1ère Chambre
ARRÊT N°428/2016
R.G : 16/01425
M. [S] [L]
Mme [W] [L]
C/
M. [J] [Y] [G]
M. [S] [V] [G]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Xavier BEUZIT, Président,
M. Marc JANIN, Conseiller,
Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Septembre 2016
devant M. Marc JANIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Octobre 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
M. [S] [L]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Lucie PIERRE, avocat au barreau de LORIENT
Mme [W] [L]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Lucie PIERRE, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉS :
M. [J] [Y] [G]
né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Jacques LE BRUSQ, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT
M. [S] [V] [G]
né le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 1]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Jacques LE BRUSQ, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT
FAITS ET PROCÉDURE:
Mme [D] [V], veuve [G], a, le 9 août 1973, fait donation à ses trois enfants d'un terrain cadastré alors section AD n° [Cadastre 1] à [Localité 1] (Morbihan), divisé en quatre lots:
- le premier, désigné même section n° [Cadastre 2], aujourd'hui 197, d'une superficie de 1174 m², à M. [S] [G],
- le deuxième, désigné même section; n° [Cadastre 3], aujourd'hui 196, de même superficie, à M. [J] [G],
- le troisième, désigné même section n° [Cadastre 4], aujourd'hui 195, de même superficie, à Mme [W] [G], épouse [L],
- le quatrième, désigné même section n° [Cadastre 5], aujourd'hui 194, d'une superficie de 643 m² et situé au Sud des trois autres, demeurant indivis afin de permettre l'accès des trois premiers à la voie publique.
Les consorts [G] ont, par acte des 27 et 28 août 1976, consenti sur cette parcelle [Cadastre 6] indivise une servitude de passage au profit de fonds situés au Sud.
M. [R] [D], M. [T] [T] et Mme [N] [J] sont propriétaires de parcelles bénéficiant de cette servitude.
M. [J] [G] et M. [S] [G], exposant que leur soeur, Mme [W] [L], et son époux, M. [S] [L], ont, sans leur accord, fait édifier un mur de clôture en limite de la parcelle [Cadastre 6], ainsi que M. [R] [D], M. [T] [T] et Mme [N] [J], ont saisi le président du tribunal de grande instance de Lorient en référé pour voir condamner les époux [L] à faire démolir la construction et remettre les lieux en leur état antérieur.
Par ordonnance du 16 février 2016, le juge des référés a:
- déclaré M. [R] [D], M. [T] [T] et Mme [N] [J] irrecevables en leur prétention,
- ordonné aux époux [L] de démolir le mur édifié sur la parcelle [Cadastre 6] et de remettre les lieux en l'état antérieur, sous astreinte de 100 € par jour de retard, qui courra à compter du quinzième jour suivant la notification de la décision, pendant soixante jours, et s'en est réservé la liquidation,
- débouté les époux [L] de leur demande reconventionnelle,
- condamné les époux [L] à payer à M. [J] [G] et M. [S] [G], ensemble, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné les époux [L] aux dépens.
Ces derniers ont interjeté appel de cette ordonnance le 18 février 2016; ils ont intimé M. [J] [G] et M. [S] [G].
Par conclusions du 26 mai 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, ils demandent à la cour:
- de réformer l'ordonnance déférée,
- de débouter M. [J] [G] et M. [S] [G] de leurs demandes,
- de condamner ceux-ci à leur verser chacun, en qualité de coïndivisaires, la somme de 800 € correspondant au tiers du coût des travaux d'édification du mur,
- de les condamner à verser à chacun d'eux la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de les condamner aux dépens d'appel.
Par conclusions du 5 avril 2016, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, M. [J] [G] et M. [S] [G] demandent à la cour:
- de confirmer l'ordonnance déférée,
- y ajoutant, de condamner les époux [L] à payer à chacun d'eux la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts,
- de les condamner à payer à chacun d'eux la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de les condamner en tous les dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 28 juin 2016.
Par conclusions de procédure du 29 juin 2016, M. [J] [G] et M. [S] [G] sollicitent le rejet des pièces communiquées par les époux [L] suivant bordereau du 27 juin 2016 transmis le 28 juin 2016 sous les numéros 27 et 28.
MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:
- Sur la recevabilité des pièces:
Les époux [L] ont communiqué le 27 juin 2016, deux pièces sous les numéros 27, une décision du tribunal administratif de Rennes en date du 26 mars 2009, et 28, un jugement du tribunal de grande instance de Lorient rendu sous le n° 2101/2000.
Les parties avaient été avisées dès le 8 mars 2016 de ce que la clôture était prévue au 28 juin 2016 et que l'affaire serait plaidée à l'audience du 5 septembre 2016.
En communiquant le 27 juin 2016 deux pièces datant de 2009 et 2000, sans justifier en quoi ils ne pouvaient le faire auparavant, les époux [L] n'ont pas respecté l'obligation que leur fait l'article 15 du Code de procédure civile de faire connaître à M. [J] [G] et M. [S] [G] en temps utile les éléments de preuve qu'ils produisaient, afin que ces derniers soient à même d'organiser leur défense, ce qu'ils ne pouvaient faire utilement avant la clôture.
Les pièces en question seront donc écartées des débats.
- Au fond:
Aux termes de l'article 815-2 du Code civil, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.
Il est constant que la parcelle [Cadastre 6], qui constitue une voie privée longeant au Sud les lots attribués à chacun d'eux, est indivise entre M. [J] [G], M. [S] [G] et Mme [W] [L].
Il l'est également que cette dernière a, avec son époux, M. [S] [L], fait édifier un mur clôturant la parcelle [Cadastre 6] en sa partie Est, qui est l'objet du litige.
Or, alors que le tribunal de grande instance de Lorient avait, en 1993, ordonné à la demande des époux [L] la fermeture à l'Est de cette voie privée, la cour d'appel de Rennes a, par un arrêt du 8 octobre 1996, réformé cette décision en déclarant irrecevable l'action des époux [L].
La cour rappelait qu'à défaut d'avoir obtenu l'accord de leurs coïndivisaires, les époux [L] ne pouvaient agir que sur le fondement de l'article 815-2 alinéa 1er du Code civil, et elle considérait que les conditions d'application de ces dispositions n'étaient pas réunies dès lors que les inconvénients dénoncés par eux, à savoir pour l'essentiel le stationnement de véhicules sur la voie, constitutifs de gêne ou désagréments ponctuels, n'affectaient pas intrinséquement le bien indivis.
Saisie par les époux [L] d'un pourvoi contre cette décision, la Cour de cassation a, par un arrêt du 19 mai 1999, rejeté celui-ci au motif que la cour d'appel, qui avait constaté que les inconvénients dénoncés n'emportaient aucune atteinte directe, flagrante et irrémédiable à la substance et à la valeur du bien indivis, rendant nécessaire et urgente la mise en oeuvre de mesures conservatoires, avait pu en déduire que l'article 815-2 du Code civil, dans sa rédaction alors en vigueur, ne trouvait pas à s'appliquer.
Alors que la procédure d'expropriation conduite par la commune de [Localité 1] afin d'intégrer la voie privée que constitue la parcelle [Cadastre 6] dans le domaine public et de transformer l'impasse en rue ouverte en ses extrémités Ouest et Est, avait échoué à la suite d'une décision du tribunal administratif de Rennes en date du 21 mars 2002, Mme [L] a fait assigner ses frères pour se voir autorisée, sur le fondement de l'article 815-5 du Code civil, à édifier un mur fermant la voie à son extrémité Est.
Le jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 12 avril 2006, qui a donné une telle autorisation, a été infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 septembre 2007, qui a rappelé que l'article 815-5 du Code civil, qui dérogeait à la règle de l'unanimité en permettant de substituer une autorisation judiciaire à celle que refusait un coïndivisaire, devait s'interpréter restrictivement, qu'il ne suffisait pas que Mme [L] établisse que l'opération projetée était utile ou avantageuse, et que la gêne et les désagréments ponctuels qu'occasionnait l'usage par tous de cette voie comme n'importe quelle voie communale, ne pouvaient être considérés comme mettant en péril l'intérêt commun des coïndivisaires.
Et alors que les époux [L] avaient néanmoins, par la suite, fait creuser une tranchée dans la parcelle et poser un grillage afin de fermer la voie en son côté Est, la même cour d'appel, statuant en référé, a, le 14 septembre 2010, ordonné le comblement du fossé et l'enlèvement du grillage, en considérant qu'en procédant aux travaux sans saisir au préalable le juge judiciaire, seul habilité à apprécier s'il existait des éléments nouveaux pouvant justifier la remise en cause de la chose précédemment jugée, Mme [L] avait causé à l'indivision un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du Code de procédure civile, qu'il convenait de faire cesser.
Eu égard à ces décisions, si le tribunal administratif de Rennes, saisi par la seule Mme [L] d'un litige l'opposant à la commune de [Localité 1] qui avait réalisé sur la voie en cause des marquages au sol, implanté des panneaux et un éclairage public, a pu dire le 29 mai 2015, en ordonnant à la commune de remettre les lieux en l'état, qu'il appartenait à Mme [L] de clore sa parcelle, cette décision est sans incidence sur les rapports de droit entre les coïndivisaires relativement au bien indivis.
Or, pas davantage que précédemment, Mme [L] ne démontre que les effets de l'ouverture de fait de la voie au public emportent une atteinte directe, flagrante et irrémédiable à la substance et à la valeur du bien indivis, rendant nécessaire la mise en oeuvre de mesures conservatoires et de nature à l'autoriser à agir sans l'accord de ses frères.
L'engagement de travaux pour édifier un mur de clôture sans l'autorisation des coïndivisaires ni celle du juge compétent pour y suppléer le cas échéant, constitue de nouveau un trouble manifestement illicite que le juge des référés peut faire cesser par la prescription des mesures de remise en état qui s'imposent.
L'ordonnance déférée doit être confirmée; la prétention des époux [L] au partage du coût des travaux d'édification du mur sera, par voie de conséquence, rejetée.
Pour autant, il n'est pas davantage établi que c'est par volonté de nuire ou même légèreté blâmable que les époux [L], qui ont cru pouvoir trouver dans le jugement du tribunal administratif du 29 mai 2015 une validation de leur position, ont agi comme ils l'ont fait, et la demande indemnitaire formée par M. [J] [G] et M. [S] [G] sur le fondement de la faute sera écartée.
- Sur les frais et dépens:
Il convient de condamner les époux [L] à payer à M. [J] [G] et à M. [S] [G], chacun, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les époux [L] seront encore condamnés aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Après rapport fait à l'audience;
Ecarte des débats les pièces communiquées par M. [S] [L] et Mme [W] [G], épouse [L], sous les numéros 27 et 28;
Confirme l'ordonnance déférée;
Condamne Mme [W] [G], épouse [L], et M. [S] [L] à payer à M. [J] [G] et à M. [S] [G], chacun, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Rejette toutes autres demandes;
Condamne Mme [W] [G], épouse [L], et M. [S] [L] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT