1ère Chambre
ARRÊT N°434/2016
R.G : 15/05163
SARL DOMAINE DE KERFRAPPE
C/
M. [R] [N]
Mme [D] [E] veuve [D]
Melle [F] [D]
M. [Y] [D]
Mme [Z] [D] épouse [I]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Xavier BEUZIT, Président,
M. Marc JANIN, Conseiller,
Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Septembre 2016
devant Mme Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
rendu par défaut, prononcé publiquement le 25 Octobre 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Sarl Domaine de Kerfrappe, prise en la personne de son gérant
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Vincent LAHALLE de la SELARL LAHALLE/DERVILLERS, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
M. [R] [N]
né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Loïc MARZIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES et par Me François PARIS, plaidant, avocat au barreau de PARIS
Mme [D] [E] veuve [D]
[Adresse 3]
[Localité 3]
Régulièrement assignée, n'a pas constitué
Mademoiselle [F] [D]
[Adresse 4]
[Localité 4]
Régulièrement assignée, n'a pas constitué
M. [Y] [D]
[Adresse 5]
[Localité 5]
Régulièrement assigné, n'a pas constitué
Mme [Z] [D] épouse [I]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 6]
Régulièrement assignée, n'a pas constitué
Suivant procès-verbal d'adjudication du 26 juillet 2007, la Sarl Domaine de Kerfrappe a acquis diverses parcelles situées sur la commune de [Localité 7], constituant le lotissement [Adresse 7], outre les 19/20° de la parcelle cadastrée section Zi n°[Cadastre 1] (actuellement AC n°[Cadastre 2]), constituant la voie de desserte du lotissement.
Suivant acte authentique du 11 2013, M. [N] a acquis diverses parcelles sur la même commune dont les parcelles AC [Cadastre 3] et [Cadastre 4], contigues à la parcelle AC [Cadastre 2].
Les consorts [D] sont eux-mêmes propriétaires de la parcelle AC [Cadastre 5], voisine des parcelles de M. [N], et de 1/20° de la parcelle AC [Cadastre 2] ; une maison d'habitation est édifiée sur la parcelle AC [Cadastre 5], raccordée aux réseaux par diverses canalisations situées en tréfonds de la parcelle AC [Cadastre 2].
M. [N] ayant entrepris de construire quatre logements sur ses deux parcelles, les consorts [D], par acte sous seings privés du 02 novembre 2012, l'ont autorisé à se raccorder sur leurs canalisations et lui-même s'est engagé à remettre en conformité, à ses frais, les réseaux desservant la propriété [D] jusqu'au réseau communal.
Par arrêt infirmatif en date du 04 février 2014, la présente Cour, a, entre autres dispositions, condamné M. [N] à enlever l'ensemble des ouvrages et réseaux mis en place par lui dans le sous-sol de la parcelle AC [Cadastre 2], et ce, sous astreinte.
Autorisé par ordonnance du 12 janvier 2015, M. [N], par acte du 21 janvier 2015, a fait assigner la Sarl Domaine de Kerfrappe, Mme [D] [E], Mlle [F] [D], M. [Y] [D] et Mme [Z] [D] épouse [I] afin de voir dire que ses parcelles AC [Cadastre 5] et [Cadastre 2] bénéficient d'une servitude légale d'enclave et de voir supprimer l'astreinte ordonnée par l'arrêt du 04 février 2014.
Par jugement du 03 juin 2015, le tribunal de grande instance de LORIENT a :
constaté l'état d'enclave des parcelles AC [Cadastre 3] et [Cadastre 4],
dit que celles-ci bénéficient d'un accès à la voie publique par la parcelle AC [Cadastre 2],
déclaré recevable la demande d'indemnité formée par la Sarl Domaine de Kerfrappe,
avant dire droit sur son montant, ordonné une expertise,
débouté la Sarl Domaine de Kerfrappe de sa demande de dommages et intérêts pour retard dans les travaux de viabilisation et annulation d'un contrat de réservation,
débouté M. [N] de sa demande en suppression d'astreinte,
réservé le surplus des demandes ainsi que les dépens.
Appelante de ce jugement la Sarl Domaine de Kerfrappe, par conclusions du 25 janvier 2016, a demandé que la Cour :
infirme le jugement déféré,
dise que les parcelles de M. [N] sont enclavées de son propre fait,
le condamne sous astreinte, à enlever l'ensemble des ouvrages et réseaux divers mis en place par lui dans le sous-sol de la parcelle AC [Cadastre 2] et à remettre les lieux dans leur état antérieur,
condamne M. [N] à lui payer la somme de 50.000 euros de dommage et intérêts pour le retard pris dans la réalisation des travaux de viabilisation et l'annulation d'un contrat de réservation,
subsidiairement, confirme le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclarée recevable dans sa demande d'indemnité,
condamne M. [N] à lui payer une indemnité de 24.000 euros et subsidiairement confirme la mesure d'expertise en élargissant la mission de l'expert à la conformité aux règles de l'art des réseaux implantés et de la voirie réalisée par M. [N],
en tout état de cause, déboute M. [N] de ses demandes,
le condamne au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
le condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.
Par conclusions du 28 novembre 2015, M. [N] a demandé que la Cour:
- confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de suppression de l'astreinte fixée par la Cour dans son arrêt du 04 février 2014,
- supprime l'astreinte et dise n'y avoir lieu à suppression des ouvrages existants et à remise en état des lieux,
- lui donne acte de ses réserves quant à une extension de la mission de l'expert à la conformité des ouvrages incriminés,
- condamne l'appelante au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION:
L'examen du plan cadastral versé aux débats démontre, sans conteste, que les parcelles AC [Cadastre 3] et AC [Cadastre 4] sont enclavées et que le chemin le plus court pour accéder à la voie publique nécessite d'emprunter la parcelle AC [Cadastre 2] à usage de chemin (sa forme interdisant tout autre usage), dont la Sarl de Kerfrappe possède 19/20ème.
Pour s'opposer au passage, la Sarl de Kerfrappe fait valoir que M. [N] aurait dû se préoccuper de l'état d'enclave des parcelles avant de les acquérir. Toutefois, même enclavées, des parcelles doivent pouvoir être utilisées conformément à leur destination et M. [N] savait donc pouvoir revendiquer une servitude légale de passage, cette dernière ne posant aucune difficulté d'assiette dans la mesure où le passage est revendiqué sur une parcelle dont c'est le seul usage.
La Sarl de Kerfrappe plaide aussi que M. [N] se serait volontairement enclavé en édifiant sur ses parcelles des constructions entravant le passage. Une telle assertion est inexacte: les parcelles étaient enclavées avant même que les constructions ne soient édifiées.
Il en résulte que, par application des dispositions de l'article 682 du code civil, M. [N] est fondé à revendiquer pour ses parcelles un passage suffisant pour assurer la desserte de ses fonds, c'est-à-dire sur le sol mais aussi en tréfonds, pour ses canalisations menant au réseau communal d'assainissement.
Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu'il a constaté l'état d'enclave des parcelles et dit que celles-ci bénéficient d'un droit d'accès à la voie publique par la parcelle AC [Cadastre 2].
M. [N] demande ensuite à ce que la Cour supprime l'astreinte ordonnée par l'arrêt du 04 Février 2014 et dise n'y avoir lieu à supprimer les ouvrages existants et à remettre les lieux en l'état comme l'ordonnait cette décision.
L'arrêt du 04 Février 2014 a été rendu sur appel d'une ordonnance de référé et a donc un caractère provisoire, c'est-à-dire qu'il s'exécute jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur le même litige par le juge du fond et devient caduc ensuite.
La Cour ayant confirmé le juge du fonds en ce qu'il a dit que M. [N] pouvait utiliser la parcelle AC [Cadastre 2] pour la desserte de ses propres parcelles, il convient de dire qu'il n'a pas à supprimer les ouvrages existants (canalisations de branchement aux réseaux communaux) non plus qu'à remettre les lieux en l'état et qu'ainsi les dispositions de l'arrêt du 04 février 2014, qui ordonnait précisément ces travaux sous astreinte, sont caduques.
Pour autant, il est rappelé que le présent arrêt est sans incidence sur l'astreinte ayant couru jusqu'à son prononcé et le premier juge était donc fondé à refuser de supprimer les astreintes échues.
Ensuite, il convient, par application des dispositions de l'article 682 précité, de confirmer la désignation d'un expert afin d'évaluer l'indemnité due au propriétaire du fonds servant.
Il n'y a pas lieu d'étendre la mission de l'expert à la qualité des travaux réalisés par M. [N]; celui-ci a en effet fait appel à une entreprise ayant pignon sur rue et aucune pièce ne démontre que ceux-ci aient pu être réalisés de façon contraire aux règles de l'art, aucun désordre n'étant apparu depuis leur réalisation qui est désormais ancienne de trois années; en outre, M. [N] a versé aux débats un plan des réseaux du lotissement qui démontre que dans les faits, ceux-ci rejoignent les réseaux publics par un autre accès et qu'aucun branchement n'est prévu par la parcelle AC [Cadastre 2]; l'appelante n'a pas contesté que ce plan soit exact.
La décision du premier juge est par conséquent, confirmée quant à la mission de l'expert.
Enfin, l'appelante ne justifie par aucune pièce que les branchements réalisés par M. [N] aient eu pour conséquence de l'empêcher d'édifier son propre lotissement et doit par conséquent, être déboutée de la demande indemnitaire émise à ce titre.
Le jugement déféré est par conséquent, confirmé dans toutes ses dispositions et l'appelante, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel.
Elle paiera à M. [N] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions.
Y ajoutant:
Dit que M. [R] [N] n'a pas à supprimer les ouvrages en tréfonds de la parcelle AC [Cadastre 2] permettant la desserte des parcelles AC [Cadastre 3] et [Cadastre 4] jusqu'aux réseaux communaux.
Dit en conséquence, que l'astreinte prononcée par l'arrêt du 04 février 2014 sera sans objet dès le prononcé du présent arrêt.
Rappelle qu'en revanche, le présent arrêt est sans effet sur les astreintes ayant couru avant son prononcé.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne la Sarl Domaine de Kerfrappe aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.
Condamne la Sarl Domaine de Kerfrappe à payer à M. [R] [N] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT