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07/06/2016 | FRANCE | N°15/07263

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 07 juin 2016, 15/07263


1ère Chambre





ARRÊT N° 274/2016



R.G : 15/07263













M. [J] [E]



C/



M. [U] [B]

M. [N] [I]

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



C

OUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 JUIN 2016





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



M. Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

M. Marc JANIN, Conseiller,

Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS...

1ère Chambre

ARRÊT N° 274/2016

R.G : 15/07263

M. [J] [E]

C/

M. [U] [B]

M. [N] [I]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 JUIN 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

M. Marc JANIN, Conseiller,

Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mai 2016

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Juin 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

M. [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Grégory MOUY, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Me [U] [B]

né en à

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Dominique DE FREMOND de l'ASSOCIATION PAGES,BRIAND , DE FREMOND & HUBERT, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [N] [I]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Francis POIRIER, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Jean-Luc DAMECOURT, Plaidant, avocat au barreau de COUTANCES

Exposé des faits et de la procédure et moyens et prétentions des parties

MM. [J] [E], [U] [B] et [N] [I] étaient notaires associés d'une SCP titulaire d'un office notarial situé à [Localité 2], [Adresse 4] dont les 900 parts sociales étaient ainsi réparties entre eux :

- [J] [E] : 378 parts, soit 42 % du capital,

- [N] [I] : 378 parts, soit 42 % du capital,

- [U] [B] : 144 parts, soit 16 % du capital.

Le 14 mars 2008, MM. [J] [E] et [N] [I] ont fait signifier à M. [U] [B] un projet de cession de leurs parts à deux notaires, Mes [V] et [S] pour chacun la somme de 650.000 €.

M. [B] n'a pas agréé l'offre de cession à M. [V] et a offert d'acheter les parts de M. [E] pour la somme de 400.000 €.

Par acte du 20 juillet 2009, M. [J] [E] a fait assigner M. [U] [B] devant le tribunal de grande instance de Coutances afin qu'il soit condamné à lui payer la somme de 650.000 € correspondant au prix de cession convenu avec un notaire tiers.

Le litige a évolué en cours de première instance, les trois associés ayant en définitive accepté de vendre leurs parts sociales à MM. [R] et [C] pour un prix de 1.120.000 €, ce qui représentait pour M. [E] un produit de vente de 470.000 €.

En conséquence, soutenant que l'opposition initiale de M. [U] [B] au projet de cession de ses parts à un tiers lui avait causé un préjudice de 179.600 €, M. [E] a demandé sa condamnation à cette somme augmentée d'une somme de 10.000 € pour son préjudice moral.

Par jugement en date du 29 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Coutances a :

débouté [J] [E] de ses demandes ;

débouté [U] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamné [J] [E] à payer à [U] [B] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné [J] [E] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [J] [E] a par acte du 7 février 2013 formé appel contre ce jugement devant la cour d'appel de Caen.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 1er septembre 2015, la procédure a en application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile été renvoyée devant la cour d'appel de Rennes.

Dans ses conclusions remises au greffe de cette cour le 15 mars 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [J] [E] demande à la cour de :

rejeter la fin de non-recevoir invoquée par M. [U] [B] tirée d'une prétendue transaction intervenue entre les parties,

dire M. [J] [E] recevable en toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal :

dire que M. [J] [E] s'est conformé aux dispositions de I'article 19 de la loi du 29 novembre 1966 et de I'article 27 du décret du 2 octobre 1967, la notification du projet de cession de ses parts sociales étant régulièrement intervenue auprès de la SCP [U] [B], [J] [E] et [N] [I] et de Monsieur [N] [I],

A titre subsidiaire :

dire que I'absence de notification régulière à la SCP [U] [B], [J] [E] et [N] [I] du projet de cession des parts sociales de M. [J] [E] est sans incidence, la SCP [U] [B], [J] [E] et [N] [I] ayant été informée du projet de cession qui lui est ainsi devenu opposable,

dire que l'absence de notification régulière à M. [N] [I] du projet de cession des parts sociales de M. [J] [E] est sans incidence, M [N] [I] ayant été informé du projet de cession qui lui est ainsi devenu opposable,

En tout état de cause :

dire que M. [U] [B] s'est opposé, de manière abusive, au projet de cession des parts de M. [J] [E] au profit de M. [V] ;

dire que M. [U] [B] a violé les dispositions légales et statutaires de la SCP [U] [B], [J] [E] et [N] [I] qui lui imposaient d'acquérir ou de faire acquérir, dans le délai de 6 mois à compter de la notification de son refus d'agrément en date du 5 mai 2008, les parts sociales de M. [J] [E] dont la cession avait été convenue avec M. [V],

réformer en conséquence, le jugement rendu, le 29 novembre 2012, par le tribunal de grande instance de Coutances en ce qu'il a débouté M. [J] [E] de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il l'a condamné à payer à M. [U] [B] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

condamner M. [U] [B] à verser à M. [J] [E] la somme de 179.600 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2008 en réparation du préjudice financier que celui-ci a subi en raison des agissements fautifs de M. [U] [B],

condamner M. [U] [B] à verser à M. [J] [E] la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral que celui-ci a subi en raison des agissements fautifs de M. [U] [B],

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] [B] de sa demande de condamnation de M. [J] [E] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

débouter M. [U] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et de son appel incident,

débouter M. [N] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner M. [U] [B] à payer à M. [J] [E] au titre des frais exposés et non compris dans les dépens une indemnité d'un montant de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner M. [U] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions remises au greffe de cette cour le 22 mars 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [U] [B] demande à la cour de :

débouter M. [E] de son appel ;

déclarer irrecevables ses demandes et en tout état de cause,

dire que la responsabilité de Me [B] n'est pas engagée et débouter M. [E] de toutes ses demandes ;

réformer partiellement le jugement et condamner M. [E] à payer à M. [B] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

le condamner au paiement d'une somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

- sur la fin de non recevoir tirée de l'existence d'une transaction :

Si cette fin de recevoir qui peut être soulevée à tout moment, est recevable en revanche, la preuve de l'existence d'une transaction résultant de la seule signature de la promesse de cession des parts sociales de la SCP le 23 décembre 2010 puis de l'acte lui-même le 8 avril 2011 et de l'échange préalables de mails faisant état d'une volonté de parvenir à un accord ou au moins à une suspension de l'action judiciaire en cours, n'est pas rapportée de sorte que la fin de non recevoir sera écartée.

- sur les fautes reprochées à M. [B] :

L'article 32 des statuts de la SCP dispose que l'associé qui veut céder ses parts notifie le projet de cession à la société et chacun des associés. Au cas de refus dûment notifié par la société ou un associé dans le délai de deux mois de la dernière notification, la cession ne peut avoir lieu mais si le cédant persiste dans son intention de céder ses parts, les associés ou la société sont tenus conformément à l'article 28 du décret du 2 octobre 1967 de lui racheter ses parts ou de lui présenter un nouveau cessionnaire dans un délai de six mois à compter de la notification du refus.

Après s'être vu signifier les projets de cession de leurs parts par MM. [J] [E] et [N] [I], par acte de Me [O], huissier de justice à [Localité 5], en date du 14 mars 2008, M. [U] [B] a par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 5 mai 2008, notifié à M. [J] [E] son refus d'agréer le projet de cession de ses parts à M. [T] [V].

Puis, par lettre du 30 septembre 2008, M. [U] [B] a proposé à M. [J] [E] d'acquérir ses parts au prix de 400.000 € au lieu de celui de 650.000 € prévu dans le projet de cession entre MM. [E] et [V].

Par lettre du 21 octobre 2008 adressée à M. [B], M. [E] lui a opposé un refus qualifié de définitif à cette offre et l'a assigné le 20 juillet 2009 devant le tribunal de grande instance de Coutances en paiement de la somme de 650.000 €.

Cependant, il résulte des pièces communiquées aux débats que les associés avaient au cours de l'année 2009, sous l'égide de la chambre départementale des notaires accepté que les parts fassent l'objet d'une évaluation par des experts amiables issues de la profession notariale qui en juin 2009 ont calculé l'actif net réévalué au 31 décembre 2008 à une somme de : ' 952 439 € ou 1.002 439 €'.

Cette expertise ne répondait pas cependant aux conditions exigées par l'article 28 alinéa 4 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application à la profession de notaire de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles disposant : ' A défaut d'accord entre les parties, le prix de cession est fixé par expert désigné dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil. Toute clause contraire à cet article est réputée non écrite'.

En conséquence, il appartenait aux parties en désaccord sur le prix de rachat par M. [B] des parts de ses associés soit de désigner un expert, soit en cas de désaccord entre elles, d'en demander la désignation au président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés et sans recours possible.

L'expert ainsi désigné aurait reçu mission de déterminer la valeur des droits sociaux d'un ou plusieurs associés, en étant tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et les modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou toute convention liant les parties.

En outre, les conclusions de l'expert, sauf erreur grossière, se seraient imposées aux parties, mettant un terme à toute contestation admissible.

En ne mettant pas en place cette procédure, seule applicable en cas de désaccord persistant sur le prix de cession des parts d'un associé, chacun des associés concernés et au premier chef, M. [E] est responsable du temps supplémentaire qui a été nécessaire pour finalement trouver d'autres notaires cessionnaires à un prix moindre que celui initialement convenu entre MM. [E] et [I] et deux premiers notaires.

M. [E] ne peut ainsi soutenir que M. [B] serait à lui seul responsable de cette situation en s'étant opposé de manière abusive au projet de cession initial de ses parts à M. [V] puisqu'il lui appartenait en application de la loi, du règlement et des statuts, en présence du désaccord persistant, d'agir en tant que partie la plus diligente pour obtenir la désignation d'une expert dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil, ce qu'il n'a pas fait, préférant assigner M. [B] en paiement de la somme de 650.000 € pour ensuite face à la réalité économique du dossier convenir d'un prix de cession moindre avec deux notaires, MM. [R] et [C] cessionnaires de la totalité des 900 parts de la SCP au prix global de 1.120.000 €.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] [E] de ses demandes.

- sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive:

L'instance engagée par M. [E] qui en tant que notaire ne pouvait ignorer déontologiquement les exigences légales, règlementaires et statutaires du processus par lequel un associé d'une SCP notariale peut céder ses parts dans le respect des droits de ses coassociés et qui s'est livré à des manoeuvres, parfois sous forme de délation, pour tenter de forcer son associé à acheter ses parts au prix qu'il avait fixé avec un notaire tiers avant que n'éclate la crise immobilière de 2009 qui a gravement touché les études notariales, démontre un esprit de nuire, certes alimenté par le climat de mésentente existant entre les associés qui ne peut lui être imputé en totalité, mais qu'il a cependant constamment manifesté dans une forme d'aveuglement, y compris lorsqu'il a exercé la voie de l'appel.

Cette attitude a été préjudiciable à M. [B] contraint de faire valoir ses moyens de défense dans une procédure longue et coûteuse.

De même, M. [I] s'est trouvé attrait dans cette instance dirigée contre M. [B] et a dû la subir jusqu'à l'instance d'appel alors que M. [J] [E] n'avait aucune demande à former contre lui dans cette même instance.

Aussi, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [B] et M. [I] de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et il sera alloué à chacun d'entre eux en réparation de leur préjudice personnel une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

M. [J] [E] qui échoue à nouveau dans ses demandes en appel sera condamné à payer à M. [U] [B], d'une part, une somme de 4.000 € et à M. [N] [I], d'autre part, une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera enfin condamné aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Coutances en date du 29 novembre 2012 sauf en ce qu'il a débouté MM. [U] [B] et [N] [I] de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne M. [J] [E] à payer à M. [U] [B] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Condamne M. [J] [E] à payer à M. [N] [I] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne M. [J] [E] à payer à M. [U] [B] la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [J] [E] à payer à M. [N] [I] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [J] [E] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/07263
Date de la décision : 07/06/2016

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°15/07263 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-07;15.07263 ?
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