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24/11/2015 | FRANCE | N°15/01174

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 24 novembre 2015, 15/01174


COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2015
6ème Chambre B
ARRÊT N737
R.G : 15/01174

Melle Aminata X...
C/
CONSEIL GENERAL DE LOIRE ATLANTIQUE

Infirme la décision déférée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Madame PAULY, avocat général, entendu en ses réquisitions,

DÉBATS :
En chambre du Conseil du 19 Octobre 2015
ARRÊT :
réputé contradictoire, prononcé hors la présence du pu...

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2015
6ème Chambre B
ARRÊT N737
R.G : 15/01174

Melle Aminata X...
C/
CONSEIL GENERAL DE LOIRE ATLANTIQUE

Infirme la décision déférée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Madame PAULY, avocat général, entendu en ses réquisitions,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 19 Octobre 2015
ARRÊT :
réputé contradictoire, prononcé hors la présence du public le 24 Novembre 2015 par mise au disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.

ENTRE :

APPELANTE :
Mademoiselle Aminata X... Conseil Général de LOIRE-ATLANTIQUE 3 quai Ceinerey 44041 NANTES CEDEX 1 non comparante représentée par Me Katell LE BIHAN, avocat

ET :
LE CONSEIL GENERAL DE LOIRE ATLANTIQUE 3 quai Ceineray BP 94109 44041 NANTES CEDEX non comparant

Aminata X..., de nationalité guinéenne, se disant née le 10 septembre 1997, est arrivée à Nantes le 2 mars 2013, en indiquant avoir fui son pays par bateau, pour éviter un mariage forcé auquel un de ses oncles voulait la contraindre, ainsi que des maltraitances.
Le 15 mai 2013, elle a présenté requête au juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs du Tribunal de grande instance de Nantes, afin d'obtenir l'ouverture d'une mesure de tutelle. Par ordonnance du 21 juin 2013, le magistrat précité la déboutait de sa demande. Sur appel, la cour de céans a, par arrêt du 17 juin 2014, confirmé l'ordonnance déférée ; constaté que Aminata X... était majeure à la date de la requête ; rejeté toute autre demande et dit que les dépens restaient à la charge de l'État.
Par décision du 4 avril 2014, le juge des enfants du Tribunal de grande instance de Nantes confiait Aminata X... au Président du conseil général du département de la Loire-Atlantique, à compter du jour de la décision jusqu'au 31 octobre 2014.
Placée en famille d'accueil, l'intéressée était ensuite confiée au Service "At Home" de l'association Saint Benoît Labre à Nantes.
Par courrier du 17 novembre 2014, le Président du conseil général du département de la Loire-Atlantique demandait au juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs du Tribunal de grande instance de Nantes d'ouvrir une mesure de tutelle au bénéfice de Aminata X... ; de la lui déférer, ce afin d'assurer sa garde et sa représentation légale, et d'ordonner mainlevée de la mesure d'assistance éducative.
Lors de son audition par le magistrat saisi de la procédure le 4 décembre 2014, elle déclarait ne pas disposer d'autres documents que ceux qui avaient été produits dans l'instance précédente ayant donné lieu à l'arrêt de la cour du 17 juin 2014 ; qu'elle avait téléphoné à une copine en Guinée, laquelle avait pu obtenir pour elle un passeport, sans qu'elle ait eu besoin de lui fournir aucun document à cette fin ; qu'il lui a été remis par le frère de cette personne lors de sa venue en France.
Ce passeport a été soumis à l'examen de la Cellule de fraude documentaire de la Direction départementale de la Police aux frontières de Loire-Atlantique à Nantes. Ce service a conclu, le 19 janvier 2015, qu'il s'agissait d'un document authentique, mais que son analyse ne portait pas sur les conditions de sa délivrance.
Par ordonnance du 8 décembre 2014, le juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs du Tribunal de grande instance de Nantes relevait que les déclarations de Aminata X... concernant la délivrance de ce passeport par les autorités guinéennes étaient confuses et peu vraisemblables ; qu¿au soutien de ses prétentions, elle se prévalait des mêmes documents que ceux produits devant la cour et ayant donné lieu au prononcé de l'arrêt du 17 juin 2014 ; qu'elle ne fournissait aucun élément nouveau de nature à justifier un nouvel examen de sa situation ; que la demande du Président du conseil général du département de la Loire-Atlantique était irrecevable, en raison de l'autorité de la chose jugée s'attachant à la décision de la cour du 17 juin 2014.
Cette ordonnance était notifiée au conseil de Aminata X... le 11 décembre 2014.
Par déclaration souscrite le 22 novembre 2014 au greffe du Tribunal de grande instance de Nantes, Aminata X... interjetait appel de cette décision, par l'intermédiaire de son avocat.
À l'audience de la cour, le conseil de Aminata X... sollicitait l'infirmation de la décision querellée ; la constatation de son état de minorité ; l'ouverture d'une tutelle à son profit, déférée au Président du conseil général du département de la Loire Atlantique.
Le ministère public a émis un avis de confirmation de l'ordonnance entreprise.
SUR CE :
L'article 1351 du Code civil dispose : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité."
Or, dans la présente affaire, le Président du conseil général du département de la Loire Atlantique est l'auteur de la demande saisissant le juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs du Tribunal de grande instance de Nantes et intimé sur l'appel formé par Aminata X..., alors que dans l'instance ayant abouti à l'arrêt de la cour prononcé le 17 juin 2014, il n'était pas partie à la procédure.
Il en résulte que les conditions juridiques exigées par la loi ne sont pas réunies pour que l'arrêt du 17 juin 2014 puisse être considéré comme revêtu de l'autorité de la chose jugée.
Partant, l'ordonnance déférée ne pourra qu'être infirmée en ce qu'elle a déclaré la demande du Président du conseil général du département de la Loire Atlantique irrecevable sur le fondement précité.
Il convient ainsi d'évoquer au fond.
Aux termes de l'article 47 du Code civil : "Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité."
S'agissant du passeport produit par l'appelante, la cour rappelle que si cette pièce vaut comme document d'identité, elle ne constitue en aucun cas un acte d'état civil, alors qu'aucune précision n'est donnée s'agissant des documents à partir desquels ce passeport a été établi en Guinée. La présomption de régularité édictée par l'article 47 du Code civil ne lui est donc pas applicable.
Il en va de même de la carte d'identité consulaire, laquelle a pour seul but de faire connaître ses nationaux à la représentation consulaire en France de l'État étranger dont ils relèvent. Ce document fait simplement foi de la nationalité guinéenne de son détenteur, mais ne constitue pas un acte d'état civil pouvant bénéficier de la présomption de régularité de l'article 47 du Code civil.
Le jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 3 septembre 2013 par le Tribunal de première instance de Conakry comporte des incohérences majeures, puisqu'il indique que le requérant à cette décision est le père de Aminata X..., Monsieur Lancine X..., dont l'appelante a affirmé qu'il était décédé à l'époque à laquelle ce jugement a été rendu.
Dès lors, il y a lieu de considérer que les faits déclarés dans ce jugement ne correspondent pas à la réalité, ce qui rend inapplicable la présomption de régularité de l'article 47 du Code civil.
Enfin, les extraits d'actes de naissance produits, dressés au vu du jugement supplétif précité, sont dépourvus de toute force probante, ceux-ci ne comportant aucune mention relative à leur légalisation , formalité impérative en l'absence de toute dispense conventionnelle entre la France et la Guinée, et, au demeurant, exigée par l'article 182 du Code civil guinéen.
Dans ce contexte, les examens médicaux qui avaient été précédemment pratiqués par le Professeur B... et le Docteur C..., lesquels avaient conclu à un état de majorité de l'appelante, constituent un indice supplémentaire permettant de conclure à la majorité de Aminata X... déjà au 15 mai 2013 et, à plus forte raison, au 17 novembre 2014, date de la demande du Président du conseil général du département de la Loire Atlantique.

PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare l'appel régulier en la forme et recevable quant aux délais ;
Dit que faute d'identité de parties dans la présente instance et celle ayant abouti au prononcé de l'arrêt de la cour de céans le 17 juin 2014, les conditions légales permettant d'invoquer l'autorité de la chose jugée ne sont pas réunies ;
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande du Président du conseil général du département de la Loire Atlantique sur le fondement de l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt susvisé ;
Évoquant, dit que ladite demande est recevable ;
Constate qu'à la date de la demande du Président du conseil général du département de la Loire Atlantique, soit le 17 novembre 2014, Aminata X... était majeure ;
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une mesure de tutelle à son profit ;
Laisse les dépens à la charge de l'État.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 15/01174
Date de la décision : 24/11/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2015-11-24;15.01174 ?
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