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03/01/2017 | FRANCE | N°15/07933

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 03 janvier 2017, 15/07933


1ère Chambre





ARRÊT N°9/2017



R.G : 15/07933













M. [W] [F]

M. [T] [Q]

SARL CUBANA CAFE

SCI DE LA PERINIERE



C/



M. [K] [A]

Mme [M] [Y] épouse [A]

SCP [Z] [I] ET [I] [I]-[R] IRE ASSOCIES

















Expertise















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JANVIER 2017





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : M. Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Assesseur :M. Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Mme Marie-Cla...

1ère Chambre

ARRÊT N°9/2017

R.G : 15/07933

M. [W] [F]

M. [T] [Q]

SARL CUBANA CAFE

SCI DE LA PERINIERE

C/

M. [K] [A]

Mme [M] [Y] épouse [A]

SCP [Z] [I] ET [I] [I]-[R] IRE ASSOCIES

Expertise

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 JANVIER 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : M. Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Assesseur :M. Marc JANIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Novembre 2016

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 03 Janvier 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

M. [W] [F]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SCP GARNIER/BOIS/DOHOLLOU/SOUET/ARION/ARDISSON/GRENARD, avocat au barreau de RENNES

M. [T] [Q]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SCP GARNIER/BOIS/DOHOLLOU/SOUET/ARION/ARDISSON/GRENARD, avocat au barreau de RENNES

SARL CUBANA CAFE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SCP GARNIER/BOIS/DOHOLLOU/SOUET/ARION/ARDISSON/GRENARD, avocat au barreau de RENNES

SCI DE LA PERINIERE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SCP GARNIER/BOIS/DOHOLLOU/SOUET/ARION/ARDISSON/GRENARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

M. [K] [A]

né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE/TESSIER/PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Mathieu BARON, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [M] [Y] épouse [A]

née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE/TESSIER/PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Mathieu BARON, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

SCP [I] [Z] - [I] [R] [I] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Thierry CABOT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 juillet 1982, les consorts [B] ont vendu un de leurs immeubles, situé [Adresse 6] aux époux [C] qui, conservant la propriété de l'immeuble voisin situé au 54, ont fait insérer aux conditions particulières de l'acte une clause d'interdiction d'exercer dans les lieux une activité pouvant occasionner des nuisances sonores.

Cette clause a été reprise dans un acte du 30 mars 1991, reçu par Me [N], notaire à Redon par lequel la S.C.I. La Perinière a acquis l'immeuble des époux [C].

Par acte sous seing privé du 29 juin 2001, la S.C.I. La Perinière, représentée par Mme [M] [Y] épouse [A], a donné à bail à la S.A.R.L. [F] représentée par son gérant, M. [W] [F], un local pour y exercer une activité de bar avec ambiance musicale qui s'est installé sous l'enseigne Cubana Café.

Le 14 novembre 2003, par acte reçu par Me [M], notaire associé à Redon, M. [F] et M. [Q] ont acquis de M. et Mme [A] les parts détenues par ces derniers dans la S.C.I. La Perinière au prix de 80.420 €.

Les époux [Z], devenus entre-temps propriétaires de l'immeuble voisin situé au 54, se sont prévalus de la clause relative aux nuisances sonores contre la S.C.I. La Perinière figurant dans leur titre de propriété pour demander à mettre fin à l'activité commerciale y contrevenant.

Par arrêt du 21 février 2012, cette cour a fait droit à la demande des époux [Z] et interdit à la S.C.I. La Perinière d'exercer personnellement ou par tout occupant de son chef toute activité commerciale pouvant créer des nuisances sonores.

L'établissement Cubana Café a été fermé en juin 2012.

Par acte du 23 mars 2013, la S.C.I. La Perinière, MM. [F] et [Q] et la S.A.R.L. Cubana Café ont assigné les époux [A] en dommages et intérêts en raison de la non révélation, lors de la cession des parts de la S.C.I., de la clause interdisant toute nuisance sonore à l'immeuble voisin.

M. et Mme [A] ont assigné en garantie la SCP [I] dont Me [M], rédacteur de l'acte de cession de parts de la S.C.I. de 2003 était alors l'associé.

MM. [F] et [Q] et la S.C.I. La Perinière ont agi devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire sur le fondement du dol au motif que la clause relative aux nuisances sonores leur avait été dissimulée lors de l'acte de cession de parts.

Par jugement en date du 2 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a :

rejeté les demandes de MM. [F] et autres

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

mis les dépens à la charge des demandeurs.

M. [W] [F], M. [T] [Q], la S.A.R.L. Cubana Café et la S.C.I. La Perinière ont, par déclaration au greffe du 14 octobre 2015, interjeté appel contre ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 17 octobre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, ils demandent à la cour de :

infirmer le jugement dont appel ;

Statuant à nouveau,

débouter M. et Mme [A] et la SCP de leurs demandes;

les condamner in solidum, au paiement des sommes suivantes :

à MM. [F] et [Q], la somme de 45.750 € au titre de la perte de valeur des parts sociales de la S.C.I. ;

à la S.A.R.L. Cubana Café la somme de 50.700 € au titre de la perte du fonds de commerce au si mieux n'aime la cour, 44.530,60 € au titre des dépenses exposées en pure perte dans le local exploité au 52 ;

10.000 € au titre de son préjudice commercial ;

à la S.C.I. La Perinière la somme de 27.440,,82 € au titre de son préjudice locatif

la somme de 32.325€ au titre de la perte de valeur de l'immeuble

la somme de 10.000 € au tire des frais exposés dans le cadre de la procédure judiciaire subie du fait de l'existence de la servitude ;

condamner in solidum, les époux [A] et la SCP au versement d'une indemnité de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépend d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 10 octobre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. et Mme [A] demandent à la cour de :

A titre principal,

- sur la demande fondée sur les articles 1626 et 1638 du code civil :

dire nouvelle en cause d`appel la demande ;

dire prescrite l'action ;

En conséquence,

déclarer M. [W] [F], M. [T] [Q], la S.C.I. de la Perinière et la S.A.R.L. Cubana café irrecevables en leurs demandes, et les en débouter ;

Surabondamment,

dire M. [W] [F], M. [T] [Q], la S.C.I. de la Perinière et la S.A.R.L. Cubana Café mal fondés en leurs demandes, et les en débouter.

- sur la demande fondée sur l'article 1116 du code civil :

dire non rapportée la preuve d'une réticence volontaire ayant causé une erreur déterminante du consentement ;

dire M. [W] [F], M. [T] [Q], la S.C.I. de la Perinière et la S.A.R.L. Cubana Café mal fondés en leurs demandes, et les en débouter ;

confirmer le jugement rendu le 2 juillet 2015 par le Tribunal de Grande Instance de Saint-Nazaire ;

dans tous les cas :

dire nouvelle en cause d'appel la demande présentée au titre d'une perte du fonds de commerce de la S.A.R.L. Cubana Café  ;

déclarer irrecevable son auteur et l'en débouter ;

Dire et juger au surplus non rapportée la preuve de préjudices qui seraient la conséquence des faits allégués ;

dire en conséquence, mal fondés M. [W] [F], M. [T] [Q], la S.C.I. de la Perinière et la S.A.R.L. Cubana Café en leurs demandes et les en débouter.

A titre subsidiaire,

condamner la SCP [Z] [I] et [I] [I] [R], notaires associés, à garantir et relever indemnes M. et Mme [A] de toutes condamnations éventuellement prononcées à leur encontre au bénéfice de M. [W] [F], de M. [T] [Q], de la S.C.I. de la Perinière et de la S.A.R.L. Cubana Café .

En tout état de cause,

débouter la SCP [Z] [I] et [I] [I] [R], notaires associés, de toutes ses demandes à l'encontre de M. et Mme [A] ;

Condamner in solidum, tous succombants à payer à M. et Mme [A] la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamner in solidum, tous succombants aux entiers dépens d°instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 13 octobre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la SCP [I] [Z] et [I] [R] [I] demande à la cour de :

déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de MM. [F], [Q], de la S.C.I. de la Perinière et de la S.A.R.L. Cubana Café à l'encontre de la SCP [I] et [I] [R] ;

débouter les époux [A] de toutes leurs demandes à l'encontre de la SCP [I] et [I] [R] ;

condamner in solidum, les autres parties à lui payer la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la prescription :

L'article 2240 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les appelants ont le 8 octobre 2008, en raison de l'action intentée par les époux [Z] contre la S.C.I. La Perinière dont ils sont les associés ainsi que de la S.A.R.L. Cubana Café qui elle-même exerçait l'activité commerciale litigieuse dans l'immeuble constituant l'actif de la dite S.C.I, connu l'existence de la clause relative aux nuisances sonores dont l'application était susceptible de porter atteinte au droit d'exploitation commerciale des locaux.

Ce jour constitue le point de départ du délai de prescription de cinq ans.

MM. [W] [F] et [T] [Q], la S.A.R.L. Cubana Café et la S.C.I. La Perinière ont le 29 mars 2013 assigné M. et Mme [A] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire pour voir constater qu'en cachant l'existence d'une servitude grevant l'immeuble, les époux [A] ont commis une réticence dolosive.

De même, par acte du 12 septembre 2013, M. et Mme [A] ont assigné en garantie la SCP [I] des condamnations qui pourraient être prononcées à leur égard.

Ces deux actes qui sont intervenus avant l'expiration du délai de 5 ans ont interrompu ainsi le cours de la prescription de l'action.

Peu importe qu'en appel les appelants aient modifié le fondement juridique de leur demande en invoquant une violation des dispositions des articles 1626 et 1638 du code civil, dès lors que leurs demandes fondées sur ces dispositions, même si elles s'articulent sur de nouveaux moyens, tendent aux mêmes fins à savoir obtenir une indemnité des époux [A] en raison d'un manquement à leurs obligations de cédants.

Seule l'action aux fins de condamnation in solidum de la SCP notariale est prescrite puis qu'ayant été présentée par MM. [W] [F] et [T] [Q], la S.A.R.L. Cubana Café et la S.C.I. La Perinière pour la première fois devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire par conclusions du 24 janvier 2014 après l'expiration du délai de prescription de cinq ans, alors que dès le 8 octobre 2008, le fait qui leur aurait permis d'exercer l'action en responsabilité contre les notaires leur était connu.

- Sur les manquements reprochés aux époux [A] :

Si la demande des appelants, qui soulèvent pour la première fois en appel le moyen de la garantie d'éviction en raison de charges non déclarées lors de la vente, est recevable car elle a le même objet indemnitaire que celle exercée sur le fondement du dol, en revanche, ces dispositions ne sont pas applicables en cas de vente de parts sociales d'une S.C.I. qui n'est pas assimilable à une vente d'immeuble qui seule peut être affectée par l'absence de déclaration d'une servitude ou charge non apparente.

En effet, la S.C.I. La Perinière n'a pas en raison de l'application de l'interdiction d'exercer une activité pouvant créer des nuisances sonores au fonds voisin pour autant été privée de la propriété de son immeuble.

Il convient en conséquence, d'examiner le moyen subsidiaire des appelants sur le dol.

Le dol se définit comme des manoeuvres, un mensonge ou un silence ayant sciemment engendré une erreur déterminante du consentement d'un contractant.

Le dol n'est en principe sanctionné que s'il a pour auteur le contractant lui-même.

Pour que le dol soit constitué il faut que son auteur ait agi intentionnellement pour tromper le cocontractant et que l'erreur commise par la victime du dol ait décidé de la conclusion du contrat.

- manoeuvres, mensonge ou silence :

Il est reproché aux époux [A] de ne pas avoir révélé à MM. [F] et [Q] l'existence de la clause interdisant toute nuisance sonore au sein de l'immeuble constituant l'actif de la S.C.I. La Perinière.

M. et Mme [A] opposent deux moyens :

1 - deux ans avant l'acte de cession des parts de la S.C.I. La Perinière, ils avaient donné à bail commercial l'immeuble à la S.A.R.L. [F], gérée par M. [W] [F] et en souscrivant ce bail, les preneurs avaient déjà souscrit des obligations de ne pas causer de troubles sonores aux voisins de l'immeuble.

2 - l'acte de cession rappelle que la S.C.I. La Perinière est propriétaire de l'immeuble aux termes d'un acte du 30 mars 1991 et que cet acte contenant la clause d'interdiction d'exercer dans les lieux une activité pouvant occasionner des nuisances sonores, ce titre dont les acquéreurs ont eu connaissance par le notaire n'a pas dès lors été dissimulé.

- Les clauses du bail commercial :

Ces clauses sont les suivantes :

Article 3 :

' « Les activités du Preneur ne devront donner lieu à aucune plainte ou réclamation de la part de qui que ce soit et notamment des autres locataires ou propriétaires exploitant les locaux voisins, le Preneur devra faire son affaire personnelle de tous les griefs qui seraient faits à son sujet au Bailleur, de manière que ce dernier ne soit jamais inquiété ni recherche et soit garanti de toutes les conséquences qui pourraient en résulter ''.

Article 5 :

« Le Preneur a l'obligation de faire son affaire personnelle. à ses risques, périls et frais, sans que le bailleur puisse être impliqué ou recherché, de toutes réclamations faites par les voisins ou les tiers, notamment pour bruits, parasites. odeurs ou trépidations causés par lui ou par les appareils lui appartenant ''.

Article 7 :

« Le preneur s'oblige à respecter les prescriptions ci-après :

- 'De n'utiliser aucun haut-parleur ou autre moyen de diffusion susceptible d'être entendu hors les lieux loués ; de n'utiliser également aucun appareil électrique ou autre perturbateur des auditions radio~téiépl1oniques ou de le télévision, sans avoir muni lesdits appareils des dispositifs permettant d'éviter tous trouble dans le voisinage ''.

- « D'exercer une surveillance constante sur son personnel et veiller à ce qu'il ne stationne pas en permanence dans les parties communes de l'immeuble et qu'il ne trouble pas les autres occupants de l'immeuble par des cris, chants ou de toute autre manière ''.

Ces clauses, habituelles dans les baux commerciaux relatifs aux activités de bars, restaurants, sont destinées à exonérer le bailleur des nuisances notamment sonores qui sont nécessairement produites par ce type d'activité et plus encore par un bar d'ambiance musicale, au surplus ouvert en soirée.

Elles sont destinées à cantonner l'activité dans des limites normalement admissibles pour le voisinage, sous la responsabilité du preneur exploitant mais ne peuvent signifier pour ce dernier qu'il s'expose à une interdiction d'exercer lorsque les troubles n'excèdent pas ceux anormaux de voisinage.

Aussi, M. et Mme [A] ne sauraient invoquer l'existence de cette clause pour soutenir que MM. [Q] et [F] auraient acquis les parts de la S.C.I. en toute connaissance de cause alors que le bail commercial ne reprenait pas la clause plus restrictive que celles y figurant, applicable au profit des époux [Z].

Ce premier moyen sera donc écarté.

- L'absence dans l'acte de cession de rappel de la clause d'exercer dans les lieux une activité pouvant occasionner des nuisances sonores :

Alors que d'autres mentions insérées dans l'acte du 30 mars 1991 par lequel la S.C.I. La Perinière, constituée par M. et Mme [A] avait acquis des époux [C] l'immeuble, sont rappelées dans l'acte de cession des parts des 14, 17 novembre et 1er décembre 2003, en revanche, celle relative à l'interdiction d'exercer une activité pouvant générer des nuisances sonores n'a pas été reprise dans cet acte.

La preuve est ainsi rapportée qu'alors que les cédants connaissaient l'existence de cette clause puisqu'ils avaient été parties à l'acte du 30 mars 1991 qui rappelait l'existence de cette clause constituée en 1982, ils n'en ont pas déclaré l'existence.

Pour justifier leur silence, ils ne sauraient se retrancher derrière la publication de l'acte du 30 mars 1991 et ainsi soutenir qu'il appartenait aux cessionnaires d'en prendre connaissance alors que l'acte étant passé devant un notaire, il n'appartenait pas aux cessionnaires de faire eux-mêmes ces recherches pour vérifier s'il n'existait pas une clause susceptible de mettre en péril l'activité commerciale existante.

Le second moyen sera ainsi également écarté.

- sur l'intention de tromper le cocontractant sur un élément déterminant du contrat :

En omettant de rappeler, lors de la cession des parts sociales de la S.C.I. La Perinière, la clause dont ils avaient connaissance de l'interdiction d'exercer une activité pouvant générer des nuisances sonores dans l'immeuble, les époux [A] ont intentionnellement trompé leurs cocontractants pour lesquels l'acquisition des parts sociales devenait dépourvue d'intérêt s'ils se savaient soumis à un risque de devoir cesser l'activité qu'ils y exerçaient à la première demande des époux [Z] de mettre en oeuvre cette clause.

Ce risque s'est d'ailleurs réalisé puisque c'est notamment sur un constat d'huissier dressé le 16 juillet 2007 à la demande des époux [Z] qu'ont été constatés des troubles musicaux de 23 heures 15 à 0h 15 qui ont été pris en compte par la cour d'appel de Rennes dans son arrêt du 21 février 2012 pour interdire à la S.C.I. La Perinière toute activité commerciale qui pourrait créer des nuisances sonores.

Sans cette dissimulation de la clause d'interdiction, MM. [Q] et [F], dont l'intérêt était de réunir entre leurs mains, par l'interposition de la S.C.I., la propriété des murs et du fonds de commerce, n'auraient pas acquis les parts de la S.C.I., puisque le risque qu'ils encouraient de devoir cesser dans l'immeuble une activité par nature susceptible de causer des nuisances sonores, ôtait tout intérêt à acquérir les parts sociales.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté MM. [Q] et [F] de leur demande en dommages et intérêts en raison du dol commis par M. et Mme [A].

Sur la responsabilité des époux [A] à l'égard de la S.A.R.L. Cubana Café :

Cette responsabilité est recherchée sur le fondement des dispositions de l'ancien article 1382 du code civil.

Le dol étant une faute commise lors de la conclusion d'un contrat peut générer des dommages et intérêts au profit d'un tiers si ce dernier a subi un préjudice en lien direct avec le dol.

En l'espèce, il est établi que le dol, qui a permis aux époux [A] de vendre leurs parts sociales dans la S.C.I. La Perinière à MM. [Q] et [F], détenteurs des parts de la S.A.R.L. Cubana Café, elle-même exploitante du bar d'ambiance dans l'immeuble constituant l'actif de la S.C.I., a également contraint la S.A.R.L. Cubana Café à fermer son établissement situé dans cet immeuble pour le transférer dans un autre immeuble.

En conséquence, la responsabilité de M. et Mme [A] vis à vis de la S.A.R.L. Cubana Café doit être retenue en son principe.

Sur la garantie du notaire :

Si MM. [W] [F] et [T] [Q], la S.A.R.L. Cubana Café et la S.C.I. La Perinière sont irrecevables à agir directement contre la SCP [I] en raison de la prescription de leur action en dommages et intérêts, en revanche, les époux [A] sont recevables à rechercher la garantie de ladite SCP venant aux droits de Me [M], notaire chargé de la rédaction de l'acte de cession de parts sociales.

Cependant, le cédant qui garde le silence sur un fait déterminant pour la conclusion du contrat et commet ainsi un dol ne peut en raison de sa faute intentionnelle, bénéficier de la garantie du notaire, même si ce dernier, rédacteur de l'acte de cession de parts a commis une faute d'imprudence ou de négligence en ne veillant pas à transcrire après en avoir donné lecture aux parties, la clause interdisant d'exercer dans l'immeuble constituant l'actif de la S.C.I. La Perinière toute activité pouvant générer des nuisances sonores alors qu'il a pris le soin de rappeler d'autres clauses insérées dans l'acte du 30 mars 1991.

- Sur les préjudices :

Pour rapporter la preuve de leurs préjudices, les appelants ont communiqué aux débats des factures diverses émises au nom de la S.A.R.L. [F] en 2001 et 2002 sans fournir aucune pièce comptable sur la valeur d'amortissement des aménagements réalisés et un rapport d'un expert en évaluations immobilières, M. [T] sur lequel la cour ne peut fonder entièrement sa décision.

En effet, ce rapport communiqué aux débats le 5 octobre 2016 est une expertise unilatérale qui se trouve au surplus en contradiction pour au moins l'une de ses constatations en ce que notamment l'expert indique : ' pour la S.A.R.L., la servitude de non bruit a conduit à la perte du fonds de commerce' avec l'exposé des motifs d'un arrêt du 5 juin 2015 rendu par la 2ème chambre de cette Cour ainsi rédigé ' la modération des émissions sonores qui n'ont perduré que jusqu'au rapide transfert du bar musical dans un autre immeuble' fait confirmé par la signature d'un nouveau bail commercial impliquant que le fonds de commerce n'a pas été perdu mais a été transféré en un autre local.

Aussi, la cour ne dispose pas des éléments complets lui permettant de statuer sur les différents chefs de préjudice invoqués par chacun des appelants.

En conséquence, il convient en application des dispositions de l'article 144 du code de procédure civile d'ordonner une mesure d'instruction par expertise.

Il sera ainsi sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en date du 2 juillet 2015 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare prescrite l'action en responsabilité exercée par MM. [W] [F] et [T] [Q], la S.A.R.L. Cubana Café et la S.C.I. La Perinière contre la SCP [I] et [I] [R] ;

Pour le surplus, dit que les actions tant de MM. [W] [F] et [T] [Q], la S.A.R.L. Cubana Café et la S.C.I. La Perinière à l'égard des époux [A] que l'action en garantie de ces derniers contre la SCP [I] et [I] [R] ne sont pas prescrites ;

Dit que M. et Mme [A] ont, lors de l'acte de cession de parts sociales conclu avec MM. [F] et [Q], commis un dol ;

Déclare M et Mme [A] responsables in solidum, en raison de ce dol, des dommages subis par la S.A.R.L. Cubana Café ;

Déboute M. et Mme [A] de leur demande de garantie contre la SCP [I] et [I] [R] ;

Avant dire droit sur les préjudices,

Ordonne une expertise et désigne pour y procéder M. [F] [L] ([Adresse 7] (02.99.46.92.67) avec mission de :

convoquer les parties et de faire remettre tous documents utiles à l'exercice de sa mission ;

rechercher tous éléments permettant de déterminer les préjudices comptables subis en raison de l'interdiction d'exercer dans l'immeuble du [Adresse 8] une activité de bar d'ambiance par la S.C.I. La Perinière et/ou Mme [Q] et [F] ;

rechercher notamment, le coût des aménagements réalisés par la S.A.R.L. [F] à son entrée dans les lieux et leur valeur après amortissement à la date de la fermeture de l'établissement au mois de juin 2012 :

rechercher quel était le montant des loyers versés par la S.A.R.L. Cubana Café à la S.C.I. La Perinière jusqu'à son départ des lieux en juin 2012 et en entendant si besoins tous sachants, vérifier si l'immeuble est resté vide de toute occupation jusqu'à sa vente en 2014 ;

en fonction des éléments recueillis, évaluer la perte de loyers subie par la S.C.I. de juillet 2012 à août 2014 ;

rechercher si la S.A.R.L. Cubana café a subi une perte de bénéfice net en raison de son départ des locaux appartenant à la S.C.I. (inactivité temporaire, perte de chiffre d'affaires, diminution des bénéfices en raison d'une augmentation de charges) ;

Fixe à 5.000 € le montant de la provision à consigner par MM. [W] [F] et [T] [Q], la S.A.R.L. Cubana Café et la S.C.I. La Perinière à la régie de la cour d'appel de Rennes à titre d'avance sur la rémunération de l'expert avant le 31 janvier 2017 ;

Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque sauf décision contraire du juge chargé du suivi de la mesure ;

Dit que l'expert devra adresser préalablement aux parties un pré-rapport de ses investigations, analyses et conclusions aux fins de recueillir leurs observations écrites dans un délai préalablement fixé par ses soins et les prendre en considération dans son rapport définitif conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile;

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement sur simple ordonnance;

Impartit à l'expert un délai de cinq mois à compter du jour où il sera avisé du versement de la consignation pour déposer son rapport;

Désigne M. Xavier Beuzit , président de chambre, et à défaut tout magistrat de cette chambre, pour suivre les opérations d'expertise;

Dit qu'il appartiendra à l'expert désigné de solliciter en temps utile auprès du magistrat chargé de suivre l'expertise, les prorogations de délai nécessaires à l'exécution de sa mission ;

Dit qu'en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des diligence faites ou à venir, l'expert en fera sans délai rapport au magistrat chargé de suivre les opérations, qui, s'il y a lieu, ordonnera la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il déterminera ;

Dit que lors du dépôt de son rapport en double exemplaire, accompagné de sa demande de rémunération, l'expert devra adresser un exemplaire de celle-ci aux parties par le moyen de son choix permettant d'en établir la date de réception ;

Dit que les parties pourront, s'il y a lieu, adresser à l'expert et au magistrat chargé du contrôle des opérations leurs observations écrites sur la demande de rémunération faite par l'expert dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la copie de la demande de rémunération ;

Dit que le dossier sera renvoyé à l'audience du 19 juin 2017 à 14 heures aux seules fins de vérifier l'état des opérations d'expertise conformément aux dispositions de l'article 153 du code de procédure civile ;

Renvoie l'affaire devant le conseiller de la mise en état pour conclusions après dépôt du rapport d'expertise ;

Sursoit à statuer sur les autres demandes ;

Réserve les frais et dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/07933
Date de la décision : 03/01/2017

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°15/07933 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-03;15.07933 ?
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