1ère Chambre
ARRÊT N° 218/2016
R.G : 15/02337
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DES PROPRIÉTAIRES RIVERAINS DU PARKING D'[Localité 1]
C/
VILLE DE RENNES
Statue à nouveau en faisant droit à la demande en tout ou partie
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 MAI 2016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Xavier BEUZIT, Président,
M. Marc JANIN, Conseiller,
Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Février 2016
devant Mme Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Mai 2016 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré prévu initialement le 5 avril 2016, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTE :
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DES PROPRIÉTAIRES RIVERAINS DU PARKING D'[Localité 1], représentée par son syndic la SAS GESTION SYNDICALE MODERNE, domiciliée en cette qualité
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE/SINQUIN/DAUGAN/QUESNEL, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Communauté d'agglomération RENNES MÉTROPOLE, ayant son siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Johanna AZINCOURT de la SELARL PHILIPPE OLIVE - JOHANNA AZINCOURT, avocat au barreau de RENNES
Par acte du 31 mai 2011, la Ville de Rennes a fait assigner l'Association Syndicale Libre (ASL) des propriétaires riverains du parking d'[Localité 1] aux fins d'annulation de l'assemblée générale du 04 février 2011 et des délibérations votées.
Par acte du 07 novembre 2011, la Ville de Rennes a fait assigner l'ASL aux fins d'annulation de l'assemblée générale du 27 mai 2011 et des délibérations votées.
Par acte du 08 avril 2013, la Ville de Rennes a assigné l'ASL afin de demander l'annulation de l'assemblée générale du 08 juin 2012 et des délibérations votées.
Les procédures ont été jointes.
Le litige se situe dans le contexte d'une procédure d'expropriation par la Ville de Rennes des titulaires de droits sur les parkings d'[Localité 1], qui a donné lieu à de nombreuses décisions des juridictions administratives et judiciaires. La Ville considère être titulaire des droits de vote suite aux expropriations, accords amiables et décisions de retrait qui n'ont pas été contestés malgré la possibilité offerte par les décisions des juridictions administratives ayant annulé les arrêtés de cessibilité, ce qui lui conteste l'ASL, qui en outre soulève son absence d'intérêt à agir, n'ayant pas voté contre les délibérations prises dans les assemblées contestées.
Par jugement du 10 février 2015, le tribunal de grande instance de Rennes a :
déclaré recevable l'action de la Ville de Rennes,
déclaré nulles les assemblées générales des 04 février 2011, 27 mai 2011 et 08 juin 2012 et consécutivement nulles les délibérations y ayant été votées,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
condamné l'ASL à payer à la Ville de Rennes la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné l'ASL aux dépens.
Appelante de ce jugement, l'ASL des propriétaires riverains du parking d'[Localité 1], par conclusions du 23 septembre 2015, a demandé que la Cour :
infirme le jugement déféré,
dise que la Communauté d'Agglomération Rennes Métropole doit justifier qu'elle vient aux droits de la Ville de Rennes et est valablement représentée devant la Cour,
dise irrecevable l'action introduite par la Ville de Rennes et subsidiairement, mal fondée,
la déboute de ses demandes,
déclare irrecevable, comme nouvelle en appel, la demande de la Communauté d'Agglomération tendant à être déclarée titulaire des droits de vote qui, selon ses allégations, auraient été perdus par les co-syndicataires ne disposant plus d'emplacement de stationnement dans le parking d'[Localité 1],
subsidiairement, l'en déboute,
la condamne au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
la condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.
Par conclusions du 22 juillet 2015, la communauté d'agglomération Rennes Métropole a sollicité que la Cour :
confirme le jugement déféré,
y ajoutant, dise qu'elle est titulaire des droits de vote des co-syndicataires expropriés ou ayant signé un traité d'adhésion,
la condamne à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des prétentions de la communauté d'Agglomération Rennes Métropole :
Il n'est plus contesté que la communauté d'Agglomération Rennes Métropole vienne aux droits de la Ville de Rennes.
Si lors des trois assemblées générales contestées, la Ville de Rennes n'a pas pris part aux votes sur les délibérations, elle avait toutefois, lors de chaque assemblée et préalablement à tout vote, indiqué contester la titularité des droits de vote et la possibilité que puisse voter un certain nombre de personnes.
Il en résulte qu'il ne peut être soutenu qu'elle n'aurait pas intérêt à agir en annulation de délibérations qu'elle n'aurait pas contestées et que son action est recevable.
Le jugement est par conséquent, confirmé de ce chef.
Sur la demande d'annulation des assemblées générales :
La Communauté d'Agglomération Rennes Métropole conteste qu'aient pu prendre part aux votes des syndicataires ayant été expropriés de leurs droits sur les emplacements de stationnement ou lui ayant cédé leurs droits dans le cadre d'accords amiables.
En vertu de l'article 1 des statuts de l'association syndicale libre des parkings d'[Localité 1], sont membres de cette association les propriétaires des immeubles de commerce et de bureaux riverains du garage, dénommé Parking d'[Localité 1] et bénéficiant, en vertu d'accord passé avec la SEMAEB (nb : alors propriétaires des parkings), d'emplacements individualisés ou non de ce garage.
Plus précisément, lors de l'acquisition de l'un des lots de copropriété des immeubles riverains desservis par le parking, les acquéreurs ont versé à la SMAEB une redevance leur ouvrant droit, dans la limite des places disponibles et sans qu'une réservation quelconque de ces droits puisse être garantie, à l'accès à des places de stationnement, soit banalisées soit privatisées.
Par acte notarié du 15 décembre 2000, la SEMAEBE a rétrocédé gratuitement à la Ville de Rennes le parc de stationnement précité.
La Ville de Rennes a alors mis en 'uvre une procédure d'expropriation des emplacements de stationnement et les titulaires de droits sur les emplacements ont soit accepté de procéder à des cessions amiables dans le cadre de cette procédure, soit fait l'objet de décisions judiciaires d'expropriation.
Par arrêt du 04 décembre 2007, la cour administrative d'appel de Nantes a rappelé que les droits d'occupation conférés par la SEMAEB sur les emplacements de stationnement ne constituaient pas des droits réels immobiliers de nature à faire l'objet d'une expropriation et, pour ce motif, a annulé les arrêtés préfectoraux fondant la procédure d'expropriation, qui consécutivement, a été anéantie.
Certains des titulaires de droits ayant fait l'objet de décisions judiciaires d'expropriation en ont consécutivement poursuivi et obtenu l'annulation devant les juridictions judiciaires ; le droit de vote de ces derniers n'est pas remis en cause par Rennes Métropole.
En revanche, est remis en cause, sur le fondement des articles L12-1 et L12-2 anciens du code de l'expropriation, le droit de vote des titulaires expropriés n'ayant pas demandé l'annulation des décisions d'expropriation, Rennes Métropole soutenant qu'à défaut de toute procédure intentée sur le fondement des dispositions de l'article L12-5 du code précité par les expropriés pour faire constater le défaut de base légale de l'ordonnance portant transfert de propriété, celui-ci serait devenu définitif.
Elle se fonde pour cela sur les dispositions des articles L12-1 et L12-2 anciens du code de l'expropriation qui prévoient que « Le transfert de propriété des immeubles ou droits réels est opérée par voie d'ordonnance » et que « L'ordonnance d'expropriation éteint par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés ».
Toutefois, ainsi qu'il vient d'être rappelé, les titulaires de droits n'étaient pas propriétaires des emplacements de stationnement et donc, aucun transfert d'une quelconque propriété n'a pu résulter des ordonnances d'expropriation, de la même façon que n'ont pu être éteints des droits réels sur des immeubles expropriés puisque qu'il n'y avait pas d'immeuble à exproprier mais une simple convention d'occupation à dénoncer.
Il en résulte que les ordonnances d'expropriation ne sont d'aucun effet sur les droits concédés sur les emplacements de stationnement.
S'agissant des titulaires de droit ayant signé avec la Ville de Rennes un accord amiable intitulé « traité d'adhésion », il est certain que ceux-ci ont pour objet la cession des « droits réels immobiliers » de leurs signataires et l'acceptation par ces derniers de « l'offre d'indemnité d'expropriation » de la ville de Rennes. Pour autant, ces conventions manifestent la volonté des titulaires des droits de renoncer à ceux-ci, quelle qu'en soit la nature, moyennant paiement reçu de la Ville de Rennes.
Dès lors, les signataires des contrats d'adhésion ont incontestablement perdu tout droit sur les emplacements de garage et ne remplissent plus la seconde condition requise pour être membres de l'association syndicale libre, soit le fait de bénéficier d'un emplacement de garage, individualisé ou non, dans les parkings d'[Localité 1].
Or, à l'examen des feuilles de présence et mandats des assemblées générales de 2011, il apparaît que des signataires de contrats d'adhésion ont pris part aux votes :
par exemple, pour l'assemblée générale du 04 février 2011, M. [L] [P] et M. [G],
par exemple pour l'assemblée générale du 27 mai 2011, M. [G] et la SCI Le Davier.
S'agissant de l'assemblée générale du 08 juin 2012, ses feuilles de présence n'ont pas été versées aux débats mais l'examen du procès-verbal des délibérations démontre que le représentant de la ville de Rennes y contestait la présence de syndicataires ayant signé un contrat d'adhésion tandis que l'appelante ne conteste pas qu'ils aient pris part aux votes.
En conséquence de ce qui précède, sont annulées les trois assemblées générales précitées et leurs délibérations et le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur la titularité des droits de vote revendiquée par Rennes MÉTROPOLE :
Cette demande est présentée pour la première fois en cause d'appel, Rennes Métropole s'étant bornée devant le premier juge à demander l'annulation des délibérations des assemblées générales.
Elle était toutefois virtuellement contenue dans ses conclusions de première instance, lesquelles indiquaient « c'est donc bien que ceux qui ne sont plus soit titulaires de place banalisées soit titulaires de places individualisées ne peuvent plus avoir de droits de vote à l'assemblée, ce droit ayant été transféré à la Ville de Rennes », et sont donc le complément des prétentions visant à l'annulation des délibérations des assemblées générales.
Par conséquent, il convient de les déclarer recevables.
Consécutivement aux motifs qui précèdent, Rennes Métropole ne peut se prévaloir de la titularité des droits de vote des syndicataires ayant fait l'objet d'ordonnances d'expropriation et seules doivent être examinées les conséquences des traités d'adhésion.
A cet égard, l'association conteste qu'en tout état de cause, Rennes Métropole remplisse la première condition posée par les statuts de l'ASL et plus précisément, lui conteste la qualité de « propriétaires des immeubles de commerce et de bureaux riverains du garage dénommé Parking d'[Localité 1] ».
A l'examen des différentes décisions judiciaires rendues dans ce dossier, cette condition maladroitement rédigée s'entendait comme la qualité de propriétaire de l'un des lots à usage de commerce ou de bureau des immeubles placés sous le régime de la copropriété et riverains du garage.
A cet égard, la qualité de propriétaire du parc de stationnement W2, conféré à Rennes Métropole par l'acte authentique du 22 décembre 2000, ne se confond pas avec la qualité de propriétaire de l'un des lots à usage de commerce ou de bureaux des copropriétés voisines.
Or, Rennes Métropole ne démontre par aucune pièce être propriétaire d'un de ces lots.
Par conséquent, elle ne peut prétendre être membre de l'association syndicale au titre des droits acquis par les contrats d'adhésion et est déboutée de ses demandes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'association syndicale libre succombant dans son recours, elle supportera la charge des dépens d'appel, sans toutefois qu'il soit fait droit à la demande de frais irrépétibles de Rennes Métropole, qui succombe elle-même partiellement.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement déféré.
Y ajoutant :
Déclare recevable les prétentions de la Communauté d'Agglomération Rennes Métropole visant à être déclarée titulaire des droits de vote des syndicataires ayant fait l'objet d'ordonnances d'expropriation ou ayant signé des traités d'adhésion.
L'en déboute.
Condamne l'Association Syndicale Libre des propriétaires riverains du parking d'[Localité 1] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.
Dit que chacune des parties gardera à sa charge ses propres frais irrépétibles.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT