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02/06/2016 | FRANCE | N°15/01671

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre des baux ruraux, 02 juin 2016, 15/01671


Chambre des Baux Ruraux





ARRÊT N° 25



R.G : 15/01671













M. [S] [X]

Mme [Q] [I] épouse [X]

SCI [X] [I]

SAS [S] [X]

SCEA LES SERRES ORVALTAISES



C/



SCEA VAL D'OR

















Expertise















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
>

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUIN 2016





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Maurice LACHAL, Président,

Madame Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Conseiller,

Madame Geneviève SOCHACKI, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise FOUVILLE, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :...

Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N° 25

R.G : 15/01671

M. [S] [X]

Mme [Q] [I] épouse [X]

SCI [X] [I]

SAS [S] [X]

SCEA LES SERRES ORVALTAISES

C/

SCEA VAL D'OR

Expertise

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUIN 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Maurice LACHAL, Président,

Madame Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Conseiller,

Madame Geneviève SOCHACKI, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise FOUVILLE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mars 2016

devant Monsieur Maurice LACHAL, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juin 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [S] [X]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurent BEZIE de la SCP LEXCAP, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ANGERS

Madame [Q] [I] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurent BEZIE de la SCP LEXCAP, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ANGERS

SCI [X] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurent BEZIE de la SCP LEXCAP, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ANGERS

SAS [S] [X]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Charles LOISEAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ANGERS

SCEA LES SERRES ORVALTAISES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Charles LOISEAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉE :

SCEA VAL D'OR, prise en la personne de son gérant M. [Y] [F]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me François-Xavier MICHEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

***********************

Faits et procédure :

M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] sont propriétaires des parcelles ZB [Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 3], la SCI [X]-[I] des parcelles ZE [Cadastre 4],[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] situées à [Localité 1]. Ces parcelles ont été exploitées par la SAS Val d'or plants, qui a édifié sur celles-ci des serres pour la production de jeunes plants. À la suite d'un sinistre non indemnisé, cette société s'est trouvée en difficultés et s'est rapprochée de son concurrent le groupe Briand. Dans ce cadre, le 12 juillet 2007, plusieurs conventions ont été signées : premièrement, une cession par la SAS Val d'or plants à la SCEA Val d'or de la clientèle, du matériel et des éléments incorporels ; deuxièmement, des conventions de location de serres sur les deux sites '[Localité 4]' et '[Localité 5]' jusqu'au 31 janvier 2011 avec une option d'acquisition possible par décision intervenant six mois auparavant ; troisièmement, un prêt à usage des terres.

Par jugement du13 mars 2009, une procédure de sauvegarde a été instituée au profit de la SCEA Val d'or. Avant le 31 août 2010, aucune option d'acquisition n'a été levée. Le 26 octobre 2010, un plan de continuation de la SCEA Val d'or a été admis judiciairement. Le 5 novembre 2010, une signature de deux avenants est intervenue entre les parties, les conventions antérieures poursuivant leurs effets jusqu'au 31 janvier 2014.

Fin 2012, le groupe Briand a été repris par M. [F]. Il s'en est suivi des tractations entre les parties, celles-ci convenant notamment le 4 décembre 2013 d'une nouvelle prorogation des conventions jusqu'au 31 août 2014.

Le 16 décembre 2013, la SCEA Val d'or a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Nantes d'une demande de reconnaissance de deux baux ruraux à son profit portant sur les parcelles mises à disposition dans les deux conventions de prêt à usage.

Par jugement en date du 5 janvier 2015, le tribunal paritaire des baux ruraux de Nantes a :

constaté l'intérêt à agir de la SCEA Val d'or et la recevabilité des demandes ;

dit que la SCEA Val d'or était titulaire de deux baux ruraux, soumis au statut du fermage, sur les parcelles objet des conventions du 12 février 2007 situées sur les sites de [Localité 4] et [Localité 5] ;

déclaré valables et dépourvues de vices du consentement les conventions conclues le 12 février 2007 ;

fixé la valeur locative, à effet au 1er février 2007, des parcelles sur le site de production de [Localité 4] à la somme annuelle de 125'500 € HT et des parcelles sur le site de [Localité 5] à la somme annuelle de 119'520 € HT ;

constaté que le montant des loyers trop perçus, sous réserve du versement effectif des loyers en cours, se chiffre à 1'345'731,67€ ;

condamné in solidum M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X], la SCI [X]-[I], la SAS [S] [X] et la SCEA Les Serres orvaltaises à régler la somme de 1'345'731,77 € à la SCEA Val d'or en remboursement des loyers trop perçus ;

dit que les sommes dues ne pourront porter intérêts à compter de la décision du tribunal ;

constaté l'absence de volonté manifeste de la SCEA Val d'or de donner congé des deux baux conclus à son profit ;

dit en conséquence que les baux conclus au profit de la SCEA Val d'or sur les sites de [Localité 4] et [Localité 5] sont d'une durée de neuf années consécutives et qu'ils courent jusqu'au 31 janvier 2016 ;

rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

condamné in solidum M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X], la SCI [X]-[I], la SAS [S] [X] et la SCEA Les Serres orvaltaises à régler une somme de 6000 € à la SCEA Val d'or sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X], la SCI [X]-[I], la SAS [S] [X] et la SCEA Les Serres orvaltaises ont fait appel de la décision.

La SCEA Les Serres orvaltaises étant détenue pour une part par M. [S] [X] et pour 2786 parts par la SAS Val d'or plants, (aux droits de laquelle vient désormais la SAS [S] [X], au sein de laquelle apparaissent comme associés outre M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X], leurs enfants [D], [M] et [O]), la SCEA Les Serres orvaltaises et la SAS [S] [X] sont alors intervenues séparément des autres appelants au cours de la procédure d'appel.

Moyens et prétentions des parties :

La SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] demandent à la cour de :

à titre principal,

constater l'existence d'une production industrielle ;

débouter la SCEA Val d'or de sa demande de requalification des conventions du 12 février 2007en bail rural soumis au statut du fermage ;

dire et juger que les conventions d'occupation en date du 12 février 2007 ont pris fin à la date du 31 août 2014 ;

ordonner l'expulsion de la SCEA Val d'or sous astreinte de 1000 € par jour de retard ;

fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 25'000 € par mois pour les deux sites ;

condamner la SCEA Val d'or à payer à la SCEA Les Serres orvaltaises, la SAS [S] [X], la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] une somme de 175'000 € correspondant à sept mois d'indemnités d'occupation de janvier 2015 à août 2015 à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir ;

à titre subsidiaire,

constater l'existence de convention de location de serres avec option d'achat en date du 12 février 2007 entre la SCEA Val d'or et la SCEA Les Serres orvaltaises et la SAS [S] [X] venant aux droits de la société Val d'or plants ;

dire juger que les conventions de location avec option d'achat en date du 12 février 2007 et ses avenants sont exonératoires de l'application du statut du fermage ;

débouter la SCEA Val d'or de sa demande de requalification des conventions du 12 février 2007en bail rural soumis au statut du fermage ;

dire et juger que les conventions d'occupation en date du 12 février 2007 ont pris fin à la date du 31 août 2014 ;

ordonner l'expulsion de la SCEA Val d'or sous astreinte de 1000 € par jour de retard ;

fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 25'000 € par mois pour les deux sites ;

condamner la SCEA Val d'or à payer à la SCEA Les Serres orvaltaises, la SAS [S] [X], la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] une somme de 175'000 € correspondant à sept mois d'indemnités d'occupation de janvier 2015 à août 2015 à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir ;

à titre infiniment subsidiaire,

en cas de requalification des conventions en bail rural,

constater la résiliation amiable des deux baux ruraux à la date du 31 août 2014 ;

dire et juger que la SCEA Val d'or est redevable du fermage jusqu'à la date de la résiliation amiable des baux et d'une indemnité d'occupation équivalente à ce montant jusqu'à la libération effective des lieux ;

fixer le prix du fermage à la somme mensuelle de 39'475 € pour les deux sites ;

ordonner l'expulsion de la SCEA Val d'or sous astreinte de 1000 € par jour de retard ;

condamner la SCEA Val d'or à payer à la SCEA Les Serres orvaltaises, la SAS [S] [X], la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] une somme de 388'425 € au titre de l'arriéré de fermage non payé ;

en cas de confirmation de l'absence de résiliation amiable des baux ruraux,

dire et juger que la SCEA Val d'or est redevable du paiement d'un fermage depuis le 1er février 2007 jusqu'à l'expiration du bail rural ;

fixer le prix du fermage à la somme mensuelle de 39'475 € pour les deux sites ;

condamner la SCEA Val d'or à payer à la SCEA Les Serres orvaltaises, la SAS [S] [X], la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] une somme 791'702,44 € au titre de l'arriéré de fermage non payé et d'une dette de fermage à la date du 31 août 2015 à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir ;

À titre encore plus subsidiaire,

constater que la SCEA Val d'or n'est pas titulaire d'une autorisation administrative à la date de la conclusion des deux baux ruraux;

constater la nullité des deux baux ruraux ;

ordonner l'expulsion de la SCEA Val d'or sous astreinte de 1000 € par jour de retard ;

dire et juger que la SCEA Val d'or est redevable du paiement d'un fermage depuis le 1er février 2007 et d'une indemnité d'occupation équivalente à ce montant jusqu'à la libération effective des lieux ;

fixer le prix du fermage à la somme mensuelle de 39'475 € pour les deux sites ;

condamner la SCEA Val d'or à payer à la SCEA Les Serres orvaltaises, la SAS [S] [X], la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] une somme 791'702,44 € au titre de l'arriéré de fermage non payé et d'une dette de fermage à la date du 31 août 2015 à parfaire en fonction de la date de l'arrêt à intervenir ;

en tout état de cause,

constater le caractère non contradictoire du rapport d'expertise de M. [K] ;

si la cour estime nécessaire, ordonner une mesure d'expertise judiciaire pour fixer la valeur du prix du fermage et établir les comptes entre les parties ;

rejeter toutes prétentions contraires ;

condamner la SCEA Val d'or à payer à la SCEA Les Serres orvaltaises, la SAS [S] [X], la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] une somme 5000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et une somme de 8000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

La SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] exposent que les activités de la SCEA Val d'or relèvent davantage d'une production industrielle que d'une production agricole au regard des investissements effectués. Ils ajoutent que les locations avec option d'achat ne sont pas soumises au statut du fermage. Ils précisent que de toutes façons les conventions de locations ont pris fin de manière conventionnelle. Enfin, ils rappellent que la SCEA Val d'or n'a pas obtenu l'autorisation d'exploiter et que les baux ruraux seraient nuls.

La SCEA Les Serres orvaltaises et la SAS [S] [X] font leurs les conclusions des appelants tout en demandant à la cour de dire et juger que la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] devront les relever indemnes de toutes condamnations prononcées à leur encontre. Elles sollicitent en outre une somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles expliquent qu'il a été défini au sein des structures sociétaires de considérer que les engagements pris en 2007 engagent M.[S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] personnellement.

En réponse, la SCEA Val d'or demande à la cour de :

confirmer le jugement déféré ;

dire et juger que la SCEA Val d'or est titulaire de deux baux ruraux soumis au statut du fermage :

bail portant sur les parcelles ZE[Cadastre 8], ZE[Cadastre 9], ZE[Cadastre 10] et ZE[Cadastre 11] pour partie appartenant à la SCI [X]-[I] ;

bail portant sur les parcelles ZB[Cadastre 12], ZB[Cadastre 13] et ZB[Cadastre 14] appartenant à M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] ;

dire et juger que les baux ont pris effet le 1er février 2007 pour une durée de neuf années consécutives et qu'ils se sont renouvelés à compter du 1er février 2016 ;

fixer le montant du fermage à compter du 1er février 2007 aux montants suivants

site de [Localité 4] : 125'500 € hors taxes/an ;

site de [Localité 5] : 119'520 € hors-taxes /an ;

constater que la SCEA Val d'or a trop versé au titre des loyers la somme de 1'345'731,77 € ;

condamner en conséquence conjointement et solidairement la SAS [S] [X], la SCEA Les Serres orvaltaises, la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] au remboursement de loyers la somme de 1'345'731,67 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2015, date du jugement ;

débouter la SAS [S] [X], la SCEA Les Serres orvaltaises, la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

condamner la SAS [S] [X], la SCEA Les Serres orvaltaises, la SCI [X]-[I], M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] au paiement d'une somme de 8000 € en sus de la somme de 6000 € allouée par le tribunal sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La SCEA Val d'or expose que la production de plants maraîchers est une activité agricole. Elle ajoute qu'elle n'a pas été liée à ses adversaires par des contrats de crédit-bail, tout au plus un crédit-bail mobilier sur les serres. Elle rappelle qu'elle a obtenu une autorisation d'exploiter et que la durée minimale d'un bail rural est de neuf ans, qu'une résiliation amiable ne peut se faire que sous certaines conditions et qu'en l'absence de congé, les baux ont été renouvelés.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience.

Sur quoi, la cour

Le 12 février 2007, à effet au 1er février 2007, concomitamment, d'une part, la SAS Val d'or plants et la SCEA Val d'or ont signé des conventions de location de serres sur les deux sites '[Localité 4]' et '[Localité 5]' jusqu'au 31 janvier 2011 avec une option d'acquisition possible par décision intervenant six mois auparavant, d'autre part, au profit de la SCEA Val d'or, la SCI [X]-[I] a prêté à titre de prêt à usage gratuit les terres et bâtiments situés à '[Localité 4]' et M. [S] [X] et Mme [Q] [I] épouse [X] ont prêté dans les mêmes conditions les terres et bâtiments situés à [Localité 5].

1. Les appelants reprochent au tribunal paritaire d'avoir considéré que ces conventions s'analysaient comme étant des baux ruraux alors que la production faite en ces lieux est industrielle et non agricole.

Aux termes de l'article L. 311 ' 1 du code rural et de la pêche maritime, sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. De plus, l'article L. 415 ' 10 du même code précise expressément que les dispositions du titre du code relatif au statut du fermage s'appliquent aux baux d'établissements horticoles et de cultures maraîchères. L'activité de production de plants maraîchers exercée par la SCEA Val d'or constitue donc une activité agricole au sens de ces textes, même si les technologies développées permettent une production que certains qualifient d'industrielle.

Enfin, les appelants versent aux débats un rapport d'expertise non contradictoire établi à leur demande par les cabinets Genevaise et Morin qui se targuent d'être les spécialistes du secteur du maraîchage et de l'horticulture. Ce rapport critique le rapport établi par le cabinet [K], à la demande de l'intimée, et soutient qu'il n'existe pas d'arrêté préfectoral en matière de location de serres verre. Or, la SCEA Val d'or verse aux débats les arrêtés préfectoraux des Yvelines, des Alpes maritimes et du Loiret qui tendraient à démontrer le contraire.

2. Les appelants considèrent que les conventions s'analysent en des contrats de crédit-bail immobilier qui ne peuvent être soumis au statut du fermage.

Cependant, l'économie du contrat de crédit-bail immobilier telle qu'elle ressort des dispositions du code monétaire et financier permet au crédit-preneur de financer progressivement l'acquisition de son unité de production et de parfaire cette acquisition à l'issue du contrat pour un montant convenu lors de la signature du contrat. Or, en l'espèce, les stipulations conventionnelles ne permettent pas à la SCEA Val d'or d'acquérir progressivement l'ensemble des biens exploités mais seulement d'acquérir les serres, sans les terres sur lesquelles ces serres sont installées, en fin de contrat. Les conventions de location avec option d'achat signées ne peuvent donc s'analyser en des opérations de crédit-bail immobilier.

3. Aux termes de l'article L. 411 ' 1 du code rural et de la pêche maritime, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311 ' 1 est régie par les dispositions du statut du fermage, ces dispositions étant d'ordre public.

Il ressort de l'ensemble des conventions signées le 12 février 2007 que les appelants ont mis à disposition de la SCEA Val d'or des terres et les bâtiments d'exploitation s'y rapportant notamment des serres, et ce, à titre onéreux, des loyers mensuels étant expressément stipulés. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a requalifié ces conventions en baux ruraux concernant chacun des deux sites d'exploitation.

4. Les appelants soutiennent que les baux ruraux sont nuls, la SCEA Val d'or n'ayant pas eu une autorisation administrative d'exploiter au commencement du bail en 2007.

Il ressort de la combinaison des articles L. 331 ' 6 et L. 331 ' 7 du code rural et de la pêche maritime que l'absence d'autorisation d'exploiter au moment de la conclusion du bail est régularisable et que seul le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation dans le délai imparti par l'autorité administrative emporte la nullité du bail que le préfet du département ou le bailleur peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.

La SCEA Val d'or produit une autorisation d'exploiter qui lui a été accordée le 24 janvier 2014. Désormais, la nullité des baux ne peut plus être prononcée.

5. Les appelants soutiennent que la SCEA Val d'or a résilié à la date du 31 août 2014 les conventions de location.

Par application de l'article L. 411 ' 5 du code rural et de la pêche maritime, la durée d'un bail rural ne peut être inférieure à neuf ans, nonobstant toute clause ou convention contraire. Cependant, le preneur peut renoncer valablement à un bail à la condition que cette renonciation soit certaine et explicite.

Comme l'a relevé le premier juge, les échanges de courrier entre les parties démontrent des tergiversations de la part de la SCEA Val d'or, celle-ci attendant même une prorogation des locations au-delà du 30 septembre 2014 comme cela ressort d'un courrier du 29 octobre 2013. Dans ces conditions, le tribunal paritaire a justement retenu qu'il n'y avait pas eu de résiliation amiable des conventions à la date du 31 août 2014 et qu'il y avait lieu de fixer la durée des baux du 1er février 2007 au 31 janvier 2016. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

En l'absence de congé pour cette dernière date, les baux ont été reconduits pour une nouvelle période de neuf ans.

6. Les parties sont en désaccord sur le prix du bail. Les conclusions des expertises amiables produites de part et d'autre sont contradictoires. Il y a donc lieu d'ordonner une expertise pour chiffrer le prix du bail. Il sera sursis à statuer sur la fixation du loyer et le compte entre les parties.

Les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mixte, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la SCEA Val d'or était titulaire de deux baux ruraux soumis aux statuts du fermage, ayant commencé à courir le 1er février 2007 à échéance du 31 janvier 2016, sur les parcelles objets des conventions du 12 février 2007, situées commune d'[Localité 1], lieudits [Localité 4] et [Localité 5] ;

Y ajoutant,

Dit que ces deux baux ont été reconduits pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er février 2016 ;

Infirme le jugement déféré sur la valeur locative, sur le compte entre les parties, sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur ces points,

Avant dire droit sur la valeur locative et le compte entre les parties,

Ordonne une expertise ;

Commet pour y procéder M. [N] [L], expert inscrit sur la liste établie par la cour d'appel de Rennes, demeurant [Adresse 4], lequel après avoir consulté tout document utile qu'il se sera fait remettre, à charge d'en indiquer la source et après avoir entendu les parties, dont les observations et les réclamations écrites seront consignées dans le rapport d'expertise,

aura pour mission de :

- se rendre sur les lieux à [Localité 1] (Loire-Atlantique), après avoir préalablement convoqué les parties et leurs conseils ;

- décrire les lieux, les photographier ;

- donner des éléments permettant de chiffrer le prix de chacun des baux ruraux ;

- établir un compte entre les parties ;

- faire toutes investigations utiles et entendre tous sachants ;

- donner tout élément susceptible de permettre à la cour de solutionner le litige ;

Désigne M. Lachal, président de chambre, et, à défaut, tout magistrat de la 5ème chambre de la cour d'appel, comme magistrat chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit que l'expert fera connaître son acceptation ou son refus d'exécuter l'expertise dans un délai de huit jours après avoir pris connaissance de l'arrêt le désignant ;

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, il sera pourvu au remplacement de l'expert par une ordonnance rendue sur simple requête ou d'office ;

Dit que l'expert devra, dans le mois de la première réunion d'expertise, adresser au magistrat commis, en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée et au vu des diligences faites ou à venir, un état prévisionnel détaillé du coût de l'expertise entreprise et pourra demander la consignation d'une provision supplémentaire ;

Dit que de toutes ses opérations et constatations, l'expert dressera un rapport en deux exemplaires originaux qu'il déposera au greffe de la cour avant le 16 janvier 2017, date de rigueur, (sauf prorogation des opérations dûment autorisée sur demande expresse de l'expert au magistrat commis, et que ce dépôt sera précédé par la communication aux parties, au moins un mois auparavant d'un pré-rapport, l'expert devant répondre dans son rapport définitif aux observations ou réclamations des parties ;

Rappelle que l'expert devra mentionner dans son rapport qu'il a délivré une copie de celui-ci aux parties et aux avocats ;

Rappelle qu'en cas de difficultés ou de nécessité d'une extension de la mission, l'expert devra en référer au magistrat commis ;

Fixe à 3 000 € le montant de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert, somme qui sera consignée au greffe de la cour avant le 4 juillet 2016 par la SCI [X]-[I], à défaut de quoi il sera fait application de l'article 271 du code de procédure civile ;

Renvoie la procédure à l'audience du jeudi 05 janvier 2017 à 9 heures ;

Réserve les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre des baux ruraux
Numéro d'arrêt : 15/01671
Date de la décision : 02/06/2016

Références :

Cour d'appel de Rennes BR, arrêt n°15/01671 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-02;15.01671 ?
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