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05/01/2016 | FRANCE | N°12/00832

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 05 janvier 2016, 12/00832


1ère Chambre





ARRÊT N°1/2016



R.G : 12/00832













Mme [M] [J] épouse [B]

M. [X] [B]



C/



M. [X] [D]

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
>

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JANVIER 2016





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats e...

1ère Chambre

ARRÊT N°1/2016

R.G : 12/00832

Mme [M] [J] épouse [B]

M. [X] [B]

C/

M. [X] [D]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JANVIER 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Novembre 2015

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Janvier 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [M] [J] épouse [B]

née le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Marc-olivier HUCHET de la SCP HUCHET, vocat au barreau de RENNES

Monsieur [X] [B]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Marc-olivier HUCHET de la SCP HUCHET, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [X] [D]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Vincent LAHALLE de la SELARL LAHALLE/DERVILLERS, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE

M. et Mme [B] sont propriétaires à [Adresse 1], d'une maison d'habitation près de laquelle M. [X] [D] a lui-même fait construire une maison ayant obtenu un permis de construire délivré par le maire de la commune, le 5 juillet 2002.

Ce permis, ainsi que le certificat délivré par le maire, ont fait l'objet de contestations.

Se plaignant de nuisances dues à l'implantation de la maison de M. [D], M. et Mme [B] l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Brest pour troubles anormaux de voisinage.

Par jugement rendu le 4 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Brest a :

débouté les époux [B] de leurs demandes ;

débouté M. [D] de sa demande reconventionnelle ;

ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

condamné solidairement M et Mme [B] à payer à M [D] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [M] [J] épouse [B] et M. [X] [B] ont interjeté appel du jugement par déclaration du 2 février 2012.

Par arrêt rendu le 12 novembre 2013, cette cour a :

sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative ait elle-même statué sur le recours contre la décision implicite de rejet du maire de la commune de [Localité 1] du 29 juillet 2009, de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser l'occupation irrégulière du domaine public routier de la commune ;

ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 juin 2013 et renvoyé l'affaire devant le conseiller de la mise en état.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 27 mars 2015, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [X] [B] et Mme [M] [J] épouse [B] demandent à la cour de :

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande reconventionnelle ;

le réformer pour le surplus ;

condamner M. [X] [D] à payer aux époux [B]-[J], en réparation des préjudices qu'il leur a causé, les sommes suivantes :

préjudice de jouissance (perte de jouissance du portail technique) : 5000 € ;

préjudice de jouissance (perte de tranquillité) : 2 500 €

préjudice par dépréciation de la valeur vénale de la maison : 95 000 € ;

coût du déplacement du portail technique et de l'entrée : 95 523,98 € ;

préjudice lié à l'usage illicite de la voirie : 2 000 € ;

préjudice moral 5 000 € ;

débouter M. [X] [D] de toutes ses demandes ;

condamner M [X] [D] à payer aux époux [B]-[J] la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, lesquels comprendront les honoraires de Ode Immobilier, ceux du notaire Me [R], les frais de constat de géomètre et les frais de constats d'huissiers.

Dans ses dernières conclusions déposées le 14 avril 2015, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [X] [D] demande à la cour de :

débouter M. et Mme [B] de leur appel et de leurs demandes  ;

sur l'appel incident,

condamner M et Mme [B] à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts, en raison du harcèlement judiciaire initié à son encontre par les époux [B] ;

les condamner à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'autorité de la chose jugée :

Même si M. [D] a obtenu un permis de construire et la délivrance d'un certificat de conformité de la construction par lui édifiée, et a été relaxé des poursuites exercées contre lui du chef d'infraction aux règles de l'urbanisme, il ne peut pour autant, opposer aux demandes des époux [B] fondées sur l'existence d'un trouble anormal du voisinage, le moyen d'irrecevabilité tiré de l'autorité de la chose jugée, la régularité des autorisations administratives délivrés pour la construction ne faisant pas obstacle à l'exercice des droits des tiers.

Sur l'existence de troubles anormaux de voisinage :

M et Mme [B] soutiennent en premier lieu, qu'alors qu'ils avaient fait édifier un portail d'une largeur de quatre mètres pour permettre à tous véhicules de livraison, de maintenance ou de travaux d'accéder à l'intérieur de leur propriété, les travaux d'aménagement réalisés par M. [D] sous la forme d'un talus arboré et de l'installation d'un compteur d'eau ont empêché des poids lourds de déposer des matériaux et notamment, du sable et du gravillon à l'intérieur de leur propriété, les contraignant à déposer ces matériaux sur la voie publique.

M et Mme [B], pour rapporter la preuve des empiétements qu'aurait réalisés M. [D] au détriment de la voirie communale, produisent un constat d'huissier en date du 23 février 2009 qui relate que la ' juxtaposition du plan cadastral et la vue aérienne des propriétés permet d'affirmer qu'il existe des aménagements au profit de la propriété [D] sur ce qui apparaît comme une voie communale (...) Du fait de ces aménagements, le portail de la propriété [J] ([B]), orienté vers la voie publique pour permettre un accès direct aux véhicules de gros gabarit, ne peut servir à cet usage.'.

L'huissier a également constaté la présence d'un poteau téléphonique gênant la circulation des véhicules sur la voie communale.

Les époux [B] ont également communiqué une attestation de M. [O], entrepreneur de travaux publics, qui a réalisé pour eux la livraison de matériaux et le déblaiement d'arbres et qui déclare que l'implantation d'un compteur d'eau par un voisin dans l'espace où manoeuvraient les camions et l'édification d'un talus bâché et arboré a modifié la réalisation et le coût de ses prestations.

Cependant, l'existence du trouble qui s'est manifesté pour les époux [B] par les difficultés d'accès des véhicules utilitaires à leur propriété par le portail technique par eux construit, repose sur le postulat d'une emprise réalisée par M. [D] sur la voie communale.

La communication aux débats du jugement rendu par le tribunal administratif de Rennes le 22 mars 2013, révèle que M. et Mme [B]-[J] ont demandé l'annulation de la décision implicite de rejet du maire de la commune de [Localité 1] du 29 juillet 2009 de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour faire cesser l'occupation irrégulière du domaine public routier de la commune par M. [D].

Le tribunal administratif a annulé cette décision implicite de rejet de la demande de M. et Mme [B] et a enjoint à la commune de [Localité 1] d'engager les démarches nécessaires tendant à la délimitation de la voirie publique en limite de la parcelle cadastrée BZ n° [Cadastre 1] appartenant à M. [D].

La cour administrative d'appel de Nantes a été saisie par M. [D] d'une requête contre le jugement du tribunal administratif de Rennes.

Par arrêt du 13 février 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté les requêtes de M. [D] et de la commune et a enjoint à cette dernière de faire procéder à la délimitation de la voie communale VC n° 41 au droit de la parcelle cadastrée BZ n° [Cadastre 1] appartenant à M [D], de justifier de ses diligences dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 € par jour de retard et de prendre, le cas échéant, les mesures de nature à faire cesser l'occupation irrégulière de la voie publique au droit de la parcelle BZ n°[Cadastre 1].

En exécution de cette décision, le maire de la commune de [Localité 1] a, le 13 mars 2015, pris un arrêté d'alignement défini 'selon la limite de fait actuelle avec le domaine public communal', représentée sur le plan de division annexé dressé par le cabinet de géomètre expert E %T de [Localité 5],par un trait rouge qui intègre le triangle contesté par les époux [B] dans le périmètre privatif de M. [D] pour 86 m2 et ceci en raison,lors d'un ré aménagement antérieur du carrefour, d'un échange entre la commune et ce dernier d'une parcelle de 155 m2 intégrée à la voirie communale.

Ainsi, la réalité de l'emprise irrégulière invoquée par M. et Mme [B] n'est pas établie et bien au contraire, elle résulte d'un échange de surfaces entre la commune et M [D] pour permettre l'aménagement du carrefour où elle se trouve.

Il reste à vérifier si la gêne qu'occasionnent à M. et Mme [B] les ouvrages réalisés par leur voisin sur le triangle litigieux ainsi que les connexions de ces derniers aux réseaux publics de distribution de l'eau et de téléphonie, ne constitue pas pour autant une gêne excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Malgré les nombreux constats d'huissier versés aux débats par M. et Mme [B], les attestations d'entrepreneurs ayant réalisé des travaux chez eux, il reste inconcevable de considérer, comme ils le font depuis de nombreuses années, que la présence d'un poteau téléphonique et d'un petit talus situés sur le triangle formant une pointe dans la voie communale, seraient pour eux une source de gêne telle qu'elle dégénérerait en trouble anormal de voisinage.

En effet, une première considération doit être rappelée, c'est que les deux propriétés sont séparées par un chemin goudronné permettant aux véhicules un libre accès chez M. et Mme [B].

S'il peut arriver, lorsque ces derniers doivent procéder à des travaux, que l'accès à leur propriété soit rendu difficile, cela résulte avant tout de la configuration des lieux et cette difficulté est minorée par le fait que de tels travaux, s'agissant d'une maison d'habitation, n'ont qu'un caractère exceptionnel et qu'au surplus, la propriété [B] [J], qui est de dimension vaste, dispose, outre le portail situé non loin du triangle aménagé par M [D], d'une autre entrée plus au sud.

Aussi, les demandes tendant à reconnaître l'existence de troubles anormaux de voisinage qui se concentrent toutes sur le rejet par les époux [B] de la présence, à proximité de leur propriété isolée dans les champs, d'une maison construite il y a une dizaine d'années par M. [D], ne peuvent qu'être rejetées, faute d'élément pouvant caractériser un trouble anomal de voisinage.

A cet égard, il n'est pas sérieux de dire que la vue depuis l'immeuble [B] [J] serait atteinte, alors que cette propriété est homogène, clôturée et qu'il n'existe pas un droit à la vue sur des champs, n'étant pas exclu q'un jour soient édifiées d'autres constructions autorisées pour l'exploitation agricole des terres ou rattachables à une exploitation.

Aussi, par ces motifs et ceux développés par les premiers juges que la cour fait siens, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [B] de leurs demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [D]

Depuis qu'il a déposé une demande de permis de construire en 2002, M. [D] est l'objet, de la part de M. et Mme [B], de multiples procédures toutes fondées sur le rejet de ces derniers de voir à proximité de leur immeuble, qui constitue une propriété homogène et vaste composée d'un ensemble bâti situé dans un environnement calme et verdoyant, clôturé et entouré de végétaux au Nord, à l'Ouest et au Sud,s'installer une maison d'habitation située à proximité à l'Est, tout en étant séparée par une voie d'accès.

S'il est concevable que M. et Mme [B] aient pu regretter la situation antérieure de leur immeuble avant la construction édifiée par M.[D] à proximité de celui-ci, pour autant, leur droit de défendre leurs intérêts a dégénéré en abus, tant leurs exigences vis à vis de leur voisin et le peu d'éléments qu'ils ont pu faire valoir pour caractériser les troubles qu'ils auraient subi, ont été excessives et se sont traduites par une multiplication des procédures, les juridictions pénales, civiles et administratives ayant été saisies à plusieurs reprises.

Par ailleurs, les demandes formées par les époux [B], allant jusqu'à réclamer des sommes tout aussi importantes que non fondées n'ont pu qu'accroitre le préjudice déjà subi par M. [D] du seul fait de la multiplication des procédures intentées.

Aussi, l'abus du droit d'ester en justice exercé par les époux [B] à l'égard de M. [D] constitue, pour ce dernier, un préjudice réel ayant eu des répercussions sur la vie de sa famille et de nature à influer sur son état de santé et celui de sa compagne.

Dès lors, il sera alloué à M. [D] en réparation de son préjudice la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts.

sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il sera alloué à M. [X] [D], pour ses frais irrépétibles d'appel, une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et M. et Mme [B] seront également condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt du 12 novembre 2013,

Confirme le jugement rendu le 4 janvier 2012 par le tribunal de grande instance de Brest, sauf en ce qu'il a débouté M. [X] [D] de sa demande reconventionnelle ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne in solidum M. [X] [B] et Mme [M] [J] épouse [B] à payer à M. [X] [D] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [X] [B] et Mme [M] [J] épouse [B] à payer à M. [X] [D] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [X] [B] et Mme [M] [J] épouse [B] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER.LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/00832
Date de la décision : 05/01/2016

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°12/00832 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-05;12.00832 ?
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