [N] [J], épouse [V], la somme de 5 539 € correspondant aux honoraires de négociation de l'acte annulé;

Dit que Me [U] [D]-[R] devra garantir la restitution du prix de vente de 139 500 € due par Mme [Z] [H] à l'égard M. [O] [V] et Mme [N] [J], épouse [V], dès lors que ceux-ci auront justifié d'une tentative d'exécution contre Mme [Z] [H] demeurée infructueuse;

Condamne Me [U] [D]-[R] à payer à M. [O] [V] et Mme [N] [J], épouse [V], les sommes de 14 873,96 € en réparation de leur préjudice matériel, et de 10 000 € en réparation de leur préjudice moral;

Condamne Me [U] [D]-[R] à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 3 000 € à M. [O] [V] et Mme [N] [J], épouse [V], et la somme de 3 000 € à Mme [Z] [H];

Rejette toutes autres demandes;

Condamne Me [U] [D]-[R] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/06500
Date de la décision : 10/01/2017

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°15/06500 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-10;15.06500 ?
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