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19/04/2016 | FRANCE | N°15/02799

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 19 avril 2016, 15/02799


1ère Chambre





ARRÊT N° 187/2016



R.G : 15/02799













Sci LA TOURANGELLE



C/



M. [S] [X]

M. [C] [Y]

M. [M] [P]

M. [K] [F]

Mme [I] [M]

M. [B] [V]

M. [H] [U]

Mme [O] [G] épouse [J]

M. [D] [J]

Mme [L] [E] épouse [U]

Mme [Q] [V] épouse [V]

Mme [N] [A] épouse [F]

Mme [Z] [I] épouse [Y]

Mme [Y] [B] épouse [X]

Sci DU CHANTILLY

Sci YSENGRIN








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Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 AVRIL 2016



...

1ère Chambre

ARRÊT N° 187/2016

R.G : 15/02799

Sci LA TOURANGELLE

C/

M. [S] [X]

M. [C] [Y]

M. [M] [P]

M. [K] [F]

Mme [I] [M]

M. [B] [V]

M. [H] [U]

Mme [O] [G] épouse [J]

M. [D] [J]

Mme [L] [E] épouse [U]

Mme [Q] [V] épouse [V]

Mme [N] [A] épouse [F]

Mme [Z] [I] épouse [Y]

Mme [Y] [B] épouse [X]

Sci DU CHANTILLY

Sci YSENGRIN

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 AVRIL 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Xavier BEUZIT, Président,

M. Marc JANIN, Conseiller,

Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport

GREFFIER :

Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Mars 2016

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Avril 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Sci LA TOURANGELLE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Vincent CHUPIN, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

M. [S] [X]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 2] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

M. [C] [Y]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

M. [M] [P]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

M. [K] [F]

né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 4]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [I] [M]

née le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

M. [B] [V]

né le [Date naissance 6] 1950 à [Localité 4]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

M. [H] [U]

né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 8] (ALLEMAGNE)

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [O] [G] épouse [J]

née le [Date naissance 7] 1974 à [Localité 10]

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

M. [D] [J]

né le [Date naissance 6] 1973 à [Localité 12]

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [L] [E] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 13]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [Q] [V] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 14]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [N] [A] épouse [F]

née le [Date naissance 8] 1948 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [Z] [I] épouse [Y]

née le [Date naissance 7] 1954 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Mme [Y] [B] épouse [X]

née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 16]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

SCI DU CHANTILLY représentée par son représentant légal domicilité en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Sci YSENGRIN représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Hervé BOULANGER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

La Sci La Tourangelle, dont le gérant est M. [A] [O], ancien notaire, est associée de la Sci du Chantilly, dont elle détient 510 parts sur 6170.

Par acte des 08 et 21 mars 2012, la Sci La Tourangelle a assigné la Sci du Chantilly, ainsi que les autres associés de celle-ci, soit M. [S] [X] et son épouse née [Y] [B], la Sci Ysengrin, M. [C] [Y] et son épouse née [Z] [I], M. [M] [P], M. [K] [F] et son épouse née [N] [A], Mme [I] [M], M. [B] [V] et son épouse née [Q] [V], M. [H] [U] et son épouse née [L] [E], M. [D] [J] et son épouse [O] [G], devant le tribunal de grande instance de Nantes afin que celui-ci :

autorise son retrait de la Sci du Chantilly,

dise que la Sci du Chantilly sera tenue de l'indemniser de la valeur de ses parts sociales et sursoit à statuer sur leur montant jusqu'à la désignation, par le président du tribunal, de l'expert prévu par les dispositions de l'article 1843-4 du code civil et la remise de son rapport,

condamne la Sci du Chantilly à lui payer diverses sommes correspondant à des distributions de réserves et à des quote-parts sur bénéfices.

Par jugement du 22 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Nantes a :

rejeté les demandes de la Sci La Tourangelle,

condamné cette dernière à payer à la Sci du Chantilly la somme de 2.556,72 euros au titre des charges des exercices 2009 et 2010,

condamné la Sci La Tourangelle à payer à la Sci du Chantilly la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la Sci La Tourangelle aux dépens de première instance avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Appelante de ce jugement, la Sci La Tourangelle, par conclusions du 26 janvier 2016, a sollicité que la Cour :

infirme le jugement déféré,

autorise le retrait total de la Sci La Tourangelle de la Sci du Chantilly,

dise que la Sci du Chantilly sera tenue de l'indemniser de la valeur de ses parts sociales et sursoit à statuer sur leur montant jusqu'à la désignation, par le président du tribunal, de l'expert prévu par les dispositions de l'article 1843-4 du code civil et la remise de son rapport,

lui donne acte de ce qu'elle saisira, à cette fin, le président du tribunal de grande instance de Nantes,

condamne la Sci du Chantilly à lui payer, avec intérêts légaux à compter des conclusions et anatocisme, les sommes de :

1.405,19 euros au titre de la distribution de réserves votées le 22 octobre 2009,

5.539,74 euros au titre de sa quote-part de bénéfices sur l'exercice 2009, 1.319,74 euros au titre du solde pour l'exercice 2010, 6.904,18 euros pour l'exercice 2011, 6.841,77 euros pour l'exercice 2012 et 6.498,99 euros pour l'exercice 2013,

annule les assemblées générales de la société du Chantilly en leurs résolutions qui ont approuvé les comptes des exercices 2010 à 2014 inclus, et la répartition des résultats contraire aux statuts qui en résulte dont, notamment, les assemblées des 12 avril 2012, 16 décembre 2013, 24 avril 2014 et 27 avril 2015,

rappelle que la société du Chantilly sera tenue de lui verser sa quote-part des bénéfices tant que son retrait ne sera pas devenu définitif et le prix de ses parts payées, et au besoin, l'y condamner,

condamne la société du Chantilly à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et de 8.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

la condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance,

la déboute de toutes ses demandes.

Par conclusions du 1er Février 2016, la Sci du Chantilly ainsi que M. [S] [X] et son épouse née [Y] [B], la Sci Ysengrin, M. [C] [Y] et son épouse née [Z] [I], M. [M] [P], M. [K] [F] et son épouse née [N] [A], Mme [I] [M], M. [B] [V] et son épouse née [Q] [V], M. [H] [U] et son épouse née [L] [E], M. [D] [J] et son épouse [O] [G] ont sollicité que la Cour :

déboute la Sci La Tourangelle de ses demandes,

la condamne au paiement de la somme de 1.518,14 euros au titre des exercices 2011-2012 et 2013,

la condamne au paiement de la somme de 4.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'examen des pièces versées aux débats permet de comprendre que la Sci du Chantilly a été créée le 14 mars 1997 par différentes personnes physiques ayant acquis un terrain sur lequel elles souhaitaient édifier un bâtiment à usage professionnel et commercial qui serait donné en location (l'objet social de la société étant précisément défini comme étant cette opération). Les statuts en ont été rédigés par Me [O], notaire.

Trois des associés sont devenus cogérants ; ils ont toutefois délégué les opérations effectives de gestion à Me [O], qui a été rémunéré chaque année à cette fin.

Le 28 mars 1999, Me [O] a lui-même acquis des parts de la Sci du Chantilly par l'intermédiaire d'une société civile familiale dont il assure la gérance, la Sci La Tourangelle.

Bien que les associés aient choisi la forme de la société civile, l'immeuble a, en fait, toujours été géré de façon semblable à une copropriété : chaque associé s'est vu donner à bail, par la Sci du Chantilly, une cellule commerciale brute dont il a financé lui-même les aménagements et qu'il a sous-loué personnellement, en disposant ainsi d'une certaine autonomie dans la gestion de sa cellule ; les charges réparties entre les associés, après perception de leurs loyers, s'apparentaient alors à des charges de copropriété, même si les comptes (loyers perçus des associés et charges réparties) étaient nécessairement globalisées en fin d'année compte tenu de la forme de la Sci du Chantilly.

Il est dès lors particulièrement surprenant que désormais la Sci La Tourangelle se prévale du fait que la Sci du Chantilly soit une société de gestion et que la répartition des bénéfices doivent se faire dans la stricte proportion des parts que chaque associé détient.

Ainsi, le 28 avril 2006, elle avait conclu avec un tiers une promesse de vente synallagmatique, non pas de ses parts sociales mais « d'un local d'une superficie de 51 m² de locaux de bureaux ' »; la promesse rappelait que la société venderesse avait donné ce local à bail à une société Coryphène ; elle contenait l'engagement de la société venderesse soit d'obtenir la dissolution de la Sci du Chantilly et l'attribution des murs à son profit, soit d'obtenir l'accord de la Sci du Chantilly pour la cession des murs, soit de se retirer de la Sci du Chantilly et de se faire attribuer en représentation de ses parts les murs dont dépendaient les locaux vendus afin que l'acquéreur puisse en devenir propriétaire incommutable et en toute propriété.

En raison du refus des autres associés, la vente n'a pas pu être réitérée.

L'année 2008 a vu coïncider le départ à la retraite de Me [O] et sa volonté, ès-qualité de gérant de la Sci la Tourangelle, de se retirer de la Sci du Chantilly.

A compter du départ à la retraite de Me [O], Me [C], son ancien associé, s'est vu confier la gestion de la Sci du Chantilly par les co-gérants.

L'assemblée générale extraordinaire du 15 mai 2008, à laquelle la Sci La Tourangelle était présente, a voté à l'unanimité une délibération selon laquelle il était « envisagé », qu'à partir de janvier 2009, les associés qui le souhaitent puissent se retirer de la société en demandant l'attribution à leur profit du local dont ils sont occupants.

L'assemblée générale du 18 décembre 2008, à laquelle la Sci La Tourangelle était présente, a voté à l'unanimité :

le refus d'accepter le retrait d'un associé en raison du coût fiscal (TVA et plus-value) d'une telle opération pour la société, et le report de cette possibilité à une date à laquelle ce report sera moins onéreux pour les associés,

des décisions modifiant la gestion de la Sci :

afin de supprimer les «complications inutiles », il est décidé du supprimer le système consistant pour la Sci du Chantilly, à louer un local à un associé pour que celui-ci le sous-loue ; il est décidé de supprimer les baux de sous-location et de conclure des baux directement entre la Sci du Chantilly et le sous-locataire ; toutefois « le montant des loyers versés à la Sci sera reversé à chaque associé chaque mois après déduction des frais d'encaissement et de gestion et d'une quote-part des frais généraux »,

il est décidé de faire appel à un géomètre expert afin de rédiger un état descriptif de division pour que les parts détenues par les associés correspondent à « une superficie déterminée et localisée dans l'immeuble », avec des parties communes faisant l'objet d'un ou plusieurs lots,

au chapitre « répartition des bénéfices », il est décidé que les loyers étant différents pour chacun des locaux, les associés décident de répartir entre eux fiscalement et comptablement les résultats en fonction des loyers versés, chaque assemblée générale annuelle statuant sur l'affectation et la répartition du résultat.

Il en résulte que cette assemblée générale a officialisé le mode de gestion antérieur en ce qu'elle a pérennisé les liens entre parts sociales et local déterminé d'une part, entre local déterminé et droit à la répartition des bénéfices d'autre part, et que si elle a reporté la possibilité pour un associé de se retirer, elle n'en a pas moins commencé à se préparer pour une telle échéance en se donnant les moyens de faire passer l'immeuble sous le régime de la copropriété.

La Sci La Tourangelle, bien qu'ayant voté les décisions prises, en critique longuement la forme dans ses conclusions, sans toutefois en demander l'annulation.

Il est constant que les difficultés relationnelles entre la Sci La Tourangelle et la Sci du Chantilly ont commencé après qu'ait été tenue cette assemblée générale, et qu'elles sont été notablement aggravées par les dissensions existant entre les deux anciens associés Me [O] et Me [C].

Me [C], par l'intermédiaire de la société Ysengrin, dont il est le gérant, a lui-même acquis des parts sociales de la Sci du Chantilly durant l'année 2010.

Les prétentions de la Sci La Tourangelle doivent indiscutablement être examinées dans ce contexte.

Sur la demande de retrait formée par la Sci de La Tourangelle :

La Sci La Tourangelle justifie sa demande de retrait de la Sci du Chantilly par la volonté démontrée des autres associés de l'exclure de la vie sociale de la société ; ainsi, ne lui seraient pas communiqués les comptes, les procès-verbaux des assemblées générales qui se sont tenues, les déclarations fiscales, les éléments en vue de préparer les assemblées générales, tandis que les convocations lui seraient adressées délibérément à une adresse erronée.

Elle fonde son action sur les dispositions des articles 40 et 41 du décret du 03 juillet 1978 qui prévoient les modalités selon lesquelles les associés sont convoqués aux assemblées générales et celles selon lesquelles leurs sont délivrées les informations nécessaires à ce qu'ils puissent donner un consentement éclairé lors du vote des résolutions.

A cet égard, il doit être relevé que jusqu'à la date du 24 avril 2011, le siège social de la Sci La Tourangelle était situé à Avoine et que cette adresse a figuré sur son kbis jusqu'à ce que son gérant publie la modification de l'adresse du siège social, désormais situé à Curgand.

La Sci La Tourangelle ne justifie pas avoir avisé la Sci du Chantilly de son changement de siège social avant un courrier du 06 août 2011 et ne peut utilement conclure à l'absence de convocation ou de délivrance d'information, les pièces versées aux débats par la Sci du Chantilly démontrant que durant l'année 2010 les courriers recommandés lui ayant été adressés sont revenus avec la mention « boîte non identifiable ».

Tel a notamment été le cas de la convocation datée du 29 octobre 2010 pour l'assemblée générale qui s'est tenue le 18 novembre 2010 en son absence, compte tenu de l'impossibilité de délivrance de la convocation ; tel a aussi été le cas du courrier de notification du procès-verbal de l'assemblée.

D'autre part, s'il est exact qu'il a pu arriver à Me [C] de lui adresser un courrier au domicile de son gérant, cette adresse ne pouvait être utilement utilisée pour l'envoi de courriers imposés par une disposition légale ou réglementaire.

Ensuite, aucune assemblée n'a été tenue en 2011, période durant laquelle un expert-comptable nouvellement désigné tentait de reconstituer les comptes, ainsi qu'il sera évoqué plus bas, et la convocation à l'assemblée générale du 12 avril 2012 est régulière, adressée à l'adresse de [Localité 17], avec un ordre du jour précis.

La convocation à l'assemblée générale ordinaire du 16 décembre 2013 a été adressée le 28 novembre 2013 à l'adresse de [Localité 17] avec un ordre du jour restreint « questions diverses » ; néanmoins, la Sci La Tourangelle ne s'y est pas fait représentée ; cette assemblée a uniquement statué sur l'approbation des comptes 2012 et il résulte de la pièce 78 de l'appelante que celle-ci avait reçu au préalable, le 12 décembre, du cabinet Reviseco : la copie du solde intermédiaire de gestion, les détails du compte de résultat et la copie de la déclaration fiscale 2072 pour l'année 2012 (qui est nécessairement la reprise du bilan).

La convocation à l'assemblée générale du 24 avril 2014 est régulière dans la forme et contenait l'ordre du jour des questions allant être abordées ainsi que divers documents comptables ; la Sci La Tourangelle en a cependant immédiatement contesté tant le fond que la forme par courrier recommandé auprès des gérants et n'a pas jugé utile de se faire représenter à l'assemblée.

Il résulte donc de l'analyse qui précède que la seule assemblée générale qui apparaisse avoir été irrégulièrement convoquée est celle du 16 décembre 2013, l'ordre du jour étant imprécis et les documents comptables n'ayant pas été adressés dans le délai prévu par les dispositions de l'article 41 du décret du 03 juillet 1978.

La Sci La Tourangelle ne justifie pas toutefois avoir cherché en vain à prendre connaissance de ces documents au siège social de la Sci D Chantilly non plus qu'elle ne justifie pourquoi elle n'a pas participé à l'assemblée générale.

Au demeurant, cette unique irrégularité est insuffisante à motiver son annulation, la Sci La Tourangelle ne s'étant pas présentée à l'assemblée générale pour demander son report, démontrant ainsi que la tardiveté avec laquelle lui avaient été transmis les documents comptables ne lui causait pas de grief.

Aucun motif ne justifie par ailleurs l'annulation des autres assemblées générales.

S'agissant des comptes et des déclarations fiscales, il doit être rappelé que Me [O], lorsqu'il exerçait la profession de notaire, avait reçu mandat de la part des gérants de la Sci du Chantilly d'assurer la gestion de cette dernière contre rémunération. Cette gestion, qui avait commencé en 1996, a pris fin en 2008 lorsque Me [O] a pris sa retraite et que Me [C], son ex-associé, a repris la gestion de la Sci du Chantilly.

Il est avéré par un courrier du 23 février 2001 émanant de Me [O] que celui-ci, malgré les demandes des gérants, a refusé durant ces douze années de faire établir les documents prévus par le plan comptable, tels le bilan et le compte de résultat, contestant que cela soit nécessaire.

Pour sa part, Me [C] n'a pas eu la même analyse et a chargé au mois de Mars 2009, une société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, la société Reviseco, de reconstituer les comptes, lui-même ne se chargeant que de l'écriture des mouvements quotidiens, s'apparentant plus à un trésorier qu'à un comptable.

Me [O] a opposé une fin de non-recevoir à toutes les demandes de communication de pièces qui lui a adressé l'expert-comptable, prétendant qu'elles se trouvaient à l'étude notariale, et la société Reviseco a mis trois années à reconstituer les comptes, en procédant à diverses investigations auprès des services fiscaux (pour rechercher notamment les déclarations de TVA)

La Cour ne peut donc que s'étonner des multiples sollicitations de Me [O] auprès de Me [C] pour obtenir ces comptes, présentées immédiatement après le mandat concédé à Me [C] par les gérants et à une époque à laquelle la société Reviseco cherchait à les établir.

A l'évidence, la teneur des courriers échangés révèle que la Sci du Chantilly fait bien involontairement les frais des dissensions existant entre les anciens associés, le formalisme pointilleux dont se prévaut désormais M. [O] étant un prétexte pour faire trébucher Me [C] en recherchant une faute qui lui soit imputable. Est significatif à cet égard le long courrier adressé le 06 juin 2011 au Cabinet Reviseco, contestant point par point les mentions figurant dans les comptes 2009 lui ayant été adressés et contenant nombre d'accusations ignominieuses contre Me [C].

A l'examen des pièces du dossier de la Sci La Tourangelle, la Cour constate :

que le 16 octobre 2009 lui a été communiqué par Me [C] le relevé du compte de l'année 2008 de la Sci Du Chantilly,

le 06 mai 2011 lui a été communiquée la déclaration fiscale 2072 de l'année 2010,

le 20 mai 2011 lui a été communiquée la déclaration fiscale 2072 de l'année 2009,

le 23 mai 2011 lui a été communiqué le compte client (chez Me [C]) de l'année 2009,

le 27 avril 2012 lui a été communiquée la déclaration fiscale 2072 pour l'année 2011,

le 25 mai 2012 lui ont été communiqués les comptes annuels 2011.

Le 17 décembre 2013, le Cabinet Reviseco lui a adressé le bilan 2012 et le détail de son compte courant pour les années 2010, 2011 et 2012 en lui rappelant que faute de fourniture des documents qu'elle avait sollicité auprès de Me [O], elle n'avait pu établir de bilan complet pour les années 2009 et 2010.

Enfin, la société d'expertise comptable, dans un courrier du 24 février 2014, a attesté avoir elle-même communiqué à Me [O] les documents comptables au fur et à mesure de leur établissement, et de ce fait, la Sci la Tourangelle est infondée à conclure ne pas avoir communication de ces informations.

L'argument tiré du défaut de communication des comptes ne peut donc justifier sa demande de retrait.

La Sci La Tourangelle justifie ensuite sa demande de retrait en alléguant que la répartition des bénéfices se ferait selon des modalités contraires aux statuts.

Il doit être relevé que toutes les pièces comptables reçues par la Sci La Tourangelle ont fait immédiatement et systématiquement dès leur réception l'objet de contestations par son gérant, jusqu'à ce que dans un courrier du 03 Janvier 2014, elle mette cette fois-ci directement en cause le Cabinet Reviseco, l'accusant de modifier au fil des années ses méthodes comptables, de conforter les associés majoritaires, de les enrichir sans cause, d'établir un bilan partial.

Ainsi que l'a relevé la Cour au début de ses motifs, les délibérations de l'assemblée générale du 18 décembre 2008 ont modifié le mode de répartition des bénéfices tel qu'il était prévu aux statuts.

Ainsi que l'a relevé pertinemment le premier juge, les délibérations des assemblées générales postérieures prises en application de celles de cette assemblée sont opposables aux associés même absente.

Dès lors, les contestations formées par la Sci La Tourangelle, qui conteste le mode de répartition voté lors de cette assemblée générale et demande un retour au mode de répartition prévu par les statuts (jamais appliqué en l'occurrence ainsi qu'il a été rappelé) sont infondées.

D'autre part, postérieurement à l'assemblée générale du 18 décembre 2008, le locataire de la Sci la Tourangelle a donné congé ; se prévalant des dispositions prises lors de cette assemblée, la Sci La Tourangelle expose qu'il appartenait à la Sci du Chantilly de donner à bail ce local et qu'elle s'est volontairement abstenue de le faire pour qu'elle-même ne perçoive aucun revenu.

Ainsi qu'il a été rappelé, la volonté unanime des associés, lors du vote des délibérations du 18 décembre 2008, a été de maintenir l'affectation de tel local à tel associé, la suppression des doubles baux étant décidée à titre de simplification sans remettre en cause la libre gestion par chaque associé de son lot ; il appartenait dès lors à la Sci La Tourangelle de rechercher un locataire et de le proposer à la Sci du Chantilly ; l'appelante le reconnaissait d'ailleurs elle-même, dans un courrier du 07 décembre 2009 adressé à Me [C] où elle rappelait que la Sci du Chantilly n'était pas chargée de gérer son local ; le fait qu'après plusieurs années cette dernière se soit décidée à le louer elle-même est une simple conséquence de l'inertie de l'appelante.

Ensuite, la répartition des réserves de 2009 apparaît conforme à la délibération du 22 octobre 2009 et à la variation de valeur des SICAV de trésorerie détenues par la Sci du Chantilly, tandis que les demandes en paiement présentées par la Sci de La Tourangelle résultent de calculs fondés sur des dispositions statutaires modifiées par l'assemblée générale de Décembre 2008.

Par conséquent, les répartitions de bénéfices pratiquées depuis cette date sont conformes à la délibération votée par les associés en décembre 2008, opposables à la Sci de La Tourangelle et ne lui font aucun grief.

S'agissant enfin de la disparition de l'affectio societatis, la Cour relève l'absence de dissensions entre les autres associés de la Sci du Chantilly, seule la Sci La Tourangelle n'étant pas satisfaite du fonctionnement de la société.

La détention des parts est dispersée entre dix associés dont rien n'indique que les intérêts convergeraient en dehors de celui qu'ils manifestent pour la Sci du Chantilly et aucun élément ne permet de conclure à l'existence d'abus de majorité sur telle ou telle question.

Ces associés sont pour la plupart présents depuis la création de la société. Ils ont choisi ensemble sur les conseils de M. [O], qui était alors Maître [O], une certaine forme d'association et un certain type de régime fiscal ; celui-ci impose que durant vingt années la société ne soit pas dissoute sauf à engendrer une taxation préjudiciable à tous.

Le terme est quasiment échu à la date à laquelle la Cour statue et il a été rappelé que la Sci du Chantilly se prépare depuis 2008 à sa dissolution future et au passage de l'immeuble sous le statut de la copropriété.

Il a au surplus été proposé à la Sci La Tourangelle un rachat de ses parts sociales à un prix très proche de celui ayant figuré dans la promesse synallagmatique de 2006, proposition qu'elle a refusée.

L'affectio societatis, qui n'a pas disparu entre neuf associés sur dix, impose donc que la Sci du Chantilly, dans son propre intérêt, continue de fonctionner jusqu'au terme choisi par ses associés lors de sa création et dès lors, les prétentions de la Sci La Tourangelle doivent être rejetées.

Par conséquent le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté la Sci La Tourangelle de ses demandes.

Enfin, la Sci La Tourangelle n'étant pas dispensée de contribuer aux charges de fonctionnement de la Sci du Chantilly, le jugement est confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2.556,72 euros au titre des charges des exercices 2009 et 2010, à laquelle il convient d'ajouter celle de 1.518,14 euros au titre des exercices 2011-2012 et 2013, ces charges étant calculées conformément aux décisions prises lors de l'assemblée générale de Décembre 2008.

La Sci La Tourangelle, qui succombe, est condamnée aux dépens et paiera aux intimés la somme de 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré dans toutes dispositions.

Y ajoutant :

Condamne la Sci La Tourangelle à payer à la Sci du Chantilly la somme de 1.518,14 euros au titre des exercices 2011-2012 et 2013.

Déboute chaque partie du solde de ses demandes.

Condamne la Sci La Tourangelle aux dépens d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Condamne la sci La tourangelle à payer à la Sci du Chantilly la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/02799
Date de la décision : 19/04/2016

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°15/02799 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-19;15.02799 ?
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